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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/14006/2020

AARP/105/2024 du 21.03.2024 sur JTDP/1255/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : VIOLATION D'UNE OBLIGATION D'ENTRETIEN;EXEMPTION DE PEINE
Normes : CP.217; CP.52
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/14006/2020 AARP/105/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 21 mars 2024

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par MPatrick SPINEDI, avocat, SPINEDI AVOCATS SARL, rue Saint-Léger 2, 1205 Genève,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1255/2023 rendu le 28 septembre 2023 par le Tribunal de police,

 

et

B______, partie plaignante, comparant par MC______, avocat,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 28 septembre 2023 par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 al. 1 Code pénal [CP]), tout en l'exemptant de peine (art. 52 CP), a rejeté ses conclusions en indemnisation et l'a condamné au paiement d'une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure à B______ de CHF 2'051.70 ainsi qu'aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 1'300.-, émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- compris.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement et à son indemnisation au sens de l'art 429 al. 1 let. a CPP, frais à charge de l'État.

b. Selon l'ordonnance pénale du 9 mai 2022, il est reproché ce qui suit à A______ :

Entre le 31 mai et le 4 août 2020, à Genève, il a omis de s'acquitter, par mois et d'avance, d'une somme totale de CHF 1'000.- correspondant aux contributions alimentaires dues à sa fille B______, née le ______ 2002, soit CHF 100.- à titre de solde de contribution alimentaire pour juin 2020 et CHF 900.- pour juillet 2020, alors qu'il en avait les moyens.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______, né le ______ 1970, a été marié de 2002 à 2009 à D______, avec laquelle il a eu une fille, B______, née le ______ 2002.

a.b. Leur divorce a été prononcé par jugement du Tribunal de première instance (TPI) du 8 janvier 2009. Ce jugement prévoyait, s'agissant de l'entretien de B______ que son père devait verser à D______, par mois et d'avance, allocations familiales ou d'études non comprises, la somme de CHF 1'000.- jusqu'aux 12 ans révolus de l'enfant, puis de CHF 1'100.- jusqu'à sa majorité.

À teneur des considérants, la contribution n'était due que jusqu'à la majorité de B______, son jeune âge et l'absence de toute information sur ses éventuels projets de formation future ne permettant pas de faire de pronostic sur la nécessité d'un entretien au-delà de sa majorité.

b.a. A______ a régulièrement versé les contributions d'entretien dues à sa fille, s'acquittant du dernier montant de CHF 1'100.- jusqu'au 29 mai 2020. Il a ensuite cessé de verser lesdites contributions dès le mois de juin 2020, au motif de la majorité de celle-ci, atteinte le ______ mai 2020.

b.b. Le 14 juillet 2020, B______ a adressé un message via l'application Whatsapp à son père pour lui faire remarquer qu'il n'avait pas versé la contribution du mois de juin 2020. A______ lui a répondu que le jugement de divorce prévoyait une contribution jusqu'à ses 18 ans, qu'il pouvait lui donner un coup de main, mais qu'ils devaient en discuter.

b.c. Le 3 août 2020, B______ a écrit un courriel à son père pour lui demander de continuer à contribuer à son entretien car elle tenait à poursuivre ses études.

Par retour de courriel du lendemain, A______ lui a répondu : "Salut B______, comme discuté auparavant je t'ai dit que je contribuerai à tes études pour cela pas de soucis. Au cas ou j'ai un téléphone et nous sommes parti en vacance ensemble! Tu pouvais en parler à ce moment là? Bref quand on se verra on en discutera de ta sollicitation. (sic)".

b.d. Le 4 août 2020, B______ a déposé plainte contre son père en raison de la cessation des paiements en sa faveur depuis qu'elle avait atteint sa majorité. Elle s'apprêtait à entrer en 4ème année du collège et avait pour ambition d'entreprendre des études universitaires.

c.a. Invité à se déterminer par écrit sur la plainte, A______ s'est référé au jugement de divorce et a contesté devoir encore payer la pension alimentaire de CHF 1'100.- par mois à sa fille. Il se disait toutefois ouvert à une discussion avec cette dernière.

