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Décisions | Tribunal pénal

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P/5987/2020

JTDP/812/2021 du 17.06.2021 ( PENAL ) , JUGE

Normes : LCR.90
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 18


17 juin 2021

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

X______, né le ______ 1983, domicilié ______ Genève, prévenu, assisté de Me Thomas BARTH


 

CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière, sans atténuation au sens de l'art. 100 ch. 4 LCR, au prononcé d'une peine privative de liberté de 12 mois, avec sursis, délai d'épreuve de 2 ans et à la condamnation du prévenu aux frais de la procédure.

X______ conclut à son acquittement, subsidiairement au bénéfice de l'erreur sur les faits et persiste dans ses conclusions en indemnisation. Plus subsidiairement, il conclut à l'exemption de peine, après requalification des faits en violation simple des règles de la circulation au sens de l'art. 90 al. 1 LCR, cas échéant en application de l'art. 100 ch. 1 LCR.

EN FAIT

A. Par acte d'accusation du 23 février 2021, il est reproché à X______ d'avoir, le 30 juillet 2019, vers 21h05, suite à une réquisition de la Centrale d'engagement, de coordination et d'alarme (ci-après : CECAL) et dans le cadre de la poursuite du véhicule conduit par A______, de marque et modèle BMW 320d, immatriculé 1______/France, circulé au volant du véhicule automobile de service immatriculé GE 2______, à Genève, sur le quai Gustave-Ador en direction du centre-ville, avec les feux bleus et la sirène enclenchés, en présence de sa collègue, B______, passagère avant, à une vitesse de 117.9 km/h, alors que la vitesse autorisée sur ce tronçon était limitée à 50 km/h, d'où un dépassement de 53.9 km/h (marge de sécurité déduite) et d'avoir durant la course-poursuite, à l'intersection entre le quai Gustave-Ador et la rue du XXXI-Décembre obliqué à gauche à une vitesse inadaptée aux circonstances, perdant ainsi la maîtrise de son véhicule et heurtant frontalement la façade de l'immeuble, engendrant de la sorte à sa collègue une double dissection des artères vertébrales ayant entrainé de multiples AVC multi-territoriaux et une fracture non déplacée du bord antéro-latéral du corps du sternum, faits qualifiés de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation au sens de l'art. 90 al. 3 et al. 4 let. b de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR ; RS 741.01).

B. Les faits établis sur la base des différents éléments du dossier, des déclarations des témoins et du prévenu sont les suivants :

a. Le 30 juillet 2019, entre 19h00 et 20h45, au H______, sis ______, quai de Cologny, des clients se sont plaints de l'attitude d'un homme faisant partie d'un groupe de plusieurs individus, qui était très agité, avait plongé dans le bassin et n'arrêtait pas de crier, dérangeant ainsi les autres clients de l'établissement. En raison de son comportement, ledit individu s'est fait remettre à l'ordre à deux reprises par C______, un employé du H______, qui à cette occasion a été insulté et menacé (témoins C______, B 116-117 et D______, B 153). Ce client et ses amis ont finalement été priés de quitter les lieux (témoin D______, B 153). A l'extérieur de l'établissement, le même homme, qui était sorti seul, s'en est pris verbalement et a insulté et menacé les agents de sécurité de l'établissement voisin, I______. Les agents de sécurité ont suivi l'individu tandis qu'il retournait dans le H______ rejoindre ses amis (témoins E______, B 123, F______, B130 et D______, B 153).

A l'intérieur du H______, les agents de sécurité des I______ ont constaté la présence d'un groupe de cinq hommes, dont l'individu agressif qui les avait insulté et menacé précédemment (témoin E______, B 123). Seul cet individu était agressif (témoins F______, B 130 et G______, B 160), étant relevé que les agents de sécurité ont remarqué que les employés du H______ étaient effrayés et n'étaient pas parvenus à le raisonner et le calmer. Un conflit a finalement éclaté entre les cinq hommes et les deux agents de sécurité, les antagonistes s'étant bousculés, ayant pour conséquence l'appel au 117 de la responsable du H______ (témoin D______, B 154).

b. Il ressort d'un appel à la CECAL effectué le 30 juillet 2019, à 21h02, par une employée du H______ qu'une bagarre a débuté au sein de l'établissement "j'ai un souci avec des clients qui se bagarrent à l'intérieur, j'ai vraiment besoin d'intervention", étant précisé qu'en bruit de fond l'on entend des hommes s'invectiver et s'insulter. Elle ajoute ensuite que les individus en question "sont en train de partir mais ça va dégénérer dehors ils sont 5, 7 ou 8" (B 2).

c. Lorsque les agents de sécurité des I______ ont fait sortir le groupe en question de l'établissement le H______, l'individu a encore été menaçant alors que ses quatre amis essayaient de le calmer et s'excusaient de son comportement auprès des agents. Ces derniers ont demandé aux personnes de ce groupe d'attendre l'arrivée de la police, mais les cinq hommes sont montés dans une voiture BMW et sont partis, l'homme agressif sommant le conducteur de démarrer le véhicule, étant encore relevé qu'une voiture de police venait d'arriver devant l'établissement en question (témoins E______, F______ et G______, B 123ss, B 130ss, B 159ss).

d. Suite à l'appel effectué à la CECAL, cette dernière a requis la patrouille 5______ de se rendre au H______, le message transmis à la patrouille étant que la responsable faisait face à "plusieurs individus qui se battaient, elle a réussi à en mettre quelques-uns dehors mais elle m'a dit que c'était hyper électrique".

