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Décisions | Chambre de surveillance

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C/29758/2018

DAS/54/2022 du 21.02.2022 sur DAS/119/2020 ( PAE ) , REJETE

Recours TF déposé le 30.03.2022, rendu le 05.10.2023, CASSE, 5A_225/2022
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29758/2018-CS DAS/54/2022

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance

DU LUNDI 21 FEVRIER 2022

Recours (C/29758/2018-CS) formé en date du 4 mars 2020 par Madame A______, domiciliée ______ (Genève), comparant par Me Caroline FERRERO MENUT, avocate, en l'Etude de laquelle elle élit domicile.

* * * * *

Décision communiquée par plis recommandés du greffier
du 24 février 2022 à :

- Madame A______
c/o Me Caroline FERRERO MENUT, avocate
Rue François Bellot 2, 1206 Genève.

- Madame B______
c/o Me Cyrielle FRIEDRICH, avocate
Rue de la Fontaine 7, 1204 Genève.

- Madame C______
Monsieur D______

SERVICE DE PROTECTION DES MINEURS
Case postale 75, 1211 Genève 8.

- TRIBUNAL DE PROTECTION DE L'ADULTE
ET DE L'ENFANT
.

 

Cause renvoyée par arrêt du Tribunal fédéral du 16 mars 2021 (5A_755/2020).


EN FAIT

A. Par ordonnance DTAE/7967/2020 du 12 décembre 2019, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (ci-après : le Tribunal de protection) a réservé à B______ un droit aux relations personnelles avec les mineurs E______, née le ______ 2016, F______ et G______, nés le ______ 2017 (ch. 1 du dispositif), dit que les visites s'exerceraient à raison d'une heure à quinzaine, dans un lieu thérapeutique, selon les modalités fixées d'entente entre les parties, les curateurs et le lieu d'accueil des visites (ch. 2), instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles entre B______ et les mineurs et désigné deux intervenants en protection des mineurs aux fonctions de curateurs de ceux-ci (ch. 3 et 4), enjoint A______ à respecter l'exercice du droit de visite instauré, sous la menace de la peine de l'art. 292 du Code pénal (ch. 5), déclaré ladite décision immédiatement exécutoire nonobstant recours (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B. a) Le 4 mars 2020, A______ a interjeté recours contre ladite décision, sollicitant préalablement la restitution de l'effet suspensif, qui lui a été accordée par la Cour le 26 mars 2020. Sur le fond, elle a conclu à l'annulation complète de ladite ordonnance.

Elle soutient en substance que le Tribunal de protection fait une fausse application des règles sur le droit aux relations personnelles de tiers, que l'intérêt des enfants n'a pas été pris en compte correctement, que B______, dont seul l'intérêt a été pris en compte, n'a plus eu de contact avec les mineurs depuis plus de 18 mois, et que les enfants, âgés respectivement de moins de 2 ans et de moins de 1 an à l'époque de la séparation, sont épanouis et ne ressentent pas de manque quelconque vis-à-vis de B______, qu'ils ne connaissent pas.

b) Le 30 mars 2020, le Tribunal de protection a déclaré ne pas souhaiter revoir sa décision.

c) Par mémoire réponse du 29 avril 2020, B______ a conclu au rejet du recours et à la confirmation de l'ordonnance attaquée sous suite de frais et dépens. Elle conteste tout d'abord la recevabilité des nouvelles pièces déposées en annexe au recours. Elle considère en outre que le Tribunal de protection a fait une juste application des dispositions lui permettant d'entretenir avec les enfants des relations personnelles, de telles relations étant par ailleurs dans l'intérêt des mineurs. Elle avait accompagné la recourante dans son projet d'avoir des enfants, qui était un projet commun.

d) Le 15 mai 2020, la recourante a répliqué persistant dans ses conclusions et les motifs à l'appui de celles-ci. B______ a dupliqué le 3 juin 2020, faisant de même.

e) La Cour a entendu les mandataires des parties à son audience du 7 juillet 2020, au vu de l'évolution de la situation. Ceux-ci ont persisté dans leurs conclusions.

La cause a été gardée à juger à l'issue de cette audience.

f) Par décision DAS/119/2020 du 23 juillet 2020, la Cour a déclaré le recours de A______ recevable et annulé l'ordonnance entreprise, avec suite de frais judiciaires.

