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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3521/2018

DCSO/133/2019 du 21.03.2019 ( PLAINT ) , ADMIS

Normes : LP.22.al1; LP.46
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3521/2018-CS DCSO/133/19

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU jeudi 21 mars 2019

 

Plainte 17 LP (A/3521/2018-CS) formée en date du 8 octobre 2018 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Yannick FERNANDEZ, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- A______

c/o Me FERNANDEZ Yannick

Borel & Barbey

Rue de Jargonnant 2

Case postale 6045

1211 Genève 6.

- ETAT DU VALAIS

- B______ SA

______

______.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. A______ fait l'objet des plusieurs poursuites requises à son encontre par l'ETAT DU VALAIS (poursuites nos 1______, 2______ et 3______) et par B______ SA (poursuite n° 4______).

b. Le 25 mai 2018, l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a notifié le commandement de payer, poursuite n° 4______, à A______, laquelle n'a pas formé opposition. Il ressort du commandement de payer que la précitée est domiciliée en Valais, à l'avenue 5______, [à] C______, et que l'acte lui a été notifié à Genève, au chemin 6______ [recte : ______] à D______ [GE].

A une date non spécifiée, la créancière a requis la continuation de cette poursuite.

c. Par avis de saisie du 10 août 2018, l'Office a convoqué A______ en ses locaux le 3 septembre 2018, pour l'interroger sur sa situation patrimoniale en vue de la saisie de ses biens dans le cadre de la poursuite n° 4______.

Cet avis a été envoyé à la débitrice par pli recommandé du 11 août 2018 à l'adresse 6______ à D______; selon l'extrait "Track & Trace" de la Poste, ce courrier a été retourné à l'Office le 14 août 2018 avec la mention "Le destinataire est introuvable à l'adresse indiquée".

d. Par avis de saisie de salaire du 13 septembre 2018, l'Office a informé E______, [société] employeuse de A______, qu'elle devait retenir sur le salaire de la débitrice toute somme supérieure à 1'270 fr. par mois, avec effet immédiat et jusqu'à nouvel avis.

e. Par "avis d'une participation à la saisie" du 14 septembre 2018, l'Office a informé A______ que l'ETAT DU VALAIS, créancier dans la poursuite
n° 1______, participait à la saisie exécutée le 13 septembre 2018 au profit de la série n° 7______.

Cet avis a été envoyé à la débitrice par pli recommandé du 15 septembre 2018 à l'adresse 6______ à D______; selon l'extrait "Track & Trace" de la Poste, ce courrier a été distribué au guichet postal le 28 septembre 2018.

f. Par "avis d'une participation à la saisie" du 4 octobre 2018, l'Office a informé A______ que l'ETAT DU VALAIS, créancier dans la poursuite n° 2______, participait à la saisie exécutée le 13 septembre 2018 au profit de la série
n° 7______.

Cet avis, envoyé à la débitrice à l'adresse genevoise susmentionnée, a été distribué au guichet postal le 9 octobre 2018.

B.            a. Par acte expédié le 8 octobre 2018 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte contre l'avis de saisie du 10 août 2018, l'exécution de la saisie du 13 septembre 2018 et l'avis de participation à la saisie du 14 septembre 2018, concluant à la constatation de leur nullité, subsidiairement à leur annulation.

Elle a exposé qu'elle n'avait jamais reçu l'avis de saisie du 10 août 2018, dont son conseil avait obtenu une copie le 8 octobre 2018 après avoir interpellé l'Office au sujet de l'avis de participation du 14 septembre 2018. En conséquence, la saisie exécutée à son préjudice le 13 septembre 2018 l'avait été sur la base d'un acte vicié et sans que sa situation patrimoniale ait été examinée par l'Office; partant, elle s'exposait à faire l'objet d'une saisie sur salaire ne tenant pas compte de ses charges incompressibles.

b. A titre préalable, A______ a requis l'octroi de l'effet suspensif à sa plainte, requête à laquelle la Chambre de céans a fait droit par ordonnance du 19 octobre 2018.