e. La patrouille 5______ est partie du poste de police de Rive. L'appointé X______ était au volant du véhicule 5______ de marque SKODA, Octavia C 1.8, et sa passagère était la gendarme B______. La voiture de police était équipée d'un enregistreur de données de type RAG 2000A+. Selon cet enregistreur, la voiture a démarré à 21:04:17.9, elle a enclenché les feux bleus à 21:04:28.8 et la sirène à 21:04:33.1 alors qu'elle roulait à 51.4 km/h à la rue de Villereuse (B 74). Dans une première phase, le véhicule a effectué le parcours suivant : rue de Villereuse, rue de Jargonnant, route de Frontenex, avenue William-Favre, rue des Eaux-Vives, puis rue du Premier-Juin. Plusieurs variations de vitesses ont été enregistrées entre 50 km/h et 90 km/h, cette dernière vitesse ayant été atteinte à 21:05:15.9 sur la route de Frontenex. Au cours de cette phase, X______ a actionné le frein à plusieurs occasions. La première phase s'est terminée à 21:06:16 (B 71), soit à peine deux minutes après le démarrage de la voiture.

f. Il ressort des images de vidéo-surveillance et du rapport de police du 5 février 2020 (B 21) qu'au moment où une voiture de police est arrivée sur le parking devant l'établissement le H______, la BMW conduite par A______ a démarré rapidement, franchi une ligne de sécurité pour dépasser un véhicule arrêté à la signalisation lumineuse en phase rouge, puis s'est engagée sur le quai de Cologny en ne se conformant pas, une seconde fois, à la signalisation lumineuse rouge du feu suivant avant de continuer sa route à très vive allure sur le quai Gustave-Ador en direction du centre-ville. Pendant ce temps, les véhicules de police se rapprochaient des lieux pour intercepter la BMW.

g. Selon les inscriptions au journal (B 181), lorsque le véhicule de police 3______ est arrivé au H______, un quidam a désigné un véhicule prenant la fuite à vive allure en direction du quai Gustave-Ador. La patrouille 3______ a immédiatement enclenché les feux bleus et la sirène et tenté de poursuivre la BMW, dont le conducteur refusait de s'arrêter. Sur le quai Gustave-Ador, le conducteur de la BMW a slalomé entre les usagers de la route et circulé à une vitesse élevée, de sorte qu'il a réussi à distancer le véhicule de police, informations qui ont été transmises à la CECAL (B 181).

h. A 21h05, une seconde patrouille de police, soit la 3______, a affirmé sur les ondes radio "une BMW grise qui fait la malle depuis Genève-plage, il prend quai Gustave-Ador direction ville", puis "il roule ventre à terre, BWM (sic) , on a pas pu voir les plaques il fait des zigzags, il roule entre les voitures" (B 3). Les images de vidéo-surveillance montrent la BMW qui roule très vite, parfois à contre-sens, alors que la circulation est encore assez dense et qu'il y a des piétons.

i. A 21:06:08.6, le véhicule de la patrouille 5______ se trouvait au croisement de la rue du Premier-Juin et du quai Gustave Ador, puisque l'appointé X______ a actionné le frein de service. Le véhicule est ensuite sorti directement de la rue du Premier-Juin et s'est engagé sur le quai Gustave-Ador à la poursuite de la BMW.

j. La limitation de vitesse est de 50 km/h sur tout le parcours effectué par la voiture de police entre la rue de Villereuse et le lieu de l'accident, à l'exception de la rue du Premier-Juin où la vitesse est limitée à 30 km/h (C 4).

k. La course poursuite, qui s'est déroulée durant la seconde phase, a eu lieu sur 284 mètres entre l'intersection entre la rue du Premier-Juin et le quai Gustave-Ador, d'une part, et le lieu de l'impact, soit au croisement entre le quai Gustave-Ador et la rue du XXXI-Décembre. Elle a commencé à 21h06:16 et s'est terminée à 21h06:30, de sorte qu'elle a duré 14 secondes. Lors de la course poursuite, le véhicule de police est passé d'une vitesse de 12.4 km/h à 117.9 km/h, vitesse maximale atteinte sur le quai Gustave Ador, à la hauteur de la rue du Roveray (B 5 et B 68). Ainsi, sur une distance de 211 mètres, la vitesse a augmenté de plus de 105 km/h (B 68). En outre, sur 35 mètres, la voiture a roulé entre 115 km/h et 117.9 km/h, soit de 88 mètres à 53 mètres avant le lieu de l'accident (B 15), étant précisé que le pic de vitesse situé à 117.9 km/h est réalisé 74.13 mètres avant l'accident et a duré une seconde (B 14). La voiture a circulé à plus de 100 km/h sur une distance de 113.51 mètres (B 106-108).

Finalement, l'action sur le frein était continue à partir de 55.59 mètres avant l'accident, l'appareil RAG faisant état de coupures intermittentes vraisemblablement dues à l'ABS et à la perte d'adhérence en raison du changement de direction, soit du virage à gauche sur la rue du XXXI-Décembre (B 69), la vitesse étant alors descendue de 115.8 km/h à 36.7 km/h, vitesse auquel le choc contre l'angle du mur du bâtiment a eu lieu (cf. rapport du 17 mars 2020, B 14-B 15 et rapport du 7 août 2019, B 5).

Les photographies prises montrent que le véhicule de police et la BMW ont été gravement endommagés.

l. A teneur de l'expertise du Centre de Tests Dynamiques du 30 septembre 2020, réalisée dans le cadre de la procédure pénale 4______ à l'encontre du conducteur de la BMW, ce véhicule a roulé à une vitesse d'environ 100 km/h à la hauteur du parc de la Grange (p. 11), puis à une vitesse de 96 km/h sur le quai Gustave-Ador (p. 12). Sa vitesse moyenne sur l'ensemble du parcours a été de 101 km/h (p. 2). Le véhicule a dû un peu ralentir en zigzaguant de la voie de gauche à la vie de droite, peu avant de tourner à gauche et heurter le poteau à 45.9 km/h, puis le mur à 20.6 km/h (p. 3, B 13 et B 62-63). La BMW a très probablement circulé sur la voie opposée, avant même d'arriver à la hauteur de la ligne d'attente du feu de signalisation lumineux, étant donné que des véhicules étaient à l'arrêt sur les deux voies de circulation, la distance parcourue à contre-sens étant estimée à environ 76 à 83 mètres (page 13 expertise, cf. également B 25). Le premier choc contre le poteau métallique a eu lieu à 45.9 km/h, tandis que le second contre un caisson électrique se trouvant contre la façade a eu lieu à 20.6 km/h.