Il a été considéré, en substance, qu'en octroyant un droit de visite à B______, le Tribunal de protection s'était écarté du seul critère décisif, à savoir le bien de l'enfant. Il avait été uniquement pris en compte l'intérêt de l'adulte à entretenir une relation avec les mineurs. Ainsi, la séparation des parties était survenue en septembre 2018, soit 2 ans auparavant, date à partir de laquelle B______ n'avait plus vu les enfants, alors âgés de 2 ans et demi, respectivement 11 mois. Il était hautement vraisemblable que les enfants ne se souvenaient plus de B______. En outre, le caractère conflictuel de la séparation plaidait encore en défaveur de l'instauration de contacts qui ne pourraient pas se dérouler dans la sérénité voulue. Il n'y avait plus de lien entre B______ et A______, celle-là ayant quitté la Suisse, pays avec lequel elle n'avait pas d'attaches, pour trouver un emploi dans son pays d'origine. Le partenariat enregistré avait été dissous en décembre 2019. Les liens entre la famille de A______ et B______ étaient donc rompus.

g) Par arrêt 5A_755/2020 du 16 mars 2021 rendu sur recours de B______ contre la décision précitée et publié aux ATF 147 III 209, le Tribunal fédéral a annulé cette décision et renvoyé la cause à la Cour pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

A l'appui de son arrêt, le Tribunal fédéral s'est fondé notamment sur l'art. 27 al. 2 LPart et a examiné l'existence de circonstances exceptionnelles et l'intérêt des enfants, soit les deux conditions pertinentes. Il a ainsi retenu que la Cour ne s'était pas prononcée sur l'existence de circonstances exceptionnelles, soit une relation étroite, telle qu'un lien de parenté sociale, liant les enfants à B______. Cette relation était aussi pertinente pour déterminer s'il était dans le bien de l'enfant de la maintenir. Il fallait donc établir les faits relatifs au contexte de la conception des enfants, de leur naissance et de la période durant laquelle B______ avait vécu avec eux. Le fait que les enfants ne se souviennent plus de la prénommée était une "simple hypothèse". A supposer que B______ fût considérée comme le parent d'intention non biologique des enfants, il y aurait lieu de considérer, sauf circonstances très particulières, que le maintien du lien est bénéfique pour eux, la filiation paternelle étant inconnue. Le fait que B______ ait quitté la Suisse était seulement pertinent sous l'angle des modalités de l'instauration du droit de visite. La dissolution du partenariat n'était pas un obstacle au vu de l'art. 27 al. 2 LPart. Il fallait donc retourner la cause à la Cour pour instruction et nouvelle décision.

h) La Cour a recueilli les déterminations des parties à la suite de cet arrêt :

ha) B______ a persisté dans ses conclusions, produit des pièces nouvelles et allégué des faits nouveaux, lesquels seront repris dans la mesure utile ci-après.

Elle a notamment produit des échanges de messages électroniques de 2018.

hb) A______ en a fait de même, sollicitant en outre diverses mesures d'instruction, soit notamment l'audition de plusieurs personnes et une expertise pédopsychiatrique des enfants.

hc) Les parties ont répliqué, respectivement dupliqué, et persisté dans leurs conclusions.

i) Par ordonnance du 14 juin 2021, la Cour a constaté que, pour établir la question de l'intensité des relations affectives entre les enfants et B______, il était nécessaire d'entendre les enfants de manière appropriée sur les souvenirs qu'ils avaient ou pouvaient avoir de la prénommée de manière à apprécier l'intensité des relations créées entre eux et par là-même leur intérêt à les poursuivre ou non. Elle a chargé le Service de protection des mineurs (SPMi), spécialisé en la matière, de procéder à cette audition.

j) Par courrier du 13 octobre 2021, le SPMi a considéré qu'il était peu approprié d'interroger les enfants, notamment au vu de leur jeune âge. Après le départ de B______ du domicile conjugal, elle ne les avait jamais revus. Aucune curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles n'avait été mise en place. Il paraissait dès lors peu opportun que le SPMi entende ces enfants, avec lesquels il n'avait jamais établi de lien. Leurs souvenirs ne remontaient pas à plus de deux ans.

k) Les parties se sont encore prononcées à plusieurs reprises, persistant dans leurs conclusions.

C. Ressortent pour le surplus de la procédure les faits pertinents suivants :

a) A______, née le ______ 1980, originaire de Genève et B______,
née ______ [nom de jeune fille] le ______ 1988, de nationalité britannique, se sont liées par partenariat enregistré le ______ 2015 à I______ (Genève), dissous par jugement du Tribunal de première instance de décembre 2019.

