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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/3812/2021

ACPR/529/2022 du 05.08.2022 sur OCL/373/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.09.2022, rendu le 01.02.2024, REJETE, 7B_32/2022
Descripteurs : CLASSEMENT DE LA PROCÉDURE;ESCROQUERIE;ASSISTANCE JUDICIAIRE;FRAIS DE LA PROCÉDURE
Normes : CPP.319; CP.148; CPP.136; CPP.427

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/3812/2021 ACPR/529/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 5 août 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Luc-Alain BAUMBERGER, avocat, Schmidt & Associés, rue du Vieux-Collège 10, 1204 Genève,

recourant,

 

contre l'ordonnance de classement rendue le 30 mars 2022 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte déposé le 8 avril 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 30 mars 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Ministère public a classé ses plaintes, rejeté ses réquisitions de preuve et refusé de lui accorder l'assistance judiciaire.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée, à l'octroi de l'assistance judiciaire et au renvoi de la cause au Ministère public pour qu'il procède aux actes d'instruction sollicités.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 19 novembre 2019, A______ a porté plainte contre B______ du chef de faux dans les titres (art. 251 CP).

Le 31 décembre 2016, il avait "vendu" le restaurant – nommé "C______" – dont il était copropriétaire avec sa femme d'alors, D______, à B______. N'ayant toujours pas reçu l'argent de cette vente trois ans plus tard, il avait contacté son avocate [à lui] qui lui avait transmis une lettre datée du 21 février 2017, intitulée "Vente de fonds de commerce du restaurant "C______" / Lettre de renonciation" comportant sa signature alors qu'il n'en avait jamais eu connaissance. Selon ce document, produit avec la plainte, il renonçait "définitivement et inconditionnellement à toutes prétentions passées et futures en relation avec le produit de la vente en question".

Il a également produit une "Convention de remise de fonds de commerce", non datée, à l'exception de la mention "2016", signée par B______, désigné comme le cédant, E______, le cessionnaire, D______ et lui-même (les deux, sans désignation quant à leur rôle). Selon cette convention, E______ acquérait le restaurant contre la somme globale de CHF 300'000.-.

b. À la suite du dépôt de cette plainte, la police a établi un rapport de renseignements, en annexe duquel figure une "Convention de remise de fonds de commerce" du 21 décembre 2016, signée par B______ (le cédant) et E______ (le cessionnaire), par laquelle ce dernier acquiert le restaurant contre la somme de CHF 250'000.-.

c. Le 19 mai 2021, la police a procédé à l'audition de B______, qui a contesté les faits reprochés.

A______ avait bien signé le document "Vente de fonds de commerce du restaurant "C______" / Lettre de renonciation" alors qu'ils étaient les deux au restaurant. Il ne se souvenait plus s'il y avait des témoins. La vente du restaurant s'était déroulée "normalement", dans le respect de la "Convention de remise de fonds de commerce".

d. Par lettres des 25 et 31 mai 2021, B______ a complété ses explications.

Il avait plusieurs fois aidé A______ pour sauver le restaurant, notamment en lui prêtant la somme de CHF 20'000.- en 2015 ou en payant directement les factures de certains créanciers. Malgré cela, l'entreprise restait au bord de la faillite. A______ et D______ avaient cherché à vendre le restaurant au début 2016 à un repreneur intéressé, soit E______, au prix de CHF 300'000.- mais l'opération n'avait pas abouti en raison du comportement du premier. Pour faciliter la vente, il avait signé, le 29 juillet 2016, avec A______ et D______, une convention pour lui donner la capacité de céder le fonds de commerce. Il avait alors recontacté E______, dont la nouvelle offre ne dépassait pas CHF 250'000.-. Me F______, alors avocat de A______, avait validé cette vente le 20 décembre 2016 et les clés avaient été remises à E______ le 10 janvier 2017.

