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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2163/2022

DCSO/476/2022 du 24.11.2022 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : lp.199.al1; lp.206.al1; lp.197.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2163/2022-CS DCSO/476/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 24 NOVEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/2163/2022-CS) formée en date du 1er juillet 2022 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Pascal Maurer, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

c/o Me MAURER Pascal

Keppeler Avocats

Rue Ferdinand-Hodler 15

Case postale 6090

1211 Genève 6.

- B______

______

______.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Sur requête des A______ (ci-après : les A______), le Tribunal de première instance a ordonné le 22 février 2021 le séquestre de divers actifs supposés appartenir à B______, débiteur poursuivi, parmi lesquels les avoirs déposés par ce dernier au titre de la prévoyance 2ème pilier auprès de la Caisse [de prévoyance professionnelle] C______ (ci-après: la C______).

Exécuté le jour même, le séquestre (n° 1______) a porté selon le procès-verbal de séquestre établi le 23 février 2021 sur un montant de 8'738'284 fr. 27 détenu par la C______ au titre de prestation de libre passage en faveur du débiteur séquestré.

Selon les explications données par la C______, le séquestre avait porté en ses mains sur un montant total de 8'496'185 fr. 25 (valeur au 31 mars 2019), dont la moitié environ devait être versée à l'ex-épouse du débiteur en vertu du jugement de divorce et l'autre moitié transférée à la fondation de prévoyance D______ conformément aux instructions du débiteur.

Par la suite, la C______, qui faisait l'objet de la part de l'ex-épouse du débiteur d'une poursuite n° 2______ en versement du montant qui lui avait été octroyé dans le cadre du jugement de divorce, s'est acquittée en mains de l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office des poursuites) du montant réclamé dans le cadre de cette poursuite, soit 4'660'073 fr. Ce montant est demeuré consigné en mains de l'Office des poursuites dans l'attente de l'issue de la procédure de contestation de revendication engagée par les A______ contre l'ex-épouse du débiteur dans le cadre de la poursuite en validation du séquestre n° 3______.

b. Sur plainte de B______ contre le procès-verbal de séquestre, les avoirs de prévoyance détenus pour le compte de ce dernier par la C______ ont été déclarés insaisissables à la date d'exécution du séquestre (cf. en dernier lieu arrêt du Tribunal fédéral 5A_907/2021 du 22 avril 2022).

Le séquestre exécuté sur ces avoirs a donc été levé.

c. Par une nouvelle requête de séquestre déposée le 3 juin 2022 auprès du Tribunal, les A______ ont notamment requis le séquestre des avoirs déposés au nom de B______ auprès de la C______ ainsi que de ceux versés par cette dernière à l'Office des poursuites dans le cadre de la poursuite n° 2______ (engagée par l'ex-épouse du débiteur contre la C______), consignés par ledit Office jusqu'à l'issue de la procédure de contestation de revendication engagée par les A______ dans le cadre de la poursuite en validation du séquestre n° 3______.

Les A______ ont notamment fait valoir à l'appui de cette nouvelle requête de séquestre que, contrairement à ce qui était le cas lors de l'exécution du premier séquestre, B______ avait désormais atteint l'âge légal de la retraite.

d. Par ordonnance du 3 juin 2022, le Tribunal a fait droit à la requête des A______ et ordonné en conséquence le séquestre, notamment, des avoirs déposés par le débiteur auprès de la C______ et de ceux revendiqués par l'ex-épouse de ce dernier et consignés auprès de l'Office des poursuites.

Le séquestre (n° 4______) a été exécuté le même jour par l'Office des poursuites.

e. La faillite de B______ a été déclarée, à sa demande (art. 191 LP), par jugement du 16 juin 2022.

f. Après avoir recueilli de la C______ diverses informations relatives au statut des avoirs qu'elle détenait pour le compte du débiteur, l'Office des poursuites a établi le 20 juin 2022 un procès-verbal de non-lieu de séquestre, qu'il a communiqué le même jour aux débiteur et créancier et que les A______ ont reçu le 21 juin 2022.

Selon ce document, le séquestre n'avait pas porté dès lors que, pour les motifs déjà retenus par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 20 avril 2022 (cf. let. A.b ci-dessus), les actifs visés par l'ordonnance de séquestre étaient insaisissables en vertu de l'art. 92 al. 1 ch. 10 LP.

B. a. Par acte adressé le 1er juillet 2022 à la Chambre de surveillance, les A______ ont formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre du 20 juin 2022, concluant à la constatation de sa nullité, subsidiairement à son annulation. Pour l'établissement plaignant, l'Office des poursuites n'était plus compétent pour statuer sur la saisissabilité des avoirs séquestrés à compter de la déclaration de faillite du débiteur. A cela s'ajoutait que les informations recueillies par l'Office n'étaient pas suffisantes pour statuer sur la saisissabilité des avoirs séquestrés. En tout état, l'arrêt du Tribunal fédéral invoqué par l'Office des poursuites ne concernait pas le montant versé par la C______ dans le cadre de la poursuite n° 2______, consigné dans l'attente de l'issue de la procédure de revendication.

b. Par ordonnance du 4 juillet 2022, la Chambre de surveillance a octroyé à la plainte l'effet suspensif requis par l'établissement plaignant.

