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Décisions | Tribunal pénal

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P/18709/2016

JTDP/1552/2020 du 21.12.2020 sur OPMP/9231/2019,OPMP/9232/2019 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.305bis
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 5


21 décembre 2020

 

MINISTÈRE PUBLIC

Mme A______, partie plaignante

Mme B______, partie plaignante

contre

Mme X______, née le ______1971, domiciliée ______ [VD], prévenue, assistée de Me Sébastien VOEGELI

Mme Y______, née le ______1977, domiciliée ______ [GE], prévenue, assistée de Me Anouchka HALPERIN


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut:

- s'agissant de X______, au prononcé d'un verdict de culpabilité du chef de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP) et à ce que la prévenue soit condamnée à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans.

- s'agissant de Y______, au prononcé d'un verdict de culpabilité du chef de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP) et à ce que la prévenue soit condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis et délai d'épreuve de 3 ans.

Me Sébastien VOEGELI, conseil de X______, conclut à l'acquittement de sa cliente. Très subsidiairement, il conclut à ce que sa cliente soit mise au bénéfice d'une exemption de peine fondée sur les art. 52 et 54 CP. Il conclut à ce que les séquestres ordonnés soient levés. Il conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions en indemnisation de sa cliente correspondant à la note d'honoraires en CHF 8'714.70.

Me Merigona UKA, excusant Me Anouchka HALPERIN, conseil de Y______, conclut à l'acquittement de sa cliente. Elle conclut à ce qu'il soit fait droit aux conclusions en indemnisation de sa cliente. Subsidiairement, elle conclut à ce que sa cliente soit mise au bénéfice d'une exemption de peine. Elle devra également être exemptée des frais de procédure.

*****

Vu l'opposition formée le 14 octobre 2019 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 9 octobre 2019;

Vu l'opposition formée le 21 octobre 2019 par Y______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 9 octobre 2019;

Vu les décisions de maintien des ordonnances pénales du Ministère public 20 décembre 2019;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que les ordonnances pénales et les oppositions sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 9 octobre 2019 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 14 octobre 2019;

Déclare valables l'ordonnance pénale du 9 octobre 2019 et l'opposition formée contre celle-ci par Y______ le 21 octobre 2019;

et, statuant à nouveau et contradictoirement :

EN FAIT

A.a. Par ordonnance pénale du 9 octobre 2019, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, entre le 13 octobre 2014 et le 5 septembre 2016, utilisé son compte ouvert auprès d'D______ (IBAN n° 1______), afin de recevoir, pour le compte du soi-disant E______, des sommes d'argent, d'un montant total de CHF 97'975.-, provenant d'abus de confiance au préjudice de B______ (à hauteur de CHF 73'575.-), de A______ (à hauteur de CHF 12'000.-) et de Y______ (à hauteur de CHF 12'400.-), puis les avoir virées sur d'autres comptes, en faveur de F______, G______, H______ et I______, ou retirées de son compte et transférées à l'étranger, aux États-Unis, en Afrique du sud et au Nigéria, en faveur de J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______, Q______, par l'intermédiaire des agences de transferts d'argent R______ et S______, en sachant ou devant savoir que ces sommes étaient de provenance illicite et agissant de la sorte dans le but de rendre impossible l'identification et/ou la confiscation de cet argent.

En particulier, son compte a été crédité de :

1.                  la somme de CHF 2’500.- le 13 octobre 2014, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

2.                  la somme de CHF 2’900.- le 21 octobre 2014, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

3.                  la somme de CHF 3’950.- le 27 octobre 2014, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

4.                  la somme de CHF 6’200.- le 10 novembre 2014, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

5.                  la somme de CHF 7’500.- le 18 novembre 2014, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

6.                  la somme de CHF 15’000.- le 3 décembre 2014, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

7.                  la somme de CHF 7’000.- le 30 mars 2015, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

8.                  la somme de CHF 5’000.- le 22 avril 2015, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

9.                  la somme de CHF 1’925.- le 17 juillet 2015, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

10.              la somme de CHF 3’500.- le 30 octobre 2015, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

11.              la somme de CHF 7’000.- le 24 novembre 2015, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

12.              la somme de CHF 700.- le 11 décembre 2015, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

13.              la somme de CHF 5’000.- le 11 mars 2016, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

14.              la somme de CHF 5’000.- le 4 avril 2016, par Y______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes de santé et prétendu business en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant T______ (qui s’est révélé être la même personne que le soi-disant E______ ) à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

15.              la somme de CHF 2’000.- le 27 mai 2016, par Y______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant T______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

16.              la somme de CHF 1’000.- le 5 juillet 2016, par Y______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant T______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

17.              la somme de CHF 2’000.- le 26 juillet 2016, par Y______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant T______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

18.              la somme de CHF 5’400.- le 28 juillet 2016, par B______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

19.              la somme de CHF 2’400.- le 11 août 2016, par Y______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant T______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

20.              la somme de CHF 2'000.- le 17 août 2016, par A______ (par le biais de son compte auprès de U______, son employeur), qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme;

21.              la somme de CHF 10'000.- le 5 septembre 2016, par A______ qui, croyant au faux motif (prétendus problèmes financiers en relation avec un prétendu projet de construction immobilière en Afrique du sud) de l’utilisation des fonds avancé par le soi-disant E______ à l’appui de sa demande de prêt, a versé cette somme.

Ces faits ont été qualifiés de blanchiment d'argent selon l'art. 305bis ch. 1 CP.

b. Il est reproché, par ordonnance pénale du 9 octobre 2019, valant acte d'accusation, à Y______, d'avoir, à Genève, entre le 11 décembre 2015 et le 14 octobre 2016, utilisé son compte V______, afin de recevoir, pour le compte du soi-disant T______, des sommes d'argent d'un montant total de CHF 8'500.-, soit CHF 3'500.- le 11 décembre 2015 et CHF 5'000.- le 12 septembre 2016, provenant d'abus de confiance, puis les avoir transférées par l'intermédiaire des agences de transfert d'argent R______ et S______, en sachant ou devant savoir que ces sommes étaient de provenance illicite et agissant de la sorte dans le but de rendre impossible l'identification et/ou la confiscation de cet argent. Ces faits ont été qualifiés de blanchiment d'argent selon l'art. 305bis ch. 1 CP.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

Plainte de A______

a.a. Le 4 octobre 2016, entendue par la police, A______ a déposé plainte pénale suite à un abus de confiance dont elle avait été victime de la part d'un dénommé E______. Elle avait rencontré, durant le mois de mai 2016, un homme sur un site de rencontre sur internet. Ils avaient discuté sur ce site durant environ un mois et demi et ils s'étaient vus pour la première fois durant le mois de juin 2016. Il lui avait alors indiqué qu'il habitait à Genève, au Grand-Lancy, et travaillait en tant qu'ingénieur civil indépendant. En dehors des nombreux messages qu'ils s'échangeaient quotidiennement, soit par e-mail, soit par l'application Viber, avec son numéro 2______, ils s'étaient vus physiquement à quatre reprises, allant au restaurant avant de passer la nuit à son domicile. Par la suite, il lui avait annoncé devoir partir en Afrique du Sud mi-août pour la réalisation d'un complexe immobilier suite à un appel d'offre. A son arrivée dans le pays, il lui avait annoncé, par e-mail, que sa carte de crédit ne fonctionnait pas et qu'il avait besoin d'argent pour payer les frais sur place. Le 15 août 2016, il lui avait alors transmis ses coordonnées bancaires pour effectuer le paiement demandé de CHF 10'000.- sur un compte D______, dont l'IBAN était 3______. Elle était mal à l'aise à l'idée de lui verser une telle somme d'argent. Toutefois, il l'avait mise en confiance avec de charmants échanges écrits, lui promettant des projets d'avenir. Elle était tombée amoureuse. Elle avait donc effectué un versement de CHF 10'000.- en date du 22 août 2016 sur le compte indiqué en mentionnant "E______" comme bénéficiaire. Ce virement n'ayant pas fonctionné, elle avait donc à nouveau transféré le même montant le 3 septembre 2016, avec le nom de X______ comme bénéficiaire, tel qu'instruit par E______. La précitée était, selon lui, la comptable de l'hôtel à Pretoria et celle-ci lui verserait l'argent. Il lui avait confirmé par message du 5 septembre 2016 avoir bien reçu le dernier versement mais non le premier. Aux alentours du 14 septembre 2016, il lui avait annoncé avoir remporté l'appel d'offre pour le projet, mais avoir besoin d'argent pour payer les taxes préliminaires, en lui demandant de lui verser CHF 45'000.-. Elle lui avait indiqué que cela n'était pas possible, n'ayant pas une telle somme et que, vu la situation, elle ne souhaitait plus entendre parler de lui. Malgré son refus, il avait continué à lui écrire tous les jours en lui réclamant le montant de CHF 10'000.- qu'elle pensait avoir déjà versé. Aux environs du 21 septembre 2016, il lui avait demandé combien elle pouvait lui verser, puisqu'elle ne voulait pas lui verser le montant réclamé. Elle avait alors mis un terme à leurs échanges, le dernier ayant eu lieu le 27 septembre 2016. A cette date, elle s'était également rendue à la banque, qui lui avait confirmé que seul le versement du 3 septembre 2016 avait été versé sur le compte de X______.

a.b. Suite à la plainte pénale déposée par A______, le Ministère public a rendu une ordonnance de séquestre, en date du 11 octobre 2016, portant sur le compte 3______, ouvert auprès de l'D______ au nom de X______.

a.c. Entendue à nouveau par la police le 12 juillet 2017, A______ a confirmé ses précédentes déclarations. Elle était employée de la société W______, faisant partie de la société U______. S'agissant du versement de CHF 2'000.- qui avait été effectué sur le compte de X______ par U______ avec mention "Hydro suites (Z______)", il avait été fait au moyen de son compte salaire privé au sein de U______, avec son argent. Elle avait effectué le paiement à la demande d'E______ afin de payer son hôtel. Lors de sa dernière audition, elle n'avait pas mentionné la transaction bancaire d'un montant de CHF 7'000.- datée du 24 août 2016, ayant comme motif de paiement "Hydro Suites (Z______)", car le versement n'avait pas été validé et elle ne souhaitait pas impliquer la société pour laquelle elle travaillait. Par ailleurs, elle pouvait affirmer avoir rencontré une personne s'étant présentée comme E______ à Genève. Ce dernier ne lui avait jamais demandé d'envoyer en son nom une carte postale ou une lettre, mais elle avait reçu du courrier contenant des traveller's chèques.

Plainte de B______

b. Entendue par la police le 9 juin 2017, B______ a indiqué avoir fait la connaissance d'E______ sur un site de rencontre, environ deux ans et demi à trois ans auparavant. Sur présentation du dossier photographique de la police, elle l'avait reconnu, puisqu'il s'agissait des mêmes photographies qu'il lui avait envoyées, figurant également sur son profil du site de rencontre. Elle avait le sentiment qu'il souhaitait nouer une relation durable basée sur la confiance. Ils s'écrivaient quotidiennement et elle s'était finalement enamourée de lui. Il lui avait expliqué être impliqué dans un projet de construction immobilière à Pretoria. Ils avaient ensuite commencé à converser via Viber, grâce au numéro de téléphone 2______. Il avait également téléphoné à plusieurs reprises, mais toujours en numéro masqué ou anonyme, ceci étant dû selon lui aux problèmes de connexion en Afrique. A chaque opportunité de rencontre en personne, E______ avançait des arguments pour ne pas y donner suite. Ils étaient restés en contact quotidien durant trois mois, avant que l'argent ne devienne un sujet de discussion commun. Quelques temps avant la première demande d'argent, il lui avait indiqué qu'il participait à un concours d'architecte en Afrique du Sud et qu'il l'avait gagné. Devant se rendre dans ce pays, il l'avait invitée à passer quelques jours avec lui dans un hôtel à Genève avant son départ et, à nouveau, il avait annulé au dernier moment, prétextant un départ immédiat pour Pretoria. Il lui avait alors envoyé, le 11 octobre 2014, une enveloppe contenant une carte et quatre traveller's chèques d'un montant total de USD 2'000.-. Elle avait eu le sentiment qu'il voulait l'appâter. Cinq jours plus tard, elle avait reçu un message de tendresse, accompagné de la même somme d'argent, les enveloppes, selon les timbres, ayant été envoyées depuis Versoix. Elle avait trouvé étrange qu'un homme qu'elle n'avait jamais rencontré physiquement lui envoie, sans raison, de l'argent. A cette époque, elle se trouvait au Tessin en convalescence chez des amis. E______ avait justifié de l'envoi d'argent en lui indiquant vouloir contribuer à ses frais supplémentaires découlant de sa maladie. De retour chez elle, elle avait contacté un ami au sujet de ces chèques, lequel lui avait alors conseillé de ne pas les encaisser, ceux-ci étant vraisemblablement faux ou falsifiés. Lorsqu'elle émettait des doutes, E______ avait tout le temps beaucoup d'arguments pour la rassurer et ce, dans tous les domaines. Elle avait cru très facilement à tous les mensonges qu'il avait avancés. Il lui avait même fourni des photocopies de prétendus documents officiels établis à Pretoria et en Afrique du Sud, attestant de ses activités. Un jour, il lui avait envoyé ses coordonnées bancaires complètes avec les identifiants, afin qu'elle aille contrôler son statut financier. Il lui avait demandé de se connecter directement sur le site et de l'en informer, au moment où elle le faisait, ce à quoi elle n'avait pas donné suite. Elle avait également reçu une carte postale de Genève, envoyée depuis Eclépens le 29 septembre 2014.

Elle ne connaissait pas personnellement X______; E______ lui avait transmis ses coordonnées, notamment bancaires, via Viber. Il lui avait donné ces informations entre le 11 et le 13 octobre 2014, période à laquelle il avait pour la première fois mentionné un besoin d'argent. Elle avait versé le 13 octobre 2014 la somme de CHF 2'500.- depuis une agence D______ à Locarno. Il lui avait indiqué que X______ s'occupait du dispatching financier de l'argent des différents projets qu'il menait et que de ce fait, il était plus judicieux que l'argent soit versé à elle directement.