c.b. Le Ministère public (MP), par courriers des 22 octobre et 4 novembre 2020, a pris bonne note de l'engagement de A______ à continuer à contribuer à l'entretien de sa fille jusqu'à ce qu'elle acquière une formation appropriée et lui a octroyé un délai au 11 janvier 2021 pour apporter la preuve du paiement de l'arriéré de pension alimentaire à la partie plaignante, ainsi que de l'accord de cette dernière quant à son montant s'il devait différer de celui fixé par le jugement de divorce.

c.c. Par pli du 11 janvier 2021, A______ a informé le MP qu'il n'avait pas obtenu de la part la partie plaignante les éléments qui lui auraient permis de fixer un montant à payer à titre de contribution pour sa fille majeure, cette dernière ne lui ayant jamais communiqué un budget de ses charges mensuelles ni le détail des revenus de sa mère. Toutefois, dans l'attente des informations requises, il avait décidé de verser à sa fille CHF 800.- par mois, montant fondé sur une estimation de sa part. L'arriéré pour les mois de juin, août à décembre 2020, en CHF 4'800.- ayant été payé le 12 janvier 2021.

Il ressort des échanges antérieurs entre leurs conseils que A______ estimait que le mois de juillet n'était pas dû dans la mesure où B______ avait passé ce mois en vacances avec son père.

c.d. Par requête du 8 avril 2021, B______ a introduit une procédure civile, laquelle a abouti, dans le cadre de la procédure de conciliation, à une transaction d'accord conclue devant le TPI le 8 septembre 2021 (n° ACTPI/234/2021).

A______ s'est engagé à verser en mains de B______, par mois et d'avance, dès le 1er octobre 2021, la somme de CHF 900.-, allocations d'études en CHF 250.- non comprises, à titre de contribution à son entretien, aussi longtemps que la précitée poursuivra une formation professionnelle ou des études sérieuses et régulières, mais au plus tard jusqu'à ses 25 ans.

d.a. Entendue par le MP le 20 avril 2022, B______ a indiqué maintenir sa plainte pénale, mais ne souhaitait pas répondre à la question du but de cette plainte. Ses relations avec son père étaient encore cordiales en juin et juillet 2020, mais désormais, ils ne se parlaient plus.

Devant le premier juge le 28 septembre 2023, elle a précisé qu'elle poursuivait ses études en deuxième année de psychologie à l'Université de Genève. En juin 2020, elle avait terminé sa troisième année au collège de E______, de sorte qu'il lui restait alors la quatrième année à effectuer. Elle avait passé le mois de juillet 2020 en vacances avec son père. Ce dernier ne lui avait pas dit avoir l'intention de cesser les paiements en raison du fait qu'il ne connaissait pas ses projets d'études. En revanche, par ses messages du 14 juillet 2020, il lui avait dit qu'il ne voulait plus continuer à lui verser de pensions après ses 18 ans.

e. Tout au long de la procédure, A______ a contesté la réalisation de l'infraction.

Suite à la majorité de sa fille, la situation n'était pas claire. Il pensait être dans son droit de cesser de payer la contribution d'entretien. Il attendait des nouvelles de sa fille s'agissant de sa volonté de poursuivre ou non ses études, même s'il avait bien pensé qu'elle souhaiterait les continuer. À la suite du courriel reçu le 3 août 2020, il imaginait qu'il aurait une discussion avec elle à propos de son aide financière. Il n'avait pas eu l'occasion d'aborder concrètement le sujet, n'en ayant notamment pas discuté pendant les vacances en juillet 2020. Les montants versés pour les mois de juin et août à décembre 2020 découlaient d'une estimation de sa part, étant relevé qu'il avait été maintenu dans le flou sur la situation financière de sa fille dans l'intervalle. Il considérait que le montant de CHF 4'800.- versé pour les mois de juin et août à décembre 2020 excédait le montant réellement dû à titre de contribution d'entretien, alors que le mois de juillet 2020 n'était pas dû car il avait assumé l'entier des frais de celle-ci pendant les vacances qu'ils avaient passées ensemble. Son salaire n'avait pas évolué entre 2020 et 2022. Il n'entretenait plus de relation avec sa fille depuis le dépôt de la plainte.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite, avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions et chiffre ses prétentions en indemnité à CHF 13'105.25.

