Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/4306/2022

DCSO/247/2023 du 08.06.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Séquestre; faillite du débiteur séquestré
Normes : lp.206
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4306/2022-CS DCSO/247/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 8 JUIN 2023

 

Plainte 17 LP (A/4306/2022-CS) formée en date du 19 décembre 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Pierre Siegrist, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me SIEGRIST Pierre

Grand-Rue 17

1204 Genève.

- Caisse [de pension] B______

c/o Me CARRON Vincent

Schellenberg Wittmer SA

Rue des Alpes 15bis

Case postale 2088

1211 Genève 1.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement du 19 juin 2019, le Tribunal de première instance (ci-après: le Tribunal) a prononcé le divorce des époux C______ et A______ et ordonné le partage de leurs avoirs de prévoyance professionnelle, la Caisse [de pension] B______ auprès de laquelle C______ était assuré étant condamnée à transférer la somme de 4'248'092 fr. 62 sur les deux comptes de libre passage de A______, de la manière suivante : la moitié, soit 2'214'046.31, sur le compte de la D______ compte d'épargne Libre passage IBAN CH1______ et l'autre moitié, soit 2'214'046 fr. 31 sur le compte E______ de libre passage auprès de F______ IBAN CH 2______.

b. Le 5 février 2020, A______ a fait notifier à la Caisse [de pension] B______ un commandement de payer, poursuite n° 3______, portant sur la somme de 4'248'092 fr. 62, avec intérêts à 5% dès le 28 septembre 2019, due en vertu du jugement de divorce du 19 juin 2019.

L'opposition formée par la Caisse [de pension] B______ au commandement de payer a été définitivement levée, par jugement du Tribunal de première instance du 4 décembre 2020, confirmé par la Cour de justice.

c. Le 22 janvier 2021, sur requête des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après: les HUG), le Tribunal a ordonné le séquestre de divers actifs censés appartenir à C______, débiteur séquestré, parmi lesquels l'avoir de prévoyance deuxième pilier dont il bénéficiait auprès de la Caisse [de pension] B______.

d. Exécuté le même jour, le séquestre (n° 4______) a porté, selon le procès-verbal de séquestre établi le 23 février 2021, sur un montant de 8'738'284 fr. 27 détenu par la Caisse [de pension] B______ au titre de prestation de libre passage en faveur du débiteur séquestré. A______ ayant revendiqué en être propriétaire à hauteur de 4'248'092 fr. 31, sur la base d'un jugement définitif et exécutoire, un délai de vingt jours était fixé au créancier et au débiteur pour ouvrir devant le juge civil action en contestation de la prétention du tiers revendiquant, faute de quoi cette prétention serait réputée admise.

e. Le 17 mars 2021, les HUG ont introduit devant le Tribunal de première instance une action en contestation de la revendication à l'encontre de A______.

f. Le 2 juillet 2021, la Caisse [de pension] B______ a versé à l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) la somme de 4'660'073 fr. en paiement de la poursuite n° 3______ engagée par A______.

g. Par décision du 15 juillet 2021, l'Office a informé A______ que ce montant correspondait au solde de la poursuite en question en capital, intérêts et frais au 31 juillet 2021. Ce paiement avait éteint la poursuite et libéré la débitrice en vertu de l'art. 12 al. 2 LP; les fonds avaient été consignés auprès de la Trésorerie générale de l'Etat, conformément à l'art. 9 LP, en tant qu'actifs séquestrés dans la procédure de séquestre n° 4______, jusqu'à droit connu dans l'action en contestation de revendication introduite par les HUG.

h. La plainte formée par A______ le 20 juillet 2021 contre la décision de consignation de l'Office, a été rejetée par la Chambre de céans le 16 décembre 2021 (DCSO/495/21). Le recours de A______ contre cette décision a été rejeté par le Tribunal fédéral le
5 juillet 2022 (cause ______/2021).

B. a. Dans l'intervalle, sur plainte de C______ contre le procès-verbal de séquestre n° 4______, les avoirs de prévoyance détenus pour le compte de ce dernier par la Caisse [de pension] B______ ont été déclarés insaisissables à la date d'exécution du séquestre par décision de la Chambre de céans du 21 octobre 2021 (cf. DCSO/417/2021; confirmée par arrêt du Tribunal fédéral 5A_907/2021 du 20 avril 2022).

Le séquestre exécuté sur ces avoirs a donc été levé.

b. Le 13 juin 2022, l'Office a informé A______ de ce que les HUG avaient de nouveau requis et obtenu, le 3 juin 2022, le séquestre, enregistré sous n° 5______, des avoirs déposés au nom de C______ auprès de la Caisse [de pension] B______ ainsi que de ceux versés par cette dernière à l'Office dans le cadre de la poursuite n° 3______ (engagée par A______ contre la Caisse [de pension] B______), consignés par ledit Office jusqu'à l'issue de la procédure de contestation de la revendication engagée par les HUG.