Entre le 13 octobre 2014 et le 28 juillet 2016, elle avait effectué quatorze versements pour un montant total de CHF 73'575.- sur le compte de X______ à l'attention d'E______. Il s'agissait de ses économies déposées son compte épargne, puis retirées de son compte postal ou bancaire. Prétextant tour à tour des problèmes de disponibilité financière personnelle, des problèmes de liquidités momentanés, des retards de versement sur les différents chantiers en cours, il l'avait sollicitée pour qu'elle lui envoie de l'argent. Il lui avait certifié la rembourser dès que possible, cet argent étant destiné à débloquer une situation momentanée. Au départ, elle avait cru qu'il allait effectivement la rembourser, puis, par la suite, elle avait commencé à douter sérieusement. Il avait joué avec ses sentiments et l'attachement qu'elle avait pour lui. Il avait même réussi à lui envoyer des fausses factures, prétextant que si elles n'étaient pas payées, il serait mis à la rue, voire pire. Jusqu'à la fin de l'année 2015, elle était persuadée de la sincérité de leur relation. Elle pensait réellement, malgré ne l'avoir jamais rencontré physiquement, être tombée follement amoureuse de cet homme. Elle en était devenue dépendante et ne pouvait s'empêcher de converser avec lui tous les jours et ce, à plusieurs reprises.

S'agissant de l'aspect du blanchiment d'argent, E______ avait essayé, du moins, il lui avait demandé, de pouvoir verser de l'argent sur un de ses comptes personnels. Elle n'avait pas voulu qu'il le fasse. A plusieurs reprises, sentant qu'il abusait de sa confiance, elle avait voulu venir à la police pour déposer plainte, mais elle avait tellement honte de la situation qu'elle n'avait pas osé le faire. Il avait réussi à ce qu'elle développe une sorte de fascination à son égard.

Déclarations de X______

c.a.a. Entendue par la police le 28 octobre 2016 à 18h00 en qualité de personne appelée à donner des renseignements, dans le cadre d'une plainte déposée par A______, X______ a déclaré que le compte D______ 3______ était son compte courant, son salaire y étant versé. A la fin du mois de septembre 2016, la banque avait bloqué son compte et l'avait invitée dans les locaux afin de fournir des explications sur des transactions bancaires. Elle avait également deux comptes épargne et un compte garantie de loyer auprès d'D______ qui étaient bloqués.

S'agissant du versement de CHF 10'000.- reçu sur son compte le 5 septembre 2016 de la part de A______, elle devait le transférer à son ami par e-banking, selon ses consignes. Elle le connaissait depuis environ deux ans et demi, et l'avait rencontré à travers les réseaux sociaux au mois d'avril 2014. Il travaillait en Afrique du Sud. Ils discutaient via Viber. Elle l'avait vu pour la dernière fois en 2014, soit juste après leur rencontre. Dans un premier temps, elle avait transféré la somme de CHF 5'000.- sur un autre compte, soit celui de Y______. Puis, pour le reste, elle avait versé CHF 2'000.- ou CHF 2'500.- via R______. Sur la somme reçue, il lui restait environ CHF 2'500.- qu'elle devait reverser par la suite, selon les directives de son ami.

c.a.b. Le 28 octobre 2016, à 19h03, X______ a été entendue en qualité de prévenue par la police et informée du fait qu'elle était impliquée dans une affaire de transfert d'argent au profit d'un dénommé E______ entre octobre 2014 et septembre 2016 au préjudice, notamment, de A______. Elle a précisé que suite au blocage de son compte, lorsqu'elle avait dû se rendre à la banque, elle en avait parlé à son ami. Ce dernier avait lourdement insisté pour qu'elle dise au personnel de la banque qu'ils s'étaient rencontrés physiquement avant les transactions bancaires. Sur présentation des photographies remises par A______, elle a indiqué qu'il s'agissait du même E______. Ce dernier avait entrepris la discussion et ils échangeaient uniquement en anglais. Sur son profil, il faisait référence au fait qu'il résidait à Genève. Il était beau parleur et très charmeur, s'était présenté comme étant ingénieur indépendant travaillant dans le génie civil et ayant une bonne situation financière. S'agissant de sa vie privée, il lui avait indiqué être depuis peu de temps à Genève, après avoir quitté les Etats-Unis. Il était veuf, sa femme étant décédée alors qu'elle était enceinte. Ils avaient poursuivi le dialogue sur Yahoo messenger; l'adresse e-mail de son ami était AA______. Puis, très rapidement, ils s'étaient échangés les numéros de téléphone. Il lui avait dit avoir un numéro de téléphone suisse, sans toutefois l'utiliser, c'est pour cette raison qu'il lui avait donné son numéro de téléphone anglais, soit le 2______. Un peu plus tard dans le mois, il lui avait indiqué devoir partir à Londres durant deux semaines. Il y avait une maison où il logeait. Après une semaine, il lui avait dit qu'il devait se rendre en Afrique du Sud pour présenter un projet d'architecture à un concours et devait dès lors écourter son séjour à Londres, pour se rendre à Genève y récupérer des affaires et partir le soir-même pour Johannesburg, où il avait loué un appartement à USD 500.- la nuit, selon son souvenir. Lors de son voyage entre Londres et Genève, il lui avait envoyé une lettre contenant des traveller's chèques pour un montant de USD 1'500.- lui ayant indiqué qu'ils en profiteraient à son retour pour un séjour de rêve dans l'hôtel de son propre choix. Par la suite, il lui avait annoncé avoir remporté le concours et devoir rester en Afrique du Sud afin de peaufiner les démarches administratives en vue de concrétiser son rêve. Par fierté, il lui avait transféré par e-mail des documents relatifs au projet qu'il venait de signer.

A la fin de son séjour, il lui avait expliqué que sa carte avait été bloquée, en raison de plusieurs retraits, et qu'il était dépourvu de liquidités. Il avait besoin d'argent pour payer son logement, environ CHF 2'000.-, sans quoi, il aurait des problèmes. Il lui avait promis de le lui rembourser dès son retour. Elle avait alors accepté sa demande et avait effectué le versement de CHF 2'000.-, à travers R______, montant qu'elle avait retiré au préalable de son compte le 1er mai 2014. Il avait prévu un vol de retour depuis l'Afrique du Sud le 4 mai 2014 au soir, afin d'arriver à Genève le lendemain, mais il s'était endormi et avait loupé son avion, puis avait prévu un autre vol de retour quelques jours plus tard, mais était arrivé tardivement à l'aéroport et avait à nouveau manqué son avion. Il avait alors pris un vol avec une escale à Londres et, arrivé sur place, s'était évanoui à l'aéroport. Il avait dû être hospitalisé à Londres dans un état critique. Durant son séjour à Londres, elle lui avait proposé de venir lui rendre visite, même une journée. Toutefois, il n'avait pas souhaité qu'elle dépense son argent pour lui, connaissant sa situation financière et avait tout fait pour l'en empêcher. Elle l'avait informé de son désir de se rendre à Londres durant ses vacances entre juillet et août 2014, mais il lui avait dit qu'il devait retourner en Afrique du Sud à cette période, à la demande du gouvernement qui le menaçait de mettre un terme à son contrat d'architecture, s'il n'y retournait pas dans les plus brefs délais. En juillet 2014, il lui avait demandé un montant de CHF 11'000.- nécessaire à son retour en Afrique du Sud, avec insistance et à plusieurs reprises, en lui apportant la garantie que cet argent lui serait intégralement remboursé lorsqu'il en aurait l'occasion. Jouant sur ses sentiments pour qu'elle cède, elle avait donc emprunté ladite somme auprès de l'agence de crédit AB______, correspondant au versement de CHF 11'000.- daté du 14 juillet 2014. Suite à cela, elle lui avait confirmé avoir reçu l'argent, être en mesure de l'aider et avait versé le montant en plusieurs paiements. Après avoir résilié une assurance vie, elle avait reçu un montant de CHF 11'245.19, avec lequel elle avait payé quelques factures, puis utilisé l'argent pour elle et pour envoyer à son ami. S'agissant du séjour d'E______ en Afrique du Sud, ce dernier lui avait dit qu'il devait y rester au maximum deux semaines, mais le gouvernement l'avait invité à rester sur place, pour concrétiser son projet.

Ils avaient continué leurs échanges usuellement, jusqu'au courant de l'automne, période au cours de laquelle il lui avait à nouveau dit avoir besoin d'argent, avec beaucoup d'insistance. Elle lui avait alors précisé qu'elle n'avait pas l'argent sur son compte et n'était pas en mesure de faire un nouveau crédit. Malgré son refus, il restait toujours très courtois et rassurant. Il tentait, dans son discours, de l'inciter à se débrouiller afin de trouver un moyen pour lui verser de l'argent, en lui promettant un avenir radieux et doré le jour où il aurait terminé son projet.

Dans le cadre de leurs échanges, E______ lui avait annoncé que de l'argent devait arriver sur son compte et qu'elle devait alors le vérifier. Après vérification, elle avait pu constater qu'un versement de CHF 2'500.- de la part de B______ avait été effectué le 13 octobre 2014. Elle avait immédiatement informé son ami, qui lui avait donné les instructions pour transférer l'argent et elle avait retiré CHF 3'000.- le lendemain. Par la suite, elle avait reçu plusieurs versements de la part de B______. A chaque fois, son ami la prévenait avant le versement et lorsqu'elle lui donnait confirmation, il lui transmettait les consignes d'envois et de virements avec les montants et les destinataires. A son souvenir, elle avait toujours versé la totalité des sommes reçues, mais parfois échelonnées sur une plus ou moins longue période, en fonction des montants que son ami lui désignait. S'agissant des versements effectués par B______, elle ne savait pas combien elle avait reçu. A chaque transfert effectué, elle devait payer les frais de transaction, avoisinant parfois les CHF 100.-, et elle n'avait jamais fait de bénéfice sur les transferts d'argent, au contraire. A la question de savoir ce qu'elle pouvait dire au sujet des versements effectués par B______ entre les mois d'octobre et décembre 2014, à savoir CHF 2'900.- le 21 octobre, CHF 3'950.- le 27 octobre, CHF 6'200.- le 11 novembre, CHF 7'500.- le 18 novembre et CHF 15'000.- le 3 décembre, elle a répondu qu'E______ l'informait des arrivées d'argent et lui transmettait par la suite les directives de transfert. Elle avait reçu les sommes et les avait intégralement transférées selon les consignes de son ami, tout comme pour les versements de 2015 et 2016.

A plusieurs reprises, elle avait questionné E______ à propos de ces versements. Il lui avait répondu ne pas devoir s'inquiéter, ceux-ci étant d'ordre professionnel. Elle n'avait jamais rencontré B______ et ne savait quasiment rien sur elle. Durant les conversations qu'elle avait avec E______, elle le taquinait en lui disant "Ta copine B______"; il lui répondait que ce n'était pas sa copine et que c'était professionnel. Elle n'avait jamais vraiment pu savoir le rôle qu'elle avait. A son souvenir, son ami lui avait demandé de trouver une jolie carte postale de Genève et de l'envoyer à B______ en y mettant des salutations, pour la remercier.

S'agissant du virement de CHF 3'500.- qu'elle avait effectué à Y______ le 11 décembre 2015, il s'agissait d'une des transaction qu'E______ lui avait demandé d'effectuer. Elle lui avait demandé qui était cette personne, sur quoi il lui avait répondu que, compte tenu du fait qu'il avait également des attaches à Genève, elle était chargée de certaines choses. Elle avait reçu par la suite plusieurs versements de Y______ et lui avait également versé de l'argent, ce qu'elle expliquait par le fait qu'elle était avisée par E______ d'une arrivée probable d'argent et, dès réception, elle effectuait les transferts comme il le lui demandait. Elle n'avait jamais rencontré cette personne.

Au sujet des différents destinataires des versements qu'elle avait effectués, elle a indiqué avoir demandé, au début, à plusieurs reprises qui étaient ces personnes. A chaque fois, son ami faisait référence à son projet. Un des premiers versements avait été effectué aux Etats-Unis, pour lequel il lui avait indiqué que c'était pour une personne chargée de récupérer les taxes. Par la suite, il lui répétait qu'il lui avait déjà expliqué.

S'agissant du versement de salaire effectué par U______ le 17 août 2016 au profit d'Z______, il lui avait juste indiqué que la société le soutenait dans son projet.

Au début de l'année 2015, elle avait supplié E______ à plusieurs reprises de rentrer en Suisse, afin de pouvoir commencer une relation réelle, lui donnant un ultimatum à janvier 2015. Il avait indiqué que son projet avançait bien, mais qu'il vivait difficilement et ne mangeait parfois pas à sa faim. Elle avait l'impression qu'il cherchait à la faire culpabiliser et qu'il jouait avec ses sentiments. Il avait avancé une situation financière difficile pour lui demander à nouveau de l'argent, notamment en lui faisant part que tant que le projet n'était pas arrivé à son terme, il ne touchait aucun revenu et que c'était à lui d'avancer tout l'argent pour ce projet, tout comme pour sa vie sur place, c'est pourquoi, elle avait demandé une augmentation de crédit auprès de AB______, soit CHF 4'030.40 en date du 16 mars 2015. En sus des versements qu'elle effectuait suite à ses consignes, elle avait également effectué à titre personnel des versements selon ses besoins. Au début de l'année 2016, il lui avait dit qu'il comprenait sa demande (de revenir en Suisse), mais craignait, s'il quittait l'Afrique du Sud, ne pas être payé pour le travail effectué et qu'ils ne pourraient pas avoir une vie agréable. Ses avocats lui avaient conseillé d'entamer une procédure afin de garantir son salaire et il savait que ceux-ci avaient les moyens de faire payer le gouvernement. Il allait faire tout son possible pour rentrer et lui avait demandé de l'argent pour le billet d'avion, ainsi que pour une assurance exigée par la compagnie d'aviation suite à son malaise, étant voyageur à risque. Afin de rendre sa qualité de vie confortable en Afrique du Sud et soutenir son projet, elle avait donc conclu les différents crédits auprès de AB______. Au fil du temps, il avait réussi à avoir de l'emprise sur elle et elle ne pouvait plus refuser de lui verser de l'argent, contrairement à ce qu'il en était au début de leur relation. S'agissant du crédit effectué le 27 juillet 2016, il lui avait indiqué que suite à l'action entreprise par ses avocats, il devait réaliser un film de promotion du complexe et que dès la réalisation et la diffusion, il recevrait son dû, en lui précisant que louer une équipe de tournage en Afrique du Sud était hors de prix. Il avait lui-même passé commande du matériel aux Etats-Unis, payé par AC______ grâce à sa carte de crédit à elle. Il s'agissait probablement du paiement de CHF 3'647.95 intervenu le 5 août 2016. Elle avait reçu le matériel à son adresse et avait dû le réexpédier en Afrique du Sud à un dénommé AD______ à une adresse à Johannesburg, sur demande de son ami. Cet homme s'avérait également être un destinataire des versements faits via R______.

