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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/24933/2021

ACPR/517/2022 du 03.08.2022 sur OMP/11723/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : DÉFENSE D'OFFICE;REMPLACEMENT;RELATION DE CONFIANCE
Normes : CPP.134

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/24933/2021 ACPR/517/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 3 août 2022

 

Entre

 

A______, actuellement détenu à la prison de C______, comparant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de refus de remplacement du défenseur d'office, rendue le 7 juillet 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 13 juillet 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 précédent, communiquée par pli simple, aux termes de laquelle le Ministère public a refusé de relever Me B______ de sa mission de défenseur d'office.

Le recourant, agissant en personne, sollicite la nomination d'un nouvel avocat d'office.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.             A______ est détenu depuis le 27 décembre 2021, sous la prévention principale de (tentative de) contrainte sexuelle.

En substance, il lui est reproché d'avoir, ce jour-là, tenté de contraindre une connaissance à entretenir un rapport sexuel avec lui. Il conteste les faits ou prétend ne pas s'en souvenir, en raison de sa forte imbibition alcoolique.

b.             Le 28 décembre 2021, le Ministère public l'a pourvu, au titre de la défense obligatoire, d'un avocat en la personne de Me B______.

c.              Me B______ a assisté A______ aux trois audiences d'instruction tenues depuis lors. Elle s'est opposée à chaque demande du Ministère public relative à la détention de son client. Elle s'est prononcée sur le mandat d'expertise psychiatrique décerné contre celui-ci. Elle a demandé la recherche d'images de vidéo-surveillance (qui restera vaine, cf. le rapport de police du 1er juin 2022) et l'impression des messages échangés entre lui et sa victime présumée (ce qui adviendra avec le rapport de police du 12 juin 2022), communiquant à cette fin le code de déverrouillage du téléphone portable de son client. Elle a aussi demandé si ce dernier pouvait utiliser l'argent saisi sur lui et porté à son dépôt à la prison. Par ailleurs, elle a consulté la procédure les 18 mars et 5 juillet 2022.

d.             Le 29 mai 2022, A______ a déposé plainte personnellement contre ses "opposants", tout en assurant le Ministère public de sa volonté de coopérer à l'enquête en dépit de trous de mémoire qu'il impute à l'alcool. Le 30 juin 2022, il réitérera sa plainte.

e.              Par pli remis le 1er juillet 2022 au greffe de la prison, A______ a demandé le changement de son avocate d'office, au motif que Me B______ ne le défendait pas. Il avait déposé plainte pénale en mai 2022, et au parloir subséquent, l'avocate ignorait qu'il l'avait fait. Pour cette raison et "d'autres problèmes" encore, il y avait lieu de le pourvoir d'un autre défenseur.

f.              Me B______ a contesté que sa relation avec son client soit perturbée, mais s'en est remise à justice.

C. Dans la décision attaquée, le Ministère public a refusé de relever Me B______ de sa mission, considérant que l'avocate exerçait son mandat avec diligence.

D. a. À l'appui de son recours, A______ se plaint que Me B______ lui rende visite, une fois par mois, pour discuter de "rien" sur "un sujet problématique". Il avait dû lui suggérer de faire perquisitionner le contenu de son téléphone portable, et elle ne lui avait pas dit que cela avait été fait. Lors du dernier parloir, elle ne se souvenait pas qu'il avait déposé plainte pénale. Pour la recherche d'images de vidéo-surveillance "et la bouteille de whisky achetée par [la victime]", elle n'avait toujours rien fait. De façon générale, elle ne le renseignait pas.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

E. Par pli remis le 14 juillet 2022 au greffe de la prison, A______ s'est inquiété auprès de la Chambre de céans de la bonne réception de son acte de recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) – les formalités de notification (art. 85 al. 2 CPP) n'ayant pas été observées –, concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant considère que la relation de confiance avec son avocat est rompue et qu'un autre défenseur d'office devrait lui être désigné.

3.1.  Selon l'art. 133 CPP, le défenseur d'office est désigné par la direction de la procédure au stade considéré (al. 1); lorsqu'elle nomme le défenseur d'office, la direction de la procédure prend en considération les souhaits du prévenu dans la mesure du possible (al. 2). Cette disposition concrétise la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la CourEDH relative aux art. 29 al. 3 Cst. et 6 § 3 let. c CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 1B_387/2012 du 24 janvier 2013 consid. 4.3; Message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure, FF 2006 1057, spéc. 1159; cf. arrêts rendus avant l'entrée en vigueur du CPP: ATF 105 Ia 296 consid. 1d p. 302; arrêts 1B_74/ 2008 du 18 juin 2008 consid. 2 et 1B_245/2008 du 11 novembre 2008 consid. 2; arrêt CourEDH Croissant contre Allemagne du 25 septembre 1992, § 29).