m. Il ressort des images de vidéosurveillance qu'immédiatement avant de tourner à gauche en direction de la rue du XXXI-Décembre, la BMW était en face de véhicules qui se trouvaient à l'arrêt au feu rouge sur les deux voies en sens inverse. Par ailleurs, il y avait aussi des véhicules qui circulaient sur les deux voies dans le sens de circulation devant la BMW. Quant au véhicule de police, il a effectué la même trajectoire que la BMW, de sorte qu'avant de tourner à gauche dans la même rue, ce véhicule s'est également retrouvé en face ou derrière des véhicules se trouvant sur toutes les voies de circulation.

Compte tenu de leur vitesse et de la distance de freinage, tant le véhicule fuyard que celui conduit par X______ n'avaient pas d'autre choix que de tourner à gauche pour éviter de percuter les véhicules qui se trouvaient sur toute la largeur de la route et obstruaient le passage, dès lors que ceux venant en sens inverse étaient encore à l'arrêt, au feu de signalisation en phase rouge, et que ceux qui roulaient dans le même sens qu'eux venaient de démarrer et circulaient lentement. Les deux véhicules n'étaient plus en mesure de slalomer entre les véhicules, ni de contourner par la gauche ceux roulant sur la droite au risque de percuter les voitures arrêtées au feu en sens inverse.

n. Selon les témoins présents au moment de l'accident, les piétons qui traversaient le passage pour piéton situé à l'entrée de la rue du XXXI-Décembre, de la droite à la gauche dans le sens de marche de la BMW, se sont sentis mis en danger, en particulier celui qui fermait la marche, soit J______, la BMW étant passée à un mètre, au maximum à deux mètres de cette dernière (B 48 K______, B 55 et C 16 J______, B 139 et C 17 L______, B 146-147 et C 19 M______).

n.a. J______ a indiqué qu'au moment des faits elle se trouvait en présence de son frère, de son cousin, ainsi que de ses deux enfants. Le feu de signalisation pour traverser la rue du XXXI-Décembre était passé au vert et, tandis qu'elle avait commencé à le traverser depuis l'endroit où les deux voitures avaient par la suite percuté le mur, elle avait entendu un grand bruit d'accélération de voiture et de pneu sur la chaussée. Le reste de sa famille la devançait. Elle a successivement expliqué qu'elle s'était trouvée à deux mètres de la BMW, avant le premier choc, puis avait entendu un second choc, moins d'une minute plus tard, puis qu'il y avait beaucoup moins qu'une minute entre les deux voitures, ayant entendu "boum" puis "boum" (B 55 et C 16). Elle avait eu "très peur" et avait cru qu'elle allait se faire faucher par la BMW, ayant eu plus de crainte de ce véhicule que de celui de la police qui s'était également écrasé dans le mur (B 56). Elle ignorait si la BMW avait dévié sur la droite, contre le bâtiment, pour l'éviter ou si le conducteur avait simplement perdu la maîtrise de son véhicule (C 16).

n.b. M______ a expliqué que le jour en question, il avait traversé le passage pour piétons en compagnie de K______, J______ et les deux filles de cette dernière. La voiture de police était arrivée à peine cinq secondes après la BMW (B 146-147) et elle avait moins réussi son virage, de sorte qu'elle avait foncé directement dans le mur, en passant très près de sa cousine, J______ (C 19).

n.c. K______ a déclaré que le soir en question, il s'était rendu au restaurant en compagnie de sa famille et, qu'en sortant de celui-ci, ils avaient décidé d'aller manger une glace au bord du lac. Au moment où il avait entendu une accélération de voiture, il se trouvait au milieu du passage pour piétons, qu'il était en train de traverser depuis l'extrémité où avait eu lieu le double accident, les enfants ayant alors d'ores et déjà rejoint l'autre extrémité. Lorsque la voiture de police avait franchi l'intersection, il n'y avait plus de piéton sur la chaussée (B 49). Il a estimé le temps d'écart entre les heurts de la BMW puis de la voiture de police entre 30 secondes et une minute (B48).

n.d. L______ avait fini de travailler et avait pris son vélo pour rentrer chez elle. Elle s'apprêtait à déboucher sur le quai Gustave-Ador, en face de la rue du XXXI-Décembre, de sorte que la scène s'était déroulée en face d'elle. Elle avait vu la BMW sur le quai Gustave-Ador dépasser un véhicule qui se trouvait sur la voie de gauche, par la droite (B 140), puis dépasser des voitures à l'arrêt avant de tourner à gauche, ignorant si celles-ci étaient à l'arrêt en raison du feu de signalisation rouge ou des sirènes de police qui retentissaient depuis un moment (C 17). Au moment d'obliquer, afin d'éviter le choc avec un piéton qui traversait le passage pour piétons de droite à gauche dans le sens de marche du véhicule, le conducteur de la BMW avait donné un coup de volant à droite pour éviter le piéton (B 139). Tant la BMW que la voiture de police qui la suivait étaient rentrées dans le mur, la violence du choc étant toutefois plus importante pour la voiture de police. Elle en avait déduit que la voiture de police roulait plus vite que la BMW (C 17).