Après avoir informé son ami de sa convocation à la police, elle lui avait dit qu'elle avait immédiatement fait le lien entre ces deux événements et l'avait alors questionné sur toute cette situation. Elle lui avait même demandé ce qu'elle devait répondre, lui précisant qu'elle n'aimait pas mentir. Il lui avait dit que le gouvernement avait décidé de construire un orphelinat et que, pour cette raison, tout le monde lui versait cet argent. Il avait tenté de la manipuler avec ses paroles, en jouant notamment sur la confiance qu'elle avait en lui, pour faire croire que ces agissements étaient bien fondés. Elle avait insisté pour pouvoir le contacter par téléphone, mais aucun numéro ne fonctionnait et elle n'était pas en mesure de savoir ce qu'il en était. Les seuls arguments qu'il avait avancés étaient que ses deux téléphones n'étaient pas faits pour téléphoner, en lui précisant qu'il partirait prochainement pour le Mozambique, dans le but de filmer des enfants dans la rue.

Elle n'avait parlé qu'à une seule personne de sa relation avec E______, à savoir une ancienne relation qu'elle avait revue durant l'été 2015. Son ex était revenu vers elle, sans doute dans le but de la reconquérir. Après lui avoir décrit ce qu'il en était, il lui avait dit qu'elle se faisait avoir et n'allait jamais revoir son argent. Elle avait pris sa réaction comme de la jalousie et un souhait de nuire à sa nouvelle relation.

S'agissant du blocage de son compte, à ce jour, sur le dernier versement de A______, il restait un montant de CHF 3'000.-, dont CHF 500.- qu'E______ lui avait dit qu'elle pouvait garder, notamment pour les nombreux coûts et frais payés pour l'envoi du matériel cinématographique par DHL. Quant aux CHF 2'500.- qu'il restait, elle n'avait pas encore eu les consignes de versement. Lorsque son compte avait été bloqué, elle avait dit à son ami qu'elle ne souhaitait plus entendre parler de ses transactions.

c.a.c. Le 28 octobre 2016, à 23h00, X______ a déposé plainte à la police, pour l'abus de confiance dont elle avait été victime entre le mois d'avril 2014 et ce jour, par une personne dénommée E______. Elle avait pris conscience aux travers des questions de la police qu'elle avait été manipulée par cet homme. Elle n'était pas en mesure d'indiquer la somme d'argent qu'elle lui avait versée depuis leur rencontre. De plus, il avait accès à son compte AC______ et avait effectué plusieurs achats à son insu au moyen de ce compte et de sa carte de crédit, sans pouvoir estimer le montant du préjudice.

c.b. Lors de l'audience par-devant le Ministère public du 11 octobre 2018, X______ a été mise en prévention du chef de blanchiment d'argent. Elle a indiqué ignorer qu'il s'agissait de transferts de fonds illicites et a contesté les faits reprochés. A la question de savoir si elle n'avait pas eu de doutes quant à la légalité de ces mouvements d'argent, sachant que le soi-disant E______ n'avait pas de téléphone suisse alors qu'il prétendait être domicilié en Suisse, que les transferts d'argent n'avaient jamais été effectué à son nom directement mais en faveur de tiers, que ces transferts avaient eu lieu essentiellement par R______ et S______ et non par virements bancaires, qu'E______ lui avait raconté des excuses invraisemblables pour annuler les rencontres prévues, que son attention avait été attirée par son ex-compagnon durant l'été 2015 déjà sur le fait qu'elle était en train de se faire avoir et qu'en d'autres termes, tous les voyants étaient au rouge, elle a répondu qu'il lui était parfois difficile de comprendre et d'assimiler toutes les discussions, puisqu'ils communiquaient en anglais, qui n'était pas une langue qu'elle maîtrisait. Elle avait rencontré E______ durant une période difficile de sa vie et il correspondait à la personne qu'elle cherchait, il lui avait plu directement. Elle lui avait posé des questions sur la provenance de l'argent, mais à chaque fois, il avait d'innombrables réponses et elle était endoctrinée. Elle s'était retrouvée dans un engrenage total. Il lui promettait qu'elle récupérerait son argent, avec dédommagement. A chaque fois, il lui promettait que c'était la dernière transaction et qu'il allait recevoir de l'argent pour la rembourser. Confrontée qu'elle avait encaissé près de CHF 100'000.- qu'elle avait ensuite transférés via R______ et S______, X______ a répondu avoir subi un lavage de cerveau. Elle était démunie face au domaine des affaires ou de la finance. A chaque fois, elle se disait que l'argent qu'elle avait versé lui serait remboursé et que cela serait fini, car c'est ce qu'il lui indiquait. Elle avait utilisé les agences de transfert d'argent pour la première fois de sa vie et se rendait compte, avec le recul, que ce n'était pas normal. Sur le moment, elle ne l'avait pas vu, étant aveuglée par l'amour, ses belles paroles, ses promesses et la belle vie qui les attendait; c'était ce qui l'avait fait poursuivre ses agissements. Finalement, le blocage de son compte, le début de la procédure et les explications de la police avaient quasiment été une délivrance. Elle avait pu dès lors mettre un terme à sa relation. Elle n'avait plus eu de nouvelles depuis et ne se souvenait pas d'avoir reçu des messages, mais en tout cas, elle ne lui avait pas répondu. Elle avait été détruite par cette affaire qui l'avait fait souffrir psychiquement et psychologiquement. Elle se construisait à nouveau, mais l'enquête en cours l'en empêchait.

Rapports de renseignements

d.a. A teneur du rapport de renseignements du 15 décembre 2016, aucun dénommé E______ n'existait dans les dossiers de la police. Selon les relevés de compte bancaire D______ de X______, dès le mois de mai 2014, celle-ci avait procédé à des retraits inhabituels. Du 13 octobre 2014 au 28 juillet 2016, elle avait reçu 14 versements de la part de B______ sur son compte pour un montant total de CHF 73'575.-. Entre le 11 décembre 2015 et le 12 septembre 2016, des transferts d'argent avaient été effectués entre le compte de X______ et un compte AE______ au nom de Y______, la première ayant effectué deux versements pour un montant total de CHF 8'500.- à Y______ et reçu cinq versements pour un montant total de CHF 12'400.- de celle‑ci. En outre, la société de crédit AB______ avait procédé à six transferts du 14 juillet 2014 au 27 juillet 2016 sur le compte de X______ pour un montant total de CHF 34'137.05. Cette dernière avait également reçu la somme de CHF 2'000.- le 17 août 2016, avec la référence "Hydro Suites (Z______)". Pour l'ensemble des versements, des retraits d'argent avaient été effectués dans les semaines suivantes.

En date du 29 octobre 2016, X______ avait remis son ordinateur portable à la police, contenant notamment son historique de conversation Viber avec E______, ainsi que 62 récépissés des transactions bancaires effectuées auprès de R______ et S______, dont 15 se trouvaient dans une enveloppe avec l'inscription "B______". Le total des transactions se chiffraient à un montant versé de CHF 112'225.-, sans compter des frais de transfert d'un montant de CHF 4'139.- et des remises pour un montant total de CHF 207.-. Elle avait également remis une enveloppe qui lui avait été adressée à la fin du mois d'avril 2014, postée depuis Genève, qui contenait trois traveller's chèques pour un montant total de USD 1'500.-, qui s'étaient avérés être des faux, ainsi qu'une note manuscrite "Greetings from E______".

Selon les recherches effectuées sur la messagerie Hotmail de X______, en date du 30 août 2016, E______ lui avait envoyé une capture d'écran d'un ordre de paiement provenant d'un virement de A______ pour un montant de CHF 7'000.-, dont le motif était "Hydro Suites (Z______)". Le libellé était identique à celui effectué par U______ en date du 17 août 2016. X______ avait également reçu, à plusieurs reprises par e-mail, au début du mois de mai 2014, des indications relatives aux transferts d'argents à effectuer, ainsi qu'une photographie d'un passeport américain au nom de E______, qui s'avérait être un montage photographique.

d.b. Il ressort du rapport de police du 28 août 2017 que, s'agissant de l'ordinateur de X______, un grand nombre d'échanges par courriel et l'application Viber entre cette dernière et E______ avait été retrouvé, ce qui évocateur d'une histoire d'amour entre les deux. Les adresses IP utilisées pour l'adresse mail AA______ appartenaient à un opérateur nigérian, tandis que le raccordement 2______ était attribué à la Grande-Bretagne, vraisemblablement pour de la téléphonie sur Internet, et le raccordement 4______ était attribué à l'Afrique du Sud. D'après son historique Internet, X______ avait effectué les recherches suivantes sur Google, le 15 juillet 2015: "E______; AF______; AF______ 5 mai 1968; E______ 5 mai 1968; E______ ingénieur; E______ engineer; E______ pretoria; E______ contractor; http://m.trulia.com/directory/-agent-E______/; engineers pretoria E______; contractor pretoria E______". Un extrait de conversation avait également été mis en évidence, au cours de laquelle X______ demandait si elle pouvait garder une somme de CHF 1'000.- sur les CHF 10'000.- reçus de A______.

d.c. Selon le rapport de police du 17 décembre 2017, en date du 5 septembre 2016, X______ avait reçu un montant de CHF 10'000.- de la part de A______. En juillet 2014, la somme de CHF 11'245.19 avait été versée sur le compte de X______ de la part de l'assurance AG______ Entre le 20 mai 2015 et le 2 août 2016, un montant de CHF 26'000.- avait été versé sur quatre comptes bancaires à l'étranger, notamment de F______ dans le New Jersey de la part de X______. Le 3 août 2016, un montant de CHF 1'000.- avait été versé sur un compte AC______ de la part de X______. Entre le 1er mai 2014 et le 25 août 2016, un montant total de CHF 112'500.-, pouvant être mis en lien avec des transferts d'argent, avait été retiré en espèce par X______. Cette dernière avait reçu un montant total de CHF 97'975.-, excluant ses crédits et le versement de l'assurance. Elle avait versé ou retiré un montant total de CHF 148'000.-. La différence de CHF 50'025.- avait été comblé, en partie par les crédits conclus et l'assurance perçue (CHF 45'380.24) ainsi que par les économies personnelles de X______. S'agissant des transactions effectuées par R______ et S______, il en ressortait qu'en 2014, X______ avait envoyé de l'argent pour un montant total de CHF 53'700.- à des destinataires aux USA, en Afrique du Sud et principalement au Nigeria, en 2015, elle avait envoyé une somme de CHF 42'675.- en Afrique du Sud et au Nigeria et en 2016, la somme de CHF 21'650 au Nigeria et principalement en Afrique du Sud avait été envoyée, ce qui totalisait un montant de CHF 118'025.-.

Documentation concernant X______

e.a.a. Il ressort de la documentation relative au compte bancaire IBAN 3______ de X______ que des opérations au crédit portant sur des montants non négligeables sont intervenues dès 2014, à savoir:

Date

Donneur d'ordre

Montant crédité

Remarque

14.07.14

AB______

11'000.00

 

16.07.14

AG______

11'245.19

 

13.10.14

B______

2'500.00

Versement pour E______

21.10.14

B______

2'900.00

Versement pour E______

27.10.14

B______

3'950.00

Versement pour E______

10.11.14

B______

6'200.00

Versement pour E______

18.11.14

B______

7'500.00

Versement pour E______

03.12.14

B______

15'000.00

Versement pour E______

16.03.15

AB______

4'030.40

 

30.03.15

B______

7'000.00

Versement pour E______

22.04.15

B______

5'000.00

Versement pour E______

25.04.15

Personne non identifiée

2'060.00

Versement au Bancomat

18.05.15

X______

3'150.00

Transfert d'un autre compte de X______

13.07.15

B______

1'925.00

Versement pour E______

20.10.15

AB______

2'094.55

 

30.10.15

B______

3'500.00

Versement pour E______

24.11.15

B______

7'000.00

Versement pour E______

11.12.15

B______

700.00

Versement pour E______

17.02.16

AB______

1'746.90

 

11.03.16

B______

5'000.00

Versement pour E______

18.03.16

AB______

9'875.70

 

04.04.16

Y______

5'000.00

 

13.05.16

X______

1'000.00

Transfert d'un autre compte de X______

27.05.16

Y______

2'000.00

 

13.06.16

X______

1'300.00

Transfert d'un autre compte de X______

05.07.16

Y______

1'000.00

 

06.07.16

X______

1'000.00

Transfert d'un autre compte de X______

26.07.16

Y______

2'000.00

 

27.07.16

AB______

5'389.50

 

28.07.16

B______

5'400.00

Versement pour E______

11.08.16

Y______

2'400.00

 

17.08.16

U______

2'000.00

Entrée salaire HYDRO SUITES (Z______)

05.09.16

A______

10'000.00

 

e.a.b. Il ressort ainsi de cette documentation que X______ a reçu CHF 73'575.- de B______, CHF 12'400.- de Y______, CHF 10'000.- de A______ et CHF 2'000.- de U______ (sur instruction de A______, selon les explications de celle-ci).

e.a.c. Par ailleurs, cette documentation révèle que X______ a effectué, entre 2014 et 2016, d'innombrables prélèvements d'argent liquide, lesquels portaient sur des montants importants, souvent supérieurs à CHF 1'000.-. Elle a en outre effectué les virements bancaires suivants, qui peuvent être mis en lien avec les faits visés par la procédure:

Date

Débit

Remarque

20.05.15

3'000.00

Virement à F______ US E______

11.12.15

3'500.00

Versement à Y______ E______

04.04.16

8'000.00

Versement à G______ E______

06.04.16

11'000.00

Versement à AH____________

02.08.16

4'000.00

Versement à I______ Johannesburg

12.09.16

5'000.00

Versement à Y______ E______

e.b.a. Il ressort des documents remis par X______ portant sur les transferts de fonds via R______ et S______ qu'elle a procédé aux opérations suivantes:

