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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/17323/2022

AARP/381/2024 du 30.10.2024 sur JTDP/559/2024 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PORNOGRAPHIE DURE;INTERDICTION D'EXERCER UNE PROFESSION
Normes : CP.197.al4; CP.67.al4bis
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17323/2022 AARP/381/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 30 octobre 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/559/2024 rendu le 14 mai 2024 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 

 


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 14 mai 2024, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de pornographie (art. 197 al. 4 1ère et 2ème phrase du code pénal suisse [CP]), l'a condamné à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- l'unité, assortie du sursis (délai d'épreuve de trois ans), lui a interdit, à vie, d'exercer toute activité professionnelle et non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP) et l'a condamné à la totalité des frais de la procédure préliminaire et de première instance.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement, frais de procédure à la charge de l'État, ainsi qu'à l'indemnisation de ses frais de défense.

b. Selon l'acte d'accusation du 2 octobre 2023, il est reproché à A______ de s'être, le 21 mai 2022 à Genève, connecté sur internet via l'adresse IP 1______, correspondant au raccordement internet de son père, et d'avoir accédé à son propre compte SNAPCHAT, "A______[pseudonyme]". Depuis ce compte, vers 12h40 [ndlr : UTC+2], il a diffusé un fichier, préalablement téléchargé par ses soins, contenant une vidéo à caractère pédopornographique représentant une jeune enfant prodiguant une fellation à un homme.

Au moment du téléchargement de la vidéo, A______ était à la recherche de fichiers pornographiques mettant en scène des "teens", soit des adolescents ou à tout le moins des personnes âgées de moins de 20 ans. Il a par ailleurs constaté, sur le "thumbnail" de la vidéo, soit une image miniature de son contenu, que celui-ci était d'ordre sexuel.

A______ a ainsi, à tout le moins, envisagé et accepté que le fichier vidéo téléchargé et diffusé par ses soins à un tiers, puisse contenir des images à caractère pédopornographiques.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 22 mai 2022, le National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC) a informé l'Office fédéral de la police (FEDPOL) que l'utilisateur du compte SNAPCHAT "A______ [pseudonyme]" [ndlr : SNAPCHAT est une application de messagerie instantanée et éphémère. Les contenus échangés disparaissent immédiatement ou après un bref laps de temps], identifié par la suite en la personne de A______, était fortement soupçonné d'avoir distribué, le 21 mai 2022 à 10h48 UTC via l'adresse IP 1______, une vidéo à caractère pédopornographique. La diffusion pouvait consister en une transmission du fichier à un autre utilisateur ou à son enregistrement dans l'infrastructure de la société américaine SNAPCHAT.

La vidéo met en scène une fillette en train de prodiguer une fellation à un homme.

b. Convoqué par mandat de comparution du 29 juillet 2022, A______ s'est présenté à la police le 5 août 2022. Selon ses explications à la police, puis au MP, il n'avait pas utilisé de mot-clé pour rechercher des vidéos pornographiques. Son but était de trouver des vidéos amateur mettant en scène des "teens", soit des personnes de son âge, ayant entre 19 et 20 ans, puisqu'il se considérait lui-même comme un "teenager". Il s'était rendu sur un forum de discussion à caractère sexuel, sur le site internet REDDIT, où des individus partageaient des vidéos ainsi que des liens vers des fichiers pornographiques. Il avait cliqué sur l'un d'entre eux, posté par un tiers, et avait été redirigé vers l'application SNAPCHAT, plus précisément vers un groupe intitulé "+ de 18 ans", dans lequel des hommes, par le biais de faux comptes, échangeaient des vidéos pornographiques légales. Il avait alors cliqué sur un autre lien posté par un inconnu, qui l'avait renvoyé vers le site internet D______ [ndlr : D______ est un hébergeur de fichiers de type "cloud" où les internautes peuvent déposer et télécharger des données. Les fichiers des utilisateurs de ce site internet sont chiffrés de bout en bout et ne peuvent être consultés qu'avec l'aide d'un mot de passe permettant le déchiffrement]. Il s'était retrouvé face à plusieurs vidéos et avait téléchargé les trois premières de la liste. Ayant accès à un aperçu du contenu des vidéos sous la forme de tout petits "thumbnails", il pouvait voir que leur contenu était de nature sexuelle mais pas qu'il s'agissait de pédopornographie. Il n'avait pas visionné ces vidéos, son but étant de les télécharger et de les échanger par la suite avec des tiers. Deux jours après, il était allé sur un autre groupe SNAPCHAT à caractère sexuel. Dès lors que les membres avaient cessé d'y échanger des vidéos, il avait discuté avec l'un d'entre eux en privé pour ce faire. Il avait envoyé à cette personne les trois vidéos préalablement téléchargées dans le lien D______, sans les avoir regardées. Il ne se rappelait pas si le contenu de ces vidéos avait été évoqué avec cet inconnu.

