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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/23718/2022

AARP/194/2023 du 31.05.2023 sur OTDP/104/2023 ( REV ) , TOTAL

Descripteurs : DEMANDE ADRESSÉE À L'AUTORITÉ;RÉVISION(DÉCISION);CONTRAVENTION
Normes : CPP.415; CPP.410
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23718/2022 AARP/194/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 31 mai 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant en personne,

demandeur en révision,

 

contre l'ordonnance pénale n° 1______ rendue par le Service des contraventions le 13 octobre 2022,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, chemin de la Gravière 5, case postale 104, 1211 Genève 8,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

 

défendeurs en révision.


EN FAIT :

A. a. Par ordonnance du 20 janvier 2023, le Tribunal de police (TP) a constaté la tardiveté de l'opposition formée par A______ à l'ordonnance pénale n° 1______ rendue le 13 octobre 2022 par le Service des contraventions (SDC) et renvoyé la cause à ce dernier pour qu'il statue sur la demande de restitution de délai, précisant qu'en cas de rejet de cette demande, la cause devait être transmise à la Cour pour être examinée sous l'angle d'une demande de révision.

Par ordonnance du 16 février 2023, le SDC a refusé de restituer le délai d'opposition et a constaté l'entrée en force de l'ordonnance pénale n° 1______ du 13 octobre 2022. Par courrier du même jour, il a transmis la cause à la Cour de céans.

b. Par l'ordonnance pénale du 13 octobre 2022, le SDC a condamné A______ à une amende de CHF 40.- (émolument de CHF 40.- en sus) pour avoir, le 23 juin 2022, à la rue de Fribourg 10, à Genève, dépassé la durée du stationnement autorisée de deux heures au plus.

Il est acquis au dossier que cette ordonnance est entrée en force, faute d'opposition dans le délai, lequel n'a pas été restitué.

B. a. Les faits visés dans l'ordonnance pénale ne sont pas contestés.

b. A______ expose que le stationnement en cause était payé, par l'achat d'un macaron Plus. À réception de l'amende d'ordre, il avait contacté la police municipale et la Fondation des parkings, cette dernière confirmant après vérification que le macaron avait bien été acheté. L'amende d'ordre avait cependant entre-temps déjà été transmise au SDC. Compte tenu du temps qu'il lui avait fallu pour joindre le SDC, il avait finalement formé un peu tardivement son opposition.

c. Le dossier contient notamment un email de la police municipale du 20 janvier 2023 et un autre de la Fondation des parkings du 17 janvier 2023 dont il ressort que l'amende d'ordre à l'origine de l'ordonnance pénale en cause avait bien été annulée le 12 octobre 2022, la Fondation des parkings ayant, après vérification, constaté qu'un macaron Multipark Plus (macaron journalier) était valable au moment des faits.

d. Par courriers du 23 février 2023, A______ et son employeur B______ S.A. expliquent que le véhicule concerné appartient en réalité à la société et demandent que le "dossier soit entièrement repris par ( ) la société B______ SA".

e. Par courrier du 6 avril 2023, le SDC a informé le Tribunal de police que l'amende en cause avait été payée. Ce courrier a été relayé à la Cour de céans le jour-même.

C. a. Le Ministère public (MP) a déclaré s'en rapporter à justice.

b. Sans prendre position, le SDC a relevé que l'ordonnance pénale étant exécutoire, le dossier ne pouvait être repris par et au nom de B______ SA.

EN DROIT :

1. 1.1.1. La CPAR est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b du Code de procédure pénale suisse [CPP] cum art. 130 al. 1 let. a de la Loi d'organisation judiciaire [LOJ]). Lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ou la demande de révision ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure statue (art. 129 al. 4 LOJ).

1.1.2. La demande en révision en raison de faits ou de moyens de preuve nouveaux n'est soumise à aucun délai (art. 411 al. 2 in fine CPP).

1.1.3. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

Les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux. Les faits ou moyens de preuve sont inconnus lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit. Ils sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 145 IV 197 consid. 1.1 ; 137 IV 59 consid. 5.1.2 et 5.1.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_688/2020 du 15 octobre 2020 consid. 1.1).