Date

Agence de transfert

Destinataire

Pays

Montant

Frais

01.05.14

R______

AI______

Afrique du Sud

2'000.00

91.00

03.05.14

S______

AJ______

Etats-Unis

3'800.00

150.00

08.05.14

R______

AJ______

Etats-Unis

2'500.00

106.00

16.05.14

R______

AJ______

Etats-Unis

700.00

55.00

24.05.14

S______

AJ______

Etats-Unis

2'640.00

110.00

01.07.14

R______

AJ______

Etats-Unis

1'000.00

65.00

16.07.14

R______

AJ______

Etats-Unis

4'000.00

161.00

19.07.14

S______

AJ______

Etats-Unis

3'000.00

110.00

25.07.14

R______

AK______

Nigeria

2'000.00

76.00

26.07.14

R______

AK______

Nigeria

2'000.00

76.00

04.08.14

R______

AL______

Nigeria

1'000.00

42.00

16.08.14

R______

AL______

Nigeria

2'000.00

76.00

03.09.14

R______

AM______

Nigeria

2'000.00

76.00

19.09.14

R______

AL______

Nigeria

2'000.00

68.00

08.10.14

R______

J______

Nigeria

700.00

35.00

14.10.14

R______

J______

Nigeria

2'300.00

76.00

23.10.14

R______

J______

Nigeria

2'000.00

76.00

08.11.14

S______

J______

Nigeria

1'500.00

45.00

13.11.14

S______

J______

Nigeria

1'500.00

45.00

15.11.14

R______

J______

Nigeria

2'060.00

76.00

25.11.14

R______

J______

Nigeria

2'900.00

76.00

25.11.14

S______

J______

Nigeria

2'000.00

65.00

11.12.14

S______

J______,

Nigeria

3'000.00

65.00

16.12.14

R______

J______

Nigeria

2'100.00

76.00

18.12.14

S______

J______

Nigeria

2'000.00

65.00

29.12.14

R______

J______

Nigeria

1'000.00

50.00

20.01.15

R______

J______

Nigeria

3'000.00

68.00

27.01.15

S______

J______

Nigeria

4'000.00

85.00

17.02.15

S______

J______

Nigeria

3'700.00

85.00

30.01.15

R______

J______

Nigeria

2'000.00

68.00

23.02.15

R______

J______

Nigeria

2'000.00

68.00

03.03.15

R______

J______

Nigeria

2'050.00

68.00

02.04.15

R______

J______

Nigeria

3'500.00

96.00

17.04.15

R______

K______

Nigeria

1'500.00

42.00

03.05.15

R______

K______

Nigeria

3'500.00

56.00

19.05.15

R______

K______

Nigeria

1'500.00

30.00

13.07.15

R______

L______

Nigeria

1'500.00

50.00

10.10.15

R______

M______

Afrique du Sud

500.00

50.00

14.10.15

R______

L______

Nigeria

500.00

10.00

28.09.15

R______

L______

Nigeria

1'000.00

50.00

01.09.15

R______

L______

Nigeria

1'925.00

76.00

20.10.15

R______

L______

Nigeria

500.00

35.00

30.10.15

R______

L______

Nigeria

500.00

35.00

05.11.15

R______

N______

Nigeria

3'000.00

76.00

11.11.15

R______

N______

Nigeria

500.00

35.00

19.11.15

R______

N______

Nigeria

500.00

35.00

26.11.15

R______

N______

Nigeria

500.00

35.00

06.12.15

R______

N______

Nigeria

3'500.00

96.00

30.12.15

R______

N______

Nigeria

1'500.00

25.00

11.01.16

R______

N______

Nigeria

1'500.00

50.00

04.02.16

R______

N______

Nigeria

2'000.00

76.00

16.03.16

R______

O______

Afrique du Sud

850.00

65.00

25.03.16

R______

N______

Afrique du Sud

1'000.00

65.00

06.04.16

R______

O______

Afrique du Sud

2'100.00

66.00

13.05.16

R______

AD______

Afrique du Sud

1'000.00

65.00

30.05.16

R______

AD______

Afrique du Sud

2'000.00

91.00

06.07.16

R______

AD______

Afrique du Sud

2'200.00

71.00

28.07.16

R______

Q______

Nigeria

2'000.00

76.00

17.08.16

R______

Q______

Nigeria

2'800.00

56.00

28.08.16

R______

AD______

Afrique du Sud

2'200.00

91.00

28.09.16

R______

AD______

Afrique du Sud

2'000.00

91.00

Total

 

 

 

118'025

4'149.00

e.b.b. Sur la plupart des récépissés R______ figurait la mention suivante: "Je déclare être le propriétaire légitime et le seul bénéficiaire économique des fonds transférés". Les récépissés S______ comportaient quant à eux l'inscription suivante: "Je déclare par la présente être le seul ayant droit économique à toutes les valeurs patrimoniales que je vire avec S______".

En outre, sur les formulaires d'envoi de S______, le message suivant était écrit: "Envoyez-vous de l'argent: à quelqu'un que vous ne connaissez pas ou dont vous ne pouvez pas vérifier l'identité ? […] à quelqu'un que vous avez rencontré dans un chat ou un site de rencontres sur Internet? Par exemple: billet d'avion, frais médicaux, aider un membre de la famille, encaisser un chèque, investir dans une offre commerciale, etc. […] Si vous avez répondu OUI à l'une de ces questions, NE FAITES PAS le transfert d'argent car il pourrait s'agir d'une tentative de VOL DE VOTRE ARGENT. N'oubliez pas que ni S______ ni ses agents ne seront tenus responsables si vous ignorez les mises en garde contre la fraude ci-dessus et décidez quand même d'envoyer de l'argent pour l'une des raisons susmentionnées".

e.c. Certains messages échangés via Viber entre X______ et le prétendu E______ méritent d'être mis en exergue:

-                      "Love"; "Was at the bank"; "Received money from B______"; "What's that"; "Is that for us or te resend?" (le 15 mars 2016).

-                      "Tell me what do you think about this 5000 chf they was send?"; "For us you think ?" (le 15 mars 2016).

-                      "You can offer me the 50 chf"; "Okay"; "Can we move on now.."; "4600+5000+3500 ???"; "13100 ?"; "Yes love"; […] "I need to give u account details for USA account"; […] "Love please"; "The transfer will do tomorrow"; "For now I m no more able to do something" […] "The day when you are leaving so fast SA to come back in Switzerland it will be snowing pink elephants"; "Now give me informations for bank" (le 5 avril 2016).

-                      "I ve had a phone from the bank"; "About payment of yestrrdax"; "They wanted to ask me some questions about the transfer to USA" (le 7 avril 2016).

-                      "They ask me why this transaction and if I know you"; "And then they've authorizhed transaction" (le 8 avril 2016).

-                      "Remember you 1000 is for me I ve make you an advance" (le 27 mai 2016).

-                      "The first time u made a transfer via your account to south africa, did your bank called u?"; […] "Yes"; "What did they say"; "The protocol of the bank is to phone to check if this transfert isn't a scam" (le 29 juillet 2016).

-                      "You want i call the bank to accelerate things"; "Just to know"; "You know sometimes when there's a problem they're asking a lot of questions"; […] If i can't answer its not serious"; […] "Its just telling them money is for relatives in SA" (le 10 août 2016).

-                      "You want i send a wu in Geneva?"; "Its a fake?" (le 12 août 2016).

-                      "The bank is calling me"; […] "She told me the juridic services from SA bank want to have more information"; "From where is coming the money"; […] "I told her that's my money"; […] "And she's asking me for what is the money"; […] "I've say the truth"; […] "I ve say that's her salary"; "To do a movie"; […]; "You never told me it's for a documentary"; […] "How need to answer at xxxx questions several times in the year about for what from where and so much more all the time"; […] "Many times i was confronted at this situation"; […] "She told me there's a lot of time problems with payment"; […] "And she's explain me in SA it's also a critical destination"; […] "That's why they want to be sure money isn't for traffic or something other" […] "You know love if the tran isn't accepted it will be necessary to find a recipient outside Africa for the 4000" (le 20 août 2016).

-                      "And wha'ts about the 10000? How much I can take for me? How much for you? And how much for SA?" (le 5 septembre 2016).

-                      "Hopefully cash money was at home" (le 4 octobre 2016).

-                      "Into my accounts it was the entire of my salary and the rest of money of the people of U______ and my savings accounts" (le 5 octobre 2016).

-                      "They are asking so much explanations"; "about all this transaction"; […]"All the transactions from my account" (le 7 octobre 2016).

-                      "So he asked if we communicate regularly"; […] "But I ve say we meet us in the reality" (le 8 octobre 2016).

-                      "I ve say we met us in Switzerland because that's your country of residence" (le 10 octobre 2016).

Déclarations de Y______

f.a. Entendue par la police le 3 janvier 2018, en qualité de personne appelée à donner des renseignements dans le cadre de la procédure dirigée contre X______, Y______ a indiqué ne pas connaître cette dernière. Elle détenait un compte bancaire auprès de AE______. Sur présentation d'un dossier photographie du dénommé E______, elle a indiqué qu'il s'agissait de T______. Elle l'avait rencontré à travers un site de rencontres pour la première fois en 2012. A l'époque, elle était célibataire et naïve et s'était laissée manipuler par cet homme. Elle avait l'espoir de le rencontrer un jour, ce qui n'était jamais arrivé. Il lui avait donné son numéro de téléphone, à savoir le 5______. Il lui avait raconté qu'il avait perdu sa mère et qu'il s'agissait d'une bonne personne. De nationalité américaine, il vivait à Londres et faisait des affaires notamment en Afrique du Sud. En juillet 2012, il lui avait promis qu'ils se verraient à Genève, où il allait s'installer à l'hôtel Président Wilson. Elle avait vérifié cette information en contactant l'hôtel, qui lui avait confirmé avoir une réservation au nom de T______ pour une chambre.

Par la suite, il lui avait demandé à plusieurs reprises de l'argent, lui indiquant qu'il était malade, puis après le rétablissement de sa santé, qu'il se lançait dans un business dans des pays en Afrique. Elle avait versé environ CHF 40'000.-, soit CHF 10'000.- par année. Etant fils unique, il lui avait fait miroiter que dès qu'il aurait touché son héritage, il pourrait la rembourser intégralement, devant cependant, au préalable, retrouver une amie de sa mère résidant à Zurich. Elle lui avait proposé de faire appel à la police pour retrouver cette personne, mais il avait refusé. Lorsqu'elle se montrait trop curieuse, il se fâchait et ne lui parlait plus pendant quelques temps. Après ses périodes de silence, il la contactait à nouveau sur Viber, voire Skype. Durant cette période, elle continuait à chercher un compagnon sur Genève et, lorsqu'elle se sentait parfois seule et mal, elle le recontactait. Elle avait demandé à plusieurs reprises de pouvoir parler avec la caméra, mais il lui rétorquait que son téléphone n'en avait pas. Elle avait également réservé un billet d'avion pour Londres, afin de le voir, et avait effectué le voyage, sans pouvoir le rencontrer.

Il lui avait également demandé de créer un compte pour lui sur des sites de rencontres, à plusieurs reprises, tout comme payer les abonnements pour lui, faisant valoir qu'il utilisait ces comptes pour rechercher l'amie de sa mère. Il lui avait également demandé de pouvoir utiliser son compte pour transférer de l'argent qu'il avait reçu de l'héritage de sa mère. Afin de lui prouver la véracité de ses paroles, il lui avait envoyé une attestation d'une banque anglaise où figurait un montant de plusieurs milliers de francs, environ GBP 250'000.-. Il lui avait précisé qu'elle pourrait récupérer l'argent qu'elle lui avait versé. Cependant, elle n'avait pas accepté la démarche et elle lui avait dit qu'il devait appeler sa banque à elle pour s'assurer de la légalité de cette démarche. Par la suite, il ne lui avait jamais confirmé que l'opération avait pu être effectuée.

Elle avait effectué les versements par R______ et S______. Elle lui avait demandé à plusieurs reprises pourquoi il n'avait pas de comptes bancaires avec lesquels effectuer les versements. Il lui avait indiqué que c'était trop compliqué pour lui. Il essayait toujours de la faire s'apitoyer sur son sort et invoquait le fait que si elle était dans la même situation que lui, elle comprendrait.

Elle avait également reçu de l'argent de X______, sans se rappeler dans quelles conditions s'étaient effectués les versements. Selon ses souvenirs, elle avait dépassé la limite de versement sur son compte R______ et S______ et, afin d'arranger cela, il lui avait proposé de transférer l'argent sur le compte de X______. Elle avait reçu un premier versement de cette dernière. T______ lui avait alors demandé de transférer cet argent par R______ et S______ afin qu'il le reçoive. Suite à ce versement, il lui avait indiqué que X______ ferait elle les transferts et qu'elle devait lui transférer l'argent sur son compte. Elle ne se rappelait plus si elle avait reçu de l'argent d'autres personnes. A l'époque, elle était naïve et il avait su la mettre en confiance lorsque ses doutes étaient trop importants. A titre d'exemple, lorsqu'il lui avait indiqué être à l'hôpital, il lui avait donné un numéro de téléphone pour appeler et, lors de son voyage à Londres, en essayant d'appeler sur ce numéro, un homme lui avait confirmé que son état de santé ne permettait pas de lui rendre visite. Elle avait demandé à lui parler, ce que la personne avait accepté, et T______ lui avait confirmé par téléphone ne pas se sentir bien.

Par ailleurs, il lui avait demandé à plusieurs reprises d'envoyer dans des enveloppes des cartes postales avec des mots très chaleureux, en signant "E______", accompagné de traveller's chèques qu'il lui avait fait parvenir, ce qu'elle avait fait. Lorsqu'elle l'avait questionné au sujet de ces envois, il lui avait répondu que cela était pour des amis de son père, lequel s'appelait E______, et que si elle envoyait en signant T______, ces personnes ne feraient pas le lien. N'ayant jamais utilisé de traveller's chèques, elle n'était pas en mesure de savoir s'il s'agissait de faux.

En octobre 2016, après avoir rencontré son compagnon actuel, elle avait mis fin à cette relation virtuelle. Elle lui avait toutefois écrit à Noël 2017 pour lui souhaiter de joyeuses fêtes et une nouvelle année, ce qui démontrait à quel point elle était naïve. Elle était fâchée de lui avoir versé tout cet argent, mais elle voulait quand même lui adresser ses vœux.