Par ailleurs, lorsque la voiture de police avait heurté le mur, il n'y avait plus de piétons sur le passage pour piétons et la voiture de police n'avait en tout état pas traversé le passage, elle était rentrée dans le mur avant (B 139 et C 18).

o.a. Entendu par la police le 30 juillet 2019, X______ a expliqué que le jour des faits il était en service au poste de police de Rive et formait une patrouille avec la gendarme B______. Ils avaient été requis pour une intervention au H______ pour une rixe annoncée par la gérante comme très électrique. Ils avaient entendu sur les ondes, en lien avec cette réquisition, que la course poursuite venait de débuter avec un autre véhicule de police sur le quai Gustave-Ador. Les fuyards roulaient à "tombeau ouvert" quand ils les avaient vus passer sur le quai en direction du centre-ville. Il ne parvenait pas à estimer la vitesse à laquelle il avait circulé ni avant ni pendant la course-poursuite, mais se souvenait avoir dû contourner deux voitures par la gauche pour poursuivre la BMW. Au début de la course-poursuite, la distance entre les véhicules avait été de 50 à 100 mètres. La BMW, qui circulait à très vive allure, les avait distancés, slalomant entre les véhicules, dès lors que la voie de circulation était bouchée en raison du feu de signalisation au rouge. Puis, la BMW avait soudainement bifurqué à gauche afin de s'engager dans la rue du XXXI-Décembre et était à cet instant partie en embardée. Il ignorait si les feux de signalisation situés sur le quai Gustave-Ador étaient encore au rouge à ce moment-là. Les piétons qui avaient traversé la rue du XXXI-Décembre à cet instant avaient selon lui été mis en danger. Il avait été surpris par le changement de direction de la BMW, avait freiné mais avait été attiré par le virage en tournant également à gauche, ce qui avait provoqué son embardée. S'il avait pu anticiper ce virage, il aurait freiné avant. La course-poursuite s'était déroulée sur une distance de 300 mètres. Finalement, une fois les occupants de la BMW sécurisés, il était retourné auprès de sa collègue blessée.

o.b. Réentendu par la police le 9 mars 2020, X______ a persisté dans ses explications selon lesquelles qu'il n'était pas en mesure d'estimer la vitesse à laquelle il avait circulé au moment des faits. Il se souvenait que la circulation n'était pas très dense, mais qu'au moins deux voitures, dans chacune des voies de circulation dans son sens de marche, obstruaient le carrefour, sans pour autant pouvoir dire si le feu de signalisation était au rouge. Il les avait dépassées par la gauche avant de tourner dans la rue du XXXI-Décembre, ne se souvenant toutefois pas de la manœuvre exacte qu'il avait effectuée au cours de laquelle il avait perdu la maîtrise de son véhicule.

o.c. Entendu par-devant le Ministère public le 18 juin 2020, X______ a déclaré qu'il était parti en urgence depuis le poste de police de Rive, suite à la réception de plusieurs messages de la CECAL faisant état d'une rixe électrique. Ils s'étaient dirigés en direction du H______ en passant par la route de Frontenex et l'avenue William-Favre. Un nouveau message lui était parvenu aux termes duquel un véhicule en fuite était annoncé, si bien qu'il avait suivi les indications pour rattraper et intercepter le véhicule en fuite, en passant par la rue des Eaux-Vives, puis le quai Gustave-Ador. Il y avait toujours eu une certaine distance – qu'il ne parvenait pas à estimer – entre la BMW et son véhicule lors de la poursuite (C 10).

En définitive, il savait que des personnes se trouvant dans une BMW avaient provoqué une rixe au H______ et avaient pris la fuite, "ce qui signifiait qu'il y avait des caïds dans le coup", soit "des personnes prêtes à en découdre" et "qui avaient peut-être commis un acte justifiant à leurs yeux qu'ils prennent la fuite". Il se rappelait qu'à l'intersection entre le quai Gustave-Ador et la rue du XXXI-Décembre des véhicules étaient arrêtés au feu, à tout le moins un dans chacune des files de circulation. La BMW avait zigzagué, plus par hésitation que pour contourner les voitures arrêtées. Il n'avait pas dû changer de voie pour éviter des voitures et ne se souvenait pas que la BMW se soit déportée sur la voie inverse, à l'exception du moment où elle avait franchi le carrefour. En tout état, il n'y avait jamais eu de mise en danger des véhicules circulant en sens inverse. Ainsi, au carrefour, la BMW s'était déportée sur la voie inverse pour dépasser les véhicules à l'arrêt au feu de signalisation et il n'avait pas imaginé qu'elle tournerait à gauche, dès lors qu'elle roulait trop vite. Durant la couse, ils avaient été distancés avec le risque de perdre de vue la BMW. Pour sa part, il avait suivi la BMW par reflexe et avait finalement planté les freins.

C. Lors de l'audience de jugement, X______ a admis les faits reprochés. Il avait tourné dans la rue du XXXI-Décembre, par mimétisme, en suivant la BMW qui le précédait, ignorant toutefois pourquoi le conducteur de la BMW avait lui-même bifurqué. Il avait eu l'impression d'être dans un "effet tunnel", ce qui avait réduit son choix de possibilités. Sur le moment et dans l'urgence, il avait "agi comme ça", "c'était la meilleure solution". Il ne pouvait pas donner plus de renseignements aujourd'hui et ne savait pas, rétrospectivement, s'il avait agi de la meilleure manière ou non. Ce n'était pas son rôle que celui de faire des hypothèses sur ce qui aurait pu se passer s'il n'avait pas tourné à gauche en direction de la rue du XXI-Décembre, reconnaissant toutefois que si un piéton s'était trouvé à l'endroit où la voiture qu'il conduisait était rentrée dans le mur, il aurait été écrasé. Il lui semblait qu'il y avait du monde sur le trottoir et sur le passage pour piétons, supposant ne pas avoir tourné dans la rue du XXXI-Décembre en raison de la présence de piétons.

Au moment des faits, il avait le regard fixé sur le véhicule BMW en mouvement qu'il était en train de suivre, ce qui expliquait qu'il avait été trompé sur sa propre vitesse. S'il avait réalisé la vitesse à laquelle il avait roulé, il aurait roulé moins vite.