Elles ont conclu, le 21 septembre 2015, une "convention sur les biens et pacte successoral" dans laquelle, en substance, elles renoncent à toutes prétentions mutuelles fondées sur le partenariat enregistré ou à titre successoral. Aucun enfant né ou à naître n'est mentionné dans cette convention.

b) B______ a signé plusieurs formulaires de consentement entre 2015 et 2016 exigés, selon ses propres explications, par la loi espagnole en sa qualité de partenaire pour permettre une procréation médicalement assistée dans ce pays en vue de la grossesse de A______, qui souhaitait avoir des enfants. Elle a aussi participé à certaines consultations et certains entretiens dans ce pays, dont on ignore la teneur, en vue de la grossesse de A______.

B______ et A______ sont essentiellement opposées sur la question de savoir si l'intention d'avoir des enfants était commune : B______ affirme qu'il s'agissait d'un projet commun, alors que A______ le nie.

En date du ______ 2016, A______ a donné naissance à l'enfant E______. ______ [deuxième prénom de B______] est un prénom porté par un membre de la famille proche de B______. A______ a donné naissance, en outre, le ______ 2017, aux enfants F______ et G______, G______ étant aussi un prénom porté par un membre de la famille proche de B______.

B______ était présente lors des accouchements.

c) Seule la filiation maternelle est portée au Registre d'Etat civil, le père étant inconnu.

B______ affirme avoir eu l'intention d'adopter les enfants et s'être toujours comportée comme une mère pour eux, en leur fournissant les soins quotidiens.

d) Les soins aux enfants ont notamment été prodigués depuis leur naissance par une ou plusieurs nourrices employées au domicile de A______. Celle-ci a aussi limité son activité professionnelle et allaité les enfants pendant plusieurs mois.

e) B______ a quitté A______ en septembre 2018. Elle n'a plus revu les enfants depuis cette date. La séparation a donné lieu à plusieurs plaintes pénales réciproques.

Selon le rapport du 7 mai 2019 rendu par le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP), ce service est parvenu à la conclusion qu'un droit de visite devait être établi entre B______ et les trois enfants. A l'appui de sa conclusion, le SEASP a notamment retenu que le projet de famille était un projet commun, compte tenu des démarches effectuées par les deux partenaires en Espagne en vue des grossesses et du partenariat conclu pendant l'une d'elles. B______ avait participé aux accouchements. A______ était la figure parentale prépondérante, mais B______ avait été présente et également investie. Un lien important avait pu se former avec E______, mais il était seulement en formation avec les jumeaux et donc plus fragile. Le lien avait pu s'affaiblir en raison de la séparation. Celle-ci avait d'ailleurs protégé les enfants du conflit conjugal. Le fait de voir B______ pouvait fournir aux enfants un apport relationnel et parental complémentaire, ainsi qu'un regard plus large et positif sur l'histoire de leur conception et de leur origine, étant précisé qu'ils portaient en troisième prénom des prénoms associés à la famille de B______.

Entendue en audience du Tribunal de protection le 12 décembre 2019 sur le discours qu'elle entendait tenir sur l'origine des enfants, A______ a déclaré qu'elle dirait aux enfants que les prénoms liés à la famille de B______ avaient été choisis parce qu'ils lui plaisaient.

f) B______ a quitté la Suisse le 31 décembre 2019 pour rentrer en Angleterre, son pays d'origine, dans lequel elle a retrouvé un emploi. Elle serait toutefois en mesure d'effectuer les trajets de J______ [UK] à Genève pour revoir les enfants. Elle n'a pas d'autre attache avec Genève.

g) Selon un certificat médical établi par le Dr H______, spécialiste en pédiatrie et médecin des enfants, daté du 27 avril 2021, il n'avait pas été constaté de changements de comportement, ni de difficultés particulières des enfants depuis le départ du foyer de B______. Selon ce médecin, "[e]n l'occurrence, la réapparition subite de Mme B______ dans la vie des enfants risque de perturber la stabilité établie dans leurs vies actuellement, d'autant plus que les enfants ne l'avaient pas vue ni eu de contact avec elle depuis bientôt 3 ans. En plus, les jumeaux n'avaient que 11 mois au moment de son départ et de ce fait, ils n'auront pas de souvenir de sa présence dans leur vie".

EN DROIT

1.             1.1 La recevabilité du recours a déjà été admise à l'occasion de la précédente décision.

1.2 La Chambre de surveillance revoit la cause en fait, en droit et en opportunité (art. 450a al. 1 CC).

Elle applique les maximes inquisitoire illimitée et d'office, de sorte que toutes les pièces produites par devant elle, s'agissant d'une cause qui a trait à des enfants, sont recevables.

