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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/20579/2017

AARP/204/2018 du 26.06.2018 sur JTDP/1391/2017 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : VIOLATION DES RÈGLES DE LA CIRCULATION ; AMENDE ; POUVOIR D'EXAMEN LIMITÉ
Normes : LCR.90
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/20579/2017AARP/204/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 26 juin 2018

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1391/2017 rendu le 1er novembre 2017 par le Tribunal de police

et

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, ______,

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, p.a. Nouvel Hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias,

intimés.

 

 

 

 

EN FAIT :

A. a. Par courrier expédié le 9 novembre 2017, le Ministère public a annoncé appeler du jugement du 1er novembre 2017, dont les motifs lui seront notifiés le 21 décembre 2017, par lequel le Tribunal de police a déclaré A______ coupable de violations simples des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 [LCR – RS 741.01]), l'a acquitté du reproche de ne pas avoir été porteur du permis de circulation (art. 90 al. 1 LCR et art. 10 al. 4 LCR) et l'a condamné à une amende de CHF 130.- (peine privative de liberté de substitution de deux jours), ainsi qu'aux frais de la procédure arrêtés à CHF 200.-.

b. Par déclaration du 9 janvier 2018, le Ministère public conclut à ce que A______ soit également reconnu coupable de conduite sans avoir été porteur du permis de circulation (art. 99 ch. 3 LCR), et condamné à une amende de CHF 690.-.

c. Selon l'ordonnance du Service des contraventions (SDC) du 6 mai 2016, il est reproché à A______ d'avoir, le 9 avril 2016, à 19h50, rte ______ Genève, avec un motocycle ______ [marque du motocycle] immatriculé 1______, circulé sur un site propre réservé aux trams, de ne pas avoir observé le signal de prescription piste cyclable, d'avoir utilisé une piste cyclable, ou un chemin pour piétons, avec un véhicule non admis, de ne pas être resté à sa place, au guidon du motocycle, dans une file de véhicules lorsque la circulation était arrêtée (infraction commise à deux reprises), d'avoir circulé avec des plaques de contrôle peu lisibles, et de ne pas avoir été porteur du permis de circulation du motocycle qu'il conduisait.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Selon le rapport de contravention de la police, le 9 avril 2016, A______ a été contrôlé par deux agents de police qui avaient observé son comportement contrevenant aux règles de la circulation routière. Il n'était pas en mesure de leur présenter le permis de circulation.

b. A______ a formé opposition à l'ordonnance pénale du SDC du 6 mai 2016. Il a expliqué avoir été en possession du permis de circulation. Il n'avait cependant pas pu le présenter car il n'était pas certain de son emplacement mais s'était dit disposé à le chercher. Sur quoi, l'échange avait pris un autre tournant et la question n'avait plus été abordée. Le permis de circulation se trouvait en fait scotché au fond du box de chaque scooter de livraison de son employeur.

Il s'opposait également au montant de l'amende et à celui de l'émolument, qu'il considérait trop élevé, au regard de son revenu.

c. Selon un échange de mails avec le SDC, Sbr D______, policier présent le 9 avril 2016, a confirmé que A______ "n' [avait] pas été en mesure de […] présenter le permis de circulation du véhicule lors du contrôle".

d. Devant le Tribunal de police, A______ a persisté dans son opposition.

C. a. Par décision présidentielle du 2 mars 2018, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a ordonné la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 [CPP – RS 312.0] et 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 [LOJ – RS/GE E 2 05]).

b. Aux termes de son écriture du 21 mars 2018, le Ministère public persiste dans ses conclusions. Il estimait que les explications de A______ n'emportaient pas conviction car il aurait été simple et rapide d'accéder au box du scooter. Par ailleurs, les infractions à la circulation routière commises relevaient d'une certaine importance. Le prévenu n'aurait pas pris conscience de ses erreurs et de leur gravité, ce qui justifiait une amende plus élevée.

c. Le SDC soutient les conclusions de l'appelant et s'en remet à la justice quant au reste, alors que le Tribunal de police conclut à la confirmation du jugement entrepris.

d. A______, ayant dans l'intervalle changé de domicile et n'ayant pas retiré le courrier réexpédié à sa nouvelle adresse, n'a pas produit de mémoire réponse. La CPAR, par une dernière lettre datée du 9 avril 2018, lui a indiqué que passé le délai imparti, et à défaut de réponse de sa part, la cause serait gardée à juger sans autre avis.