Si les images de vidéosurveillance montraient la BMW slalomer sur les deux pistes de droite, il ne lui semblait pas avoir dû pour sa part en faire de même. Il ne se rappelait pas si des véhicules s'étaient rangés sur la droite, par hypothèse grâce aux avertisseurs.

Effectuant un parallèle avec sa formation de tir, au cours de laquelle il avait appris à renoncer à tirer lorsque les circonstances ne sont pas réunies, il a expliqué qu'il n'avait pas abandonné la course-poursuite n'ayant été entrainé ni à effectuer de telles courses ni aux cas dans lesquels il fallait y renoncer. Selon lui, la course-poursuite consistait en une course où la direction et l'allure du véhicule était dictée par un tiers par opposition à une course d'urgence, au cours desquelles le policier décide de son allure et pour laquelle il avait suivi des formations usuelles et régulières.

Ainsi, dans la première partie de la course lorsqu'il se rendait au H______ et avait roulé correctement, il s'agissait d'une course d'urgence, tandis que lors de la course-poursuite, il avait été poussé à la faute par l'allure du conducteur de la BMW.

Par ailleurs, aucun parallèle avec la patrouille 3______ qui avait décidé de renoncer ne pouvait être fait, dès lors que les circonstances de cette dernière n'étaient pas similaires aux siennes, la patrouille 3______ n'étant pas au même endroit et n'ayant pas agi dans les mêmes dispositions que les siennes. Il n'avait en outre pas de motif pour renoncer.

S'agissant des informations dont il avait eu connaissance au moment de son intervention, il a déclaré qu'il avait d'abord, au moment de la première réquisition, été informé qu'une rixe électrique avait eu lieu, laquelle risquait de dégénérer avec pour conséquence une menace pour l'intégrité physique. Cette première appréciation du danger avait augmenté lorsque les auteurs de la rixe avaient pris la fuite, dès lors qu'il avait pensé que si les intéressés étaient "prêts à fuir, c'est qu'ils avaient un mobile de le faire et que donc, ils avaient commis un acte grave", respectivement qu'ils étaient en train de "se soustraire à la police car ils risquaient gros". Il n'avait pas de raison de penser et ne pensait d'ailleurs pas que ces hommes risquaient de mettre en danger d'autres tiers par la suite, ayant réalisé qu'ils constituaient un danger pour la vie d'autrui en voyant leur allure. Dans le cadre de son activité, il lui revenait la tâche de les poursuivre, étant précisé que dans ce cadre, il partait en règle générale du principe que lorsque les policiers étaient alarmés, il se passait quelque chose, et cela jusqu'à preuve du contraire. Cela étant, il ne savait toujours pas ce qu'il s'était réellement passé au H______.

La gendarme B______ allait bien, elle avait repris assez rapidement ses fonctions et exerçait son métier de policier sans difficulté. Elle n'avait pas eu de nouvel arrêt de travail en raison de l'accident en question. Ils avaient eu de la chance.

Il n'était pas toujours évident de concilier la célérité de la mission, d'une part, avec la prudence pour ne pas engendrer des dommages plus graves par l'intervention, de même que le respect la loi sur la circulation routière et des vitesses autorisées, d'autre part. Finalement, il connaissait la directive éditée par Monsieur le Procureur général prévoyant une vitesse de 1.5 fois la vitesse autorisée s'il y avait un risque de préjudice à des biens et de 2 fois la vitesse autorisée en cas de risque d'atteinte grave à la personne.

Enfin, il a déposé des conclusions en indemnisations fondées sur l'art. 429 CPP.

D. X______ est né le ______1983. Il est de nationalité suisse, marié et père de deux enfants. Il a obtenu la maturité et a commencé l'université en éducation sociale, avant d'interrompre ses études et suivre l'école de police en 2009. Il a été affecté au poste de police de Rive jusqu'à l'accident du 30 juillet 2019, puis a été muté au poste de police de la Servette et affecté au suivi judiciaire. Depuis l'accident, il ne conduit plus dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Enfin, il a confirmé les renseignements ressortant de la fiche de situation personnelle remise au Tribunal.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a aucun antécédent judiciaire en Suisse.

 

EN DROIT

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst., concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, il signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a; 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c).

2. 2.1. Aux termes de l'art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans. L'al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d'au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h (al. 4 let. b).

Il découle de l'art. 90 al. 4 LCR que lorsque l'excès de vitesse atteint l'un des seuils fixés, la première condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la violation d'une règle fondamentale de la circulation routière, est toujours remplie. Selon la jurisprudence, l'excès de vitesse qualifié au sens de l'art. 90 al. 4 LCR suffit déjà en principe à réaliser la seconde condition objective de l'art. 90 al. 3 LCR, à savoir la création d'un danger abstrait qualifié, dès lors que l'atteinte de l'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, dans des circonstances exceptionnelles, en particulier lorsque la limitation de vitesse dépassée n'avait pas pour objet la sécurité routière, l'excès de vitesse au sens de l'art. 90 al. 4 LCR peut ne pas avoir entraîné un grand risque d'accident susceptible d'entraîner des blessures graves ou la mort. Ainsi, l'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de la réalisation de la condition objective du danger qualifié au sens de l'art. 90 al. 3 LCR.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion d'indiquer que celui qui commettait un excès de vitesse appréhendé par l'art. 90 al. 4 LCR réalisait en principe les conditions subjectives de l'infraction. En effet, il faut considérer que l'atteinte d'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule.