Suite à cette ordonnance, l'Office a avisé E______, le 22 octobre 2018,
que la saisie de salaire exécutée au préjudice de la débitrice était levée avec effet immédiat.

c. Dans son rapport explicatif du 16 novembre 2018, l'Office a précisé que A______ avait soldé la poursuite n° 4______ le 6 novembre 2018. Deux nouveaux avis de saisie lui avaient été adressés le 23 octobre 2018, à l'adresse 6______ à D______, dans le cadre des poursuites nos 1______ et 2______. Lors de son interrogatoire du 6 novembre 2018, la plaignante avait informé l'Office que son domicile et le centre de ses intérêts se trouvaient à C______, à l'avenue 5______, où elle était logée à titre gracieux par F______. Elle travaillait à Genève et l'appartement qu'elle occupait au chemin 6______ à D______ n'était qu'un pied-à-terre. L'Office a relevé qu'au vu des déclarations de la plaignante, l'existence d'un for de la poursuite à Genève n'était pas démontrée, de sorte qu'il s'en rapportait à justice sur le bien-fondé de la plainte.

L'Office a notamment produit un courriel du Service de la taxation des personnes physiques salariées (Département des finances) du 10 octobre 2018, dont il ressort que A______ avait quitté le canton de Genève pour s'installer en Valais le 1er août 2008, sa dernière adresse connue se situant à l'avenue 5______, [à] C______.

d. Les parties ont été entendues par la Chambre de surveillance à l'audience du
15 janvier 2019. F______, convoquée comme témoin, a informé la Chambre de céans qu'elle n'était pas en mesure de se déplacer à Genève pour comparaître à cette audience, en raison de son âge (91 ans) et de ses problèmes de santé (difficultés à se mouvoir).

A______ a exposé travailler à Genève depuis les années 1980. Elle séjournait à Genève pendant la semaine et rentrait le week-end en Valais, où elle avait
toutes ses attaches et où se trouvait son domicile réel. Elle avait grandi dans l'appartement familial sis à l'avenue 5______ à C______, où elle avait continué
à résider en tant qu'adulte. Elle avait acheté cet appartement familial en septembre 2007, mais avait été contrainte de le revendre en 2017, en raison des poursuites dont elle faisait l'objet. Depuis octobre 2017, elle était officiellement domiciliée chez F______, à la même adresse [à C______]. F______ était une amie de la famille depuis une quarantaine d'années et elle la considérait comme une "deuxième maman". A l'exception de sa fille et de ses petits-enfants qu'elle voyait à Genève pendant la semaine, A______ avait toute sa famille en Valais, soit en particulier ses tantes et ses cousin-e-s. Elle était très fière de son héritage [de C______], étant précisé que son père avait été très actif sur le plan politique dans cette [commune]. Elle bénéficiait de la bourgeoisie de C______ et G______. Elle était très impliquée au sein de sa paroisse à C______ et elle faisait souvent du bénévolat le week-end dans l'EMS "H______" [à C______]. Elle payait ses impôts en Valais et toutes ses assurances (assurance-maladie, animaux domestiques) avaient été contractées dans ce canton. Elle recevait toute sa correspondance en Valais, à l'exception des courriers de l'Office, des relevés de son compte bancaire auprès [de] I______ (l'agence se trouvant à Genève), ainsi que des factures SIG.

A l'issue de l'audience, la Chambre de surveillance a imparti un délai à la plaignante pour produire des pièces complémentaires propres à établir l'existence de son domicile en Valais. Dans le délai fixé, A______ a produit notamment : une attestation de domicile de la [commune] de C______ datée du 14 décembre 2018, confirmant que sa résidence principale se situe à l'avenue 5______, c/o F______, depuis le 11 octobre 2017; trois attestations des 30 novembre 2018 et 25 janvier 2019 signées par F______, laquelle confirme héberger la plaignante gratuitement depuis le mois d'octobre 2017, étant précisé "qu'il ne s'agit pas uniquement d'une boîte-aux-lettres et que [A______] habite physiquement à [son] domicile"; deux factures adressées à la plaignante à l'avenue 5______ (facture de redevance radio-télévision du 10 janvier 2019; avis de prime de l'assurance de protection juridique J______ du 16 août 2016); un courrier du Services des finance de la [commune] de C______ concernant l'impôt communal 2019 adressé à la plaignante à son adresse [à C______]; un certificat d'assurance-maladie auprès [de] K______
pour l'année 2019, dont il ressort que la plaignante appartient à la région tarifaire "VS ______".

