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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/8/2016

ACPR/429/2022 du 16.06.2022 sur OTCO/17/2022 ( TCO ) , ADMIS

Descripteurs : INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL);AVOCAT D'OFFICE;MOTIVATION DE LA DÉCISION
Normes : CPP.135; CPP.3.al2; Cst.29.al2

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8/2016 ACPR/429/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 16 juin 2022

 

Entre

 

A______, avocat, ______, Genève, comparant en personne,

recourant,

 

contre la décision d'indemnisation complémentaire rendue le 7 février 2022 par le Tribunal correctionnel,

 

et

 

LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 18 février 2022, A______ recourt contre la décision du 7 février 2022, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Tribunal correctionnel (ci-après, TCor) a fixé son indemnisation en qualité de défenseur d'office de B______ à CHF 1'579.70.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à ce que soient ajoutées au montant précité les indemnités dues selon ses états de frais des 10 septembre 2018 et 25 septembre 2020 et, "si mieux n'aime", au renvoi de la cause au TCor pour taxation.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 20 janvier 2016, A______ a été désigné en qualité de défenseur d'office de B______ dans le cadre de la P/8/2016, instruite contre ce dernier et quatre autres coprévenus du chef d'agression (art. 134 CP).

b. Faisant suite à l'avis de prochaine clôture du Ministère public du 3 juillet 2018 – par lequel celui-ci a informé les parties qu'un acte d'accusation serait prochainement rédigé à l'encontre des prévenus – A______ lui a fait parvenir, par pli du 10 septembre 2018, un état de frais pour l'activité déployée jusqu'alors, totalisant 49h15 de travail au tarif horaire de chef d'étude (CHF 9'850.-) et 11h14 d'activités au tarif d'avocat-stagiaire (CHF 1'235.67), forfait de 20% compris, plus TVA (7.7%).

c. Par missives des 26 novembre 2018, 27 février et 15 octobre 2019, A______ s'est enquis auprès du Ministère public de la suite réservée à sa demande d'indemnisation, n'ayant pas obtenu de décision de taxation ni d'informations concernant le renvoi en jugement de son client.

d. En vue de l'audience de jugement appointée du 28 septembre au 1er octobre 2020, A______ a adressé, par pli du 25 septembre 2020 au TCor, avec copie au greffe de l'Assistance juridique, un état de frais pour l'activité déployée du 27 février 2019 au 25 septembre 2020, totalisant 10h00 de travail au tarif de chef d'étude et 3h15 au tarif d'avocat-stagiaire, forfaits courriers/téléphones (20%) compris, TVA au taux de 7.7% en sus.

e. Par jugement du 1er octobre 2020, le TCor a indemnisé A______ à hauteur de CHF 7'828.70 au total, soit 26h00 d'activité au taux de CHF 200.- (CHF 5'200.-), 2h15 d'activités au tarif de CHF 110.- (CHF 357.50), CHF 1'115.- (20%) pour le forfait courriers/téléphones, CHF 600.- pour six déplacements et CHF 559.70 de TVA (à 7.7%). Le montant ainsi calculé tenait compte de l'état de frais déposé à l'audience de jugement ainsi que du temps consacré à celle-ci.

 

Le décompte n'est ponctué d'aucune explication en lien avec la réduction des heures opérée.

f. Le 8 octobre 2020, A______ a recouru contre ce jugement. Il reprochait au TCor d'avoir omis de l'indemniser pour les états de frais des 10 septembre 2018 (cf. B.b. supra) et 25 septembre 2020 (cf. B.d supra) qu'il avait produits en temps utile.

g. Par arrêt du 16 décembre 2021 (ACPR/891/2021), la Chambre de céans a admis le recours de A______, considérant qu'elle était dans l'impossibilité d'exercer son contrôle, dès lors que la décision d'indemnisation querellée était insuffisamment motivée. En effet, le TCor avait réduit substantiellement le nombre d'heures à indemniser sans l'expliquer d'aucune manière. La cause était ainsi renvoyée au TCor pour qu'il motive sa décision et, le cas échéant, la complète, l'indemnisation d'ores et déjà allouée à A______ par le jugement du 1er octobre 2020 restant acquise.

C. Dans sa décision d'indemnisation complémentaire querellée, le TCor a indemnisé A______ à hauteur de CHF 1'579.70 au total, soit 5 heures d'activité au taux de CHF 200.- (CHF 1'000.-), 1h14 d'activités au tarif de CHF 110.- (CHF 192.50), CHF 119.25 (10%) pour le forfait courriers/téléphones, CHF 155.- pour deux déplacements et CHF 112.95 de TVA (à 7.7%). Le montant ainsi calculé tenait compte de l'état de frais déposé le 25 septembre 2020 et était complémentaire à la décision d'indemnisation du 3 novembre 2020.