Y______ n'a pas été en mesure de déposer plainte à l'issue de son audition, étant partagée entre le sentiment d'avoir perdu de l'argent et entre l'envie de vouloir tourner la page et mettre fin à cette histoire. Elle se sentait honteuse.

f.b. Par courrier du 27 août 2018, Y______ a finalement déposé plainte pénale. A l'appui de sa plainte, elle a notamment expliqué qu'elle était au bénéfice d'une autorisation de séjour depuis le 1er novembre 2012 et qu'elle avait, auparavant, travaillé comme jeune fille au pair pour des remplacements ponctuels. Au début de l'année 2012, elle se trouvait seule à Genève, sans autorisation de séjour, ni perspective de travail stable, loin de sa famille, ne parlait que très peu le français et ne connaissait que très peu de personnes. Elle se sentait dès lors particulièrement fragile. Elle communiquait tous les soirs avec T______, lequel lui avait par ailleurs précisé avoir habité à Genève par le passé. Elle s'était sentie très importante pour lui. Elle se confiait et il lui apportait son soutien. S'agissant des appels vidéos, ils n'en avaient jamais fait, car il avait prétendu que sa caméra ne marchait pas, celle-ci étant trop ancienne et sa situation financière ne lui permettant pas d'en racheter une. Ils avaient donc conversé plusieurs fois par téléphone, sans vidéo. Après quelques mois, T______ lui avait affirmé qu'elle était la femme de sa vie et qu'il souhaitait l'épouser. Il souhaitait venir s'installer à Genève avec elle, ne cessant de lui dire à quel point il l'aimait et était reconnaissant de l'avoir dans sa vie. S'agissant de la confirmation de sa réservation d'une chambre à l'hôtel Président Wilson, ceci l'avait rassurée, dans la mesure où elle était méfiante, faute d'avoir jamais rencontré son interlocuteur, mais elle avait toujours pu être rassurée au sujet de ses intentions. Le jour de son prétendu voyage à Genève, il l'avait appelée pour annuler, sa mère étant dans le coma au Nigeria. A cet égard, il lui avait demandé qu'elle lui prête de l'argent afin de payer le médecin, ce qu'elle avait fait en lui versant CHF 2'200.-. Dès le lendemain, il l'avait fait culpabiliser, lui annonçant que le montant n'était pas assez élevé et qu'elle était responsable de la mort de sa mère. Elle avait donc payé à nouveau CHF 1'935.-. L'argent avait servi pour le billet d'avion de T______ afin d'assister à l'enterrement de sa mère. Il lui avait promis de la rembourser. Il ne cessait de se plaindre de la difficulté de sa situation, du fait qu'il n'avait pas de travail et qu'il souhaitait ouvrir un commerce dans le domaine de la restauration au Nigeria. A toutes ses interrogations, il avait toujours des réponses crédibles et ils continuaient leur communication quotidienne de manière soutenue. Elle se sentait totalement engagée dans une relation avec lui, même à distance. Comme il prétextait avoir besoin d'aide financière pour son commerce, elle lui avait à nouveau versé de l'argent, tout en étant rassurée de pouvoir être remboursée rapidement, une fois perçu l'héritage de la mère de celui-ci. En fin d'année 2012, T______ lui avait annoncé qu'il rentrait s'installer à Londres. Suite à cette annonce, en décembre 2012, elle s'y était rendue. Toutefois, il lui avait dit être à l'hôpital pour un problème cardiaque et ne pas pouvoir la voir. Durant les trois années suivantes, ils avaient continué à communiquer, lors de périodes plus ou moins soutenues. Il lui avait à nouveau assuré qu'une fois que le commerce fonctionnerait, il la rembourserait. Elle lui avait envoyé, en 5 ans, plus de CHF 50'000.-.

S'agissant des versements, il lui demandait de lui envoyer de l'argent en effectuant les virements en faveur de prétendus employés, sans jamais mentionner son nom directement, lui expliquant qu'il était trop compliqué pour un Américain d'ouvrir un compte bancaire au Nigeria.

En 2014, T______ lui avait expliqué reprendre plusieurs clients de son père dénommé "E______", en lui expliquant qu'elle recevrait des enveloppes de sa part, sans lui donner d'explications. Après avoir reçu les enveloppes contenant des traveller's chèques, ce qui l'avait effrayée, il lui avait dit qu'elle devait lui faire confiance et avait insisté pour qu'elle envoie ces chèques depuis la Suisse au nom d'E______, ce qu'elle avait fait. Elle avait dû envoyer environ une trentaine de chèques, sans jamais avoir rencontré les destinataires.

Sur demande de T______, elle avait également versé un montant à X______, qui lui avait envoyé de l'argent en retour pour la rembourser. En 2015, T______ lui avait versé le montant de CHF 1'535.- via R______ en lui demandant de le verser à une tierce personne, ce qu'elle avait fait.

Dès 2016, elle avait commencé à avoir des doutes sur les projets de vie commune. Elle était néanmoins sous son emprise. Puis, en fin d'année 2016, elle avait rencontré un autre homme avec qui elle avait commencé une relation. Lors de sa rupture avec T______, il l'avait fait culpabiliser en lui disant notamment qu'il avait déjà réservé un billet pour venir la voir à Noël, billet qu'elle lui avait par la suite remboursé.

En 2017, T______ lui avait envoyé des preuves au sujet de l'héritage qu'il devait recevoir, avec un montant de GPB 550'000.- en sa faveur, dans une banque anglaise. Il lui avait alors demandé d'ouvrir un compte dépôt dans sa banque pour qu'il puisse lui verser la moitié, ce qu'elle avait refusé de faire, ne comprenant pas pourquoi il ne pouvait pas lui-même ouvrir un compte et ses explications ayant été insuffisantes.

Elle avait par la suite réussi à sortir de son emprise. Lors de sa convocation à la police le 3 janvier 2018, elle avait appris que plusieurs femmes avaient vécu un scénario similaire au sien et que les chèques étaient des faux. A l'issue de cette audition, elle avait compris qu'elle ne se ferait jamais rembourser par cet homme.

f.c. Parmi les documents versés par Y______ à l'appui de sa plainte se trouvaient des formulaires S______, dont certains signés par ses soins, sur lesquels figurait la mention suivante: "Je déclare par la présente être le seul propriétaire bénéficiaire de tous les actifs financiers que je transfèrerai via S______", ainsi qu'une mise en garde contre la fraude, sous forme de questionnaire.

Y______ a aussi fourni certains échanges qu'elle avait eus avec AN______, parmi lesquels un courriel que celui-ci lui avait envoyé le 9 mars 2017 et dont la teneur était la suivante: "Hi Dear, Please send $2500 with a romantic love card to the person and the senders name should be E______. AO______ ______[GE]". Le 16 février 2017, il lui avait déjà envoyé un courriel de ce genre: "Hi, Good morning , hope you had a great night, please Send with the name E______ and send 1000 check in each post card to the 2 address below. AP______ ______[JU] - AQ______ ______[FR]".

f.d. Entendue par-devant le Ministère public le 11 octobre 2018, Y______ a été mise en prévention du chef de blanchiment d'argent. Elle a contesté les faits reprochés. Donner de l'argent à son interlocuteur n'avait pas été facile, mais elle l'avait finalement fait, car il avait joué avec ses sentiments. Elle pensait qu'il s'agissait uniquement d'une histoire d'amour entre elle et T______. Elle avait uniquement découvert à la police qu'elle n'était pas la seule et que tous les chèques envoyés étaient des faux. T______ lui avait dit qu'il construisait une entreprise et elle pensait que X______ l'aidait dans ce but. E______ était son père et il avait repris son ancienne clientèle en Suisse. Lorsqu'elle avait reçu les chèques de la part de T______, il lui avait expliqué continuer les affaires de son père, qui habitait à Genève. Cela l'avait rassurée et elle avait vu un lien entre son père, lui et ses affaires. Il lui avait indiqué qu'elle recevrait les sommes de CHF 3'500.- et CHF 5'000.- sur son compte. Trouvant cela étonnant, elle l'avait questionné, mais pas sur ces deux montants, car auparavant, chaque fois qu'elle lui avait posé des questions, il s'était énervé. Il lui avait dit à chaque fois que l'argent qu'elle encaissait visait à améliorer son entreprise. Elle n'avait cependant pas compris pourquoi cet argent était transféré par elle. Elle ne connaissait ainsi pas la provenance de ces deux montants. Il lui avait donné l'ordre de les transférer par S______ et R______ pour l'Afrique, pour améliorer son entreprise, ce qu'elle avait fait. Cet argent était destiné à la même personne à deux reprises et elle s'était donc interrogée sur le fait de passer par deux agences de transferts. Cependant, il s'agissait de la première fois qu'elle utilisait ce système. T______ ne lui avait pas expliqué la raison de recourir à deux agences de transferts différentes. Elle n'avait jamais conservé l'argent qui lui avait été versé, ni cherché à le conserver. Elle avait procédé aux paiements comme demandé. A aucun moment, elle n'avait eu conscience et volonté de faire du mal. Elle était dans une relation amoureuse et se sentait un peu envoûtée.

Audience de jugement

C.a. A l'audience de jugement, X______ a confirmé avoir effectivement réceptionné sur son compte bancaire des sommes de la part de B______, A______ et Y______, puis avait fait parvenir ces sommes à d'autres personnes par le biais d'agence de transferts et par virements bancaires. Elle ne se souvenait pas avoir reçu, avant sa rencontre virtuelle avec E______ au printemps 2014, des courriels venant d’inconnus expliquant en substance posséder une somme d’argent importante à mettre en sécurité et nécessiter de l’aide dans ce but. Cela étant, elle était une personne s'intéressant à l'actualité. Questionnée sur les raisons qui l'avaient conduite à accepter de mettre à disposition son compte bancaire pour des opérations du soi-disant E______, X______ a en substance expliqué avoir rencontré E______ sur le site MEETIC et avoir discuté avec lui en anglais, langue qu'elle ne maîtrisait pas du tout bien. Par la suite, ils avaient communiqué par e-mail. Cet homme lui plaisait beaucoup et elle se sentait valorisée. Comme elle, il disait chercher une relation sérieuse. Sa situation personnelle l'avait touchée, puisqu'il était veuf. Conquise, elle avait enfin trouvé la bonne personne. Ils avaient eu ensuite des contacts téléphoniques, mais ne s'étaient jamais rencontrés réellement. A l'époque de sa rencontre virtuelle avec E______, elle souffrait d'obésité et des problématiques associées. Sa vie n'était pas facile et elle avait plus que jamais envie d'être soutenue. E______ avait prétendu avoir décroché un contrat de travail mirobolant en Afrique du Sud et qu'ayant certains problèmes, il avait besoin d'argent pour réaliser ce "contrat du siècle". Il l'avait prévenue que des connaissances à lui allaient envoyer de l'argent sur son compte bancaire à elle. Elle l'avait interrogé sur ces personnes. Elle ne se souvenait plus exactement de ce qu'il lui avait répondu, mais en tout état, il l'avait mise en confiance par rapport à ces personnes. A la question de savoir si elle avait beaucoup hésité avant de mettre son compte bancaire D______ à disposition et de procéder aux transferts demandés par E______ et si elle s'était posé la question de savoir pourquoi E______ ne demandait pas à une personne de son entourage professionnel, par exemple une assistante, de faire ce travail de transfert d’argent, X______ a affirmé ne plus s'en souvenir. Au tout début, elle n'avait parlé à personne de tous ces aspects (mise à disposition du compte, transferts, etc.), puis avait abordé ce sujet avec un ex-compagnon, plus tardivement, alors qu'elle avait déjà procédé à des transferts. Ce que son ex-compagnon lui avait dit était pour elle de la jalousie car il voulait la récupérer. Elle n'avait procédé à aucune vérification quant aux dires d'E______ au sujet des versements intervenus sur son compte, notamment la provenance de l’argent. Elle était totalement en confiance avec lui. Elle n'avait absolument pas envisagé la possibilité que cet argent ait une origine douteuse, voire illicite. Confrontée aux formulaires de S______ relatifs à des transferts d’argent effectués par ses soins et à la mise en garde qui y figurait, elle a indiqué que cette mention ne lui parlait absolument pas. Elle n'était pas inquiète, rien ne lui avait semblé louche, pas même le numéro de téléphone étranger de son interlocuteur, dans la mesure où il y avait des gens vivant en Suisse, mais qui utilisent un numéro de téléphone français. Au Tribunal qui lui faisait remarquer que B______, pourtant follement amoureuse, avait refusé qu'E______ verse de l’argent sur l’un de ses comptes personnels, X______ a répondu qu'il s'agissait peut-être d'une histoire de personnalité, de caractère. Pour sa part, elle était très à l'écoute, très dans l'aide et l'empathie et aimait pouvoir rendre service. Avec le recul, elle se disait qu'elle avait été complètement manipulée, ce qui avait été dur à accepter et ça l'était toujours. Elle avait néanmoins réussi à aller de l'avant. Sur le plan financier, il lui restait le crédit à rembourser sur trois ans. Selon son appréciation, le solde de CHF 7'887.97 au 28 juin 2019 présent sur son compte bancaire 6______auprès d’D______ visé par un séquestre ne provenait pas d’infractions pénales, dans la mesure où elle avait reçu son salaire, lequel n'avait pas été touché. Elle n'avait d'ailleurs pas pu payer son loyer, son crédit et son assurance. Après le blocage, le canton de Vaud lui avait remboursé un montant d'environ CHF 700.-, argent qu'elle n'avait pas pu récupérer vu le séquestre.

b. Y______ a confirmé avoir réceptionné sur son compte postal un montant total de CHF 8'500.- de la part de X______ et avoir ensuite transféré cette somme par le biais d’agences spécialisées dans le transfert d’argent. Avant sa rencontre virtuelle avec AN______ en 2012, elle n'avait jamais reçu de courriels venant d’inconnus expliquant en substance disposer d’une somme d’argent importante à mettre en sécurité et nécessiter de l’aide dans ce but. Du fait de l'amélioration de son niveau en français, elle se tenait informée, mais ce n'était pas le cas à l'époque des faits, en raison de la langue et de son emploi du temps. En 2015, elle connaissait AN______ depuis trois ans et ils se parlaient quasiment tous les jours. Elle avait confiance en lui. Il trouvait toujours des excuses pour la convaincre et pour annuler leur rencontre. A la question de savoir si elle avait beaucoup hésité avant de mettre son compte postal à disposition et de procéder aux transferts demandés par AN______, Y______ a répondu qu'elle lui posait souvent des questions précises et directes mais qu'il s'énervait. Elle communiquait par Skype avec lui mais sans image vidéo car il affirmait que son ordinateur était trop vieux pour avoir une caméra. Elle n'avait pas discuté de ces aspects (mise à disposition du compte, transferts etc.) avec des proches et n'avait pas pris des conseils, car elle était un petit peu gênée de dire qu'elle parlait avec lui sans l'avoir jamais rencontré. Les gens autour d'elle n'avaient pas connaissance de cette relation. Elle avait demandé à AN______ pourquoi il ne demandait pas à une personne de son entourage professionnel, par exemple une assistante, de faire ce travail de transfert d’argent et il lui avait répondu que, comme il était Américain, les démarches étaient compliquées pour ouvrir un compte. Il lui avait aussi expliqué que X______ travaillait dans l'équipe de son père qui s'appelait E______ qui habitait en Suisse. Il avait prétendu avoir repris les affaires de son père. Elle lui posait des questions, car elle voulait savoir. Elle avait des doutes mais, tout de suite après, il la rassurait en lui disant qu'il allait obtenir l'héritage et qu'il allait la rembourser intégralement. Elle avait gardé les relevés S______ pour lui montrer, le moment venu, tout ce qu'il devait lui rembourser. Elle ne connaissait pas la provenance des sommes de CHF 3'500.- et CHF 5'000.- et n'avait pas questionné AN______ à ce sujet. La possibilité que cet argent ait une origine douteuse, voire illicite ne lui avait jamais traversé l'esprit. Elle n'avait pas lu l'avertissement figurant sur les formulaires de S______, étant précisé qu'elle n'avait jamais utilisé S______ en Pologne. AN______ l'avait trouvée alors qu'elle était dans une période où elle était faible, en Suisse sans sa famille et sans ses amis. Cela lui faisait du bien de lui parler. Il n'avait pas été simple de se remettre de cette histoire.