Il n'avait jamais refusé de contribuer à l'entretien de sa fille après sa majorité. Il avait démontré sa volonté de l'aider par le courriel qu'il lui avait adressé le 4 août 2020, dont il ressortait par ailleurs qu'ils en avaient discuté ensemble auparavant. Il s'attendait ainsi à avoir une discussion avec sa fille au sujet du montant qu'il devrait lui verser, et non à ce qu'elle dépose une plainte pénale le jour-même. Aucun élément ne pouvait laisser penser qu'il avait l'intention de se soustraire à ses obligations. En revanche, l'intimée n'avait fourni aucun renseignement quant à ses besoins financiers, ni quant à la capacité contributive de sa mère, ce qui l'avait empêché de fixer le montant à payer en 2020. Il n'avait connu les éléments nécessaires à la fixation de la contribution que lors du dépôt par l'intimée d'une requête en conciliation devant le TPI. L'accord passé devant cette instance, censé régler définitivement le litige entre les parties, ne fixait une contribution qu'à partir d'octobre 2021, alors que les prétentions de B______ selon sa requête visaient des contributions avec effet au mois de juin 2020. Ainsi, il estimait que celle-ci y avait renoncé et il ignorait devoir néanmoins payer le mois de juillet 2020. En outre, il avait versé, le 12 janvier 2021, CHF 4'800.-, ce qui n'était pas un montant négligeable.

Sa condamnation était inopportune, étant également rappelé le principe de subsidiarité du droit pénal. La requête civile déposée par la partie plaignante avait suffi à permettre aux parties de trouver un accord sur le montant à verser, permettant ainsi de sauvegarder les droits de sa fille. Il avait toujours versé la contribution due en vertu du jugement de divorce de 2009 et avait ensuite respecté l'accord conclu en 2021, tout en s'étant encore acquitté d'un montant de CHF 4'800.- pour la période intermédiaire. Il n'avait jamais remis en question ses obligations ni ses engagements. La démarche pénale ne répondait ainsi à aucun intérêt, public ou privé, risquant au contraire de rompre définitivement toute relation entre sa fille et lui.

c. Selon son mémoire de réponse, B______ conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement querellé et à son indemnisation au sens de l'art. 433 al. 1 let. b CPP, pour la procédure d'appel, en CHF 2'700.-, correspondant à six heures d'activité à CHF 450.-.

L'appelant s'était soustrait à l'intégralité de son obligation d'entretien, puisqu'il avait cessé tout paiement entre juin 2020 et janvier 2021. Il ressortait des échanges de messages du 14 juillet 2020 qu'il n'avait plus la volonté de payer les contributions après sa majorité. Il était pourtant évident qu'elle allait poursuivre ses études, puisqu'il lui restait alors, a minima, sa dernière année de collège à effectuer. Un prétendu flou sur sa situation financière ne justifiait en aucun cas la décision unilatérale de l'appelant de cesser de contribuer à son entretien du jour au lendemain. Ses charges ne diminuaient pas avec l'âge, bien au contraire. L'accord transactionnel du 8 septembre 2021 n'aurait pas pu voir le jour sans le dépôt préalable de la plainte pénale et l'appelant n'avait toujours rien versé en lien avec le mois de juillet 2020. Ce dernier devait ainsi prendre conscience du tort qu'il avait causé. En outre, elle avait de bonnes raisons de craindre que l'appelant ne satisfasse pas à ses obligations, étant donné qu'il avait différé le paiement de la contribution du mois de septembre 2022, au motif qu'il avait reçu l'attestation d'études avec une semaine de retard. Sa condamnation était ainsi non seulement justifiée, mais opportune.