En annexes à ces lettres, B______ a produit de nombreux documents, dont notamment:

- un courriel de lui à Me F______ du 15 juin 2016 où il écrit: "Je vais tenter d'entrer moi-même en contact avec cet acheteur potentiel pour faciliter une nouvelle transaction. Si cela fonctionne, le plus difficile sera la répartition du produit de la vente, après remboursement de mes avances, qui dépassent aujourd'hui les CHF 60'000.- et de vos honoraires !";

- un courriel de Me F______ du 4 juillet 2016, le remerciant d'avoir "épongé le plus gros des dettes" du restaurant, précisant que A______ continuait néanmoins d'encaisser le produit de l'exploitation sans payer les créanciers. Il lui conseillait d'obtenir un mandat pour négocier la revente du fonds de commerce, ce qui nécessitait d'obtenir l'accord préalable de A______;

- une copie de la convention du 29 juillet 2016 signée avec A______ et D______, stipulant que ceux-ci étaient disposés à céder le fonds de commerce pour une somme qui ne serait pas "inférieure à CHF 300'000.- sauf accord contraire". B______ y recevait également le mandat d'entreprendre toutes démarches utiles à la vente;

- un courriel de Me F______ à B______ du 4 octobre 2016 libellé comme suit: "Je suis personnellement favorable à cette solution [céder le restaurant pour CHF 250'000.-] et nous allons entreprendre Mme dans ce sens; pour M., nous avons moins de maîtrise, mais il doit comprendre que c'est ça où nous perdons tout. [ ] si vous pouvez de votre côté mettre M. au pied du mur. Cela étant et en cas de réticence de sa part, nous avons rédigé un pouvoir volontairement assez large en votre faveur pour aller de l'avant si cela est dans l'intérêt bien compris de tout le monde et c'est manifestement le cas. [ ]";

- un décompte final pour un "Contrat de prêt du 25 septembre 2021" adressé par lui à A______ et D______, faisant état d'un montant prêté à ceux-ci de CHF 20'000.-, avec CHF 5'750.- d'intérêts et de pénalités contractuelles;

- un courriel de Me F______ du 4 avril 2017 se lisant notamment comme suit: "Je suis moi-même un peu effaré de constater qu'il reste autant de cadavres dans le placard, partant de l'idée que vos règlements avaient soldé les dettes existantes au moins celles du restaurant. [ ] Quoiqu'il en soit, je crois qu'il faut poursuivre selon nos accords; vous encaissez, prélevez la part de votre créance et me reversez le reste".

e. Le 17 juin 2017, le Ministère public a tenu une audience de confrontation.

B______ a confirmé ses précédentes déclarations et expliqué avoir reçu, le 20 janvier 2017, un courriel de Me F______ – qu'il a produit à l'audience – où ce dernier indiquait que A______ devait "renoncer à toute prétention sur le produit de la vente", pour avoir encaissé les recettes du restaurant durant une longue période, sans couvrir les charges du commerce. Me F______ lui avait demandé s'il était en mesure de faire signer à A______ une telle renonciation. Il avait alors rédigé un document qu'il avait fait signer à l'intéressé, puis en avait informé Me F______. La signature était intervenue au domicile de l'ex-compagne de A______, qui était présente à cette occasion. Pour lui, A______ comprenait ce qu'il signait. Sur le produit de la vente, il avait perçu CHF 97'445.05, ce qui remboursait ses avances, versant au dossier à cet égard un tableau récapitulatif des factures payées par ses soins, d'un montant total de CHF 97'445.05.

Au cours de son audition, B______ a fait écouter au Procureur un message vocal de A______ où celui-ci lui demande "d'enlever la signature que tu m'as faite".

Entendu à son tour, A______ a expliqué, en lien avec ce message vocal, avoir effectivement signé la lettre de renonciation le 21 février 2017, alors que B______ lui avait dit "signe mon frère, comme d'habitude". Il n'avait pas regardé ce qu'il signait. S'agissant de la convention du 29 juillet 2016, D______ et lui l'avaient signée sans la comprendre et ils n'avaient pas signé celle du 21 décembre 2016, stipulant un prix de vente de CHF 250'000.-. Comme il avait une confiance totale en B______, il ne lisait jamais les documents soumis par ce dernier. Il était exact que B______ avait payé de nombreuses factures de créanciers du restaurant "à titre d'avances".

f. Le 15 juin 2021, le Ministère public a avisé les parties de son intention de classer la procédure.

En réponse, A______ a sollicité l'audition de D______ pour élucider les circonstances entourant la signature de la lettre de renonciation.

g. Le 24 septembre 2021, A______ a déposé un complément de plainte à l'encontre de B______ pour escroquerie (art. 146 CP).

