Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision
AARP/293/2025 du 07.08.2025 sur OPMP/10911/2022 ( PENAL ) , JUGE
| RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
| POUVOIR JUDICIAIRE P/24365/2022 AARP/293/2025 COUR DE JUSTICE Chambre pénale d'appel et de révision Arrêt du 7 août 2025 | ||
A______, sans domicile connu, comparant par Me B______, avocate,
demandeur en révision,
contre l'ordonnance pénale OPMP/10911/2022 rendue le 17 novembre 2022 par le Ministère public,
et
LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,
défendeur en révision.
Vu, EN FAIT, la procédure P/24365/2022 dont la Chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) a été saisie en date du 22 mars 2025 ;
Vu l'arrêt AARP/241/2025 de la CPAR du 26 juin 2025, admettant partiellement la demande en révision et condamnant A______ à une peine privative de liberté de 130 jours, sous déduction de trois jours de détention avant jugement, en lieu et place des 180 jours de peine privative de liberté, sous déduction de trois jours de détention avant jugement, auquel il avait été condamné par ordonnance pénale du 17 novembre 2022 ;
Vu que le prévenu a été écroué dès le 18 février 2025 en exécution de la peine prononcée par ordonnance pénale du 17 novembre 2022 ;
Vu sa mise en liberté immédiate ordonnée par la CPAR le 27 juin 2025 ;
Constatant que le prévenu a purgé une peine privative de liberté effective de 130 jours ;
Vu les conclusions en indemnisation de A______, sollicitant la somme de CHF 1'000.-, avec intérêts de 5% dès le 26 juin 2025, pour les "cinq jours" de détention injustifiée subie ;
Attendu qu'il a aussi déposé une demande en indemnisation, concluant au paiement de CHF 3'040.35 pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, correspondant à six heures et 15 minutes d'activité de cheffe d'étude au tarif horaire de CHF 450.- / l'heure, TVA incluse ;
Que A______, de nationalité libyenne, sans domicile fixe, a déjà été condamné en Suisse à neuf reprises depuis 2018, principalement pour des délits commis en lien avec sa situation irrégulière et en violation de la loi fédérale sur les stupéfiants ;
Considérant, EN DROIT, l'art. 431 al. 1 du Code de procédure pénale suisse (CPP) qui prévoit que si le prévenu a, de manière illicite, fait l’objet de mesures de contrainte, l’autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral ;
Que la notion de juste indemnité à laquelle se réfère l’art. 431 al. 1 CPP doit être lue à la lumière de l’art. 429 CPP ; l’indemnité devra comprendre la prise en charge des frais de défense ainsi que la réparation du dommage économique subi (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, Petit commentaire du Code de procédure pénale, 3ème éd., 2025, ad art. 431 n°6) ;
Que contrairement à l’art. 429 CPP, qui ne s’applique que si les charges contre le prévenu sont abandonnées, l’art. 431 al. 1 CPP est applicable quelle que soit l’issue de la procédure (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., ad art. 431 n°7) ;
Que dans le cas de l’art. 431 CPP, il n’est prévu aucune restriction au droit à l’indemnisation et aucun motif de réduction, l'art. 430 CPP ne trouvant pas application (L. MOREILLON / A. PAREIN-REYMOND, op. cit., ad art. 431 n° 10) ;
Qu'aux termes de l'art. 51 du Code pénal suisse (CP), le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure ;
Qu'il découle de cette disposition qu'une peine privative de liberté doit, si possible, être compensée avec la privation de liberté déjà intervenue, même dans une autre procédure (ATF 133 IV 150 consid. 5.1). La détention avant jugement doit être imputée sur la peine, indépendamment du fait que celle-ci soit assortie du sursis ou non et qu'il s'agisse d'une peine pécuniaire, privative de liberté ou d'une amende (ATF 135 IV 126 consid. 1.3.6 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_389/2018 du 6 septembre 2018 consid. 1.2 sur l'imputation sur une peine prononcée avec sursis). La question de l'indemnisation d'une détention injustifiée ne se pose donc en principe que si une imputation suffisante de cette détention sur une autre sanction au sens de l'art. 51 CP n'est plus possible ; l'indemnisation financière est ainsi subsidiaire à l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_431/2015 du 24 mars 2016 consid. 2.2) ;