D. A______ est célibataire et a un enfant à charge. Il perçoit un revenu net variable moyen de CHF 3'500.-. Ses charges s'élèvent à CHF 288.- pour l'assurance maladie, et à CHF 800.- au titre de contribution d'entretien pour son enfant. Il allègue régler différentes dettes à hauteur de CHF 1'400.-.

 

EN DROIT :

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

1.2. Conformément à l'art. 129 al. 4 LOJ, lorsque des contraventions font seules l'objet du prononcé attaqué et que l'appel ne vise pas une déclaration de culpabilité pour un crime ou un délit, la direction de la procédure de la juridiction d'appel est compétente pour statuer.

1.3. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief que le jugement est juridiquement erroné ou que l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

Le pouvoir d'examen de l'autorité d'appel est ainsi limité dans l'appréciation des faits à ce qui a été établi de manière arbitraire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_362/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5.2). En outre, aucune allégation ou preuve nouvelle ne peut être produite devant l'instance d'appel (art. 398 al. 4, 2e phrase CPP). Il s'agit là d'une exception au principe du plein pouvoir de cognition de l'autorité de deuxième instance qui conduit à qualifier d'appel « restreint » cette voie de droit (arrêt du Tribunal fédéral 1B_768/2012 du 15 janvier 2013 consid. 2.1). En revanche, la partie appelante peut valablement renouveler en appel les réquisitions de preuve formulées devant le premier juge et qui ont été rejetées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_202/2015 du 28 octobre 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Le libre pouvoir de cognition dont elle dispose en droit confère à l'autorité cantonale la possibilité, si cela s'avère nécessaire pour juger du bien-fondé ou non de l'application d'une disposition légale, d'apprécier des faits que le premier juge a omis d'examiner, lorsque ceux-ci se révèlent être pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1247/2013 du 13 mars 2014 consid. 1.3).

2. 2.1.1. Selon l'art. 10 al. 4 LCR, les conducteurs devront toujours être porteurs de leurs permis et les présenteront, sur demande, aux organes chargés du contrôle.

2.1.2. D'après l'art. 99 al. 3 LCR, le conducteur qui n'aura pas été porteur des permis ou des autorisations nécessaires sera puni d'une amende.

Cet article réprime le fait de ne pas être porteur, autrement dit, le conducteur est bien titulaire du permis de circulation mais n'est pas en sa possession (A. BUSSY/B. RUSCONI/Y. JEANNERET/A. KUHN/C. MIZEL/ C. MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4ème édition, Bâle, 2015, p. 973).

2.2.1. En l'espèce, le Tribunal de police a retenu qu'il subsistait un doute quant à la question de savoir si le permis de circulation se trouvait dans le box du scooter, comme le soutient l'intimé, ou pas, soulignant que ce doute n'était pas dissipé par le courriel du gendarme.

Force est de constater que cette affirmation est correcte, le gendarme ayant uniquement confirmé que le motocycliste n'était pas en mesure de présenter le permis de circulation sans s'étendre sur les motifs. Par ailleurs, il n'est pas invraisemblable que l'intimé eût ignoré que le permis de circulation était dans le box du scooter, s'agissant non pas de sa moto mais de celle de son employeur, tout comme il est vraisemblable que l'employeur laisse les permis de circulation dans le box des scooters, plutôt que de courir le risque de perte ou de confusion si le document était confié aux coursiers.

Ainsi, les faits tels qu'établis par le Tribunal de police ne sont pas arbitraires et il n'est pas démontré que l'intimé n'était pas porteur du permis de circulation lors du contrôle du 9 avril 2016.

2.2.2. Tout au plus pourrait-on lui reprocher d'avoir pris le scooter en acceptant la possibilité que le permis de circulation ne s'y trouvait pas.

Il s'agirait là d'un délit impossible (art. 22 al. 1 in fine du code pénal suisse du 21 décembre 1937 [CP – RS 311.0]), car le résultat ne pouvait se produire, compte tenu du fait que le prévenu était bien en possession du permis de circulation. Cependant, le délit impossible ne s'applique pas lors d'une contravention (ATF 83 IV 46 lettre c). Par conséquent, un acquittement reste possible in casu.

