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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/251/2022

ACPR/473/2022 du 06.07.2022 sur ONMMP/826/2022 ( MP ) , REJETE

Recours TF déposé le 09.09.2022, rendu le 31.03.2023, REJETE, 6B_1033/2022
Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;LÉSION CORPORELLE;LIEN DE CAUSALITÉ;CONSENTEMENT DU LÉSÉ;EXPERTISE PRÉSENTÉE PAR UNE PARTIE
Normes : CPP.310; CP.122; CP.125

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/251/2022 ACPR/473/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 6 juillet 2022

 

Entre

 

A______, c/o B______, ______, Genève, comparant par Me Caroline RENOLD, avocate, Zutter Locciola Buche & Associés, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 16 mars 2022 par le Ministère public,

 

et

 

C______, c/o D______, rue ______ Genève, comparant par Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat, Harari Avocats, rue du Rhône 100, case postale 3403, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 28 mars 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 16 précédent, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a renoncé à entrer en matière sur sa plainte.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause pour ouverture d'une instruction.

b. La recourante a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 30 décembre 2021, A______ a déposé plainte contre le Dr C______ et contre D______ (ci-après: D______) pour la "stérilisation forcée" qu'elle avait subie.

Le 20 juillet 2007, elle avait été prise en charge par ce médecin, travaillant alors aux D______, pour une intervention chirurgicale en lien avec des saignements menstruels excessifs. En 2015, elle avait eu accès à son dossier médical et découvert avoir subi à cette occasion une "résection de l'endomètre", ce dont elle n'avait pas été informée, ni avant l'opération, ni après. Cette procédure avait ainsi été effectuée sans son consentement. Le formulaire topique qu'elle avait signé en amont était en français – langue qu'elle comprenait mal – et ne comportait aucune référence à la possibilité de subir une intervention susceptible de la rendre stérile, alors qu'elle avait expressément fait part de son envie de maternité lors des discussions préopératoires. Par la suite, son gynécologue lui avait affirmé que les chances d'une grossesse étaient fortement compromises en raison de cette intervention, ce qui était corroboré par plusieurs articles trouvés sur internet et par le Dr E______, professeur aux États-Unis et "inventeur de la procédure de résection endométriale".

b. La plainte de A______, comportant cent-six pages, comprend directement dans le corps de texte des photographies ou des captures d'écran de nombreux documents, dont certains provenant de son dossier médical.

Il en ressort les éléments suivants:

-          dans une note manuscrite – dont la majeure partie est caviardée – d'une consultation de A______ survenue le 27 avril 2006 auprès d'un médecin dont le nom complet est illisible, on peut lire "désire grossesse";

-          selon une lettre du 14 mai 2007 de la Clinique F______, A______ consultait pour un traitement de "fibromes utérins". Sous un chapitre "Indication", il était constaté que A______ présentait "un désir de grossesse";

-          un formulaire des D______ nommé "Protocole d'information pour un curetage explorateur et hystéroscopie", que A______ affirme avoir signé (sa signature n'étant pas visible sur le document reproduit dans sa plainte). Ce document avait valeur informative pour l'opération à venir. Il avait notamment la teneur suivante:

"Les raisons de cette intervention sont des affections altérant les parois de la cavité de la matrice et/ou des saignements anormaux.

Par curetage on entend un raclage de la muqueuse de la cavité de la matrice. Il est possible que chez vous on puisse s'en tenir là sans intervention supplémentaire. Vous pourrez en discuter avec votre médecin traitant.

Curetage explorateur combiné avec une hystéroscopie (examen visuel de la cavité utérine): Dans certains cas il est judicieux de combiner un curetage explorateur avec un examen visuel préalable de la cavité de la matrice.

[ ]

Risques et complications: Lors d'un curetage explorateur ou d'une hystéroscopie il peut se produire des lésions des parois utérines avec déchirure des tissus, mais cela dans des cas très rares. Il peut s'ensuivre des saignements dans la cavité abdominale ou même des lésions d'autres organes abdominaux. Dans ce cas, il faut pratiquer une laparoscopie et éventuellement une opération avec incision de la paroi abdominale. Exceptionnellement il faut procéder par la suite à une ablation de la matrice. En cas d'hystéroscopie thérapeutique prolongée il peut se produire un passage du liquide dans la cavité abdominale et exceptionnellement même une inondation des poumons. Cette complication peut être traitée par des médicaments.

Après cette intervention: Il peut persister encore un léger saignement vaginal ainsi que quelques douleurs abdominales passagères.";

-          un document "Entretien d'information" signé le 19 juillet 2007 par A______. L'opération proposée était une "hystéroscopie opératoire". Sous le titre "Croquis de l'intervention" se trouvait le dessin d'un utérus, avec les trompes et les ovaires, de même qu'un dessin non identifiable à côté. Juste au-dessus de la signature de la patiente, il était stipulé: "J'ai eu aujourd'hui un entretien d'information avec le Docteur G______, Médecin interne. J'ai compris ses explications et j'ai pu poser toutes les questions qui m'intéressaient. Je donne mon accord pour l'intervention prévue, de même que pour les modifications et les extensions qui s'avéreraient nécessaires au cours de l'opération.";

-          une "Feuille de suite", dont la partie inférieure, remplie par le Dr H______, comporte les notes manuscrites suivantes: "- explications à pte opération = bien déroulée, [symbole signifiant absence de] myome en vue [illisible], mais attendre résultats [incertain] – conseils hygiène [ ] – [illisible] ce jour ou demainPapiers donnés";

-          un "Dossier opératoire" du 23 juillet 2007, remis à A______, selon lequel l'intervention était une "Myomectomie, hystéroscopie";