L'Office ne procèderait au versement des 4'660'073 fr. que dans l'hypothèse où le procès-verbal de non-lieu de séquestre qu'il s'apprêtait à établir ne serait pas contesté par les HUG dans les délais légaux.

c. Par jugement du 16 juin 2022, le Tribunal a prononcé la faillite de C______.

d. L'Office a établi le 20 juin 2022 un procès-verbal de non-lieu de séquestre
(n° 5______).

e. Par décision du 24 novembre 2022, la Chambre de céans a admis la plainte formée par les HUG au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre du 20 juin 2022 et annulé ledit procès-verbal (DCSO/476/2022).

Dans sa décision, elle a notamment constaté qu'à compter de la déclaration de faillite, c'était à l'Office des faillites qu'il incombait d'identifier et d'inventorier les avoirs du failli constituant la masse active et, dans ce cadre, de statuer sur leur caractère saisissable ou non.

f. Par jugement du 12 décembre 2022, le Tribunal a constaté que l'action en contestation de la revendication des HUG du 17 mars 2021 était devenue sans objet en raison de la levée du séquestre n° 4______.

C. a. Par courrier du 8 décembre 2022, A______ a sollicité de l'Office le versement en sa faveur du montant de 4'660'073 fr., lequel devait être versé sur ses comptes de libre passage de la manière suivante: 2'124'046 fr. 31 sur le compte de D______ compte d'épargne Libre passage IBAN CH1______, 2'124'046 fr. 31 sur le compte E______ de libre passage auprès de F______ IBAN CH2______, et 411'980 fr. 38 sur le compte de la D______ IBAN 6______ (intérêts).

Elle a également conclu au versement sur ce dernier compte des intérêts moratoires à 5% courant dès la date de la mise en demeure, soit le 20 juillet 2021 et jusqu'au jour du paiement effectif sur les trois comptes susmentionnés.

Subsidiairement, elle a conclu au versement immédiat en sa faveur d'un montant de 411'980 fr., représentant les intérêts ayant couru jusqu'au 31 juillet 2021.

b. Par courrier du 16 décembre 2022, l'Office a informé A______ qu'il incombait désormais à l'Office des faillites d'inventorier les avoirs du failli constituant la masse active, et dans ce cadre de statuer sur le caractère éventuellement insaisissable de certains actifs du failli, parmi lesquels les avoirs de prévoyance de C______ déposés auprès de la Caisse [de pension] B______, qu'il s'agisse de la part non revendiquée, en mains de la Caisse [de pension] B______, ou de la part revendiquée par A______ sous garde de l'Office.

Il ressortait d'un entretien téléphonique avec le gestionnaire de l'Office des faillites en charge du dossier de C______ que la décision au sujet de l'incorporation dans la masse active des avoirs revendiqués par A______ n'était pas encore prise et devrait figurer dans l'inventaire que l'Office des faillites comptait déposer à la mi-janvier.

D.           a. Par acte déposé le 19 décembre 2022, A______ a déposé plainte auprès de la Chambre de céans contre le refus de l'Office des poursuites de donner suite à sa requête du 8 décembre 2022, portant sur le versement immédiat des fonds consignés.

b. Dans sa réponse à la plainte, l'Office a conclu au rejet de la plainte.

La faillite prononcée le 16 juin 2022 avait notamment eu pour effet de transférer à l'Office des faillites la compétence pour se déterminer sur les avoirs du failli constituant la masse active. Dès lors, aussi longtemps qu'une décision n'était pas prise par l'Office des faillites, l'Office ne pouvait décider unilatéralement de restituer les fonds consignés.

A______ ne pouvait prétendre au versement d'un intérêt supplémentaire sur le montant consigné. Dans la mesure où le paiement effectué en mains de l'Office du montant de 4'660'073 fr. avait éteint la dette, les intérêts sur ce montant avaient cessé de courir.

Enfin, s'agissant du montant de la consignation, ce grief était tardif dans la mesure où il aurait dû être invoqué dans la plainte formée à l'encontre de la décision de consignation, laquelle avait donné lieu à la décision de la Chambre de céans du
16 décembre 2021 (DCSO/495/2021).

c. La Caisse [de pension] B______ s'est déterminée en date du 20 janvier 2023. Elle a observé que les avoirs de libre passage n'avaient pas pour vocation à être versés en mains de la créancière mais aux institutions de libre passage désignées par le jugement de divorce.

d. A______ a répliqué en date du 30 janvier 2023.

e. La Caisse [de pension] B______ a dupliqué le 3 février 2023.

f. La cause a été gardée à juger le 22 février 2023.