Il y explique n'avoir jamais été consulté sur le prix de CHF 250'000.- pour la vente du restaurant, ni y avoir consenti. B______ avait joué sur la confiance qu'il lui accordait pour lui faire signer la lettre de renonciation, en sachant qu'il ne vérifierait pas son contenu. B______ avait agi de la sorte en accord avec Me F______, lequel avait exprimé par courriel le souhait et la nécessité d'obtenir sa renonciation. Il sollicitait à nouveau l'audition de D______, ainsi que celle de l'ancienne avocate de celle-ci, qui avait – selon lui – perçu une somme sur le produit de la vente.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public souligne, à titre liminaire, le contexte conflictuel, imposant de considérer avec circonspection les allégations des parties et retient ensuite que la prévention de faux dans les titres ne tenait pas, dès lors que A______ avait admis avoir signé la lettre de renonciation. S'agissant de l'escroquerie, les déclarations de ce dernier étaient jugées peu crédibles car variables. Il ressortait certes d'échanges de courriels que Me F______ avait demandé à B______ de faire signer une telle renonciation à A______, mais rien ne permettait de conclure que le prévenu avait agi dans le dessein de tromper l'intéressé, ni de s'enrichir illégitimement. Les fonds reçus par B______ sur le produit de la vente lui avaient servi à rembourser les sommes qu'il avait prêtées à A______. Il n'était pas non plus établi que B______ eut abusé de la confiance de A______ pour lui faire signer des documents sans en vérifier le contenu. Il appartenait de toute manière au plaignant de faire preuve d'un minimum de prudence. L'élément constitutif de l'astuce n'était ainsi pas réalisé. Les actes requis par A______ n'avaient pas de pertinence pour la cause, les personnes dont l'audition était sollicitée n'étant pas présentes au moment de la signature du document litigieux. Compte tenu de ses déclarations peu crédibles, les chances de succès d'une action civile de A______ étaient inexistantes. L'assistance judiciaire lui était donc refusée. Ce dernier avait en outre déposé une plainte pénale pour faux dans les titres alors qu'il savait avoir signé lui-même le document contesté. En déposant une plainte injustifiée, il avait agi de façon téméraire et se voyait donc condamner à la moitié des frais de la procédure, arrêtés à CHF 840.-.

D. a. Dans son recours, A______ liste quatre "griefs" : "violation du droit, constatation incomplète des faits et arbitraire relatifs à l'ordonnance de classement; violation du droit, constatation incomplète des faits et arbitraire relatifs à la clôture de l'instruction, violation du droit et arbitraire relatifs à l'assistance judiciaire; excès et abus du pouvoir d'appréciation relatif aux frais de la procédure".

S'agissant du classement, le dépôt d'une plainte s'inscrivait toujours dans un contexte conflictuel. Les infractions commises "entre quatre yeux" étaient en outre rarement corroborées par des preuves matérielles. Il appartenait au Ministère public d'établir les faits, en particulier la question de savoir si B______ avait ou non utilisé le rapport de confiance qui les liait pour lui faire signer des documents en tenant pour acquis qu'il ne les lirait pas. Ses déclarations n'étaient pas contradictoires, les divergences s'expliquaient par son manque de connaissances juridiques. De son côté, il dénonçait n'avoir jamais signé la lettre de renonciation et, sur la base des éléments au dossier, le Ministère public aurait dû requalifier les actes reprochés en escroquerie. Les éléments constitutifs de cette infraction étaient réunis et le simple fait que le prévenu contestât les accusations était insuffisant pour emporter la conviction du Ministère public.

L'audition de D______ devait permettre de prouver qu'il avait l'habitude de signer des documents soumis par B______ sans en lire le contenu. Le rôle de Me F______ était également prépondérant et son audition s'imposait à ce titre. Le Ministère public s'était mépris sur la portée du rapport de confiance avec B______, et les courriels échangés avec Me F______ constituaient des indices forts, qu'il était impossible d'ignorer sans tomber dans l'arbitraire.