2.1 L'art. 274a CC dispose que dans des circonstances exceptionnelles, le droit d'entretenir des relations personnelles peut être accordé à des tiers, en particulier à des membres de la parenté, à condition que ce soit dans l'intérêt de l'enfant (al. 1). Les limites du droit aux relations personnelles des père et mère sont applicables par analogie (al. 2). Cette disposition vise notamment le droit que pourraient revendiquer les grands-parents de l'enfant. Le cercle des tiers concernés est cependant plus large et s'étend aussi bien dans la sphère de parenté de l'enfant qu'à l'extérieur de celle-ci. Le beau-parent peut donc se prévaloir de cette disposition pour obtenir le droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant de son conjoint dont il est séparé ou divorcé. De même, comme le prévoit expressément l'art. 27 al. 2 LPart, un ex-partenaire peut se voir accorder un droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant de son ex-partenaire en cas de suspension de la vie commune ou de dissolution du partenariat enregistré, aux conditions prévues par l'art. 274a CC (ATF 147 III 209 consid. 5 et les références citées).

L'octroi d'un droit aux relations personnelles à des tiers suppose tout d'abord l'existence de circonstances exceptionnelles qui doivent être rapportées par ceux qui le revendiquent, ce droit constituant une exception (art. 274a al. 1 CC). La mort d'un parent constitue une circonstance exceptionnelle et justifie un droit de visite de membres de la famille du parent décédé, afin de maintenir les relations entre l'enfant et la parenté du défunt, dont les grands-parents font partie. Parmi les autres exemples cités au titre de circonstances exceptionnelles figurent la relation particulièrement étroite que des tiers ont nouée avec l'enfant, comme ses parents nourriciers, ou le vide à combler durant l'absence prolongée de l'un des parents empêché par la maladie, retenu à l'étranger ou incarcéré. Il en va de même des situations dans lesquelles l'enfant a tissé un lien de parenté dite "sociale" avec d'autres personnes, qui ont assumé des tâches de nature parentale à son égard (ATF 147 III 209 consid. 5.1 et les références citées).

La seconde condition posée par l'art. 274a al. 1 CC est l'intérêt de l'enfant. Seul cet intérêt est déterminant, à l'exclusion de celui de la personne avec laquelle l'enfant peut ou doit entretenir des relations personnelles. Il ne suffit pas que les relations personnelles ne portent pas préjudice à l'enfant; encore faut-il qu'elles servent positivement le bien de celui-ci. Il incombe à l'autorité saisie de la requête d'apprécier le type de relation qui s'est établie entre l'enfant et le requérant, et en particulier si une "relation particulière" s'est instaurée entre eux (ATF 147 III 209 consid. 5.2 et les références citées).

S'agissant du droit d'entretenir des relations personnelles avec l'enfant de son ex-partenaire enregistré, il pourra notamment être accordé lorsque l'enfant a noué une relation intense avec le partenaire de son père ou de sa mère et que le maintien de cette relation est dans son intérêt. Lorsque le requérant n'était pas seulement le concubin ou le partenaire enregistré du parent, mais qu'il endossait aussi le rôle de parent d'intention non biologique de l'enfant ("nicht biologischer Wunschelternteil"; "originärer Elternteil"), autrement dit lorsque l'enfant a été conçu dans le cadre d'un projet parental commun et qu'il a grandi au sein du couple formé par ses deux parents d'intention, le maintien de relations personnelles sera en principe dans l'intérêt de l'enfant. Dans une telle configuration, le tiers représente pour l'enfant une véritable figure parentale d'attachement, de sorte que les autres critères d'appréciation, tels que celui de l'existence de relations conflictuelles entre le parent légal et son ex-partenaire, doivent être relégués au second plan et ne suffisent généralement pas à dénier l'intérêt de l'enfant à poursuivre la relation (ATF 147 III 209 consid. 5.2 et les références citées).

En revanche, la situation sera appréciée avec plus de circonspection lorsque le requérant n'a connu l'enfant qu'après sa naissance, ce qui est souvent le cas s'agissant des beaux-parents (voir de manière générale, s'agissant de la question des conflits entre le parent et le tiers [en l'occurrence les grands-parents], l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_380/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2, qui précise que le maintien de relations personnelles ne sera en principe pas dans l'intérêt de l'enfant en cas de conflit important, puisque les contacts avec le tiers risqueraient de placer l'enfant dans un conflit de loyauté). Dans tous les cas, le maintien d'un lien sera d'autant plus important pour l'enfant que la relation affective avec l'ex-partenaire, ex-conjoint ou ex-concubin de son parent était étroite et que la vie commune a duré longtemps (ATF 147 III 209 consid. 5.2).

L'ATF 147 III 209 précité a donné lieu à plusieurs contributions doctrinales sur le sujet.