D.a X______, de nationalité suisse, est née le ______1971. Toute sa famille réside en Suisse. Célibataire et sans enfants, elle exerce la profession d'assistante socio-éducative. Elle réalise un salaire net de CHF 5'200.-. Ses charges mensuelles se composent de son loyer d'un montant de CHF 1'310.-, de son assurance-maladie d'un montant de CHF 550.- et de ses impôts à hauteur de CHF 800.-. Elle rembourse un crédit d'environ CHF 550.- par mois en raison des faits.

L'extrait de son casier judiciaire suisse, dans sa teneur au 7 octobre 2020, ne comporte aucune condamnation.

b. Y______, ressortissante polonaise au bénéfice d'un permis C, est née le ______1977. Sa famille, composée de sa mère et de son frère, vit en Pologne. Célibataire et sans enfants, elle travaille au AR______ pour un salaire de CHF 3'700.- nets, à plein temps. Actuellement au chômage technique, elle perçoit 80% de son salaire. Ses charges mensuelles se composent de son loyer de CHF 980.-, de son assurance-maladie de CHF 430.- ainsi que CHF 450.- d'impôts mensuels.

Son casier judiciaire suisse est vierge.

EN DROIT

Culpabilité

1.1. Selon l'art. 353 al. 1 let. c CPP, l'ordonnance pénale contient les faits imputés au prévenu. La description des faits doit satisfaire aux exigences d'une accusation (ATF 140 IV 188 consid. 1.4). L'art. 9 CPP consacre la maxime d'accusation. Selon cette disposition, une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits. En effet, le prévenu doit connaître exactement les faits qui lui sont imputés et les peines et mesures auxquelles il est exposé, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_503/2015 du 24 mai 2016 consid. 3.1 non reproduit aux ATF 142 IV 276; ATF 126 I 19 consid. 2a). Le tribunal est lié par l'état de fait décrit dans l'acte d'accusation, mais peut s'écarter de l'appréciation juridique qu'en fait le ministère public (art. 350 al. 1 CPP), à condition d'en informer les parties présentes et de les inviter à se prononcer (art. 344 CPP).

Pour le Tribunal fédéral, il faut et il suffit que tous les éléments constitutifs de l'infraction considérée figurent dans l'acte d'accusation avec une précision suffisante pour permettre au prévenu de comprendre les faits et les infractions reprochées et d'exercer efficacement ses droits à la défense (arrêt du Tribunal fédéral 6B_424/2012 du 25 octobre 2012, consid. 1.5). La description sera d'autant plus détaillée que la situation est complexe, en fait et/ou en droit, et la gravité de l'activité incriminée élevée (arrêt du Tribunal fédéral 6B_333/2007 du 7 février 2008, consid. 2.1.4 et 6B_20/2011 du 23 mai 2011, consid. 3.3).

Aussi, sous l'angle de la fonction d'information de l'acte d'accusation, le Tribunal fédéral envisage une violation de la maxime d'accusation lorsque des imprécisions ont pu créer un doute chez le prévenu au sujet de ce qui lui était reproché (arrêts du Tribunal fédéral 6B_683/2012 du 15 juillet 2013, consid. 2.3, 6B_451/2009 du 23 octobre 2009, consid. 2.4 et 6B_354/2008 du 22 août 2008, consid. 2.2.1; Jo Pitteloud, Code de procédure pénale suisse, Zürich 2012, N 838 ad art. 324ss, p. 571). Cet examen doit être effectué au regard de l'acte d'accusation pris dans son ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 6B_186/2010 du 23 avril 2010, consid. 2.3). La jurisprudence interdit aux tribunaux de faire preuve de formalisme excessif dans cet examen (arrêts du Tribunal fédéral 6B_453/2011 du 20 décembre 2011, consid. 3.3 et 6B_606/2012 du 6 février 2013, consid. 1.3; PITTELOUD, Code de procédure pénale suisse, Zürich 2012, N 838 ad art. 324ss, p. 571).

Pour HEIMGARTNER et NIGGLI, si les éléments reprochés au prévenu font l'objet de lacunes dans l'acte d'accusation mais qu'ils ont été détaillés lors des auditions menées par le Ministère public ou qu'ils se laissent déduire de l'acte d'accusation, ils n'ont pas forcément pour conséquence que le prévenu n'a pas pu se préparer efficacement en vue du procès pénal. Des lacunes ne peuvent en revanche pas être corrigées oralement au cours de l'audience. En tout état de cause, la maxime d'accusation est violée lorsque le "noyau dur" des éléments constitutifs d'une infraction ou des éléments constituant une base indispensable à la subsomption sont absents de l'acte d'accusation (HEIMGARTNER et NIGGLI, in: Marcel Alexander NIGGLI [et al.; éds], BSK-StPO, Bâle 2014, N 7, 18, 37 et 37a ad art. 325 raisonnant notamment sur la base des arrêts du Tribunal fédéral 6B_432/2011 du 25 octobre 2011, consid. 2.2 et 6B_894/2009 du 19 janvier 2010, consid. 2.3).

1.2.1. Selon l'art. 305bis ch. 1 CP, celui qui aura commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait ou devait présumer qu'elles provenaient d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

1.2.2. Le blanchiment d'argent est une infraction de mise en danger abstraite et non pas de résultat (ATF 128 IV 117 consid. 7a p. 131; 127 IV 20 consid. 3a p. 25/26). Le comportement délictueux consiste à entraver l'accès de l'autorité pénale au butin d'un crime, en rendant plus difficile l'établissement du lien de provenance entre la valeur patrimoniale et le crime. Par crime, il faut comprendre une infraction passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, conformément à l'art. 10 al. 2 CP.

L'exigence de la provenance criminelle des valeurs patrimoniales blanchies suppose qu'il puisse être établi de quelle infraction principale (ou préalable) les valeurs patrimoniales proviennent. La preuve stricte de l'acte préalable n'est toutefois pas exigée. Il n'est pas nécessaire que l'on connaisse en détail les circonstances du crime, ni de savoir qui en est l'auteur ou si ce dernier a été poursuivi ou non, pour pouvoir réprimer le blanchiment. Le lien exigé entre le crime à l'origine des fonds et le blanchiment d'argent est ainsi volontairement ténu. L'exigence d'un crime préalable suppose cependant établi que les valeurs patrimoniales proviennent d'un crime (ATF 138 IV 1 consid. 4.2.2). Celui-ci doit être la cause essentielle et adéquate de l'obtention des valeurs patrimoniales et celles-ci doivent provenir typiquement du crime en question. En d'autres termes, il doit exister entre le crime et l'obtention des valeurs patrimoniales un rapport de causalité naturelle et adéquate tel que la seconde apparaît comme la conséquence directe et immédiate du premier (ATF 138 IV 1 consid. 4.2.3.2).

La question de savoir si l'infraction préalable de blanchiment est suffisamment établie relève de l'appréciation des preuves (arrêt du Tribunal fédéral 6B_91/2011 du 26 avril 2011).

1.2.3. Le comportement délictueux consiste à entraver l'accès de l'autorité pénale au butin d'un crime, en rendant plus difficile l'établissement du lien de provenance entre la valeur patrimoniale et le crime (ATF 136 IV 188 consid. 6.1 p. 191; ATF 128 IV 117 consid. 7a).

L'infraction peut être réalisée par n'importe quel acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de la valeur patrimoniale provenant d'un crime (ATF 122 IV 211 consid. 2 p. 215 ; ATF 119 IV 242 consid. 1a p. 243). Ainsi, le fait de transférer des fonds de provenance criminelle d'un pays à un autre constitue un acte d'entrave (ATF 129 IV 271 consid. 2.1 p. 273), la ventilation de cet argent sur plusieurs comptes, transféré d'un compte à un autre en faisant intervenir des titulaires différents et des intermédiaires, puis placé sous forme anodine (ATF 119 IV 242 consid. 1d p. 244ss).

Le transfert d'argent à l'étranger par l'intermédiaire d'un service de transfert constitue aussi un acte de blanchiment d'argent (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2015 du 4 mai 2016, consid. 1.1). On signale en effet que les cybercriminels demandent très souvent à la money mule de recourir à des sociétés telles que R______ ou S______ pour transférer l’argent à l’étranger car, bien qu’elles conservent des traces écrites des transactions effectuées, il est souvent difficile de remonter jusqu’au bénéficiaire des versements, puisqu’il faudrait contacter toutes les agences de transfert d’argent pour leur demander de rechercher une certaine personne dans leurs archives. En synthèse, pratiquement toutes les activités de la money mule, à savoir le fait de recevoir l'argent provenant de l'infraction sur son compte bancaire, retirer les fonds en espèces, les envoyer à l'étranger par la poste ou par l'intermédiaire d'un service de transfert d'argent constituent donc, soit pris isolément soit dans son ensemble, un acte de blanchiment d'argent (GALLIANO/MARFORIO, Le phénomène des money mules en Suisse, PJA 2020 p. 750 ss, 753).

1.2.4. L'infraction de blanchiment d'argent est intentionnelle, le dol éventuel étant suffisant (ATF 133 III 323 consid. 5.2 p. 330 et les références citées). L'auteur doit vouloir ou accepter que le comportement qu'il choisit d'adopter soit susceptible d'entraver l'administration de la justice. L'auteur doit également savoir ou en tout cas accepter l'éventualité que la valeur patrimoniale qu'il traite provient d'un crime (arrêt du Tribunal fédéral 4A_653/2010 du 24 juin 2011 consid. 3.2.3. et les références citées). Cette connaissance doit exister au moment du comportement qui lui est reproché (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol II, 3ème éd., n° 40 ad art. 305bis CP et la référence citée). S'agissant de la connaissance de la provenance criminelle des valeurs patrimoniales, il suffit que l'auteur ait connaissance de circonstances qui font naître le soupçon pressant de faits constituant légalement un crime et qu'il s'en accommode, étant précisé qu'il est également suffisant que le blanchisseur accepte l'idée que la valeur patrimoniale provient d'une infraction sévèrement réprimée, même s'il ne sait pas en quoi elle consiste (B. CORBOZ, op.cit., n° 42 ad art. 305bis CP et les références citées).

Ce qui est, donc, déterminant c'est que l'auteur ait au moins envisagé la simple possibilité d'une origine criminelle des fonds (ATF 119 IV 242, consid. 2b; 122 IV 211, consid. 2).

Parmi les éléments extérieurs permettant de conclure que l'auteur s'est accommodé du résultat dommageable pour le cas où il se produirait, figurent notamment la probabilité (connue par l'auteur) de la réalisation du risque et l'importance de la violation du devoir de prudence. Plus celles-ci sont grandes, plus sera fondée la conclusion que l'auteur, malgré d'éventuelles dénégations, avait accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable. Peuvent également constituer des éléments extérieurs révélateurs, les mobiles de l'auteur et la manière dont il a agi. Déterminer ce que l'auteur sait ou envisage, soit le contenu de sa pensée, relève de l'établissement des faits (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_649/2015 du 4 mai 2016, consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a retenu dans sa jurisprudence que lorsque des clarifications supplémentaires étaient devenues nécessaires quant à la provenance de l'argent reçu, le fait que le prévenu ne procède pas à de telles clarifications, malgré ses réserves, constituait un aveuglement délibéré, l'origine de l'argent n'ayant finalement pas d'importance pour lui, de sorte qu'on considérait qu'il s'était résigné à l'origine criminelle possible de l'argent ou du moins l'avait considérée comme possible (arrêt du Tribunal fédéral 6B_627/2012 du 18 juillet 2013 consid. 1.2 et 2.4).

De manière générale, certains auteurs sont d'avis que le passeur d’argent agit avec dol éventuel, s’il a été recruté avec la promesse d’importantes commissions pour une charge de travail dérisoire et n’exigeant généralement ni formation préalable, ni connaissance spécialisée, ainsi que le fait qu’il mette à disposition son compte bancaire personnel sans se poser aucune question, car il accepte ainsi la possibilité que l’argent reçu sur son compte soit d’origine criminelle. La perspective de gagner de l’argent facilement jouera ainsi un rôle déterminant dans cette analyse (GALLIANO/MARFORIO, op. cit., p. 754).

Les banques, au moment de l’ouverture du compte, mettent en garde le titulaire sur le risque de mettre à disposition le compte bancaire à un tiers. Par conséquent, si le passeur d’argent déclare lors de son audition par la Police avoir été informé de ces risques, par exemple parce qu’il déclare avoir lu un article dans la presse, mais a décidé néanmoins de mettre son compte bancaire à disposition, le dol éventuel peut être retenu. De même, si à l’occasion de l’envoi de l’argent par le biais d’un service de transfert (R______, Money Transfer, etc.), le passeur d’argent ment au personnel de l’agence. En effet, il n’est pas rare que le service de transfert mette en garde la personne sur les risques d’envoyer de l’argent à l’étranger et lui pose certaines questions, surtout si le pays de destination est considéré un pays à risque, tels que le Nigeria, le Bénin, le Mali, etc. Ainsi, si la money mule affirme connaître le destinataire de l’argent, alors qu’en réalité il ne le connait pas ou s’il signe le formulaire de transfert en déclarant faussement être l’ayant droit économique de l’argent, le dol éventuel au moins doit être retenu (GALLIANO/MARFORIO, op. cit., p. 754).

1.3. Commet un abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées et sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

En cas de prêt, il y a emploi illicite de l'argent confié si le prêt a été consenti dans un but déterminé, correspondant aussi à l'intérêt du prêteur, et que l'auteur en fait une autre utilisation, dès lors qu'on peut déduire de l'accord contractuel un devoir de l'emprunteur de conserver constamment la contre-valeur de ce qu'il a reçu. Il faut cependant que la destination convenue des fonds puisse assurer la couverture du risque du prêteur ou, du moins, diminuer son risque de perte ("Werterhaltungspflicht"; ATF 129 IV 257 consid. 2.2.2 p. 259 s.; 124 IV 9 consid. 1 p. 10 ss; 120 IV 117 consid. 2 p. 118 ss). Bien que cet élément ne soit pas explicitement énoncé par l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP, la disposition exige que le comportement adopté par l'auteur cause un dommage, qui représente en l'occurrence un élément constitutif objectif non écrit (ATF 111 IV 19 consid. 5 p. 23; arrêt du Tribunal fédéral 6B_249/2017 du 17 janvier 2018 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a considéré que lorsqu'un prêt est accordé dans un but précis, le prêteur peut partir du principe qu'il sera remboursé si l'emprunteur respecte l'affectation des fonds telle que prévue par le contrat. Dans ces conditions, l'emprunteur qui utilise les fonds pour ses besoins personnels commet un abus de confiance. En revanche, lorsque la destination du prêt n'a pas été précisée, l'emprunteur peut utiliser les fonds comme bon lui semble. Il n'a pas l'obligation de conserver en tout temps la contre-valeur de ce qu'il a reçu (CR CP – DE PREUX/HULLIGER, Art. 138 N 39).