-          un compte-rendu opératoire établi par le Dr C______. L'intervention était désignée comme une "Hystéroscopie opératoire. Résection endométriale et de fibromes" et décrite de la manière suivante: "anesthésie générale. Dilatation prudente aux bougies. Hystéroscopie opératoire avec mise en place du résecteur. Visualisation d'une cavité légèrement agrandie avec un aspect pariétal de fibrose et d'adénomyose. Dissémination dans la cavité corporéale et isthmique. Pas de polype visible. Muqueuse semblant atrophique ou dystrophique". Il avait ainsi été pratiqué à une "hystéroscopie opératoire avec résection endométriale (les nombreux fragments sont adressés en pathologie), résection des zones myomateuses";

-          une lettre du Dr E______, se présentait comme le premier médecin à avoir publié sur la technique dite "hysteroscopy endomyometrial resection (EMR)" et avoir pratiqué plus de quatre milles hystéroscopies opératoires. Il avait examiné le dossier médical de A______ et en concluait que celle-ci avait subi une intervention chirurgicale sans son consentement et qui s'apparentait à une "stérilisation", la résection endométriale entrainant dans la plupart des cas une infertilité de la patiente;

-          un certificat du 30 novembre 2020 du Pr I______, chef du service de gynécologie de l'hôpital J______ en France selon lequel il avait vu en consultation A______ et retenait que "la résection de l'endomètre associée à la résection hystéroscopie de myome augmente l'efficacité du traitement des saignements, mais est bien sûr contre indiquée si il existe le désir de maintien de la fertilité. Mme A______ avait précisé dans le dossier médical son souhait de grossesse. Le compte rendu opératoire n'a pas été fourni à la patiente qui est resté 10 ans sans la connaissance de cette information".

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public retient que A______ avait eu accès à son dossier médical en 2015 et que sa plainte avait été déposée plus de six ans et demi plus tard. En outre, il ressortait des documents produits que celle-ci avait signé un formulaire de consentement qui indiquait l'opération effectuée – soit une hystéroscopie opératoire – et qu'un croquis de l'intervention lui avait été dessiné au cours d'un entretien de dix minutes au cours duquel elle avait pu poser des questions. Son consentement était ainsi éclairé et l'opération avait été effectuée en toute connaissance de cause.

D. a. Dans son recours, A______ fait grief au Ministère public d'avoir constaté de manière erronée les faits. Le formulaire de consentement ne mentionnait pas la réalisation d'une résection endométriale – mais uniquement une hystéroscopie opératoire –, ni ne listait le risque d'infertilité découlant de cette intervention. L'ordonnance querellée ne traitait pas non plus des contre-indications qui s'opposaient à cette procédure compte tenu de son souhait – documenté – de grossesse. L'acte constituait une atteinte grave à son intégrité corporelle et les éléments constitutifs objectifs des infractions aux art. 122 et 125 CP devaient être tenus comme réalisés et il appartenait au Ministère public d'instruire la cause sur les éléments subjectifs.

b. Le Ministère public et le Dr C______ ont renoncé à formuler des observations.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur les faits dénoncés dans sa plainte.

2.1.       Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore" (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1456/2017 du 14 mai 2018 consid. 4.1 et les références citées). Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 1 CPP en relation avec les art. 309 al. 1, 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91) et signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1 p. 69). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un certain pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91 et les références citées).

2.2.       L'art. 125 al. 1 CP punit celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à son intégrité corporelle ou à la santé. L'infraction se poursuit d'office en cas de lésions corporelles graves (art. 125 al. 2 CP), sur plainte, en présence de lésions corporelles simples (art. 125 al. 1 CP).

L'art. 122 CP réprime notamment le comportement de celui qui, intentionnellement, aura mutilé le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou causé à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou aura intentionnellement fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.

2.3. En l'espèce, la plainte de la recourante et tous ses développements ultérieurs se fondent sur la prémisse que l'opération chirurgicale subie le 20 juillet 2007 ne correspondrait pas à celle prévue et discutée en amont avec le corps médical.

Or, cette proposition apparaît erronée.

Parmi les documents soumis à la recourante avant son opération, le "Protocole d'information pour un curetage explorateur et hystéroscopie", dont elle admet elle-même avoir eu connaissance, expliquait et résumait l'intervention à venir. En particulier, le document définissait le "curetage" comme le " raclage de la muqueuse de la cavité de la matrice".

Quant au terme résection, il désigne une "ablation chirurgicale d'une partie d'un organe, en conservant les parties saines et en rétablissant, s'il y a lieu, leur continuité" (www.larousse.fr/dictionnaires/francais/résection).

Ainsi, les documents pré- et postopératoires ne sont pas contradictoires, en particulier lorsque ces derniers mentionnent une "résection endométriale". En termes plus courant, ils disent l'un comme l'autre que l'intervention consistait notamment à enlever une partie de la muqueuse utérine, soit l'endomètre, dans le cadre d'un traitement de fibromes utérins.

Il en découle que par le biais du protocole susmentionné, la recourante a pleinement été informée de l'opération à venir et qu'en signant le document "Entretien d'information", elle y a consenti.

En outre, il a été tenu compte, à teneur des documents opératoires, de son désir de grossesse.

Enfin, il n'existe pas d'indice suffisant pour établir un lien entre l'intervention chirurgicale et l'infertilité alléguée de la recourante. Les avis qu'elle produit à cet égard n'ont qu'une valeur de simples allégués (ATF 142 II 355 consid. 6 p. 359), étant rappelé, au demeurant, que celui du Dr E______ a été rendu sans que la recourante ne soit auscultée par l'auteur.

Dans ces circonstances, il n'y a pas la place pour la commission d'une infraction.

3.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en intégralité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie à A______ et à C______, soit pour eux leur conseil respectif, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Madame Daniela CHIABUDINI et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/251/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

20.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

905.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00