Selon l'une d'elles, il appartient au tiers qui se prétend parent d'intention de prouver que des circonstances exceptionnelles sont réunies. Il n'est ainsi pas suffisant de démontrer l'existence d'un ménage commun et du partenariat enregistré lors de la naissance des enfants pour qu'une situation de circonstances exceptionnelles soit retenue. L'ex-partenaire doit alors prouver qu'il représente une "véritable figure parentale d'attachement" pour l'enfant et, pour cela, démontrer son rôle de parent d'intention non biologique. Il lui incombe d'apporter les preuves idoines, soit, par exemple, la preuve qu'il s'est impliqué dans le suivi éducatif, médical, scolaire et social de l'enfant ou de figurer en qualité de personne de référence sur les documents administratifs. S'agissant ensuite du bien de l'enfant, son intérêt à connaître ses origines doit être mis en balance avec le risque de l'exposer à un conflit de loyauté nuisible (Burgat / Saint-Phor, Parent d'intention et droit aux relations personnelles ; analyse de l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_755/2020, Newsletter DroitMatrimonial.ch mai 2021).

Selon une autre analyse, l'accent doit être mis sur la volonté de fonder une famille, qui détermine l'existence d'une parentalité d'intention. Il s'agit ainsi d'une parenté non juridique ayant grandi (gewachsen) en raison d'un lien étroit et d'une relation qui est factuellement celle d'un parent avec son enfant. Le projet parental commun est un projet mené par deux adultes dans l'intention de devenir parents d'un enfant, à savoir sur le plan de la volonté, le plan social et, éventuellement, le plan juridique, par l'adoption, seule possibilité offerte aux couples du même sexe sous le droit actuel, i.e. avant l'entrée en vigueur des dispositions dites du "mariage pour tous" fixée au 1er juillet 2022. Ainsi, il est présumé que les relations avec le parent social sont dans l'intérêt de l'enfant. Cependant, la parentalité sociale suppose une relation qui doit avoir duré pour prendre de l'importance dans la vie de l'enfant. Pourtant, les auteurs soutiennent que s'il n'y a pas suffisamment de temps pour mettre en œuvre le projet avant la séparation, alors il faut se fonder sur ce qui était "planifié". Il ne serait ainsi pas admissible que la mère biologique puisse choisir seule d'écarter le parent social du projet familial (Jungo / Kilde, Bundesgericht, II. zivilrechtliche Abteilung, Urteil 5A_755/2020 vom 16. März 2021 (zur Publikation vorgesehen), A. gegen B., Art. 27 Abs. 2 PartG und Art. 274a ZGB, persönlicher Verkehr für einen nicht biologischen Wunschelternteil nach Auflösung einer eingetragenen Partnerschaft, AJP 2021 p. 1021 et suivantes).