1.4. L'auteur médiat est celui qui se sert d'une autre personne comme d'un instrument dénué de volonté ou du moins agissant sans intention coupable, afin de lui faire exécuter l'infraction projetée. L'auteur médiat est punissable comme s'il avait accompli lui-même les actes qu'il a fait exécuter par le tiers agissant comme instrument (ATF 120 IV 17 consid. 2d p. 23).  

S'agissant de X______

2.1. En l'espèce, la prévenue fait valoir que l'ordonnance pénale viole la maxime d'accusation, notamment dans la mesure où le crime préalable est décrit de plusieurs manières différentes et incomplètement. Par ailleurs, selon son appréciation, une formulation employée par le Ministère public ("qui croyant au faux motif ") permet de considérer que c'était l'infraction d'escroquerie qui était en réalité visée.

Le Tribunal retient que même si le Ministère public ne décrit pas exactement dans quelles circonstances un abus de confiance a été commis au préjudice de B______, de Y______ et de A______, il n'en demeure pas moins qu'une infraction qui correspond effectivement à un crime préalable a été visée dans l'ordonnance pénale valant acte d'accusation. Les personnes lésées sont identifiées et l'on ne peut douter de la commission d'un crime à leur encontre, celui-ci ayant été établi par la procédure, étant par ailleurs rappelé que la preuve stricte de l'acte préalable n'est pas exigée, si l'on se fonde sur la jurisprudence en matière de blanchiment d'argent. La description figurant dans l'ordonnance pénale est amplement suffisante à établir que l'argent reçu et transféré par X______ provenait d'un crime préalable. L'emploi de la formule "qui croyant au faux motif", au demeurant peu caractérisée, ne suffit pas à retenir qu'une autre infraction que l'abus de confiance était visée.

Pour le surplus, l'ordonnance pénale contient tous les éléments constitutifs objectifs et subjectifs décrivant l'infraction de blanchiment d'argent.

La prévenue a eu l'occasion de s'exprimer durant la procédure sur les faits reprochés, elle connaissait les circonstances de ces faits, ayant elle-même déposé plainte pénale le 28 octobre 2016 en relation avec ceux-ci, et elle a pu préparer efficacement sa défense en conséquence.

Ainsi, le Tribunal retient qu'il n'existe aucune violation de la maxime d'accusation au sens de l'art. 9 CPP.

2.2. Le Tribunal tient pour établi que X______ a mis à disposition d'un tiers, soit le prétendu E______, son compte bancaire D______ (IBAN n° 3______) ouvert à son nom, pour recevoir, entre le 13 octobre 2014 et le 5 septembre 2016, vingt-et-un versements correspondant à quatorze versements de la part de B______ pour une somme totale de CHF 73'575.-, cinq versements de la part de Y______ pour une somme totale de CHF 12'400.- et à deux versements de la part de A______ (y compris par l'intermédiaire de U______) pour une somme totale de CHF 12'000.-.

Ces faits sont attestés par les déclarations et les plaintes des parties plaignantes, l'analyse du compte bancaire de la prévenue et ses propres déclarations. Les sommes précitées proviennent d'un crime correspondant à un abus de confiance, les parties plaignantes ayant prêté de l'argent à leur prétendu compagnon rencontré sur Internet, afin qu'il puisse procéder à certaines transactions pour des motifs, certes douteux, qui avaient été discutés auparavant entre les protagonistes, l'accord prévoyant un remboursement, une fois son entreprise devenue florissante ou sa situation financière améliorée, ce qu'il n'a au demeurant jamais accompli.

Il est encore établi par les opérations figurant sur les relevés bancaires de X______, par les récépissés des agences de transferts d'argent et par ses explications qu'elle a retiré en argent liquide l'essentiel des sommes reçues, puis les a transférées par l'intermédiaire de R______ et S______ à des personnes qu'elle ne connaissait pas, qu'elle n'avait jamais contactées ni rencontrées – soit J______, K______, L______, M______, N______, O______, P______ et Q______ - dans des pays extérieurs à la Suisse, le plus souvent en Afrique (Nigeria et Afrique du Sud), mais aussi aux Etats-Unis. Ce faisant, elle a entravé l'identification et la confiscation du produit de l'infraction, dès lors qu'il est notoirement plus difficile, voire impossible d'identifier et de découvrir ce qu'adviennent des sommes d'argent une fois transférées à l'étranger avec le concours d'agences spécialisées.

A quelques reprises, la prévenue a procédé à des transferts d'argent à l'étranger par virements effectués à partir de son compte bancaire D______, ces virements étant intervenus en faveur de F______, G______, AH______ et I______, comportement qui constitue également un acte d'entrave répréhensible.

2.3. Sous l'angle de l'élément subjectif, la prévenue conteste toute intention délictuelle, invoquant avoir été aveuglée par l'amour et ne s'être doutée de rien.

Le Tribunal n'est nullement convaincu par cette argumentation.

En premier lieu, force est de constater que X______, au moment de sa rencontre virtuelle avec le soi-disant E______, était âgée de 42 ans, ce qui n'est pas à proprement parler un jeune âge. En sa qualité de quadragénaire, elle disposait nécessairement d'une certaine expérience de la vie et des relations humaines, y compris sur le plan sentimental. A teneur du dossier, rien ne permet en outre de considérer qu'elle était atteinte d'une quelconque déficience intellectuelle. Son état de santé délicat qu'elle a évoqué à l'audience de jugement n'était par ailleurs pas dramatique au point de lui faire perdre toute capacité de discernement et elle ne le prétend d'ailleurs pas. La situation d'emprise qu'elle décrit n'est fondée que sur ses propres dires et n'a pas, à connaissance du Tribunal, été constatée par un thérapeute.

Il est avéré que la prévenue a fait la connaissance du soi-disant E______ sur un site de rencontres. A cet égard, on relèvera que si ce genre de plateforme peut effectivement ouvrir la voie à de belles et réelles histoires d'amour, c'est aussi notoirement un dispositif utilisé par des gens malveillants. La prévenue qui, interrogée à ce sujet par le Tribunal, prétend s'intéresser à l'actualité et suivre les nouvelles, ne devait ainsi pas l'ignorer.

Le dossier contient par ailleurs de multiples éléments qui étaient objectivement de nature à éveiller des soupçons.

E______ avait indiqué à la prévenue qu'il avait quitté les Etats-Unis et vivait à Genève depuis peu de temps. Il lui avait donné un numéro de téléphone anglais pour converser, alors même qu'il prétendait disposer d'un numéro suisse, mais ne pas en faire usage. Malgré le fait qu'il soit possible d'utiliser un numéro de téléphone étranger tout en vivant en Suisse, cette configuration particulière aurait dû interpeller la prévenue.

Par ailleurs, E______ lui avait envoyé des traveller's chèques, alors même qu'elle ne l'avait jamais rencontré et qu'elle ne lui avait rien demandé, ce qui n'est pas habituel. Il est pour le surplus notoire que l'usage de traveller's chèque est tombé en désuétude, compte tenu de l'essor des cartes de crédit.

De plus, alors même que son prétendu compagnon s'était présenté comme ayant une bonne situation financière, travaillant dans le génie civil, il lui avait rapidement demandé de l'argent, prétextant devoir payer son logement en Afrique du Sud, ce qui était pour le moins étonnant compte tenu du profil financier affiché. La prévenue a ignoré ceci, privilégiant le maintien d'une relation qui n'était alors qu'embryonnaire.

Par ailleurs, à chaque tentative de rencontre esquissée par la prévenue, E______ avait systématiquement fait en sorte de s'y soustraire, en lui donnant des excuses fantaisistes - racontant par exemple avoir raté à plusieurs reprises son avion et avoir été dans un état critique à l'hôpital -, en faisant valoir que les moyens financiers dont elle disposait étaient insuffisants ou encore en prétextant un voyage lointain. Cette dérobade perpétuelle était un signe évident que X______ n'a pas voulu voir.

Le Tribunal relève encore que la prévenue a fait des recherches sur Internet avec des mots clés incluant le nom d'E______ en juillet 2015 déjà, étant observé qu'à cette même période, son ex-compagnon lui avait signalé qu'elle se faisait arnaquer et qu'elle n'allait jamais revoir son argent. Il est ainsi patent qu'elle évoluait dans un climat empli de doutes.

L'absence de communication à ses proches, à l'exception de son ex-compagnon, sur la relation entretenue avec E______ et sur les transferts d'argent opérés sont en outre un indice supplémentaire de la position inconfortable dans laquelle la prévenue se trouvait.

A l'automne 2014, alors que la prévenue avait épuisé ses propres ressources et, selon ses propres dires, sa capacité à contracter un crédit pour satisfaire les demandes financières d'E______, elle aurait dû réaliser qu'elle était dans une impasse. Au lieu de cela, commençant à recevoir les versements douteux de B______ dès le 13 octobre 2014, elle a choisi d'accepter des sommes d'argent considérables de la part d'une personne inconnue, pour des motifs peu explicites fournis par son compagnon virtuel, sans prendre les précautions nécessaires qui s'imposaient, en particulier sans opérer de sérieuses vérifications quant à la raison d'être de ce procédé inusuel, quant à la justification de ces versements et quant au rôle de B______, alors que cela était à sa portée. A compter de 2016, son compte bancaire avait aussi servi de réceptacle aux fonds versés par Y______ et par A______, mais elle ne s'était pas davantage préoccupée d'obtenir des informations tangibles sur le bien-fondé de ces versements. Le fait que ces versements étaient effectués depuis la Suisse aurait également dû l'alerter, considérant qu'E______ prétendait déployer une activité à l'étranger.

Au fur et à mesure qu'elle obtenait cet argent - qui, cumulé, représente une somme de CHF 97'975.- - X______ a accepté de procéder à de multiples transactions visant à le répandre en différents lieux du monde, en faveur de divers bénéficiaires dont elle ne savait rien, se contentant d'exécuter les instructions d'E______ alors qu'elle était en mesure de mettre un terme à cette situation à tout moment.

La plupart du temps, la prévenue a opéré les transferts d'argent en recourant, selon les consignes reçues, aux services des agences S______ et R______, qu'elle n'avait jamais utilisées auparavant, selon ses dires. Cette façon de faire aurait dû attirer son attention, sous l'angle de la légalité des opérations, car ces agences sont régulièrement mises en cause dans des affaires louches, ce qu'elle ne pouvait pas ne pas savoir en sa qualité de personne qui suit l'actualité. A cela s'ajoute qu'il n'était pas raisonnable de procéder à des transferts d'argent en dehors du système bancaire classique, considérant que, selon les explications d'E______, ils étaient liés à son activité professionnelle et que l'argent était reçu sur le compte bancaire D______ de la prévenue, ce qui rendait inutilement compliqués des retraits en cash et le recours aux agences de transfert d'argent.

Par ailleurs, à teneur des récépissés et autres formulaires de ces agences, les avertissements quant à de potentielles manœuvres frauduleuses étaient clairement énoncés, ce que la prévenue ne pouvait pas ignorer.

Les démarches d'investigation effectuées par sa banque étaient un autre élément d'importance qu'elle ne pouvait pas mésestimer. Selon les échanges sur Viber avec E______, la prévenue avait, en avril 2016, reçu un appel téléphonique de sa banque et elle avait été interrogée au sujet d'un transfert d'argent effectué aux Etats-Unis. En août 2016, elle avait subi d'autres vérifications bancaires et, dans ce cadre, elle avait affirmé être l'ayant droit économique de l'argent, alors que ce n'était pas le cas. En automne 2016, la banque avait encore cherché à obtenir des informations et la prévenue avait délibérément menti, en affirmant faussement que son compagnon et elle s'étaient rencontrés en réalité, ainsi que cela ressort d'un échange sur Viber du 8 octobre 2016. On notera qu'elle avait servi ce même mensonge à la police, lors de sa première audition du 28 octobre 2016, avant de se rétracter, affirmant qu'E______ avait lourdement insisté pour qu'elle dise au personnel de la banque qu'ils s'étaient rencontrés physiquement avant les transactions bancaires.

L'ensemble de ces éléments conduit le Tribunal à considérer que la prévenue ne peut pas, de bonne foi, prétendre n'avoir eu aucun doute quant à la licéité de la provenance de l'argent et des opérations effectuées.

Elle a fait fi de toutes les obligations qui lui incombaient, particulièrement de procéder à des clarifications tangibles s'agissant de l'origine de l'argent. Cette origine n'avait en réalité pas d'importance pour elle, tant que sa relation amoureuse pouvait continuer et qu'elle conservait une perspective d'être un jour remboursée. Le rôle joué par les donateurs, qui étaient toutes des femmes basées en Suisse, et les bénéficiaires de l'argent, tous localisés à l'étranger, ne comptaient pas davantage. Ce détachement est d'autant plus incompréhensible que les sommes en jeu étaient conséquentes, notamment au vu de ses propres ressources.

Enfin, l'aveuglement amoureux plaidé par la prévenue n'est pas crédible, considérant notamment que B______, elle aussi "follement amoureuse" d'E______ selon ses propres termes, avait refusé que l'intéressé verse de l'argent sur l'un de ses comptes personnels, ce qui démontre qu'il était possible de ne pas répondre favorablement à toutes les sollicitations, malgré les sentiments ressentis.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que la prévenue savait ou à tout le moins devait présumer que les valeurs patrimoniales en question provenaient d'un crime. A tout le moins par dol éventuel, elle avait considéré comme possible l'origine criminelle de l'argent et avait accepté, par le comportement qu'elle avait choisi d'adopter, le fait d'entraver l'identification, la découverte ou la confiscation de l'argent.

Contrairement à ce qu'elle prétend, la prévenue n'a pas fonctionné en tant qu'instrument d'un auteur médiat, dans la mesure où elle n'était pas dénuée de volonté. Elle a agi de son propre chef, dans le but de satisfaire son compagnon et aussi d'être remboursée, vu les fonds qu'elle avait personnellement consacrés. Il ne lui était pas impossible de refuser de procéder, en l'absence d'obstacles objectifs.

Elle n'a pas non plus agi sous l'influence d'une appréciation erronée des faits.

La prévenue sera ainsi reconnue coupable de blanchiment d'argent au sens de l'art. 305bis ch. 1 CP.

S'agissant de Y______

3.1. Il est établi par la documentation versée au dossier, par les dires de X______ et par les propres déclarations de la prévenue qu'elle a mis à disposition d'un tiers, soit le prétendu T______, son compte V______, afin de recevoir CHF 3'500.- le 11 décembre 2015, puis CHF 5'000.- le 12 septembre 2016 de la part de X______, sommes qui provenaient d'un crime contre le patrimoine, soit d'un abus de confiance, puis avoir transféré ces montants à AN______ au moyen de S______ et de R______, actes aptes à entraver l'identification et la confiscation du produit de l'infraction.