d. Dans ses observations, le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

L'appelant, malgré sa propension à contribuer dans une certaine mesure à l'entretien de sa fille, avait néanmoins unilatéralement cessé les versements à la majorité de sa fille, alors qu'il en avait les moyens, qu'il savait que celle-ci poursuivait ses études puisqu'elle terminait sa troisième année de collège. Il avait ainsi intentionnellement cessé, à tout le moins temporairement, les versements, alors que le fait que le montant dû n'était pas encore fixé judiciairement ne lui permettait pas de mettre fin à toute contribution à l'entretien de sa fille.

Le premier juge avait à juste titre fixé le montant dû à CHF 900.- par mois pour juin et juillet 2020, sur la base de la transaction civile. Le fait de passer des vacances avec sa fille durant ce dernier mois ne l'exonérait pas de tout paiement, les frais fixes de sa fille n'ayant pas cessé durant cette période. En ne payant pas, à temps et intégralement, la contribution due à sa fille en vertu du droit de la famille, l'appelant s'était rendu coupable de violation d'une obligation d'entretien.

e. Quant au TP, il se réfère intégralement au jugement rendu.

D. A______ est né le ______ 1970 à Genève, de nationalité suisse. Divorcé, il vit seul, sa fille majeure habitant avec sa mère. Il travaille en qualité d'employé de banque, dans la logistique et à la réception, pour un salaire mensuel brut de CHF 6'700.-, versé 13 fois l'an, ainsi qu'un bonus d'environ CHF 5'000.- par année. Il estime ses charges mensuelles à CHF 3'600.- ou CHF 3'700.- et n'a pas de dettes, ni fortune.

À teneur du casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédent.


 

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF 127 I 28 consid. 2a).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

3. 3.1.1. L'art. 217 al. 1 CP punit, sur plainte, quiconque ne fournit pas les aliments ou les subsides qu'il doit en vertu du droit de la famille, quoiqu'il en ait les moyens ou puisse les avoir.

L'obligation d'entretien est violée, d'un point de vue objectif, lorsque le débiteur ne fournit pas, intégralement, à temps et à disposition de la personne habilitée à la recevoir, la prestation d'entretien qu'il doit en vertu du droit de la famille (ATF 121 IV 272 consid. 3c ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1017/2016 du 10 juillet 2017 consid. 2.2).

Le juge pénal est lié par la contribution d'entretien fixée par le juge civil (ATF 106 IV 36). L'application de l'art. 217 CP est néanmoins admise même en l'absence de tout prononcé judiciaire et de toute convention privée, une constatation judiciaire préalable n'étant pas nécessaire dans la mesure où l'obligation d'entretien découle directement de la loi. Le juge pénal peut ainsi, lorsque la contribution n'est arrêtée ni par convention ni par jugement civil exécutoire, la fixer lui-même en appréciant l'ensemble des circonstances (méthode directe ; ATF 128 IV 86 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_667/2010 du 20 janvier 2011 consid. 2 ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, 2ème éd., Bâle 2017, n. 7 ad art. 217).

3.1.2. L'auteur doit en outre avoir violé son obligation d'entretien alors qu'il avait les moyens de fournir les prestations ou aurait pu l'avoir, il s'agit d'une condition objective de punissabilité de l'art. 217 CP. La capacité économique de l'accusé de verser la contribution d'entretien se détermine par analogie avec le droit des poursuites relatif au minimum vital (art. 93 LP ; ATF 121 IV 272 consid. 3c).

3.1.3. Sur le plan subjectif, l'infraction réprimée par l'art. 217 CP doit être commise intentionnellement. Le dol éventuel suffit. L'intention de ne pas payer le montant dû sera en règle générale donnée si l'obligation a été fixée dans un jugement ou une convention car elle sera alors connue du débiteur. En revanche, l'intention du débiteur sera plus difficile à établir en l'absence de toute décision et de tout accord ; il n'en reste pas moins que le juge pourra prouver l'intention au moins dans les cas patents, notamment lorsque le débiteur n'aura rien payé ou aura versé seulement un montant dérisoire alors qu'il disposait de ressources non négligeables (ATF
128 IV 86 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1331/2021 du 11 octobre 2022 consid. 1.2).