En application de l'art. 16 al. 2 RAJ, 3h00 d'activités étaient réduites du poste procédure, en lien avec la rédaction de la requête en indemnisation, laquelle était déjà comprise dans le forfait courriers/téléphones.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au TCor d'avoir omis – malgré l'arrêt de la Chambre de céans du 16 décembre 2021 – de l'indemniser pour les états de frais des 10 septembre 2018 et 25 septembre 2020 qu'il avait produits en temps utile. En effet, la décision litigieuse ne se référait expressément à aucun état de frais produit, de sorte que les états de frais susmentionnés n'avaient, à ce jour, toujours pas été taxés ou arbitrairement dès lors que la moitié des heures seulement semblaient avoir été retenues.

Il ressortait d'ailleurs des indemnisations accordées aux autres défenseurs d'office – qui avaient traité le dossier de la cause dans les mêmes délais que lui – des montants "très largement supérieurs" au sien.

Ainsi, outre les sommes de CHF 7'828.70 et CHF 1'579.70 déjà retenues, le TCor devait également prendre en considération ses états de frais des 10 septembre 2018 et 25 septembre 2020.

b. Dans ses observations, le TCor conclut au rejet du recours, précisant avoir versé une somme totale de CHF 17'354.80 à A______ pour son activité de défenseur commis d'office aux intérêts de B______. Selon les ordres de paiement annexés, des sommes de CHF 7'828.70 et CHF 7'946.40 lui avaient été versées les 5 octobre, respectivement 3 novembre 2020. Une indemnisation complémentaire de CHF 1'579.70 lui était, en outre, octroyée. Toutes les notes d'honoraires avaient été revues par le Service de l'assistance judiciaire, spécialiste en la matière.

c. Dans sa réplique, le recourant persiste dans les termes de son recours. Après vérifications de sa comptabilité, il avait effectivement reçu les montants de CHF 7'828.70, CHF 7'946.40 et CHF 1'579.70. Le montant de CHF 7'946.40 lui avait cependant été versé, sans aucune référence, de sorte qu'il ignorait que ce montant devait être imputé sur la procédure pénale en cause et, a fortiori, s'il était correct. Il sollicitait dès lors que la décision d'indemnisation y afférente lui soit adressée.

d. Invité une nouvelle fois à se déterminer, le TCor a maintenu ses précédentes observations. Il produisait, de surcroit, le 13 avril 2022, toutes les décisions d'indemnisations, dont celle afférente au montant de CHF 7'946.40.

À teneur de cette décision, le TCor avait indemnisé A______ à hauteur de CHF 7'946.40 au total, soit 31h15 d'activités au taux de CHF 200.- (CHF 6'250.-), 3h15 d'activités au tarif de CHF 110.- (CHF 357.50), CHF 660.75 (10%) pour le forfait courriers/téléphones, CHF 110.- pour deux déplacements à CHF 55.- et CHF 568.15 de TVA (à 7.7%). Le montant ainsi calculé tenait compte de l'état de frais déposé le 10 septembre 2018.

En application de l'art. 16 al. 2 RAJ, 6h00 d'activités au tarif du chef d'étude étaient réduites pour recherches juridiques des 26 janvier 2016 et 22 mars 2016. La formation continue des avocats ne devant pas être prise en charge par l'assistance juridique. La présente couvrait l'activité déployée selon les deux états de frais des 10 septembre 2018 et 25 septembre 2020.

e. Dans sa duplique, le recourant persiste dans ses conclusions. Son état de frais du 10 septembre 2018 avait, certes, été taxé par décision du 3 novembre 2020, qu'il n'avait reçu que ce jour. Cela étant, ce n'était pas moins de 18h00 d'activités de chef d'étude et de 8h00 d'avocat-stagiaire qui avaient été réduites unilatéralement sans la moindre justification objective. De plus, seuls deux déplacements avaient été retenus alors même qu'il ressortait très clairement du dossier qu'il y avait eu neuf vacations au Ministère public.

f. Le TCor réplique que les réductions opérées sur l'état de frais du 10 septembre 2018 ont bien été motivées. Il n'avait pas indemnisé à double les heures du stagiaire et de son maître de stage dans la mesure où la formation du premier incombait au second. De plus, la formation continue des avocats ne devait pas être prise en charge par l'assistance juridique. Le recours devait être rejeté.

g. Le recourant persiste dans ses conclusions. Les seules heures facturées pour le travail du stagiaire concernaient sa présence, seule, lors des audiences des 20 janvier 2016 et 24 janvier 2017 alors même qu'il était lui-même absent et excusé selon les procès-verbaux d'audience au Ministère public y relatifs. C'était donc erronément que les heures du stagiaire avaient été réduites.