EN DROIT

1.             Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA), applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LaLP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP), soit la décision de refus de versement des montants consignés, et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable sous cet angle.

2.             La plaignante fait valoir à titre principal que dans la mesure où le séquestre
n° 4______ avait été annulé, la consignation ordonnée par l'Office n'avait plus lieu d'être de sorte que les montants versés en paiement de la poursuite n° 3______ devaient immédiatement être versés sur ses comptes de libre passage.

2.1 A teneur de l'art. 206 al. 1 1ère phrase LP, les poursuites dirigées contre le failli s'éteignent. Cette extinction intervient au moment de la déclaration de faillite et touche les poursuites en cours à ce moment (Wohlfart/Meyer Honegger, in BSK SchKG II, 3ème édition, 2021, N 7 ad art. 206 LP). Les procédures de séquestre sont à cet égard assimilées aux procédures de poursuite (Wohlfart/Meyer Honegger, op. cit., N 11 ad art. 206 LP).

A teneur de l'art. 197 al. 1 LP, les biens saisissables du failli au moment de la déclaration de faillite forment une seule masse et sont affectés au paiement des créanciers du failli. Tombent également dans cette masse les biens qui "échoient" au failli jusqu'à la clôture de la faillite (art. 197 al. 2 LP).

En vertu de l'art. 199 al. 1 LP, les biens saisis non réalisés au moment de l'ouverture de la faillite et les biens séquestrés rentrent dans la masse. Il s'ensuit que les biens du débiteur failli qui avaient fait l'objet d'une saisie ou d'un séquestre avant l'ouverture de la faillite tombent dans la masse active, comme le précise l'art. 199 al. 1 LP. Cette règle a pour but d'éviter que le créancier saisissant ne soit privilégié par rapport à la communauté des créanciers en étant payé sur le produit de la vente (Romy, Commentaire romand Poursuite et faillite, 2005, n°1 ad art. 199 et les références).

2.2. En l'espèce, il résulte des faits de la cause que Tribunal a ordonné, le
3 juin 2022, le séquestre (n° 5______) des avoirs déposés au nom de l'ex-époux de la plaignante auprès de l'institution de prévoyance ainsi que de ceux versés par cette dernière à l'Office dans le cadre de la poursuite n° 3______ (engagée par la plaignante contre l'institution de prévoyance), consignés par ledit Office le 15 juillet 2021 jusqu'à l'issue de la procédure de contestation de la revendication engagée par le créancier séquestrant. Il n'est ainsi pas déterminant que le précédent séquestre (n° 4______) a été annulé par la Chambre de céans le 21 octobre 2021, décision confirmée par le Tribunal fédéral le 20 avril 2022, en tant qu'il portait sur ces mêmes avoirs, puisque ces biens ont été frappés d'un nouveau séquestre. Quant à la décision de non-lieu de séquestre prise le 20 juin 2022 par l'Office dans le cadre du séquestre n° 5______, elle a été annulée par la Chambre de céans aux termes d'une décision prononcée le 24 novembre 2022 (DCSO/476/2022 entrée en force depuis lors). Selon cette décision, à la suite de la faillite de l'ex-époux de la plaignante le 16 juin 2022, il incombait désormais à l'Office des faillites d'identifier et d'inventorier les avoirs du failli constituant la masse active, dont les actifs séquestrés, lesquels comprennent les sommes consignées à la suite du paiement en mains de l'Office de la poursuite n° 3______ par l'institution de prévoyance. Dans ce cadre, l'Office des faillites devra trancher la question de la revendication de ces actifs (cf. art. 242 LP).

C'est donc à raison que l'Office a refusé de déconsigner ces avoirs, aux termes de sa décision du 16 décembre 2022. Ce grief de la plaignante est ainsi infondé.

2.3 En tant que la plaignante se plaint du montant de la consignation, qui serait supérieur à la somme revendiquée par le créancier séquestrant les avoirs de son ex-époux, force est de constater que la plainte est tardive, la décision de consignation ayant été prise le 15 juillet 2021.

2.4. Enfin, le grief de la plaignante selon lequel elle subirait un dommage du fait du maintien de la consignation, en raison de la perte des intérêts moratoires, ne relève pour sa part pas de la plainte mais de l'action en responsabilité contre l'Etat prévue par l'art. 5 LP.

2.5 La plainte doit ainsi rejetée dans la mesure de sa recevabilité.

3.             La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. A OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Rejette, dans la mesure de sa recevabilité, la plainte formée le 19 décembre 2022 par A______ contre la décision de l'Office cantonal des poursuites du 16 décembre 2022 dans la poursuite n° 3______.

 

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.