Le lendemain, il avait reçu un message de SNAPCHAT l'informant de la suppression de toutes les vidéos interdites échangées avec cette personne, parmi lesquelles figurait le fichier litigieux. A ce moment-là, il pensait que les liens téléchargés via D______ contenaient des vidéos licites et ne comprenait donc pas pourquoi elles avaient été supprimées unilatéralement par l'application. Quelque temps plus tard, son compte SNAPCHAT avait été définitivement supprimé par l'administration de SNAPCHAT. Il avait alors réagi en écrivant un e-mail au support de SNAPCHAT pour s'enquérir de cette fermeture, échanges qui ont été versés à la procédure.

Confronté au contenu de la vidéo, A______ a indiqué trouver cela "dégoûtant", ce d'autant plus qu'il avait des petites sœurs. Selon lui, la fille qui prodiguait la fellation devait avoir entre 7 et 8 ans.

Depuis les faits, il ne cherchait plus à échanger du contenu pornographique, n'avait plus rejoint de groupe à caractère sexuel et était attentif aux éventuels fichiers illégaux.

c.a. L'examen sommaire, par la police, du téléphone portable de A______ a permis de découvrir qu'il était abonné, sur l'application de messagerie cryptée TELEGRAM, aux trois groupes de discussions à caractère sexuel suivants : "2______", "3______" et "4______". Ces trois "chats" ont été supprimés par le support TELEGRAM et A______ n'y a jamais conversé.

c.b. A______ a expliqué avoir intégré ces groupes de discussions TELEGRAM en pensant y trouver des vidéos pornographiques de personnes majeures. Pour lui, les intitulés des groupes "2______" et "3______" étaient normaux et ne sous-entendaient pas que l'on puisse s'y procurer de la pédopornographie. Ces "chats" avaient été supprimés par le support TELEGRAM car des fichiers pornographiques, interdits sur l'application, y avaient été échangés.

d. Bien que dûment convoqué à deux reprises par le TP, A______ ne s'est pas présenté aux audiences sans s'être excusé, ni même fait représenter.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du code de procédure pénale suisse [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel et ses observations, A______ persiste dans ses conclusions. Sur la dizaine de fichiers pornographiques du lien D______, il n'en avait téléchargé que trois, dont le contenu était licite. Il ignorait que ledit lien contenait également une vidéo à caractère pédopornographique, étant relevé que les "thumbnails" étaient de très petite taille sur son téléphone. Cette ignorance était encore confirmée par sa réaction vis-à-vis du message de bannissement de l'application SNAPCHAT, puisqu'il s'était d'emblée défendu d'avoir partagé une quelconque image mettant en scène des actes à caractère sexuel avec des enfants. Âgé de 19 ans à l'époque des faits, il se considérait lui-même comme un "teen" et avait utilisé ce terme pour trouver des images de jeunes de son âge, et non d'enfants. Il s'agissait d'une appellation désignant des adolescents et jeunes adultes entre 11 et 19 ans, tranche d'âges comprenant notamment des personnes ayant atteint la majorité sexuelle. S'il était vrai que du contenu illicite pouvait circuler sur les réseaux sociaux, ceux-ci étaient toutefois utilisés à des fins licites dans la majorité des cas. Sa présence sur REDDIT, SNAPCHAT et TELEGRAM ne pouvait dès lors être retenue à charge.