3.1.4. Une erreur de l'auteur sur la réalisation de certaines conditions de l'obligation d'entretien constitue une erreur sur les faits. En revanche, l'erreur portant sur l'existence de l'obligation d'entretien elle-même constitue une erreur sur l'illicéité au sens de l'art. 21 CP (A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ [éds], Commentaire romand, Code pénal II, 2ème éd., Bâle 2017, n. 20 ad art. 217).

3.2.1. En l'espèce, il est établi que, dès la majorité de sa fille atteinte [le ______] mai 2020, l'appelant a cessé les paiements de la contribution d'entretien fixée par le jugement de divorce du 8 janvier 2009, ne payant pas les mois de juin et juillet 2020. Certes, le jugement de divorce ne fixait pas de contribution après la majorité de l'intimée, celui-ci n'excluait toutefois pas qu'une contribution reste due en cas de poursuite d'une formation après l'âge de 18 ans, une telle contribution découlant directement de la loi, aux conditions de l'art. 277 du Code civil (CC).

Faute de jugement exécutoire applicable à la période pénale, il revient cependant au juge pénal de fixer le principe et l'étendue de l'obligation d'entretien due pour la période considérée. Dans ce cadre, le TP était effectivement libre de se référer aux décisions rendues par le juge civil, antérieurement ou postérieurement, afin de rendre plus facile l'établissement des faits.

Le fait qu'une contribution d'entretien était due également après la majorité de sa fille, en vertu du droit de la famille, est acquis et l'appelant ne le conteste pas réellement. En ce qui concerne le montant de celle-ci, bien que l'accord transactionnel passé devant le TPI le 8 septembre 2021 fixant un montant de CHF 900.- n'était exécutoire qu'à partir d'octobre 2021, il n'y a pas lieu de penser que les besoins financiers de l'intimée, déjà majeure et poursuivant ses études, eussent varié entre l'été 2020 et l'été 2021. En tous les cas, le TP s'est basé sur cet accord transactionnel, et ce au bénéfice de l'appelant puisque le jugement de divorce de 2009 prévoyait une pension plus élevée.

Il est en outre avéré, sur le plan objectif, que l'appelant avait les moyens nécessaires au paiement de cette contribution, ce qu'il ne conteste pas.

Ainsi, l'appelant n'était nullement fondé à cesser, dès le mois de juin 2020, de s'acquitter de ses obligations d'entretien à l'égard de sa fille.

3.2.2. L'appelant conteste en particulier l'aspect subjectif de l'infraction.

Bien que le droit à une contribution d'entretien ne dépende pas de ce que le débiteur sait ou non, dans la mesure où sa fille était à l'époque scolarisée en troisième année du collège à Genève, formation qui s'accomplit sur quatre ans, l'appelant est mal pris lorsqu'il prétend ne pas avoir su si celle-ci voulait poursuivre sa formation et ainsi si une contribution était due. Il ne pouvait s'imaginer que sa fille était devenue financièrement indépendante le jour de sa majorité, ce qui suffit déjà à fonder sa culpabilité et exclut, de surcroît, tant une éventuelle erreur sur l'illicéité qu'une erreur sur les faits.

Il lui appartenait en tous les cas de se renseigner auprès de sa fille, qu'il voyait régulièrement, le cas échéant de se procurer en temps utile les éléments permettant de justifier une éventuelle cessation du versement de la pension. Il ressort des échanges de messages du 14 juillet 2020 et du courriel du 4 août 2020, qu'il avait bien l'intention de cesser les paiements mensuels des contributions d'entretien, même s'il avait l'intention d'aider financièrement sa fille, mais il n'a toutefois pas abordé le sujet alors qu'il était avec elle en vacances durant tout le mois. Or, en sa qualité de parent et d'aîné, il lui incombait d'aborder le sujet et non de faire porter ce poids sur sa fille, toute jeune adulte.

