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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/5457/2022

ACPR/355/2022 du 17.05.2022 sur OTMC/1289/2022 ( TMC ) , REFUS

Descripteurs : RISQUE DE RÉCIDIVE
Normes : CPP.221

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/5457/2022 ACPR/355/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 17 mai 2022

Entre

A______, actuellement détenu à la prison B______, comparant par Me C______, avocat, ______

recourant

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 21 avril 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3

intimés

 


N FAIT :

A.           a. Par acte expédié le 3 mai 2022 (cachet postal), A______ recourt contre l'ordonnance du 21 avril 2022, notifiée sur-le-champ, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a autorisé son placement en détention provisoire jusqu'au 19 mai 2022.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de cette décision et à sa libération immédiate sous des mesures de substitution limitées à une durée de trois mois.

b. À l'invite de la Direction de la procédure, le défenseur d'A______ a prouvé que l'acte de recours avait été déposé à un bureau de poste le 2 mai 2022.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.             A______, ressortissant brésilien né en 2002, au bénéfice d'un permis B, a été arrêté le 9 mars 2022, en fin d'après-midi, pour avoir conduit ce jour-là sous retrait de permis un motocycle appartenant à sa mère, dépourvu d'assurance RC et muni d'une plaque de contrôle volée sur un engin identique. Le lendemain, le Ministère public lui a infligé une ordonnance pénale le condamnant à 120 jours-amende à CHF 30.- le jour et à CHF 1'200.- d'amende; il a renoncé à révoquer un sursis accordé en juillet 2021 – mais en a prolongé le délai – pour des faits d'opposition aux actes de l'autorité, conduite sous retrait de permis et violation grave du code de la route.

b.             A______, apprenti dans un garage automobile, a formé opposition, contestant le montant de l'amende, qui représente trois mois de son salaire.

c.              Le 19 avril 2022, la police l'a appréhendé, pour avoir commis, entre le 23 septembre 2021 et le 8 mars 2022, vingt-deux excès de vitesse, au guidon du même motocycle que précédemment, en utilisant successivement deux autres plaques de contrôle volées. Des photos extraites d'appareils radar montrent parfois le conducteur fixant la caméra et/ou faisant un doigt d'honneur dans cette direction, le cas échéant avec un passager derrière lui. Pour la police, l'engin, la veste, souvent le casque et, sur certaines photos, le visage du motard désignent A______ comme l'auteur des infractions. Qui plus est, les deux plaques avaient été volées non loin de l'établissement de formation professionnelle que fréquente celui-ci [les lundis]. Des soupçons d'infractions analogues, et d'un vol d'essence, s'étaient fait jour également dans le canton de Vaud.

d.             Entendu, A______ a nié être l'auteur des infractions constatées, avant de refuser de répondre à toute question. Il a de même refusé de laisser la police perquisitionner son domicile, avant que le Ministère public n'en décerne le mandat (aucun élément utile à l'enquête n'a été découvert).

e.              Également entendue par la police, sa mère, chauffeur professionnel, a affirmé que le motocycle n'avait pas bougé de devant chez elle, où il était stationné sans plaques de contrôle, entre le 3 octobre 2021 et le 10 mars 2022.

f.              Déféré au Ministère public et prévenu d'infractions répétées, le cas échéant graves, à la LCR, A______ a maintenu ses dénégations, précisant avoir perdu son emploi après l'interpellation du 9 mars 2022. Au TMC, il affirmera que le motocycle photographié n'était pas celui de sa mère, qu'il ne connaissait pas les passagers visibles le cas échéant et que lui-même n'avait plus utilisé l'engin après sa condamnation du 23 juillet 2021. Il parlait très peu à sa mère, car elle était toute la journée au travail.

C.           Dans l'ordonnance attaquée, le TMC relève que les charges étaient suffisantes et graves, le prévenu étant aisément reconnaissable sur des photos et peu crédible lorsqu'il suggérait que les excès de vitesse pourraient avoir été commis par plusieurs auteurs différents, chacun au guidon de motos identiques. L'emploi du temps du prévenu était compatible avec les heures de certaines des infractions contestées. Un risque de collusion existait tant en relation avec sa mère, formellement propriétaire du motocycle [qu'elle a immatriculé dans l'intervalle], que de ses passagers. Le nombre "vertigineux" d'infractions sous enquête dénotait une absence totale de prise de conscience, fondant un risque concret de récidive. La saisie de l'engin et de ses plaques de contrôle n'était pas une mesure de substitution, car le prévenu pourrait se procurer autrement le moyen de récidiver. Une promesse d'emploi ou de réengagement auprès de son maître d'apprentissage n'était pas étayée. Un placement en détention pour la durée d'un mois respectait le principe de proportionnalité.