Cependant, le juge doit conserver une marge de manoeuvre, certes restreinte, afin d'exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d'un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al. 4 LCR. L'art. 90 al. 4 LCR crée une présomption réfragable de la réalisation de l'élément subjectif de l'infraction réprimée par l'art. 90 al. 3 LCR. A ce titre, les hypothèses d'une défaillance technique du véhicule (dysfonctionnement des freins ou du régulateur de vitesse), d'une pression extérieure (menaces, prise d'otage) ou de problèmes médicaux soudains (une crise d'épilepsie, par exemple) peuvent entrer en considération (arrêt du TF 6B_1224/2019 et 6B_1250/2019 du 24 janvier 2020, consid. 2.3 et les références citées).

Selon l'art. 102 al. 1 de l'ordonnance concernant les exigences techniques requises pour les véhicules routiers (OETV; RS 741.41), les véhicules munis de feux bleus et d'un avertisseur à deux sons alternés (art. 78 al. 3 et 82 al. 2) doivent être équipés d'un enregistreur de données.

A teneur de l'art. 8 al. 2 let. c de l'ordonnance de l'OFROU concernant l'ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OOCCR-OFROU ; RS 741.013.1), pour les enregistrements de tachygraphes et d'enregistreurs de fin de parcours ainsi que d'enregistreurs de données, il convient de déduire de la vitesse enregistrée 14 km/h, s'il s'agit d'enregistreurs de données (art. 102 OETV).

2.2. En l'espèce, du point de vue objectif, en roulant à 53.9 km/h de plus, marge de sécurité déduite, que la vitesse limitée sur le quai Gustave Ador à 50 km/h, le prévenu a commis un excès de vitesse tombant sous le coup de l'art. 90 al. 3 et al. 4 let. b LCR.

En prenant le virage à gauche sur la rue du XXXI-Décembre à une vitesse située entre 115.8 km/h et 36.7 km/h au moment du choc contre l'angle du mur du bâtiment, le prévenu a perdu de l'adhérence, la maîtrise de son véhicule et ainsi commis un accident. C'est précisément en raison de sa vitesse inadaptée qu'il a commis un accident, ce qui est également constitutif d'une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation au sens de l'art. 90 al. 3 LCR.

Du point de vue subjectif, le prévenu ne pouvait que partir du principe que la vitesse adoptée, vers 21h00, au bord du lac, lieu très fréquenté en été, alors que la circulation était encore assez dense et qu'il y avait des piétons sur les trottoirs, ne lui laisserait pas la possibilité de réagir à temps si un obstacle ou un danger inattendu était survenu.

La situation n'est ainsi pas comparable à celle retenue par le Tribunal pour déqualifier l'infraction en violation grave des règles de la LCR faute d'intention, (P/6______) dans le cadre de laquelle une policière avait circulé à 108 km/h, sur une route dont la limite était fixée à 50 km/h, d'où un dépassement de 52 km/h (marge de sécurité déduite), mais dans un village désert un dimanche soir d'hiver.

Le prévenu a ainsi, de par cette vitesse et dans les circonstances de trafic décrites ci-dessus, accepté l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident pouvant entrainer de graves blessures ou la mort en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. C'est d'ailleurs ce qui s'est produit et si un piéton s'était trouvé là où le véhicule s'est encastré dans le mur, il serait sans aucun doute décédé, ce que le prévenu a admis.

Le prévenu sera dès lors reconnu coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 3 et al. 4 let. b LCR.

3. 3.1.1. L'art. 100 ch. 4 LCR prévoit que si le conducteur d'un véhicule du service du feu, du service de santé, de la police ou de la douane enfreint les règles de la circulation ou des mesures spéciales relatives à la circulation lors d'une course officielle urgente ou nécessaire pour des raisons tactiques, il n'est pas punissable s'il fait preuve de la prudence imposée par les circonstances. Lors de courses officielles urgentes, le conducteur n'est pas punissable uniquement s'il a donné les signaux d'avertissement nécessaires; il n'est exceptionnellement pas nécessaire de donner ces signaux d'avertissement si ceux-ci compromettent l'accomplissement de la tâche légale. Si le conducteur n'a pas fait preuve de la prudence imposée par les circonstances ou s'il n'a pas donné les signaux d'avertissement nécessaires lors d'une course officielle urgente, la peine peut être atténuée.  

Dans des cas d'excès de vitesse très importants commis par des particuliers qui invoquaient pour leur défense l'état de nécessité (art. 17 CP), le Tribunal fédéral a jugé que même si le bien en péril était aussi précieux que la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui, il était pratiquement exclu de justifier par un gain de quelques instants le risque d'accident mortel auquel les occupants du véhicule et les autres usagers de la route sont exposés en conséquence d'un excès de ce genre. Selon la jurisprudence, les signaux d'avertissement sonores et optiques d'un véhicule de la police circulant à vitesse très élevée ne sont que peu aptes à réduire le risque d'un accident parce qu'en raison de l'approche rapide de ce véhicule, les tiers exposés au danger ne jouissent que d'un temps réduit pour percevoir ces signaux, y réagir et adapter leur propre comportement. Un excès de vitesse très important ne se justifie donc pas davantage en cas de course urgente selon l'art. 100 ch. 4 LCR que dans le cas d'un déplacement exécuté en état de nécessité avec un véhicule privé (arrêt du TF 6B_1224/2019 et 6B_1250/2019 du 24 janvier 2020, consid. 3.1 et les références citées).

3.1.3. Sont réputées urgentes les courses qui, dans les cas graves, ont lieu pour permettre à la police d'intervenir aussi rapidement que possible, afin de sauver des vies humaines, d'écarter un danger pour la sécurité ou l'ordre public, de préserver des choses de valeur importante ou de poursuivre des fugitifs. La notion d'urgence doit être comprise dans le sens étroit. Ce qui est déterminant, c'est la mise en danger de biens juridiquement protégés, dont les dommages peuvent être considérablement aggravés par une petite perte de temps. Pour apprécier le degré d'urgence, les conducteurs de véhicules et les chefs de services d'intervention doivent ou peuvent se fonder sur la situation telle qu'elle se présente à eux au moment de l'intervention. Les conditions de trafic doivent être telles que l'on risque d'être considérablement retardé dans l'intervention si l'on ne déroge pas aux règles de circulation ou si l'on ne fait pas usage du droit spécial de priorité.