En s'abstenant de toutes démarches à cette fin et en interrompant arbitrairement les paiements, l'appelant a, à tout le moins, pris le risque de commettre une violation d'une obligation d'entretien, le dol éventuel étant suffisant.

3.2.3. Enfin, il peut être rappelé que, malgré le paiement rétroactif de CHF 4'800.- intervenu en janvier 2021, un paiement tardif des pensions dues suffit à réaliser l'infraction. Ce paiement faisait d'ailleurs suite à un délai fixé par le MP et n'a pas été effectué spontanément par l'appelant malgré sa volonté affichée d'aider financièrement sa fille. Il a fixé seul un montant de CHF 800.- mensuel, tout en décidant unilatéralement d'exclure le mois de juillet 2020 au motif qu'il avait passé ce mois en vacances avec l'intimée. Par ailleurs, à ce jour, il n'a toujours pas payé les montants relatifs à la période pénale.

3.2.4. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, le litige revêt bien un caractère pénal. L'action, intentée par la suite par l'intimée, en fixation de la contribution d'entretien, n'exclut absolument pas la réalisation de l'infraction à l'art. 217 CP, laquelle tend précisément à protéger une prétention de nature civile. Sous l'angle du grief d'inopportunité soulevé par l'appelant, il sera relevé que le TP en a déjà tenu compte en l'exemptant de toute peine, en vertu de l'art. 52 CP.

3.3. Au vu de ce qui précède, le verdict de culpabilité rendu à l'encontre de l'appelant du chef de violation d'une obligation d'entretien sera confirmé et l'appel rejeté.

4. L'exemption de peine est acquise à l'appelant, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de revenir sur ce point.

5. Il résulte de ce qui précède que le jugement de première instance doit être intégralement confirmé.

6. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), qui comprennent un émolument de décision de CHF 800.-.

Il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de première instance, y compris la mise à la charge de l'appelant de l'émolument complémentaire de jugement.

7. Vu l'issue de l'appel, les conclusions en indemnisation de l'appelant seront rejetées (art. 429 al. 1 a contrario CPP).

8. 8.1. Selon l'art. 433 al. 1 let. a CPP, applicable en appel par le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause.

Tel est le cas si ses prétentions civiles sont admises et/ou lorsque le prévenu est condamné (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3). L'État ne prend en charge les frais de défense que si l'assistance d'un avocat était nécessaire compte tenu de la complexité de l'affaire en fait ou en droit et que le volume de travail, et donc les honoraires, étaient ainsi justifiés (ATF 142 IV 45 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.1).

8.2. L'intimée conclut, pour la procédure d'appel, à une indemnité de CHF 2'700.- relative à six heures d'activité de son conseil. Le dossier d'appel, peu volumineux, ne posait pas de difficulté particulière et était censé connu et maîtrisé de l'avocat puisque plaidé récemment en première instance. Ainsi, son mémoire de réponse n'excédant pas huit pages, seules quatre heures seront retenues, au tarif chef d'étude, comme étant nécessaires à sa rédaction, entretien avec la cliente compris.

Une indemnité de CHF 1'938.60, TVA incluse, sera ainsi fixée et mise à la charge de l'appelant.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1255/2023 rendu le 28 septembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/14006/2020.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 955.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 800.-.

Condamne A______ à verser CHF 1'938.60 (TVA comprise) à B______ à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits en appel.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

"Déclare A______ coupable de violation d'une obligation d'entretien (art. 217 al. 1 CP).

Exempte A______ de peine (art. 52 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 CPP).

Condamne A______ à verser à B______ CHF 2'051.70, à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, arrêtés à CHF 700.- (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ à payer un émolument complémentaire de CHF 600.- à l'Etat de Genève. "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

La greffière :

Linda TAGHARIST

 

Le président :

Vincent FOURNIER


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1300.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

955.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'255.00