D.           a. À l'appui de son recours, A______ estime que les charges sont insuffisantes. Le motocycle n'avait pas bougé de son emplacement avant le 9 mars 2022, et aucun équipement de moto n'avait été retrouvé chez lui lors de la perquisition. Lui-même ne présentait aucun risque de fuite. Son métier le passionnait, et l'envie de conduire lui avait passé. Comme il contestait être l'auteur des faits reprochés, aucun risque de collusion ne pouvait être retenu (sic). Des mesures de substitution (déférer aux convocations, entreprendre un suivi ambulatoire psychologique, saisir le motocycle et ses clés) seraient le cas échéant adéquates, d'autant plus que la presse avait récemment rappelé le surpeuplement et la vétusté de la prison B______.

b. Dans ses observations, le Ministère public se range derrière les arguments du premier juge et annonce que le prévenu sera confronté à sa mère le 16 mai 2022.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans autre développement.

d.A______ a déclaré persister dans son recours.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 384 let. a, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant estime que les charges seraient insuffisantes, car le motocycle n'avait pas bougé de son emplacement avant le 9 mars 2022, et aucun équipement de moto n'avait été retrouvé chez lui.

2.1.       À teneur de l'art. 221 al. 1 CPP, la détention provisoire suppose que le prévenu est fortement soupçonné d'avoir commis un crime ou un délit. Selon la jurisprudence, il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure (ATF 143 IV 330 consid. 2.1 p. 333). L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention provisoire n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 316 consid. 3.2 p. 318).

2.2.       En l'espèce, le recourant ne s'en prend pas à la valeur probante des photographies versées au dossier à l'issue d'une enquête de police minutieuse, mais soutient que les soupçons qui en résultent ne seraient pas corroborés par des pièces à conviction ou par les déclarations de sa mère.

Or, ces photos et les autres indices réunis par la police constituent à eux seuls des charges suffisantes contre le recourant. On ne voit pas pourquoi un casque ou une veste auraient nécessairement dus être retrouvés à son domicile pour le confondre. Quant aux convictions de sa mère, selon qui le motocycle n'avait "pas bougé" pendant de longs mois, elles ne sont pas déterminantes : le recourant lui-même a concédé au TMC qu'il lui parlait très peu car elle était "toute la journée au travail", ce qui signifie qu'elle n'avait pas en permanence le motocycle sous les yeux et qu'elle n'était pas constamment à domicile lorsqu'il revenait de sa place d'apprentissage ou de sa journée de cours.

Par ailleurs, indépendamment de leur répétition, la quotité ou la hauteur de certains des excès de vitesse constatés représente une grave mise en danger du trafic, puisque la loi les a érigés en délits (art. 90 al. 3 et 4 LCR).

3.             Le recourant conteste présenter un risque de récidive.

3.1.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 13 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9 p. 17). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.2 p. 13; 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86; arrêt du Tribunal fédéral 1B_413/2019 du 11 septembre 2019 consid. 3.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné – avec une probabilité confinant à la certitude – de les avoir commises (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 p. 12 s.).

3.2.       En l'espèce, c'est à juste titre que le premier juge a opposé au recourant un risque concret de réitération.

Les deux condamnations du recourant – similaires à celles en cours d'instruction – ont été prononcées dans des délais suffisamment récents et rapprochés pour laisser craindre que le recourant ne retombe dans la délinquance routière. L'une est définitive, et l'autre n'est contestée que sur la sanction.

Or, il existe un intérêt public prépondérant à sauvegarder la sécurité publique, quand bien même aucune mise en danger concrète d'autrui ne ressort du dossier. On ne peut créditer le recourant de ses promesses, récentes, de cesser des infractions qu'il conteste par ailleurs. En mars 2022 en tout cas, il n'a pas craint de reprendre le guidon et de dérober des plaques de contrôle, alors qu'il avait été condamné une première fois pour avoir enfreint le code de la route et qu'il se savait toujours sous le coup d'un retrait de permis.

4.             Le risque de réitération suffisant à permettre la détention avant jugement, point n'est besoin d'examiner le risque de collusion (arrêt du Tribunal fédéral 1B_322/2019 du 17 juillet 2019 consid. 3.3.). Quant au risque de fuite, auquel le recourant consacre des arguments, il n'a pas été invoqué par les autorités précédentes.

5.             Le recourant propose en vain des mesures de substitution (art. 237 ss. CPP).

Il a perdu son emploi et n'a pas étayé avoir progressé dans la recherche d'une nouvelle place. La mise sous mains de justice du motocycle en vue de confiscation (cf. art. 90a LCR) ne paraît pas apte à prévenir toute réitération, p. ex. au moyen d'un engin similaire, d'autant que le recourant a montré que sa détermination à conduire n'était entravée ni par le retrait de permis, ni par l'absence d'immatriculation. Parce que le recourant ne l'explicite pas, on ignore quel serait le but d'un suivi ambulatoire psychologique : les infractions sont niées, et son envie, fût-elle irrésistible, de braver la loi et d'éprouver les griseries de la vitesse ne s'assimilent pas sans autre à un trouble de comportement. Du reste, le recourant ne met pas en doute sa responsabilité pénale.

6.             La durée de la détention provisoire, telle que fixée dans l'ordonnance attaquée, est raisonnable. Le cumul d'infractions montre que la peine concrètement prévisible, si le recourant était reconnu coupable de toutes les préventions retenues contre lui, n'est pas encore atteinte (art. 212 al. 3 CPP).

7.             Le recours s'avère ainsi infondé et doit être rejeté.

8.             Le recourant, bien qu'au bénéfice de l'assistance juridique, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6). Ces frais seront arrêtés en totalité à CHF 900.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

9.             Il n'y a pas lieu d'indemniser à ce stade le défenseur d'office (art. 135 al. 2 CPP).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/5457/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

900.00