À l'appui de ses conclusions en indemnisation de ses frais de défense, A______ produit un état de frais comptabilisant, sous des libellés divers, 8h30 à CHF 400.-/heure pour la procédure préliminaire et de première instance et 5h30 au même tarif horaire pour la procédure d'appel, dont 4h de rédaction du mémoire d'appel. S'ajoute à cela 10% de forfait pour les appels et les courriers.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris. A______ n'était pas crédible lorsqu'il soutenait ne pas avoir eu conscience du contenu illicite de la vidéo partagée. A______ ne s'était pas contenté de surfer sur des "grands sites" pornographiques, mais avait utilisé REDDIT, SNAPCHAT ou encore TELEGRAM, applications notoirement connues pour la partage de contenus illicites, participant en particulier à des groupes de discussions bien spécifiques intitulés "2______" ou "3______", le terme "teens" englobant les mineurs. Le lien D______ contenant la vidéo litigieuse, qui avait d'ailleurs été obtenu par l'appelant sur l'un de ces groupes TELEGRAM, comportait dix vidéos et non plusieurs centaines, si bien qu'il n'était ainsi pas crédible qu'il ne les ait pas toutes visionnées. En outre, l'objectif visé par l'appelant, soit de partager à des tiers les vidéos téléchargées, venait encore confirmer qu'il avait conscience du caractère pédopornographique du fichier.

Quoi qu'il en était, même à considérer que A______ avait transmis la vidéo à caractère pédopornographique sans prendre connaissance de son contenu au préalable, il ne pouvait ignorer qu'il existait un risque que le lien D______ puisse contenir de la pornographie interdite et, partant, ce comportement demeurait illicite.

D. A______ est né le ______ 2002. De nationalité suisse, il est célibataire et sans enfant. Domicilié chez ses parents, il est étudiant et ne perçoit aucun revenu.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu (arrêts du Tribunal fédéral 6B_519/2018 du 29 août 2018 consid. 3.1 ; 6B_377/2018 du 22 août 2018 consid. 1.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 138 V 74 consid. 7 ; ATF 127 I 38 consid. 2a; ATF 124 IV 86 consid. 2a).

2.2. Selon l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP se rend coupable de pornographie "dure" quiconque met en circulation, montre, rend accessible, met à disposition ou obtient par voie électronique des objets ou représentations d'actes d'ordre sexuel effectifs avec des mineurs.

Pour qu'un contenu doive être considéré comme pornographique, il faut qu'il soit objectivement de nature à conduire à l'excitation sexuelle et que les personnes représentées agissent comme des objets sexuels et non comme des personnes douées de sensibilité (ATF 144 II 233 consid. 8.2.3 ; 133 IV 31 consid. 6.1.1 ; 131 IV 64 consid. 10.1.1). La notion d'actes d'ordre sexuel effectifs avec des mineurs fait quant à elle référence à la représentation de mineurs réels dans un contenu pornographique (arrêts du Tribunal fédéral 6B_304/2021 du 2 juin 2022 consid. 1.3.1 ; 6B_997/2018 du 25 février 2019 consid. 2.1.1 ; 1B_189/2018 du 2 mai 2018 consid. 3.2). Comme cela ressort du texte de l'art. 197 al. 4 et 5 CP, tout acte sexuel impliquant une personne âgée de moins de 18 ans est visé par cette norme (arrêts du Tribunal fédéral 7B_62/2022 du 2 février 2024 consid. 6.2.2 ; 6B_1260/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.1 ; AARP/207/2023 du 12 juin 2023 consid. 3.1).

Sur le plan subjectif, l'art. 197 al. 4 CP consacre une infraction de nature intentionnelle ; le dol éventuel suffit (arrêts du Tribunal fédéral 7B_62/2022 du 2 février 2024 consid. 6.2.3 ; 6B_557/2015 du 28 janvier 2016 consid. 3 in fine ; AARP/ 323/2023 du 28 août 2023 consid. 2.2).