S'agissant de la clôture de l'instruction, le Ministère public était tenu de rechercher les éléments propres à établir les circonstances dans lesquelles la signature de la lettre de renonciation était intervenue. Les échanges précités démontraient la détermination des autres parties à obtenir sa signature, afin d'obtenir "un maximum d'argent issu de la vente pour eux-mêmes". En refusant les auditions sollicitées, le Ministère public préjugeait leur utilité et versait dans l'arbitraire. Les éléments au dossier laissaient subsister "un doute insurmontable" emportant, par le classement de la procédure, une violation du principe in dubio pro duriore.

S'agissant de l'assistance judiciaire, son indigence était démontrée par la procédure. Son action civile n'était, en outre, pas vouée à l'échec, les faits dénoncés étant constitutifs d'un dol au sens de l'art. 28 CO. Sa condamnation à la moitié des frais de la procédure mettait en danger sa situation financière, déjà précaire, ce qui constituait un abus du pouvoir d'appréciation.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public d'avoir classé ses plaintes.

3.1.        Conformément à l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de la procédure, lorsque : aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a); les éléments constitutifs d’une infraction ne sont pas réunis (let. b); des empêchements de procéder sont apparus (let. d).

Cette disposition doit être appliquée conformément au principe "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).

3.2.       L'art. 251 ch. 1 CP punit celui qui, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre.

3.3. Commet une escroquerie au sens de l'art. 146 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l'aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

L'enrichissement illégitime peut consister en n'importe quel avantage d'ordre économique auquel l'auteur n'a pas droit. Par conséquent, le créancier qui trompe son débiteur, par des affirmations fallacieuses, dans le but d'obtenir le paiement d'une dette échue, ne commet pas une escroquerie (ATF 81 IV 25 consid. 2 p. 28; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ (éds), Commentaire romand, Code pénal II, vol. II, Partie spéciale : art. 111-392 CP, Bâle 2017, n. 123 ad art. 146).

3.4. En l'espèce, le Ministère public a d'abord classé la procédure en tant qu'elle portait sur l'infraction de faux dans les titres, au motif que le recourant avait admis avoir signé la lettre de renonciation du 21 février 2017. Le recourant ne remet pas en cause ce raisonnement, reprochant plutôt au Ministère public d'avoir ignoré la possibilité qu'il eût signé ce document sans en comprendre le contenu, ce qui a trait à l'infraction d'escroquerie.

Il faut donc retenir, à l'instar du Ministère public, que le recourant a effectivement signé cette lettre de renonciation. Dans ces circonstances, il n'y a pas la place pour la réalisation d'un faux dans les titres et le classement de la procédure sur cet aspect ne prête pas le flanc à la critique.

S'agissant de l'infraction d'escroquerie, le recourant s'évertue à réfuter deux arguments du Ministère public: le caractère variable de ses déclarations et la non-réalisation de l'élément constitutif de l'astuce. Pour ce faire, il invoque – de façon décousue – une violation du droit, une constatation incomplète des faits et l'arbitraire.

Il est un aspect de l'ordonnance querellée qu'il ne traite toutefois pas, à savoir celui du dessein d'enrichissement illégitime, nié par le Ministère public.

Or, les déclarations des parties s'accordent pour dire que le prévenu a plusieurs fois soutenu financièrement le recourant pour sauver le restaurant de la faillite. Ce dernier a également admis, lors de son audition, que les montants payés par le prévenu aux créanciers constituaient des "avances", impliquant un remboursement. D'ailleurs, le décompte pour le "Contrat de prêt du 25 septembre 2021" conforte l'idée, d'une part, que le prévenu a bien avancé des sommes en faveur du recourant et, d'autre part, que la nature juridique de ses avances relevait du prêt.

En résumé, il est établi – sans être même contesté – que le prévenu disposait d'une créance en remboursement contre le recourant.

Des échanges de courriels impliquant le prévenu, il ressort en outre que la part du produit de la vente du restaurant devait servir à lui rembourser cette créance. Lors de son audition, il a produit un tableau récapitulatif de celles-ci – s'élevant à CHF 97'445.05, ce qui n'a jamais été remis en cause par le recourant – et expliqué avoir perçu l'équivalent sur le prix de la vente.

Il découle de ce qui précède que la part perçue par le prévenu sur le produit de la vente a servi le seul but de solder ses créances contre le recourant. Dans ces circonstances, la condition d'enrichissement illégitime nécessaire à l'escroquerie doit être niée et, partant, le classement de l'infraction s'avère justifié.