2.2.3. En conclusion, le jugement est confirmé sur ce point et l'appel rejeté.

3. 3.1. Selon l'art. 106 al. 3 CP, le juge fixe l'amende en tenant compte de la situation de l'auteur afin que la peine corresponde à la faute commise.

3.2. En l'espèce, le Tribunal de police a fixé une amende à hauteur de CHF 130.-. Ce montant paraît effectivement trop faible au regard des infractions commises par le prévenu, dont certaines ne sont pas anodines. En effet, elles étaient propres à entraver la circulation du tram et, en circulant sur la piste cyclable tout en remontant une file de véhicules à l'arrêt, à créer un danger non négligeable. Par ailleurs, le fait que l'intimé utilisait la voie publique à des fins professionnelles augmente sa faute car, dans un tel contexte, un comportement irréprochable est d'autant plus exigé.

3.3. En définitive, l'intimé s'est rendu coupable de violations simples des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) en circulant sur un site propre réservé aux trams, en n'observant pas le signal de prescription piste cyclable, en utilisant une piste cyclable, ou un chemin pour piétons, avec un véhicule non admis, en étant au guidon d'un motocycle ne restant pas à sa place dans une file de véhicule lorsque la circulation est arrêtée, et en circulant avec des plaques de contrôle peu lisibles.

Ces infractions, selon l'ordonnance sur les amendes d'ordre du 4 mars 1996 (OAO – RS 741.031), sont passibles d'une amende de CHF 60.- concernant l'infraction de circuler sur un site propre réservé aux trams (305), de CHF 100.- pour ne pas avoir observé le signal de prescription piste cyclable (304.21 2.60), de CHF 60.- pour les motocyclistes ne restant pas à leur place dans une file de véhicules lorsque la circulation est arrêtée (302) (étant précisé que cette infraction a été commise à deux reprises), ainsi que de CHF 60.- pour avoir circulé avec des plaques de contrôle peu lisibles (330). D'après la directive D-30.1.1 du SDC sur le barème de taxation relatif aux contraventions, est passible d'une amende de CHF 240.- celui qui utilise une piste cyclable, ou un chemin pour piétons, avec un véhicule non admis (G01.P.-).

Ces montants cumulés conduisent au prononcé d'une amende de CHF 580.-. Une amende d'un tel montant sanctionne de manière adéquate la faute de l'intimé. Elle n'est pas trop rigoureuse eu égard à sa situation financière, étant rappelé que l'intéressé peut, au besoin, négocier un règlement par échéances avec le SDC. La peine privative de liberté de substitution sera arrêtée à six jours.

4. L'appel, émanant du Ministère public, n'est admis que partiellement. Partant, il convient de laisser à la charge de l'Etat les deux tiers (2/3) des frais de la procédure d'appel, l'intimé étant condamné à payer le solde (art. 428 CPP). Lesdits frais comprennent un émolument de CHF 800.- (art. 14 al. 1 lit. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP – RS/GE E 4 10.03]).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
L
A PRÉSIDENTE
DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION :


Reçoit l'appel formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/1391/2017 rendu le 1er novembre 2017 par le Tribunal de police dans la procédure P/20579/2017.

Annule le jugement dans la mesure où il condamne A______ à une amende de CHF 130.- (peine privative de liberté de substitution de deux jours).

Et statuant à nouveau :

Condamne A______ à une amende de CHF 580.-. 

Fixe la peine privative de liberté de substitution à six jours et dit qu'elle sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris.

Laisse à la charge de l'Etat les deux tiers des frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 800.-.

Condamne A______ au solde desdits frais.

Notifie le présent arrêt à A______, au Service des contraventions et au Ministère public.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

 

Le greffier :

Joëlle BOTTALLO

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

P/20579/2017

ÉTAT DE FRAIS

AARP/204/2018

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Frais de procédure du Tribunal de police arrêtés à :

Condamne A______ aux frais de première instance.

CHF

200.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

200.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

800.00

Total des frais de la procédure d'appel :

Condamne A______ au tiers des frais de la procédure d'appel. Les 2/3 restants étant laissés à la charge de l'Etat.(Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'075.00

Total général (première instance + appel) : (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9. Attention, calculer d'abord le « Total des frais de la procédure d'appel » avant le « Total général (première instance + appel »)

CHF

1'275.00