2.3.1. L'appelant ne conteste pas que la vidéo litigieuse, qu'il a téléchargée, puis partagée avec un tiers, constitue de la pornographie dite "dure". Il soutient toutefois avoir agi dans l'ignorance du contenu illicite du fichier en cause.

2.3.2. Les explications de l'appelant quant à son ignorance du contenu pédopornographique de la vidéo litigieuse ne sont pas crédibles. En effet, ce dernier aurait pu – s'il recherchait uniquement des vidéos légales – se connecter à des sites légaux dédiés à la pornographie et aisément accessibles sur internet.

Il a, au contraire, délibérément choisi des plateformes telles que TELEGRAM, REDDIT ou SNAPCHAT – où les utilisateurs peuvent diffuser, télécharger et échanger des fichiers pouvant être chiffrés de bout en bout, de manière éphémère de surcroît s'agissant de SNAPCHAT – pour procéder à des échanges de contenu pornographique, sans en expliquer la raison, ce qui apparaît hautement suspect. Dans ce contexte, il a sciemment cliqué sur des liens, dont l'un d'entre eux était lié à un hébergeur en ligne utilisé précisément pour son service de chiffrement de bout en bout, et téléchargé des fichiers partagés par de parfaits inconnus, même après avoir constaté que ces derniers agissaient à travers de faux comptes. Pour justifier de ne pas avoir visualisé les vidéos récupérées sur l'hébergeur D______, via un lien partagé dans un groupe SNAPCHAT, il a lui-même affirmé que le réel objectif de leur téléchargement était de pouvoir, par la suite, les échanger avec des tiers. Or, si l'idée de l'appelant était d'échanger des vidéos pornographiques avec des tiers, cela sous-entend qu'il devait également en recevoir de tiers et les consommer pour assouvir ses propres besoins, ce qu'il prétend n'avoir pas fait, de sorte que sa démarche apparaît tant incongrue qu'elle rend ses explications guère crédibles. La Cour relève l'étrangeté du procédé, consistant à envoyer des vidéos à des inconnus, vidéos dont il ignorait, selon ses dires, le contenu. La mise en place de telles transactions, dans un contexte d'échanges de vidéos pornographiques licites, apparaît par ailleurs douteuse. Un tel comportement ne se justifie en effet que lorsque les protagonistes souhaitent se procurer des fichiers qu'ils ne peuvent pas obtenir sur les plateformes usuelles de contenu pornographique. Tel est notamment le cas pour les vidéos pédopornographiques.

L'appelant était en outre membre, sur l'application de messagerie cryptée TELEGRAM, de deux groupes de discussions dédiés à l'échange de fichiers pornographiques : "3______" et "2______". L'intitulé de ce second "chat" faisait manifestement référence aux "teenagers", soit aux adolescents âgés entre 10 et 19 ans. L'appelant ne le conteste d'ailleurs pas et se réfère lui-même à cette tranche d'âge dans son mémoire d'appel. Dès lors, il ne pouvait pas ignorer que du contenu à caractère pédopornographique pouvait être échangé dans ces groupes, en particulier dans celui intitulé "2______". En agissant ainsi, il prenait non seulement le risque de se procurer du matériel pédopornographique mais également, en le partageant ensuite avec des tiers, de le diffuser à des tiers, acceptant cette éventualité. Le fait qu'il se trouve lui-même, au moment des faits, à la limite supérieure de ce que l'on entend par "teenager" (19 ans) ne change rien au raisonnement qui précède.

L'absence de fichier pédopornographique sur son téléphone portable est en l'espèce un élément neutre qui ne permet pas d'exclure l'intention de l'appelant, lequel a eu tout loisir de supprimer le contenu de son portable entre la réception du mandat de comparution et son audition à la police.