Il est concevable qu'un fait ou un moyen de preuve soit considéré comme nouveau alors même qu'il ressortait du dossier ou des débats s'il est resté inconnu du juge ; il ne peut toutefois en être ainsi qu'à la double condition qu'on ne puisse imaginer que le juge ait statué dans le même sens s'il en avait pris connaissance et que sa décision ait été guidée par cette méconnaissance et non par l'arbitraire (ATF 122 IV 66 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_929/2020 consid. 2).

Les conditions d'une révision visant une ordonnance pénale sont restrictives. L'ordonnance pénale a pour spécificité de contraindre le condamné à s'opposer dans le délai prévu à cet effet s'il n'adhère pas à sa condamnation. Le système serait compromis si, une fois le délai d'opposition échu sans avoir été utilisé, le condamné pouvait revenir sur l'acquiescement ainsi donné et demander selon son bon vouloir la révision de l'ordonnance pénale pour des faits qu'il aurait déjà pu faire valoir dans une procédure ordinaire en manifestant son opposition. Une révision peut cependant entrer en considération à l'égard d'une ordonnance pénale pour des faits et des moyens de preuve importants que le condamné ne connaissait pas au moment du prononcé de l'ordonnance ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raison de se prévaloir à cette époque. L'abus de droit ne sera admis qu'avec retenue. Il s'agit, dans chaque cas d'examiner, au regard des circonstances, si la demande tend à contourner les voies de droit ordinaires (ATF 145 IV 197 consid. 1.1).

1.1.4. À teneur de l'art. 413 al. 2 let. b CPP, si la juridiction d'appel constate que les motifs de révision sont fondés, elle annule partiellement ou entièrement la décision attaquée et rend elle-même une nouvelle décision si l'état du dossier le permet.

1.1.5. L'art. 415 al. 2 CPP prévoit que si le condamné est acquitté, le montant des amendes ou des peines pécuniaires perçu en trop lui est remboursé.

1.2. En l'espèce, à titre liminaire, il faut constater avec le SDC que, l'ordonnance désormais entrée en force faute d'opposition dans le délai, il n'est pas possible d'en changer le destinataire. La CPAR relève de surcroît que l'amende d'ordre initiale avait été notifiée à l'employeur qui avait alors dénoncé son collaborateur.

Cela étant, le demandeur se prévaut du fait que la Fondation des parkings avait reconnu son erreur et retrouvé le macaron litigieux. Alors que l'ordonnance pénale a été rendue le 13 octobre 2022, la Fondation des parkings avait confirmé le 12 octobre 2022 à la police municipale avoir identifié le macaron, donnant son accord à l'annulation de l'amende. Le fait invoqué, soit que le demandeur avait effectivement payé son stationnement et que l'amende d'ordre pouvait être annulée, est assurément nouveau puisque que le SDC n'en avait pas connaissance lorsqu'il a rendu son ordonnance pénale. Il est également sérieux. Si le SDC en avait eu connaissance, il n'aurait pas condamné le demandeur. Ce dernier est au surplus de bonne foi et sa demande ne vise pas à contourner les voies de droit ordinaires. En effet, il s'était renseigné auprès des différentes administrations pour faire annuler l'amende d'ordre. Il avait donc entrepris les démarches pour former opposition dont il n'a toutefois pas observé le délai légal qu'il a manqué de quelques jours. Sa regrettable inattention n'est toutefois pas constitutive d'un abus de droit selon la jurisprudence sus-rappelée.

Dès lors, il sera entré en matière sur la demande de révision, laquelle sera admise et la condamnation annulée. Le montant de l'amende payée à tort devra être restitué.

2. Les frais de la procédure de révision seront laissés à charge de l'Etat (art 428 al. 1 CPP).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Reçoit la demande en révision formée par A______ contre l'ordonnance pénale n° 1______ rendue le 13 octobre 2022 par le Service des contraventions dans la procédure P/23718/2022.

L'admet.

Annule l'ordonnance pénale n° 1______ rendue le 13 octobre 2022 par le Service des contraventions.

Acquitte A______ de violation des règles de la circulation routière (art. 27 al. 1 LCR et art. 48 al. 3 OSR cum art. 90 al. 1 LCR).

Ordonne la restitution du montant de l'amende payée.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, à l'Office cantonal des véhicules et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

Le greffier :

Alexandre DA COSTA

 

La présidente :

Catherine GAVIN

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.