 

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 20 al. 1 let. a, 135 al. 3 let. a et 393 al. 1 let. b CPP) et émaner du défenseur d'office, qui a qualité pour recourir (art. 16 al. 1 RAJ, 135 al. 3 let. a et 382 al. 1 CPP).

1.2. Les pièces nouvelles produites devant la Chambre de céans sont recevables (arrêts du Tribunal fédéral 1B_368/2014 du 5 février 2015 consid. 3.1 et 3.2 et les références citées).

2. Le recourant reproche au TCor d'avoir omis de l'indemniser pour l'ensemble de son activité.

2.1. Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. et l'art. 3 al. 2 let. c CPP, implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, l'attaquer utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 134 I 83 consid. 4.1; 133 III 439 consid. 3.3).

Selon la jurisprudence rendue en matière de dépens, qui s'applique aux indemnités dues au défenseur d'office, la décision par laquelle le juge fixe le montant des dépens n'a en principe pas besoin d'être motivée, du moins lorsque celui-ci ne sort pas des limites définies par un tarif ou une règle légale et que des circonstances extraordinaires ne sont pas alléguées par les parties (ATF 111 Ia 1 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_124/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2). En revanche, il en va différemment lorsque le juge statue sur la base d'une liste de frais; s'il entend s'en écarter, il doit alors au moins brièvement indiquer les raisons pour lesquelles il tient certaines prétentions pour injustifiées, afin que son destinataire puisse attaquer la décision en connaissance de cause (arrêts du Tribunal fédéral 6B_502/2013 du 3 octobre 2013 consid. 3.4; 6B_124/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2 et les références citées).

2.2. En l'occurrence, force est de constater, à la lecture de la décision d'indemnisation complémentaire entreprise, que le TCor persiste à ne pas préciser pour quel motif il n'a pas indemnisé l'ensemble de l'activité déployée par le défenseur d'office, qui a produit en temps utile ses états de frais.

Ce n'est que le 13 avril 2022, à la suite de la demande de la Chambre de céans, que l'autorité intimée a produit l'avis d'indemnisation relatif au montant de CHF 7'946.40, taxé le 3 novembre 2020, dont le recourant n'avait – semble-t-il – jamais eu connaissance jusqu'alors. Cela étant, cette décision n'explique aucunement pour quel motif l'activité du stagiaire a été réduite ni pourquoi seuls deux déplacements – au lieu des neufs réclamés – ont été retenus. Certes, le TCor expose dans sa réplique que les heures du stagiaire et de son maître de stage n'ont pas à être indemnisées à double. Il ne se réfère toutefois pas à des activités ou des quotités d'heures précises, de sorte que la Chambre de céans n'est pas en mesure de se déterminer, d'autant moins qu'à la lecture de la note de frais du 10 septembre 2018 cela ne paraît pas être le cas.

Ce document stipule, en outre, que l'indemnité accordée couvrait l'activité déployée selon les deux états de frais des 10 septembre 2018 et 25 septembre 2020 alors même que la décision d'indemnisation complémentaire querellée porterait également sur l'état de frais du 25 septembre 2020.

Dans ces circonstances, faute de motivation suffisante, la Chambre de céans reste dans l'impossibilité d'exercer son contrôle.

3. Le recours sera ainsi admis et la cause renvoyée au TCor pour qu'il motive sa décision et, le cas échéant, la complète, l'indemnisation d'ores et déjà allouée à A______ restant acquise.

4. Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

5. 5.1. Le défenseur d'office a droit à des dépens lorsqu'il conteste avec succès une décision d'indemnisation (ATF 125 II 518 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 6B_439/2012 du 2 octobre 2012 consid. 2).

5.2. En l'espèce, il lui sera alloué, à titre de juste indemnité, un montant de CHF 400.- TTC, pour son recours.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours et renvoie la cause au Tribunal correctionnel pour nouvelle décision d'indemnisation, dans le sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 400.- TTC pour la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant et au Tribunal correctionnel.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).