Que l'art. 51 CP doit être appliqué d'office, l'imputation étant obligatoire et inconditionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1033/2018 du 27 décembre 2018 consid. 2.4) ;
Que, pour le Tribunal fédéral, une indemnité journalière de CHF 200.- constitue en principe une réparation appropriée en cas de détention injustifiée de courte durée (art. 429 CPP), à condition qu'il n'existe pas de circonstances particulières qui pourraient fonder le versement d'un montant inférieur ou supérieur (arrêts du Tribunal fédéral 6B_133/2014 du 18 septembre 2014 consid. 3.2 ; 6B_547/2011 du 3 février 2012 consid. 2 ; 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2 ; 6B_133/2014 du 18 septembre 2014 consid. 3.2) ;
Qu'il y a détention excessive (Überhaft) au sens de l'art. 431 al. 2 CPP lorsque la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ont été ordonnées de manière licite dans le respect des conditions formelles et matérielles, mais que cette détention dépasse la durée de la privation de liberté prononcée dans le jugement, c'est-à-dire dure plus longtemps que la sanction finalement prononcée. En cas de détention excessive, ce n'est pas la détention en soi, mais seulement la durée de celle-ci qui est injustifiée. La détention ne sera qualifiée d'excessive qu'après le prononcé du jugement (ATF 149 IV 289 consid. 2.1.1 ; ATF
141 IV 236 consid. 3.2 p. 238; arrêts du Tribunal fédéral 6B_273/2021 du 25 août 2022 consid. 1.3.1, non publié in ATF 148 IV 419 ; 6B_1090/2020 du 1er avril 2021 consid. 2.3.1) ;
Qu'en l'espèce, les 130 jours de détention subie seront imputés sur la peine prononcée par la CPAR le 26 juin 2025 ;
Qu'il reste trois jours de détention injustifiée, subis avant jugement, à indemniser ;
Considérant que l'appelant a été écroué à bon droit, puisqu'il a été reconnu coupable d'infractions aux art. 115 et 119 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI), l'indemnisation ne doit pas compenser l'arrestation et le choc de la détention. L'appelant étant de nationalité libyenne, sans domicile fixe, en situation illégale depuis son arrivée en Suisse et sans emploi, les trois jours de détention additionnelles n'ont eu aucune répercussion durable sur sa vie sociale et professionnelle ;
Que dans ces circonstances, le montant journalier de CHF 200.- ne trouve pas application ;
Qu'au vu de la situation personnelle et financière du prévenu, l'indemnité journalière sera fixée à CHF 100.- ;
Qu'en conséquence, la somme de CHF 300.- sera allouée au prévenu à titre de détention injustifiée ;
Que l'activité exercée par Me B______ pour la défense des intérêts de A______, dans le cadre de la présente procédure, est justifiée et en adéquation avec la nature, l'importance et la difficulté de la cause ;
Que, par conséquent, la note de frais et honoraires de Me B______ sera admise dans son intégralité et accordée à hauteur de CHF 3'040.35 (TVA incluse en CHF 227.80) ;
Que le présent arrêt est rendu sans frais.
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Alloue à A______ une indemnité de CHF 300.- à titre de détention injustifiée.
Alloue à Me B______ la somme de CHF 3'040.35, TVA incluse, à la charge de l'État de Genève, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable des droits de A______, pour la procédure en révision.
Laisse les frais de la procédure à charge de l'État.
Notifie le présent arrêt, en original, à Me B______, à A______ et au Ministère public.
| La greffière : Isabelle MERE |
| La présidente : Sara GARBARSKI |
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par‑devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
Le recours doit être adressé au Tribunal pénal fédéral, 6501 Bellinzone.