Compte tenu du contexte dans lequel l'appelant a agi et vu ses aveux partiels, reconnaissant d'une part le téléchargement volontaire du fichier à caractère sexuel et d'autre part l'utilisation du terme "teen", visant selon lui des personnes âgées entre 11 et 19 ans, la Cour a acquis la conviction qu'il savait, ou envisageait à tout le moins, tout en acceptant que cela se produise, qu'il pouvait entrer en possession et ensuite diffuser des fichiers pédopornographiques. L'e-mail envoyé au support SNAPCHAT, dans le prolongement de son bannissement de l'application, ne lui vient pas en aide à cet égard, étant donné que l'appelant n'a pas réagi lorsque SNAPCHAT l'a informé de la suppression des fichiers illicites qu'il détenait mais, uniquement plus tard, lorsque son compte a été définitivement supprimé.

Il s'ensuit que les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'infraction de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP sont remplis et que c'est à juste titre que le TP a reconnu l'appelant coupable de ce chef. Partant, son appel sera rejeté.

3. 3.1. L'infraction de pornographie "dure" au sens de l'art. 197 al. 4 2ème phr. CP est réprimée d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Celle-ci doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 149 IV 395 consid. 3.6.2 ; 149 IV 217 consid. 1.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5.5, 5.6 et 5.7), ainsi que l'effet de la peine sur son avenir. L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2 ; 136 IV 1 consid. 2.6.4). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 149 IV 395 consid. 3.6.1 ; 144 IV 313 consid. 1.2 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 35 consid. 2.1).

3.2.2. Conformément à l'art. 34 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende, le juge fixant leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1). Un jour-amende est de CHF 30.- au moins et de CHF 3'000.- au plus. Exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, il peut être réduit à CHF 10.-. Le juge en arrête le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

3.2.3. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l’exécution d’une peine pécuniaire ou d’une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu’une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits.

3.2.4. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

3.3.1. La faute de l'appelant n'est pas anodine. Si sa culpabilité ne porte que sur le téléchargement, la possession et le partage d'une unique vidéo de pornographie "dure", il a tout de même contribué à la propagation d'une vidéo mettant en scène une jeune fille prodiguant une fellation à un homme et participé de la sorte à l'exploitation à des fins sexuelles de mineurs.

L'appelant a agi par pur égoïsme dans le but de se procurer des fichiers pornographiques et ainsi satisfaire ses envies sexuelles.

La collaboration de l'appelant est sans spécificité, voire mauvaise. Il a certes accepté l'examen de son téléphone et répondu aux questions de la police et du MP, mais il n'a fourni aucun élément supplémentaire s'agissant du lien D______ ou de l'individu auquel il a envoyé la vidéo. Bien que dûment convoqué à deux reprises par-devant le TP, il ne s'est par ailleurs pas présenté, sans être excusé.

L'appelant, qui persiste à contester sa culpabilité sous l'angle de l'élément subjectif, ne semble pas avoir pris conscience de la gravité de son comportement. Ce sentiment est encore renforcé par son absence non excusée lors des débats de première instance, qui dénote en outre d'une forme de mépris envers les autorités.

En dehors de son relativement jeune âge au moment des faits, sa situation personnelle n'explique ni ne justifie son comportement.

L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine.

3.3.2. La peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 30.- l'unité fixée par le TP apparaît en l'espèce adéquate, tant sous l'angle de la gravité de la faute qu'au regard de la situation financière de l'appelant, de sorte qu'il y a lieu de la confirmer.

L'octroi du sursis est acquis à l'appelant en vertu de l'interdiction de la reformatio in pejus (cf. art. 391 al. 2 CPP) et la durée du délai d'épreuve arrêté à trois ans en première instance apparait adéquat pour dissuader l'appelant de récidiver.

4. 4.1. Selon l'art. 67 al. 3 let. d ch. 2 CP, s'il a été prononcé contre un condamné une peine pour une infraction de pornographie "dure", au sens de l'art. 197 al. 4 et 5 CP, dont le contenu concernait un ou plusieurs mineur(s), l'exercice de toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs lui est interdit à vie.