e. Dans ses observations du 5 mars 2019, A______ a persisté dans les termes de sa plainte.

f. De son côté, l'Office a exposé que, dans la mesure où la plaignante était domiciliée à l'avenue 5______ à C______ - et non au chemin 6______ à D______ -, il avait transmis les réquisitions de continuer les poursuites
nos 1______, 2______ et 3______ à l'office des poursuites compétent, à savoir l'Office des poursuites du district L______, après quoi il avait "clôturé le dossier".

g. L'ETAT DU VALAIS et B______ SA ont renoncé à se déterminer par écrit suite aux enquêtes diligentées par la Chambre de surveillance.

h. La cause a été gardée à juger le 8 mars 2019, ce dont les parties ont été avisées le même jour.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; 126 al. 2 lit. c LOJ; 6 al. 1 et 3 et
7 al. 1 LaLP) contre des mesures de l'Office non attaquables par la voie
judiciaire (art. 17 al. 1 LP), tel qu'un avis de saisie. L'autorité de surveillance doit par ailleurs constater, indépendamment de toute plainte et en tout temps
(ATF
136 III 572 consid. 4), la nullité des mesures de l'Office contraires à des dispositions édictées dans l'intérêt public ou dans l'intérêt de personnes qui ne sont pas parties à la procédure (art. 22 al. 1 LP).

1.2 Déposée dans le délai de dix jours dès respectivement la réception et la prise de connaissance des avis de saisie litigieux (art. 17 al. 2 LP) et respectant les exigences de forme prescrites par la loi (art. 9 al. 1 LaLP et art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), la plainte formée le 8 octobre 2018 est recevable.

2. Est litigieuse la question de savoir s'il existe un for de poursuite à Genève.

2.1. L'engagement et le déroulement d'une procédure d'exécution forcée supposent l'existence d'un for de la poursuite. La LP définit le for de la poursuite ordinaire, soit celui du domicile du débiteur (art. 46 LP), ainsi qu'un nombre très limité de fors spéciaux (art. 48 à 52 LP).

Le domicile est déterminé selon les critères prévus par l'art. 23 al. 1 CC et, le cas échéant, par l'art. 20 LDIP, qui contient la même notion de domicile. Une personne physique a ainsi son domicile au lieu ou dans l'Etat où elle réside avec l'intention de s'y établir, ce qui suppose qu'elle fasse du lieu en question le centre de ses intérêts personnels et professionnels. Il faut tenir compte de l'ensemble de ses conditions de vie, le centre de son existence se trouvant à l'endroit, lieu ou pays, où se focalisent un maximum d'éléments concernant sa vie personnelle, sociale et professionnelle, de sorte que l'intensité des liens avec ce centre l'emporte sur les liens existant avec d'autres endroits; l'intention de la personne concernée doit cependant n'être pas intime seulement, mais se manifester de façon objective et reconnaissable pour les tiers (arrêt du Tribunal fédéral 7B_241/2003 du 8 janvier 2004 consid. 4; ATF 125 III 100 consid. 3; 120 III 7 consid. 2a).

Le dépôt de papiers d'identité, des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales, ou des indications ressortant de permis de circulation, de permis de conduire ou de publications officielles constituent certes des indices sérieux de l'existence du domicile au lieu
que ces documents indiquent, mais la présomption de fait en résultant peut être renversée par des preuves contraires (ATF 125 III 100 consid. 3 et les références citées; 120 III 7 consid. 2b et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5A_542/2014 du 18 septembre 2014 consid. 4.1.3).