c. Dans ses observations du 8 août 2022, l'Office des poursuites a conclu au rejet de la plainte. Selon lui, les motifs ayant conduit le Tribunal fédéral à admettre l'insaisissabilité des avoirs séquestrés le 22 février 2021 en mains de la C______ conduisaient également au constat de l'insaisissabilité des mêmes avoirs séquestrés le 3 juin 2022, et ce qu'ils se trouvent toujours en mains de la C______ ou, à la suite du paiement effectué par cette dernière en mains de l'Office des poursuites, en ses mains. Les informations nécessaires et suffisantes pour aboutir à cette conclusion avaient été dument recueillies. Enfin, du fait de leur insaisissabilité, les avoirs séquestrés ne tombaient pas dans la masse en faillite (art. 199 al. 1 LP), avec pour conséquence que l'Office des poursuites demeurait compétent pour établir un non-lieu de séquestre.

d. Par détermination du 4 août 2022, B______ a lui aussi conclu au rejet de la plainte. Pour lui, l'Office des poursuites était en possession des informations nécessaires. C'était par ailleurs à juste titre que, au vu de la motivation de l'arrêt du Tribunal fédéral du 20 avril 2022, l'insaisissabilité des avoirs séquestrés avait été admise, avec pour conséquence que ceux-ci ne tombaient pas dans la masse en faillite et que l'Office demeurait donc compétent pour établir le procès-verbal de (non-lieu de) séquestre.

e. Par réplique spontanée du 19 août 2022, les A______ ont persisté dans leurs conclusions, relevant que la question du caractère saisissable ou non des avoirs séquestrés n'était pas claire et qu'il appartenait à l'Office cantonal des faillites (ci-après : l'Office des faillites) d'y répondre.

f. La cause a été gardée à juger le 9 septembre 2022.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. L'établissement plaignant fait valoir à titre principal que la déclaration de la faillite du débiteur a privé l'Office des poursuites de la compétence d'établir le procès-verbal de séquestre, et plus particulièrement de statuer sur le caractère saisissable ou non des avoirs séquestrés.

2.1 Selon l'art. 206 al. 1 LP 1ère phrase, les poursuites dirigées contre le failli s'éteignent. Cette extinction intervient au moment de la déclaration de faillite et touche les poursuites en cours à ce moment (Wohlfart/Meyer Honegger, in BSK SchKG II, 3ème édition, 2021, N 7 ad art. 206 LP). Les procédures de séquestre sont à cet égard assimilées aux procédures de poursuite (Wohlfart/Meyer Honegger, op. cit., N 11 ad art. 206 LP).

Les biens saisissables du failli au moment de la déclaration de faillite forment une seule masse et sont affectés au paiement des créanciers du failli (art. 197 al. 1 LP). Tombent également dans cette masse les biens qui "échoient" au failli jusqu'à la clôture de la faillite.

Pour ce qui est des biens faisant déjà l'objet d'une saisie ou d'un séquestre au moment de la déclaration de faillite, l'art. 199 al. 1 LP al. 1 pose le principe selon lequel ils tombent eux aussi – sous réserve de certaines exceptions prévues par l'art. 199 al. 2 LP – dans la masse active devant servir au désintéressement des créanciers du failli. L'art. 199 LP vise donc à déterminer quels biens, parmi les biens du failli, doivent faire l'objet d'une exécution spéciale et quels biens doivent faire l'objet d'une exécution générale. Il ne s'agit pas en revanche de déterminer si tel ou tel bien du failli tombe ou non, au sens de l'art. 197 LP, dans la masse active.

2.2 Dans le cas d'espèce, la déclaration de faillite du débiteur a entraîné l'extinction des poursuites en cours à son encontre (sous réserve d'exceptions), et donc de la procédure de séquestre litigieuse. A compter de la déclaration de faillite, c'est à l'Office des faillites qu'il incombait – et qu'il incombe encore – d'identifier et d'inventorier les avoirs du failli constituant la masse active, et dans ce cadre de statuer sur le caractère éventuellement insaisissable de certains actifs du failli.

Cette compétence de l'Office des faillites pour statuer sur le caractère saisissable des actifs du failli – et donc sur leur appartenance à la masse active – s'étend, conformément à l'art. 199 al. 1 LP, aux actifs qui faisaient au moment de la déclaration de faillite l'objet d'un séquestre. Pour sa part, l'Office des poursuites n'a en principe plus à statuer sur cette question dans le cadre de la procédure de séquestre, faute d'objet.

C'est donc à juste titre que les A______ reprochent à l'Office des poursuites d'avoir, dans le cadre du procès-verbal de non-lieu de séquestre contesté, statué sur la saisissabilité des actifs séquestrés alors que la compétence pour prendre une telle décision appartenait, à compter de la déclaration de faillite, à l'Office des faillites.

L'interprétation donnée à l'art. 199 al. 1 LP par l'Office des poursuites et par l'intimé est à cet égard erronée : la question de savoir si les avoirs visés par l'ordonnance de séquestre tombent ou non dans la masse active ne dépend pas de celle de la validité ou de la portée du séquestre mais de leur caractère saisissable ou non, laquelle doit être tranchée en application de l'art. 197 LP par l'Office des faillites.

La plainte sera donc admise et le procès-verbal de non-lieu de séquestre annulé.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 1er juillet 2022 par les A______ contre le procès-verbal de non-lieu de séquestre n° 4______ établi le 20 juin 2022 par l'Office cantonal des poursuites.

Au fond :

L'admet.

Annule en conséquence ledit procès-verbal.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.