L'art. 67 al. 4bis CP permet au juge de renoncer à une telle sanction s'il n'a pas commis l'une des infractions listées à l'art. 67 al. 4bis let. a CP (1) et qu'il ne souffre pas d'un trouble pédophile (2), pour autant qu'il s'agisse d'un cas de très peu de gravité (3) et qu'une telle mesure ne paraisse pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres infractions passibles de cette même mesure (4) (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.1 et 2.5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.4). Lorsque ces conditions sont remplies, le juge pénal doit renoncer à l'interdiction à vie (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.7 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_143/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.5.3 ; 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.3). La condition d'absence d'un pronostic de récidive s'examine comme celle applicable en matière de sursis, soit au regard du passé de l'auteur, de sa personnalité et tous les autres éléments pertinents pour estimer la vraisemblance d'une telle récidive (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.2).

Déterminer si un cas est de très peu de gravité s'analyse, d'une part, au regard de l'éventuelle faiblesse de la peine-menace de l'infraction commise et, d'autre part, de la culpabilité de l'auteur lorsqu'elle apparaît particulièrement légère, ce qui se reflète en principe dans la peine concrètement infligée (ATF 149 IV 161 consid. 2.5.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 7B_143/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.5.2 ; 6B_852/2022 du 26 avril 2023 consid. 2.2.1).

Ont été qualifiés de cas de très peu de gravité l'envoi à huit connaissances de l'auteur d'une vidéo où deux mineurs de moins de 16 ans ont des relations sexuelles par le biais de l'application Facebook Messenger à titre de plaisanterie de mauvais goût (cf. AARP/402/2023 du 19 octobre 2023 consid. 3.3.1 et 5.2.1), le fait, pour un auteur majeur, d'avoir embrassé la joue et tenté de toucher les fesses d'une jeune fille de 13 ans contre son gré dans un ascenseur (cf. AARP/441/2023 du 14 décembre 2023 consid. 4.2.2 et 6.2) ou encore l'envoi, à deux amis pour plaisanter, d'une vidéo mettant en scène un jeune garçon âgé de 12 à 14 ans qui se masturbe (cf. AARP/124/2024 du 26 mars 2024 consid. 4.2 et 6.2). En revanche, le téléchargement de 236 images et six films à caractère pédophile à des fins de consommation personnelle (cf. arrêt du Tribunal fédéral 7B_143/2022 du 18 juillet 2023 consid. 2.6), de 136 images du même type (cf. ATF 149 IV 161 consid. 2.6.1), de la possession d'une vidéo du viol avec torture d'une enfant de deux ans (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1027/2021 du 5 juin 2023 consid. 2.4.2) et du téléchargement de quatre images et deux films incluant des mineures dans des poses plus que suggestives et une relation sexuelle entre un mineur et des animaux (cf. arrêt du tribunal fédéral 7B_479/2023 du 21 novembre 2023 consid. 2.4.1) n'ont pas été qualifiés de cas d'importance mineure, tout comme celui d'un auteur ayant pratiqué l'onanisme dans une piscine publique en présence d'une enfant de 11 ans (cf. arrêt du Tribunal cantonal vaudois CAPE 2023/389 du 31 octobre 2023 consid. 3.3.1).

4.2. En l'espèce, l'appelant n'a pas été condamné pour la commission d'une infraction listée à l'art. 67 al. 4bis let. a CP et rien ne laisse penser qu'il souffrirait d'un trouble de type pédophile au sens de l'art. 67 al. 4bis let. b CP, de sorte qu'une renonciation à une interdiction à vie d'exercer une activité impliquant des contacts réguliers avec des mineurs n'apparaît pas d'emblée exclue.