2.2 L'inobservation des règles sur le for de la poursuite, lesquelles sont de droit impératif, n'entraîne la nullité de plein droit des actes concernés que dans le cas où elle lèse l'intérêt public ou les intérêts de tiers (art. 22 al. 1 LP).

La notification d'un commandement de payer par un office incompétent à raison du lieu ne satisfait pas à cette condition (ATF 69 II 162 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_362/2013 du 14 octobre 2013 consid. 4) : l'acte, notifié de façon irrégulière, est simplement annulable dans le délai de plainte de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP. Ce n'est que si l'acte n'est pas du tout parvenu en mains du poursuivi, et que celui-ci n'a pas eu connaissance d'une autre manière de son contenu essentiel, que l'acte irrégulièrement notifié est absolument nul
(ATF 128 III 101 consid. 1b; arrêt du Tribunal fédéral 7B.161/2005 du 31 octobre 2005, consid. 2.1; GEHRI, in KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n. 5 ad art. 64).

Si le commandement de payer notifié par un office incompétent est simplement annulable dans le délai de plainte, les mesures entreprises ultérieurement à un for incompétent doivent, en revanche, être sanctionnées par la nullité absolue des actes accomplis par l'Office (DCSO/314/2018 du 24 mai 2018 consid. 3.1 et les références; ERARD, in CR LP, 2005, n. 23 ad art. 22 LP et la référence citée). En d'autres termes, l'inobservation des règles sur le for est sanctionnée différemment selon l'acte de poursuite en cause. En présence d'actes d'intervention - qui modifient la situation du débiteur -, tels l'avis de saisie ou la commination de faillite, la violation des règles sur le for entraînera leur nullité, constatée d'office en tout temps et indépendamment d'une plainte (DCSO/314/2018 du 24 mai 2018 consid. 3.1).

2.3 En l'espèce, il résulte de la procédure que la plaignante travaille pendant la semaine à Genève, où elle dispose d'un pied-à-terre, mais qu'elle est effectivement domiciliée en Valais depuis plusieurs années, ce que viennent confirmer les attestations signées par F______, laquelle a précisé l'héberger à titre gratuit depuis l'automne 2017. En outre, la plupart des documents (officiels ou privés) concernant la débitrice font état de son domicile à l'avenue 5______ à C______, où elle s'acquitte de ses impôts et où elle réside officiellement depuis l'été 2008. Ces circonstances, objectives et reconnaissables, permettent de retenir que les attaches effectives de la débitrice se centrent principalement sur son lieu de résidence en Valais, ce que ni l'Office ni l'ETAT DU VALAIS ne contestent.

Il s'ensuit que l'Office n'était pas compétent à raison du lieu pour notifier des avis de saisie, respectivement des avis de participation à une saisie, dans le cadre des poursuites nos 1______, 2______, 3______ et 4______. Ces actes d'intervention sont par conséquent frappés de nullité, ce qu'il y a lieu de constater.

L'Office ayant, dans l'intervalle, transmis les réquisitions de continuer les poursuites litigieuses à l'office des poursuites territorialement compétent, la plainte est devenue sans objet pour le surplus.

3.             La procédure est gratuite et il n'y a pas lieu à l'allocation de dépens (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; 61 al. 2 let. a et 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 8 octobre 2018 par A______ dans le cadre des poursuites nos 1______, 2______, 3______ et 4______.

Au fond :

Constate la nullité de l'avis de saisie du 10 août 2018 et de l'avis de saisie de salaire du 13 septembre 2018 dans la poursuite n° 4______ (série n° 7______).

Constate la nullité des avis de saisie du 23 octobre 2018 dans les poursuites nos 1______ et 2______.

Constate la nullité de l'avis de participation à la saisie du 14 septembre 2018 dans la poursuite n° 1______ (série n° 7______).

Constate la nullité de l'avis de participation à la saisie du 4 octobre 2018 dans la poursuite n° 2______ (série n° 7______).

Dit que la plainte est devenue sans objet pour le surplus.

Siégeant :

Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Marilyn NAHMANI et Monsieur Eric DE PREUX, juges assesseurs ; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie RAPP

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF). - Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.