Dans un arrêt récent, rendu sur mesures provisionnelles, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de mettre en œuvre la jurisprudence publiée aux ATF 147 III 209. Dans cette cause, deux femmes vivaient sous le même toit et en concubinage depuis 2013. En 2014, elles avaient décidé de recourir à la procréation médicalement assistée. L'une d'elle avait donné naissance à un garçon le ______ 2015. Elles avaient mis fin à leur relation de couple en décembre 2015, mais continué à vivre sous le même toit. En août 2017, la mère de l'enfant avait écrit dans un article que son enfant avait deux mères et qu'ils formaient une famille comme les autres. A la même époque, l'autre partenaire a demandé à la mère de l'enfant de pouvoir utiliser les mêmes paillettes que le donneur ayant permis la naissance du premier, ce afin de tomber enceinte à son tour. En janvier 2018, elle a demandé à pouvoir adopter l'enfant, ce à quoi la mère a consenti. L'adoption a été prononcée. Le second enfant, une fille, est né le ______ 2018, en présence de la mère du premier enfant. Celle-ci a demandé à adopter le second enfant le 3 septembre 2019, ce à quoi sa mère a consenti. Alors que la procédure d'adoption allait débuter, les relations entre les deux mères se sont dégradées lors de l'été 2020. La mère du second enfant et celui-ci ont quitté le domicile commun. En août 2020, la mère du second enfant a révoqué son consentement à l'adoption. Les autorités de protection des mineurs ont observé que le conflit important entamait les compétences parentales des deux mères, qui se rejetaient la responsabilité du conflit et se dénigraient mutuellement. Malgré cela, entre juillet et août 2020, chacune des mères a permis à l'autre de garder son enfant occasionnellement. Une procédure en fixation de relations personnelles concernant le premier enfant a été entamée en septembre 2020, puis suspendue. La mère du premier enfant a alors demandé un droit de visite sur le second enfant sur mesures provisionnelles, qui lui a été refusé par les autorités judiciaires vaudoises. En première instance, il a été retenu, en résumé, que la naissance du deuxième enfant s'était faite alors que les parties n'étaient plus en couple depuis longtemps, mais vivaient comme une famille, les deux enfants considérant les deux femmes comme leurs mères. Une situation exceptionnelle existait donc au sens de l'art. 274a CC, mais un droit aux relations personnelles devait être refusé, car plusieurs éléments s'y opposaient : le conflit sur le rôle de la mère du premier enfant (celle-ci se décrivant comme la mère du second enfant, ce que lui déniait la mère biologique de celui-ci), le fait que l'on se demandait s'il était dans l'intérêt de l'enfant d'avoir des relations personnelles avec un tiers qui se présentait comme son parent, alors qu'il n'y avait plus vie commune, ni possibilité d'établir un lien de filiation, la courte durée de la vie commune, ainsi que le très jeune âge de l'enfant durant cette période, le fait que l'enfant n'avait pas vu la requérante depuis plus de six mois et qu'elle habitait avec la nouvelle compagne de sa mère qu'elle appelait "maman", ainsi que les rapports conflictuels et le risque d'instrumentalisation de l'enfant. Le statut de demi-frère et demi-sœur des deux enfants, qui disposaient d'un intérêt à se voir, ne changeait rien à ces constats. L'instance de recours a retenu qu'il n'y avait pas de projet parental commun, car, même si la mère du premier enfant était présente lors de la naissance du second et que les deux femmes avaient utilisé le sperme du même donneur, les deux enfants n'avaient pas grandi au sein d'un couple de parents d'intention. La mère du premier enfant n'avait donc pas prouvé qu'elle avait exercé des tâches de nature parentale. Quant à l'intérêt de l'enfant, la Cour cantonale a tenu compte de l'absence de lien intense entre la requérante et l'enfant. L'absence de relations personnelles pendant une longue période et le conflit marqué devaient cependant être relégués au second plan. Saisi d'un recours, le Tribunal fédéral, statuant sous l'angle de l'arbitraire, a considéré que les décisions cantonales n'étaient pas insoutenables et a rejeté le recours (arrêt du Tribunal fédéral 5A_520/2021 du 12 janvier 2022).

2.2 En l'espèce, il s'agit donc d'examiner si des circonstances exceptionnelles au sens 274a CC sont réunies, plus précisément si l'existence d'un projet parental commun ayant mené à la naissance des enfants est démontrée, puis de se déterminer sur la question de savoir s'il est dans l'intérêt des enfants de rétablir des relations personnelles perdues avec l'intimée.

2.2.1 Sur la question de l'existence d'un projet parental commun, l'intimée se fonde essentiellement sur sa présence lors de l'accouchement, les soins prodigués aux enfants durant leurs premières années, ainsi que des échanges de messages électroniques avec la recourante. Elle invoque en outre avoir signé les documents relatifs à la procréation médicalement assistée et avoir conclu le partenariat enregistré avec la recourante durant la première grossesse de celle-ci, en prenant le nom de famille commun aux enfants. Ceux-ci portaient d'ailleurs comme second prénom celui d'un membre de la famille proche de l'intimée.

Quant à la recourante, elle soutient que sa relation de couple avec l'intimée était sans rapport avec son désir d'avoir des enfants. Elle avait pris seule l'initiative d'une procréation médicalement assistée et entrepris les démarches seule, l'intimée n'avait aucun intérêt dans ce projet et elle était même opposée à la seconde grossesse. La présence à l'accouchement n'était pas pertinente. La conclusion du partenariat enregistré avait eu lieu pour des raisons administratives, l'intimée étant de nationalité étrangère et sans emploi à l'époque. L'intimée ne lui avait fourni aucune aide après la naissance et avait quitté la maison à plusieurs reprises pendant plusieurs mois peu après la naissance du premier enfant. Le rapport du SEASP était partial et incomplet. Enfin, la recourante avait entamé, dès janvier 2020, une nouvelle procédure afin de mener à bien une troisième grossesse.

Il résulte de ces points de vues opposés qu'il est très difficile de tenir pour établie l'existence d'un projet parental commun en l'occurrence.

En effet, ainsi que cela ressort de la jurisprudence, la démonstration d'une volonté interne des parties de fonder une famille doit être apportée.