3.2. Sous l'angle de l'élément subjectif, la prévenue conteste toute intention délictuelle, position qui, de l'avis du Tribunal, ne trouve aucun appui sur la base du dossier.

Lorsqu'elle a fait la connaissance virtuelle de AN______, Y______ était âgée de 35 ans, de sorte qu'elle était au bénéfice d'un certain parcours de vie. Le fait de vivre à Genève, loin de la Pologne, son pays d'origine, de ne pas parler le français et de se sentir seule ne correspond, certes, pas à une situation idéale, mais cela ne saurait pour autant fonder un état caractérisé de vulnérabilité.

Tout comme X______, Y______ a fait la connaissance de son prétendu compagnon sur un site de rencontres, contexte propice à des manœuvres frauduleuses. On relèvera qu'il n'est pas établi que l'individu se cachant sous l'identité d'E______ et celui ayant pris le nom de AN______ soient une seule et même personne, mais que cela est largement vraisemblable.

Le fait que les contacts entretenus avec AN______ se déroulaient par "chat", par courriel, rarement par appels téléphoniques et le fait qu'il esquivait les contacts par vidéo étaient des signaux significatifs qui auraient dû alerter la prévenue. L'annulation, pour des motifs peu crédibles, de leur rencontre prévue à Genève en juillet 2012, puis l'échec d'une rencontre à Londres en décembre 2012, les sommes non négligeables qu'il ne cessait de lui réclamer durant de nombreuses années et sa demande d'envoyer des traveller's chèques à d'autres femmes en Suisse avec des mots affectueux, soi-disant au nom de son père, auraient dû achever de la convaincre du caractère problématique de cette "relation", étant par ailleurs observé qu'il ressort de ses propres dires que son entourage n'avait pas connaissance de cette liaison, car elle était gênée d'expliquer qu'elle discutait avec lui sans l'avoir jamais rencontré.

Au Ministère public et encore à l'audience de jugement, la prévenue a fait valoir qu'elle ignorait la provenance des sommes de CHF 3'500.- et CHF 5'000.- reçues de la part de X______, personne inconnue d'elle, et qu'elle n'avait pas questionné son compagnon à ce sujet. Pour autant, lorsque la prévenue affirme qu'il ne lui avait jamais traversé l'esprit que cet argent pouvait avoir une origine douteuse, voir illicite, elle n'est pas crédible.

A cet égard, le Tribunal retient, outre les éléments déjà mis en évidence, le fait que la prévenue ne disposait d'aucun élément concret lui permettant de considérer, avec un minimum de vraisemblance, que AN______ avait une activité professionnelle effective. A cela s'ajoute que la prévenue avait éprouvé des doutes à plusieurs occasions. En effet, alors qu'elle avait envoyé son propre argent à AN______ par des versements via S______ et R______, elle l'avait questionné sur la raison pour laquelle il ne disposait pas d'un compte bancaire, mais s'était contentée de l'explication peu réaliste selon laquelle l'ouverture d'un compte était une démarche trop compliquée pour lui. A la police, elle a expliqué qu'à cette époque, elle était naïve et que AN______ savait la mettre en confiance lorsque ses doutes étaient trop forts. Devant le Tribunal, elle a indiqué, en relation avec l'épisode de l'héritage intervenu après les opérations de 2015 qui lui sont reprochées dans la présente procédure, qu'elle lui posait des questions, car elle voulait savoir et qu'elle avait des doutes, qui s'effaçaient devant les promesses de remboursement.

Par ailleurs, les formulaires de S______ relatif à des transferts d’argent effectués par ses soins comportaient une mention d'avertissement qui, si elle avait pris soin de la lire, auraient de toute évidence permis de la détourner des transferts.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal a acquis la conviction que Y______ avait envisagé la possibilité d'une origine criminelle des fonds. Elle n'a pas procédé à des clarifications supplémentaires, alors même que cela était à sa portée. Agissant à tout le moins par dol éventuel, elle a accepté, par le comportement qu'elle avait choisi d'adopter, le fait d'entraver l'identification, la découverte ou la confiscation de l'argent, ceci sans avoir été manipulée par AN______ qui n'a pas fonctionné comme auteur médiat.

La prévenue sera ainsi reconnue coupable de blanchiment d'argent, selon l'art. 305bis ch. 1 CP.

Peine

4.1.1. S'agissant de la peine, les faits reprochés aux prévenues se sont déroulés avant l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la réforme du droit des sanctions.

Selon l'art. 2 al. 1 CP, est jugé d'après le présent code quiconque commet un crime ou un délit après l'entrée en vigueur de ce code. Le présent code est aussi applicable aux crimes et aux délits commis avant la date de son entrée en vigueur si l'auteur n'est mis en jugement qu'après cette date et si le présent code lui est plus favorable que la loi en vigueur au moment de l'infraction.

En vertu du principe de la non-rétroactivité du droit pénal, il sera fait application de l'ancien droit des sanctions dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2017, le nouveau droit n'étant pas plus favorable aux prévenues.

4.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1).

Selon la systématique de la loi, la peine pécuniaire doit d'abord être envisagée, la sanction devant être adaptée quant à ses effets sur l'auteur, son environnement social et de son efficience préventive.

4.1.3. Selon l'art. 34 al. 1 et 2 aCP, sauf disposition contraire de la loi, la peine pécuniaire ne peut excéder 360 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur. Le jour-amende est de 3000 francs au plus. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital.

4.1.4. A teneur de l'art. 42 al. 1 aCP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire, d'un travail d'intérêt général ou d'une peine privative de liberté de six mois au moins et de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis - ou du sursis partiel -, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s. ; 134 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5).

Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP). Le juge explique au condamné la portée et les conséquences du sursis ou du sursis partiel à l'exécution de la peine (art. 44 al. 3 CP).

4.1.5. Selon l'art. 52 CP, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte sont peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

4.1.6. Aux termes de l'art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

L'art. 54 CP doit s'appliquer dans le cas où une faute légère a entraîné des conséquences directes très lourdes pour l'auteur et à l'inverse, ne doit pas être appliqué lorsqu'une faute grave n'a entraîné que des conséquences légères pour l'auteur. Entre ces extrêmes, le juge doit prendre sa décision en analysant les circonstances concrètes du cas d'espèce et il dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Lorsque l'application de l'art. 54 CP n'est pas d'emblée exclue, le juge doit d'abord apprécier la culpabilité de l'auteur conformément à l'art. 47 CP, sans égard aux conséquences que l'acte a entraînées pour celui-ci, puis mettre en balance la faute commise et les conséquences subies. Si cet examen révèle que l'auteur a déjà été suffisamment puni par les conséquences de son acte et qu'une autre sanction ne se justifie plus, il renoncera à prononcer une peine (ATF 137 IV 105 consid. 2.3 ; 121 IV 162 consid. 2d).

5.1. En l'espèce, la faute de X______ est importante. Elle a contribué à léser le patrimoine de plusieurs victimes d'abus de confiance en aidant un délinquant et a anéanti tout espoir de ces victimes de pouvoir un jour récupérer leur argent. Ce faisant, elle a également porté atteinte à l'administration de la justice.

Le montant visé par le blanchiment d'argent, soit près de CHF 100'000.-, est colossal, considérant que les faits se sont déployés dans un contexte simple, entre personnes bien éloignées du monde des affaires.

Sur une période de près de deux ans, la prévenue a mis à disposition son compte bancaire de manière permanente et a effectué de multiples actes répétés afin de faire bénéficier des tiers inconnus de tout cet argent issu de malversations. Le nombre élevé d'agissements démontre une intense volonté délictuelle. Si la prévenue a mis un terme à ses actes, c'est uniquement en raison de l'ouverture de la procédure pénale qui a notamment entraîné le séquestre de son compte bancaire et son audition par la police.

Ses mobiles sont égoïstes. Elle a agi dans la perspective de plaire à son soi-disant compagnon, de pouvoir continuer une relation amoureuse avec lui et aussi de se faire rembourser les montants qu'elle avait elle-même engagés.

Sa situation personnelle ne justifie pas ses agissements. Elle menait une vie normale et ne baignait pas dans la délinquance. Certes, à l'époque de la rencontre avec son prétendu compagnon, elle faisait face à une situation personnelle relativement difficile, souffrant notamment d'obésité, et souhaitait sincèrement être épaulée et accompagnée. Elle était toutefois en capacité d'appréhender correctement les choses et de prendre des décisions raisonnables.

Sa collaboration peut être qualifiée de bonne, étant notamment observé qu'elle a fourni aux enquêteurs du matériel utile à leurs investigations.

Sa prise de conscience, en revanche, n'est pas entamée. Durant toute la procédure, elle a nié avoir eu un quelconque comportement pénalement répréhensible, ne s'excusant par ailleurs pas envers les autres femmes lésées et en se plaçant uniquement dans une posture de victime ayant agi par amour.

Aucune circonstance atténuante n'est réalisée.

La culpabilité de la prévenue et les conséquences de son acte ne sont pas peu importantes.

De plus, la prévenue n'a pas été directement atteinte par les conséquences de son acte, puisque ce n'est pas le blanchiment d'argent commis qui est à l'origine de son appauvrissement. A cet égard, il est précisé que le Tribunal ne remet pas en cause le fait que la prévenue a elle-même perdu beaucoup d'argent, y compris des sommes dont elle ne disposait pas, puisqu'elle a emprunté de l'argent pour satisfaire E______.

La prévenue n'a aucun antécédent judiciaire, ce qui a un effet neutre sur la peine.

Seule une peine pécuniaire entre en considération.

Le pronostic quant à son comportement futur ne se présente pas sous un jour défavorable, de sorte qu'elle sera mise au bénéfice du sursis.

Au vu de ce qui précède, la prévenue sera condamnée à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à CHF 100.- l'unité, afin de tenir compte de sa situation personnelle, cette peine étant assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans.

5.2. La faute de Y______ n'est pas négligeable, dans la mesure où elle a contribué, à plusieurs mois d'intervalle, à l'évaporation de deux montants de plusieurs milliers de francs, privant ainsi les personnes lésées de la possibilité de les récupérer et portant atteinte à l'administration de la justice.

Ses mobiles sont égoïstes. Elle a agi dans la perspective de plaire à son soi-disant compagnon, de pouvoir continuer une relation amoureuse avec lui et aussi de se faire rembourser des montants qu'elle avait elle-même engagés.

Sa collaboration à la procédure a été bonne.

Sa prise de conscience est nulle, puisqu'elle n'a à aucun moment reconnu avoir procédé à des actes de blanchiment d'argent et n'a exprimé ni regrets ni excuses.

La situation personnelle de la prévenue n'explique en rien ses agissements, dans la mesure où les sentiments alors éprouvés (solitude, déracinement etc.), au demeurant relativement communs, ne sont pas de nature à fonder une conduite pénalement répréhensible telle que celle pour laquelle elle est condamnée.

Aucune circonstance atténuante n'est réalisée.

Le casier judiciaire de la prévenue est vierge, ce qui a un effet neutre sur la peine.

Les conditions d'une exemption de peine au sens des art. 52 ss CP ne sont pas réalisées.

Seule une peine pécuniaire entre en considération.

Le pronostic quant à son comportement futur ne se présente pas sous un jour défavorable, de sorte qu'elle sera mise au bénéfice du sursis.

Au vu de ce qui précède, la prévenue sera condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CH 50.- l'unité, afin de tenir compte de sa situation personnelle, cette peine étant assortie du sursis et d'un délai d'épreuve de 3 ans.

Sort des valeurs et biens séquestrés

6.1.1. Selon l'art. 70 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

Inspirée de l'adage selon lequel "le crime ne paie pas", cette mesure a pour but d'éviter qu'une personne puisse tirer avantage d'une infraction (ATF 132 II 178 consid. 4.1 p. 178 ; ATF 129 IV 322 consid. 2.2.4 p. 327 ; ATF 117 IV 107 consid. 2a p. 110).

6.1.2. A teneur de l'art. 267 al. 1 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. La restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (al. 3).

6.2. En l'espèce, le compte bancaire de X______ n°IBAN 3______ auprès d'D______ a fait l'objet d'un séquestre ordonné par le Ministère public le 11 octobre 2016. A la date du 27 juin 2019, le solde des avoirs dudit compte s'élevait à CHF 7'887.97.

Il ressort du relevé bancaire relatif au mois de septembre 2016 que le 5 septembre 2016, le solde du compte précité de X______ s'élevait à CHF 66.42, que le 5 septembre 2016, elle avait reçu CHF 10'000.- de la part de A______, partie plaignante, que le 12 septembre 2016, elle avait transféré CHF 5'000.- à Y______, partie plaignante et prévenue, et que le 16 septembre 2016, elle avait procédé à un retrait de CHF 2'900.- qui est manifestement en relation avec son activité pénale.

C'est ainsi une somme de CHF 2'100.-, liée à l'activité de la prévenue en matière de blanchiment d'argent, qui est demeurée sur son compte bancaire, étant précisé qu'en octobre 2016, le compte en question n'a pas enregistré de mouvements.

Cette somme de CHF 2'100.- sera restituée à A______, légitime ayant-droit, le séquestre étant levé pour le surplus.

Indemnisation et frais

7. Etant donné l'issue de la procédure, les prévenues seront déboutées de leurs conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 CPP a contrario).

8. Les prévenues, condamnées, supporteront les frais de la procédure à raison de deux-tiers s'agissant de X______ et d'un tiers s'agissant de Y______, frais qui comprennent un émolument de jugement de CHF 600.-.


 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Déclare X______ coupable de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende (art. 34 aCP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 100.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 aCP et 44 CP).

Avertit X______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

 

Déclare Y______ coupable de blanchiment d'argent (art. 305bis ch. 1 CP).

Condamne Y______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende (art. 34 aCP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 50.-.

Met Y______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans ans (art. 42 aCP et 44 CP).

Avertit Y______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de Y______ (art. 429 CPP).

 

Ordonne la restitution à A______ d'une somme de CHF 2'100.- à prélever sur les avoirs du compte IBAN 3______ ouvert au nom de X______ auprès d'D______.

Ordonne la levée du séquestre portant sur le compte IBAN 3______ ouvert au nom de X______ auprès d'D______, sous réserve d'une somme de CHF 2'100.- qui devra être restituée à A______.

Condamne X______ et Y______, à raison de 2/3 s'agissant de X______ et d'1/3 s'agissant de Y______, aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 4'082.-, y compris un émolument de jugement de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Céline DELALOYE JAQUENOUD

La Présidente

Dania MAGHZAOUI

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

3250.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

105.00

Frais postaux (convocation)

CHF

42.00

Emolument de jugement

CHF

600.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

35.00

Total

CHF

4'082.00

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Notification aux prévenues, aux parties plaignantes et au Ministère public par voie postale.