3.2.       Une demande de remplacement du défenseur d'office ne peut être admise que si, pour des motifs objectifs, une défense compétente et efficace des intérêts du prévenu n'est plus garantie (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/aa). L'art 134 al. 2 CPP précise à ce propos qu'une défense compétente et efficace ne peut plus être assurée non seulement en cas de violation objective du devoir d'assistance, mais déjà en cas de perturbation grave de la relation de confiance entre le prévenu et le défenseur.

Le simple fait que la partie assistée n'a pas confiance dans son conseil d'office ne lui donne pas le droit d'en demander le remplacement lorsque cette perte de confiance repose sur des motifs purement subjectifs et qu'il n'apparaît pas de manière patente que l'attitude de l'avocat d'office est gravement préjudiciable aux intérêts de la partie (ATF 138 IV 161 consid. 2.4 p. 164; 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; arrêt du Tribunal fédéral 1B_375/2012 du 15 août 2012 consid. 1.1).

De simples divergences d'opinion quant à la manière d'assurer la défense des intérêts du prévenu dans le cadre de la procédure ne constituent à cet égard pas un motif justifiant un changement d'avocat. Il appartient en effet à l'avocat de décider de la conduite du procès; sa mission ne consiste donc pas simplement à endosser le rôle de porte-parole sans esprit critique de l'accusé, qui se limiterait à se faire l'interprète des sentiments et des arguments de son client (ATF 116 Ia 102 consid. 4b/bb p. 105 ;
105 Ia 296 consid. 1e p. 304). Sont en revanche dignes d'être pris en considération des griefs précis touchant à la personne du défenseur ou à un comportement de ce dernier qui montre à l'évidence que toute relation de confiance avec ce dernier est exclue (arrêt du Tribunal fédéral 1B_187/2013 du 4 juillet 2013 consid. 2.2 et 2.3; A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 17 ad art. 134).

3.3.       En l'espèce, le recourant motive son recours par le fait que Me B______ serait inactive et ne le renseignerait pas sur l'évolution de la procédure.

Aucun élément au dossier ne laisse entrevoir que tel serait le cas.

Me B______ a assisté le recourant aux audiences d'instruction. Elle s'est opposée aux demandes du Ministère public relatives à sa détention. Elle s'est prononcée sur le mandat d'expertise psychiatrique. Elle a demandé la recherche d'images de vidéo-surveillance et l'impression des messages échangés entre le recourant et sa victime présumée, communiquant dans ce but le code de déverrouillage du téléphone portable du recourant. Elle a demandé s'il pouvait utiliser l'argent saisi sur lui.

Certes, le recourant affirme n'avoir pas été "renseigné" sur sa proposition de faire fouiller son téléphone portable et sur la recherche de preuves relative à la vidéo-surveillance et à l'acquisition par sa victime présumée d'une bouteille de whisky. Sur les deux premiers points, on a vu que l'avocate a diligemment requis, et obtenu, les investigations y relatives; qu'elle n'ait pas eu l'occasion d'en rendre compte au recourant avant le dépôt de la requête de celui-ci peut s'expliquer par les servitudes liées à l'organisation d'un parloir et à la consultation du dossier, qu'elle effectuera le 5 juillet 2022. Quant à l'acquisition du spiritueux, le dossier ne révèle pas que le recourant ait jamais requis l'administration d'une quelconque preuve à ce sujet lorsqu'il a été confronté à celle qu'il accuse.

Que, par ailleurs, son avocate ait su, ignoré ou oublié qu'il avait déposé plainte contre ses "opposants" n'est pas davantage un motif de révocation. Le mandat confié consiste à défendre le recourant, mais non à œuvrer pour lui en qualité de plaignant. La nomination d'un conseil juridique gratuit à un plaignant est régie par d'autres conditions que celles pour la défense d'office d'un prévenu (cf. art. 136 CPP).

Au regard des conditions strictes posées à l'art. 134 al. 2 CPP, le changement du défenseur désigné ne se justifie donc pas.

4.             L'ordonnance querellée ne prête dès lors pas le flanc à la critique, et le recours sera rejeté.

5.             Le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6). Ces frais seront arrêtés en totalité à CHF 500.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 500.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______ (en personne), à Me B______ et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/24933/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

415.00

-

CHF

Total

CHF

500.00