L'Ordre de service de la police genevoise sur la conduite en urgence du 13 mai 1963, mis à jour le 5 juin 2009, prévoit que la notion d'urgence doit être comprise dans son sens le plus strict (ch. 3.1) et qu'elle est réalisée pour sauver des vies humaines, écarter un danger pour la sécurité ou l'ordre public, préserver des choses de valeur importante et poursuivre des fugitifs (ch. 3.2).

L'ordre général du Ministère public à la police concernant les courses officielles urgentes, dans ses versions du 30 juillet 2014 et du 24 janvier 2017, prévoit que, la vitesse admissible étant régie par le principe de proportionnalité, doivent être mis en balance l'importance du bien juridique protégé dont la sauvegarde justifie la course officielle urgente, d'une part, et le risque créé pour les usagers de la route, d'autre part. La prudence a été respectée lorsque la vitesse n'excède pas 1.5 fois la limitation de vitesse, soit en cas d'une conduite à 80 km/h en zone limitée à 50 km/h. Exceptionnellement, lorsque la course officielle a pour but de sauver des vies humaines ou de poursuivre un fugitif suspecté d'avoir porté atteinte à la vie humaine, une vitesse atteignant deux fois la limitation peut être entreprise. Ces barèmes sont indicatifs et peuvent être revus à la hausse ou à la baisse en fonction des circonstances, du trafic et des conditions météorologiques, mais le principe de proportionnalité reste applicable dans tous les cas. De telles instructions n'ont toutefois qu'une valeur indicative pour les autorités de jugement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1161/2018 du 17 janvier 2019, consid. 1.2.2).

3.1.4. Aux termes de l'art. 13 al. 1 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable. Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictueuse fait défaut (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1131/2018 du 21 janvier 2019 consid. 2.1 et les références citées).

L'erreur peut cependant aussi porter sur un fait justificatif, tel le cas de l'état de nécessité ou de la légitime défense putatifs ou encore sur un autre élément qui peut avoir pour effet d'atténuer ou d'exclure la peine (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259 ; 129 IV 6).

3.2. En l'espèce, il est établi qu'au moment des faits le prévenu effectuait une course officielle et requise par la CECAL.

S'agissant du caractère urgent de cette course, le prévenu semble considérer la situation comme grave, mais sur la base de suppositions, cas échéant d'informations qu'il avait interprétées.

En effet, ni lui ni ses collègues ne disposaient d'informations qui auraient pu laisser penser qu'au moment du départ du véhicule BMW du H______, la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui était encore en danger. Au contraire, ses occupants, qui avaient commencé une bagarre avec deux agents de sécurité, avaient quitté les lieux.

En outre, aucun des messages sur les ondes de la police ne mentionnait la présence de blessés suite à cette bagarre et le mot rixe n'a jamais été jamais employé. Toutefois, il était clairement question d'une "BMW grise qui fait la malle depuis Genève-plage"– ce qui laissait supposer que ses occupants avaient commis un délit. Dans les conditions d'urgence d'une réquisition de la CECAL, le prévenu pouvait comprendre de la situation que les fugitifs s'étaient rendus coupables d'une rixe et, partant, être mis au bénéfice d'une l'erreur sur les faits à cet égard.

Les informations communiquées au prévenu par la suite sur les ondes étaient que les fuyards roulaient "ventre à terre", en zigzagant entre les voitures, ce qui était clairement constitutif d'un délit. La condition du caractère urgent de la course est donc également remplie.

Lors de l'audience de jugement, le prévenu n'a plus prétendu à juste titre que les occupants de la BMW qu'il poursuivait étaient des "caïds" "prêts à en découdre" une nouvelle fois.

A défaut de danger futur pour la vie ou l'intégrité corporelle d'autrui, il ne peut être retenu que le prévenu aurait fait preuve de la prudence commandée par les circonstances, c'est-à-dire qu'il aurait agi de façon proportionnée, dès lors qu'il a circulé à 53.9 km/h de plus que la vitesse autorisée sur une route fréquemment empruntée et où des piétons cheminaient sur les trottoirs de part et d'autre. En raison de sa vitesse inadaptée, le prévenu a perdu la maîtrise de son véhicule.

Le Tribunal relève que bien que la vitesse et la conduite du fuyard soient sources de risque pour l'intégrité corporelle ou la vie, la situation se distingue de celle du risque pour la vie causé par le délinquant qui séquestre sa victime dans son véhicule et est prêt à la tuer. De plus, dans la première hypothèse, le chauffard en fuite est susceptible de réduire sa vitesse si la police, qui est à sa poursuite, ralentit, diminuant par là-même le risque créé.

En tout état, en circulant à 53.9 km/h de plus, marge de sécurité déduite, que la vitesse maximale permise sur le quai Gustave-Ador, le prévenu a dépassé la vitesse autorisée par l'ordre général du Ministère public, même en cas de danger ou d'atteinte à la vie d'autrui. Certes, il ne s'agit que de directives, mais elles codifient raisonnablement la jurisprudence et il n'est pas soutenable de prétendre qu'en roulant à cette vitesse-là dans les circonstances concrètes décrites, le prévenu aurait pleinement respecté les règles de prudence.

Le prévenu ne peut donc pas prétendre à l'impunité prévue par l'art. 100 ch. 4 LCR.

3.3. Il est néanmoins établi que l'accélération effectuée par le véhicule conduit par le prévenu a été puissante mais que la voiture a roulé à une vitesse de plus de 100 km/h seulement sur une distance d'un peu plus de 100 mètres. Le pic de vitesse a duré à peine une seconde, étant relevé que le véhicule conduit par le prévenu avait les feux bleus et la sirène enclenchés bien avant le début de la poursuite et en permanence durant l'excès de vitesse.