Quant au solde du produit de la vente, les tiers en ayant bénéficié n'ont fait l'objet d'aucune plainte de la part du recourant.

4.             Compte tenu de ce qui précède, les griefs d'une constatation incomplète des faits et d'arbitraire peuvent être rejetés. La Chambre de céans disposant en effet d'un plein pouvoir de cognition en droit et en fait (art. 393 al. 2 CPP; ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 p. 197), elle a établi l'état de fait en tant que besoin.

5.             Les réquisitions de preuves peuvent également être écartées. Elles ne visent pas à remettre en cause le bienfondé des créances du prévenu ou son remboursement sur le produit de la vente et ne peuvent, dès lors, contredire les raisonnements du considérant précédent.

6.             Le recourant reproche au Ministère public de lui avoir refusé l'assistance judiciaire.

6.1. À teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.

L'art. 136 CPP concrétise les conditions d'octroi de l'assistance judiciaire pour la partie plaignante dans un procès pénal (arrêt du Tribunal fédéral 1B_317/2021 du 9 décembre 2021 consid. 4.1). Selon l'alinéa 1 de cette disposition, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l'assistance judiciaire à la partie plaignante indigente pour lui permettre de faire valoir ses prétentions civiles si l'action civile ne paraît pas vouée à l'échec.

La cause du plaignant ne doit pas être dénuée de toute chance de succès. La demande d'assistance judiciaire gratuite doit être rejetée lorsqu'il apparaît d'emblée que la démarche est manifestement irrecevable, que la position du requérant est juridiquement infondée ou si la procédure pénale est vouée à l'échec, notamment lorsqu'une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement doit être rendue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_254/2013 du 27 septembre 2013 consid. 2.1.1).

6.2. En l'espèce, la question de l'indigence du recourant peut souffrir de rester indécise compte tenu de ce qui suit.

Le recourant consacre plusieurs pages à démontrer la réalisation d'un dol au sens de l'art. 28 CO pour étayer les chances de succès de ses prétentions civiles.

Ce faisant, il néglige les aspects factuels – établis et incontestés – discutés supra (consid. 3), à savoir que le prévenu n'a, d'un point de vue global, obtenu aucun enrichissement – a fortiori illégitime – puisque le montant perçu sur le produit de la vente a servi à rembourser ses avances au recourant. C'est donc à bon droit que le Ministère public a nié toute chance de succès d'une action civile.

La requête ne pouvait dès lors qu'être rejetée.

7.             Le recourant conteste enfin sa condamnation à la moitié des frais de la procédure devant l'instance précédante.

7.1. Selon l'art. 427 al. 2 CPP, en cas d'infractions poursuivies sur plainte, les frais de procédure peuvent être mis à la charge de la partie plaignante ou du plaignant qui, ayant agi de manière téméraire ou par négligence grave, a entravé le bon déroulement de la procédure ou rendu celle-ci plus difficile lorsque la procédure est classée ou le prévenu acquitté (let. a) et que le prévenu n'est pas astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 (let. b).

La règle de l'art. 427 al. 2 CPP a un caractère dispositif; le juge peut donc s'en écarter si la situation le justifie. La loi est muette sur les motifs pour lesquels les frais sont ou non mis à la charge de la partie plaignante. Le juge doit statuer selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Il dispose d'un large pouvoir d'appréciation à cet égard (ATF 138 IV 248 consid. 4.2.4 p. 254; arrêt du Tribunal fédéral 6B_108/2018 du 12 juin 2018 consid. 3.1).

7.2. En l'espèce, le recourant ne conteste pas que les conditions de l'art. 427 al. 2 CPP soient réalisées mais soutient que, compte tenu de ses difficultés financières, la décision du Ministère public constituait un abus du pouvoir d'appréciation.

Il faut toutefois rappeler qu'il a porté plainte contre le prévenu pour faux dans les titres alors qu'il savait avoir signé la lettre de renonciation, dont il avait préalablement affirmé n'avoir jamais eu connaissance. En outre, le montant laissé à sa charge ne représentent que la moitié des frais totaux, lesquels ne sont pas excessifs.

La décision du Ministère public n'apparaît ainsi pas inéquitable.

8.             Infondé, le recours sera dès lors intégrallement rejeté.

9.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président ; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/3812/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total

CHF

800.00