L'infraction de l'art. 197 al. 4 2ème phrase CP est une infraction grave, de sorte qu'il y a lieu de se montrer sévère dans l'appréciation de la clause d'exception de l'art. 67 al. 4bis CP. Le cas de l'appelant constitue en l'espèce un cas limite compte tenu de l'opacité du contexte dans lequel il s'est retrouvé en possession et a partagé à un tiers une vidéo pédopornographique mettant en scène une jeune enfant. Cela étant, sa culpabilité concrète a été qualifiée de faible, dès lors que les faits reprochés ne portent que sur un unique fichier vidéo et que le dossier ne permet en l'état pas de retenir une consommation pédopornographique plus importante. En outre, son jeune âge au moment des faits doit être tenu en considération. Son casier judiciaire est vierge de tout antécédent, et rien ne laisse penser qu'il représenterait à l'avenir un risque pour la sécurité des mineurs à ce stade. Compte tenu de ces éléments, une interdiction à vie d'exercer une activité engendrant des contacts réguliers avec des mineurs, entraînant une inscription à vie de cette interdiction et du jugement l'ayant ordonnée au casier judiciaire (art. 30 al. 1, al. 2 let. m et al. 3 let. c de la loi sur le casier judiciaire [LCJ]) apparaît disproportionnée. Cela vaut d'autant plus que la condamnation de l'appelant figurera quoi qu'il en soit jusqu'à la fin de son délai d'épreuve sur l'extrait de son casier destiné aux particuliers (cf. art. 41 LCJ en lien avec l'art. 40 al. 3 let. b LJC) et que les autorités pénales pourront en tenir compte à l'avenir sans absolue limite de temps (ATF 150 IV 103 consid. 2.2.3).

En conclusion, il convient de renoncer au prononcé d'une interdiction à vie de l'exercice de toute activité professionnelle et non professionnelle organisée impliquant des contacts réguliers avec des mineurs.

5. 5.1. L'appelant, qui n'obtient que très partiellement gain de cause sur un point par ailleurs non plaidé, supportera 95% des frais de la procédure d'appel envers l'État, lesquels s'élèvent à CHF 1'155.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP).

5.2. Il n'y a pas lieu de revenir sur la mise à charge de l'appelant de la totalité des frais de la procédure préliminaire et de première instance vu l'issue de son appel (art. 426 al. 1 CPP).

6. 6.1.1. À teneur de l'art. 436 al. 2 CPP, si ni un acquittement total ou partiel, ni un classement de la procédure ne sont prononcés mais que le prévenu obtient gain de cause sur d'autres points, il a droit à une juste indemnité pour ses dépenses.

6.1.2. Conformément à l'art. 429 al. 3 CPP, applicable par renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, lorsque le prévenu a chargé un défenseur privé de sa défense, celui-ci a un droit exclusif à l’indemnité prévue à l’al. 1, let. a, sous réserve de règlement de compte avec son client.

6.2. L'appelant peut en l'espèce, en corrélation avec la mise à sa charge des frais, prétendre à l'indemnisation des dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure en appel à hauteur de 5%.

Les arguments développés dans le mémoire d'appel justifient que le poste dédié de l'état de frais déposé à l'appui des conclusions de l'appelant soit réduit de deux heures.

Les honoraires facturés par Me B______ pour son activité en procédure d'appel, qui s'élèvent au total à CHF 1'540.-, correspondant à 3h30 d'activité à CHF 400.-/heure (CHF 1'400.-), plus CHF 140.- de forfait pour les appels et les courriels, seront indemnisés à hauteur de 5%.

Une indemnité de CHF 77.- sera dès lors allouée, à la charge de l'État, à Me B______ pour son activité en faveur de la défense de l'appelant durant la procédure d’appel.

6.3. Les conclusions en indemnisation de l'appelant seront, pour le surplus, rejetées.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/559/2024 rendu le 14 mai 2024 par le Tribunal de police dans la procédure P/17323/2022.

L'admet très partiellement.

Annule le jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de pornographie (art. 197 al. 4 phr. 1 et 2 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Renonce à prononcer à l'encontre de A______ une interdiction à vie d'exercer une activité professionnelle et toute activité non professionnelle impliquant des contacts réguliers avec des mineurs (art. 67 al. 4bis CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'168.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'155.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'000.-.

Met 95% de ces frais, soit CHF 1'097.25, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Alloue à la charge de l'État, une indemnité de CHF 77.- à Me B______ pour l'activité déployée à la défense de A______ durant la procédure d'appel (art. 429 al. 3 et 436 al. 1 et 2 CPP).

Rejette pour le surplus les conclusions de A______ (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, à l’Office fédéral de la police et au Service d’application des peines et mesures.

 

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

La présidente :

Sara GARBARSKI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1168.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1000.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'155.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'323.00