Les autres véhicules engagés dans la course-poursuite avaient également enclenché leurs avertisseurs, ce qui avait permis de signaler leur présence aux autres usagers de la route.

Il sied enfin de relever que l'excès de vitesse commis par le prévenu dépasse de peu la limite de vitesse de l'art. 90 al. 3 LCR, à la différence du cas visé dans l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_1102/2016 du 12 décembre 2017 dans lequel l'excès de vitesse commis également sur le quai Gustave-Ador était de 82 km/h, marge de sécurité déduite (mesure relevée sur le radar fixe : 138 km/h – vitesse autorisée : 50 km/h – marge de sécurité : 6 km/h).

Par conséquent, le prévenu n'a pas agi de façon totalement inconsidérée, de sorte qu'il pourra bénéficier d'une atténuation de la peine. A défaut, cela reviendrait à le juger comme un particulier circulant à une vitesse très élevée sans aucun motif et sans avertisseurs.

4. 4.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution, l'intensité de la volonté délictuelle, les motivations et les buts de l'auteur ainsi que les facteurs liés à l'auteur lui-même (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

4.1.2. Les recommandations de la Conférence des procureurs suisses en matière de LCR préconisent les peines suivantes en cas d'excès de vitesse en localité : 20 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 25 à 29 km/h, 50 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 30 à 35 km/h, 70 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 35 à 39 km/h, dès 120 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 40 à 49 km/h, un an de peine privative de liberté en cas d'excès de vitesse de 50 km/h.

4.1.3. Les directives du Ministère public préconisent les peines suivantes, lorsque la limitation de vitesse est de 40km/h à 50km/h: 30 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 25 à 29 km/h, 60 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 30 à 34 km/h, 90 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 35 à 39 km/h, 180 jours-amende en cas d'excès de vitesse de 40 à 44 km/h, un an de peine privative de liberté en cas d'excès de vitesse de 50 km/h.

4.1.4. Conformément à l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

4.1.5. Selon l'art. 40 CP, la durée de la peine privative de liberté va de trois jours à 20 ans.

4.1.6. A teneur de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

4.1.7. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 CP).

4.1.8. Selon l'art. 48a CP, le juge qui atténue la peine n'est pas lié par le minimum légal de la peine prévue pour l'infraction. Il peut prononcer une peine d'un genre différent de celui qui est prévu pour l'infraction mais il reste lié par le maximum et par le minimum légal de chaque genre de peine (al. 2).

4.2. En l'espèce, la faute du prévenu est importante. Par son comportement – certes dans le cadre d'une course officielle urgente au cours de laquelle il poursuivait selon sa compréhension les auteurs d'une rixe – il a pris un risque démesuré en accélérant à une vitesse très excessive en ville et en changeant de voie, puis en perdant la maîtrise de son véhicule.

Il est vrai que l'excès de vitesse était très bref et a eu lieu sur une courte distance. Toutefois, au vu des conditions de circulation et de la présence de piétons, le risque d'un dommage pour l'intégrité corporelle était concret. C'est ainsi par chance qu'il ne s'est pas concrétisé.

S'agissant de sa situation personnelle, le prévenu était un policier expérimenté lors des faits. Il est sans antécédent judiciaire et rien au dossier ne permet de retenir que son comportement professionnel ne serait pas irréprochable.

Sa collaboration à la procédure a été sans particularité.

Sa prise de conscience est bonne, à l'aune de sa conviction d'avoir agi au mieux dans le cadre de ses fonctions. Il n'a pas cherché à minimiser sa faute. Il a exprimé des regrets sincères sur les conséquences de l'accident sur la santé de sa collègue.

La peine prévue pour l'infraction à l'art. 90 al. 3 LCR est une peine privative de liberté d'un an. Au regard de l'ensemble des circonstances, cette peine doit être réduite d'un quart et c'est donc une peine privative de liberté de 9 mois qui doit être prononcée. Dans le cas d'espèce, il n'y a pas lieu de déterminer le genre de peine en premier lieu pour retenir la peine pécuniaire, car le plafond de 180 jours-amende prévu par l'art. 34 CP impliquerait de réduire la peine plancher de l'art. 90 al. 3 LCR de moitié, ce qui constituerait une réduction excessive au vu du cas d'espèce. X______ sera par ailleurs mis au bénéfice du sursis dont il remplit les conditions, le délai d'épreuve étant fixé à 2 ans.

5. 5.1.1. A teneur de l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).

5.1.2 Aux termes de l'art. 267 al. 1 et 3 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit (al. 1). La restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (al. 3).

5.2. Vu ce qui précède, le Tribunal ordonnera la restitution à la police de l'appareil RAG 2000 n° 048348 figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 26240820200224 et du véhicule SKODA Octavia immatriculé GE 2______ conservé au service cantonal de la fourrière des véhicules (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

6. Le prévenu sera condamné aux frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP) et ses conclusions en indemnisation seront rejetées (art. 429 CPP) au vu du verdict de culpabilité.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

 

Déclare X______ coupable de violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation routière (art. 90 al. 3 et al. 4 let. b. LCR).

Condamne X______ à une peine privative de liberté de 9 mois (art. 40 CP).

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 2 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne la restitution à la police de l'appareil RAG 2000 n° 048348 figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n° 26240820200224 et du véhicule SKODA Octavia immatriculé GE 2______ conservé au service cantonal de la fourrière des véhicules (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'329.-, y compris un émolument de jugement de CHF 500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service cantonal des véhicules, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

 

La Greffière

Karin CURTIN

La Présidente

Sabina MASCOTTO

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

720.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

1329.00

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

Notification postale à X______, soit pour lui à son conseil

Notification postale au Ministère public