Dans ce cadre, il est constant que de nombreuses configurations peuvent exister dans l'organisation et la planification de la volonté de donner naissance à un enfant au sein d'un couple homosexuel féminin tel qu'en l'espèce : il est ainsi tout à fait envisageable que le désir d'avoir un enfant n'émane que de l'une d'elles, qui conserve alors une liberté propre de mener à bien une grossesse, ou à l'inverse que ce désir soit commun et que le choix du couple se porte sur l'une d'elles pour porter les enfants à naître. La première option ne signifie pas pour autant que les deux personnes ne forment plus un couple, car le simple fait que les parties concluent un partenariat enregistré ne signifie pas nécessairement que le projet parental est commun.

En effet, de lege lata, le partenaire homosexuel n'a de par la loi aucune obligation envers les enfants de son conjoint, sauf à procéder à une adoption, ce qui n'a pas été concrètement envisagé ici à teneur du dossier. Il serait ainsi contraire au droit de retenir que la conclusion du partenariat enregistré signifie une adhésion au projet parental de l'un des conjoints par l'autre. Ici, le fait que les parties aient conclu un pacte, notamment, successoral, alors que la recourante était enceinte, mais sans mentionner le sort des enfants est un indice de l'absence de projet familial lié à la conclusion du partenariat enregistré.

Ainsi, à suivre la jurisprudence, il faut, lorsque l'existence d'un projet parental commun est contesté comme en l'espèce, déterminer, par indices, si une volonté interne et commune des partenaires existait de fonder une famille pour retenir l'existence d'une parentalité sociale du conjoint qui n'a pas de liens biologiques avec les enfants.

Il n'est pas contesté que l'intimée a signé certains documents liés à la procréation médicalement assistée pratiquée par la recourante, mais, ainsi qu'elle l'expose elle-même, ces documents étaient requis en raison du couple qu'elles formaient. Que le projet d'avoir les enfants en commun ait existé ou non, elle aurait donc dû signer les documents idoines pour permettre la grossesse de la recourante, ce qui ne démontre pas une volonté propre d'avoir des enfants. Elle a certes accompagné la recourante à "certaines" consultations médicales en Espagne en vue de la procréation, mais son rôle est contesté et la teneur de ses consultations n'est pas démontrée.

Quant à sa présence lors de l'accouchement et aux choix des prénoms, il est vrai que, dans un couple hétérosexuel, il est courant que le père assiste à l'accouchement et que les prénoms soient choisis en commun, parfois pour renforcer l'appartenance aux deux familles par des références à des membres de celles-ci. Cela étant, il est aussi courant que des tiers, qui ne sont pas parties au projet parental, tels que la grand-mère de l'enfant à naître ou une amie de la mère, participent à l'accouchement, en particulier si le père est absent. Il s'ensuit que la présence à l'accouchement est davantage une forme de soutien, par la personne la plus proche, à la mère en devenir que l'expression d'une volonté de participer au projet parental. En l'occurrence, en tant que partenaire enregistrée et en l'absence de père, l'intimée était la personne la plus proche de la recourante. Elle pouvait donc décider d'assister la recourante, qu'elle participe ou non au projet de fonder une famille. La même conclusion peut être tirée du choix des prénoms, puisqu'il arrive aussi fréquemment qu'un deuxième ou troisième prénom soit donné en l'honneur d'un ami ou d'une amie, qui n'a aucune part dans le projet parental.

Enfin, s'agissant de la relativement brève période durant laquelle l'intimée a eu à s'occuper des enfants, il ne peut être nié qu'elle a participé aux soins et aux activités des enfants, mais l'intensité de cette prise en charge peut difficilement être mesurée. En particulier, la Cour relève que des nounous ont été constamment au service de la recourante, qui elle-même avait pris un relativement long congé maternité, de sorte que cela ne laisse de facto pas une place très importante pour les soins donnés par l'intimée. Celle-ci peine à fournir des éléments concrets démontrant son rôle de mère, puisque le simple fait de se promener avec des enfants ou de participer aux soins de ceux-ci ne distingue pas fondamentalement son rôle de celle d'une nounou ou de tout autre proche qui, comme les grands-parents ou les oncles et tantes, par exemple, participent à l'éducation des enfants, sans pour autant pouvoir prétendre à des droits parentaux envers ceux-ci.

Le dossier est en effet pauvre en documents ou en offres de preuves permettant de retenir un rôle actif de parent de l'intimée et une volonté claire dans le projet d'avoir des enfants. Il ne contient notamment pas de documents administratifs dans lesquels elle aurait été désignée comme référente. Ainsi, le fait que l'intimée compte fonder son rôle dans le projet parental sur des échanges de messages électroniques ou des photographies, lesquels demeurent très difficiles à interpréter hors de leur contexte, en l'absence de tout autre élément concret exprimant sa volonté d'être une mère pour les enfants, est révélateur. Les messages auxquels elle se réfère sont d'ailleurs datés de 2018, soit postérieurement à la naissance des enfants et ne sont guère pertinents pour démontrer une volonté de planifier ces naissances. Les diverses attestations produites, qui se contredisent, n'ont pas non plus de valeur probante.

Le rapport du SEASP, préconisant l'instauration d'un droit de visite, s'est fondé sur les éléments qui viennent d'être discutés pour parvenir à une conclusion contraire, de sorte qu'il ne saurait être suivi.

En résumé, il n'apparaît pas qu'une volonté commune existât de fonder une famille. L'hypothèse la plus probable est, que les parties ont eu chacune une vision différente des rôles à jouer dans l'arrivée des enfants. Cela revient donc à nier que l'existence d'un projet parental commun a été démontrée par l'intimée. En effet, les indices recueillis tendent à démontrer que l'intimée était, par rapport aux enfants, une personne très proche de leur mère, soit sa compagne de vie, mais non qu'elle entendait jouer un rôle de mère, ce dès avant leur naissance.

2.2.2 En tout état, et même à retenir qu'un projet parental commun soit démontré, ce que la Cour ne retient pas, encore faudrait-il que la reprise des relations personnelles, inexistantes depuis plusieurs années, fût dans l'intérêt des enfants.

En effet, si l'intimée a éventuellement pu alors, en raison du temps plus important passé avec l'aînée, établir un rapport plus étroit avec celle-ci, il est plus que douteux qu'un lien d'attachement ait pu exister avec les deux jumeaux qui l'ont à peine connue.

De toute manière, au vu de l'écoulement du temps, il est désormais établi, eu égard au certificat médical produit et à la prise de position du SPMi, qui a considéré inutile de procéder à une audition des enfants, que ceux-ci ne conservent aucun souvenir de l'intimée.

Dès lors que le projet parental, pour peu qu'il eût existé, ne s'est pas concrétisé, la Cour ne discerne pas en quoi il serait bénéfique pour les enfants et dans leur intérêt d'être mis en présence d'une personne qui leur est étrangère, dont ils ne conservent aucun souvenir et avec laquelle ils n'ont aucun lien biologique. Au contraire, mis à part raviver le conflit conjugal, qui certes doit être placé au second plan, et placer les enfants dans une position intenable au vu des discours contradictoires et dénigrants tenus de part et d'autre et du conflit de loyauté inévitable qui se créerait, il n'est pas prévisible que l'instauration d'un droit de visite serve leur bien.

Cette conclusion est appuyée par leur pédiatre.

L'on ne saurait retenir qu'un conflit conjugal émaillé de plaintes pénales et d'actions en protection des droits de la personnalité n'est qu'une "séparation ordinaire" avec les difficultés qui y sont liées.

Par conséquent, même à supposer que l'intimée ait pu être considérée comme le parent social des enfants, ce qui n'est pas le cas, des circonstances exceptionnelles existent qui commandent, pour le bien des enfants, de ne pas instaurer un droit de visite de l'intimée sur eux. Un tel droit, qui ne servirait quoiqu'il en soit que les intérêts de l'intimée, qui ne sont pas définis, serait contraire à ceux, primordiaux, des enfants.

2.3 La décision entreprise sera donc annulée.

3. Les causes en fixation de relations personnelles ne sont pas gratuites (art. 67A et B RTFMC et 77 LaCC). Les frais de la présente procédure de recours seront fixés à 800 fr. et mis à la charge de B______, qui succombe (art. 106 al.1 CPC). Ils seront provisoirement mis à la charge de l'Etat de Genève, vu l'octroi à B______ de l'assistance judiciaire. L'avance de frais versée par la recourante lui sera restituée. Il n'y a pas lieu à dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Statuant sur renvoi du Tribunal fédéral :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 3 mars 2020 par A______ contre l'ordonnance DTAE/7967/2019 rendue le 12 décembre 2019 par le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant dans la cause C/29758/2018.

Au fond :

Annule ladite ordonnance.

Sur les frais :

Fixe les frais de la procédure à 800 fr., les met à la charge de B______ et les laisse provisoirement à la charge de l'Etat de Genève, vu l'assistance judiciaire.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ le montant de 400 fr. versé à titre d'avance de frais.

Dit qu'il n'y a pas lieu à dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Paola CAMPOMAGNANI et Ursula ZEHETBAUER GHAVAMI, juges; Madame Jessica QUINODOZ, greffière.

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral - 1000 Lausanne 14.