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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/5496/2016

CAPH/128/2019 du 30.07.2019 sur JTPH/349/2018 ( OO ) , CONFIRME

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5496/2016-3 CAPH/128/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des prud'hommes

DU 30 juillet 2019

 

Entre

A______ BV, en liquidation, prise en sa succursaleA______ BV, B______ [Pays-Bas], SUCCURSALE DE GENÈVE, sise ______, appelante d'un jugement rendu par
le Tribunal des prud'hommes le 5 novembre 2018 (JTPH/349/2018), comparant par Me Alexander TROLLER, avocat, Lalive SA, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié _____, intimé, comparant par Me Daniel KINZER, avocat, CMS von Erlach Poncet SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5824, 1211 Genève 11, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par jugement JTPH/349/2018 du 5 novembre 2018, reçu le lendemain par les parties, le Tribunal des prud'hommes a déclaré recevable la demande formée le 29 août 2016 par C______ à l'encontre de A______ BV, en liquidation, prise en sa succursale A______ BV, B______, SUCCURSALE DE GENÈVE (ci-après: A______ BV) (chiffre 1 du dispositif), condamné celle-ci à verser à C______ la somme brute de 2'636'411 fr. 05, avec intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2015, à titre de bonus (ch. 2), invité la partie qui en avait la charge à opérer les déductions sociales et légales usuelles (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

Le Tribunal a arrêté les frais judiciaires à 11'420 fr. (ch. 5), en les mettant à charge de A______ BV (ch. 6) et en les compensant partiellement avec l'avance de frais de 10'000 fr. fournie par C______ (ch. 7), condamné en conséquence A______ BV à verser la somme de 1'420 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 8) et à rembourser la somme de 10'000 fr. à C______ (ch. 9), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 10) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 11).

B.            a. Par acte expédié le 6 décembre 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ BV appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation. Cela fait, elle conclut, principalement, au déboutement de C______ de toutes ses conclusions et, subsidiairement, à sa propre condamnation à payer à ce dernier la somme brute de 2'636'411 fr. 05, par un versement en mains de D______ LTD, afin de rembourser le prêt hypothécaire qu'elle a octroyé à C______, le solde devant ensuite être versé à ce dernier, sous suite de frais et dépens de première instance et d'appel.

b. Dans sa réponse, déclarée recevable par arrêt CAPH/52/2019 du 7 mars 2019, C______ conclut au rejet de cet appel et au déboutement de A______ BV de toutes ses conclusions.

c. Dans leurs réplique et duplique, datées respectivement des 28 mars et 6 mai 2019, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Par avis du greffe du 8 mai 2019, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

e. Dans sa détermination spontanée du 10 mai 2019, A______ BV a persisté dans ses conclusions.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______ BV, B______, SUCCURSALE DE GENEVE, est une succursale de la société A______ BV, dont le siège est situé à B______ (Pays-Bas), qui a pour but la commercialisation de produits ______, ainsi que la fourniture de services financiers et administratifs en relation avec cette commercialisation.

E______ est actuellement un des directeurs de la succursale genevoise de A______ BV, avec signature individuelle.

b. A______ BV fait partie d'un groupe de sociétés (ci-après: groupe A______), incluant notamment la société finlandaise A______ OY, qui détenait majoritairement F______ OY, sise en Finlande, jusqu'en 2014.

La société G______ OY était actionnaire minoritaire de F______ OY.

c. Par contrat du 1er juin 2008, C______ a été engagé en qualité de directeur de la succursale genevoise de A______ BV, pour un salaire mensuel de 38'000 fr. bruts, payable treize fois l'an.

Ce contrat prévoyait notamment un préavis de résiliation de trois mois pour C______ et de douze mois pour A______ BV.

d. A______ LTD, devenue D______ LTD, a accordé un prêt de 2'000'000 fr., avec intérêts à 1% l'an, à C______ pour l'acquisition d'un bien immobilier sis à H______ (GE).

En juin 2014, D______ LTD a cédé cette créance, ainsi que les droits y afférents, à I______ LTD. Le solde du prêt et les intérêts courus s'élevaient à 1'877'567 fr.

En août 2016, ladite créance a été rétrocédée à D______ LTD. Celle-ci se montait à 1'388'288 fr. 90, ce que C______ a contesté.

e. Par courrier du 18 novembre 2014, A______ BV, par le biais de sa succursale genevoise, a résilié le contrat de travail de C______ pour le 1er décembre 2015, au motif d'une restructuration. Ce dernier a été immédiatement libéré de son obligation de travailler.

f. Les parties ont négocié les termes et les conditions du départ de C______.

Le 11 mars 2015, elles ont conclu un accord de résiliation des relations
de travail, prévoyant notamment le versement, en plus de son salaire, d'un bonus de 2'636'411 fr. 05 fr. Celui-ci devait être versé si C______ restait fidèle à A______ BV durant son préavis, soit jusqu'au 30 novembre 2015 (art. 3.1: "The Bonus will be paid subject to the Employee remaining loyal throughout the notice period, so up until 30 November 2015"). Les charges sociales devaient être déduites de ce bonus, puis celui-ci devait être versé au créancier de l'emprunt hypothécaire octroyé à C______ (art. 3.1: "The Bonus will be paid to the Lender rather than to the Employee's bank account directly").

Les parties ont convenu que A______ BV verserait le bonus précité, en échange de quoi, C______ s'engageait à respecter les termes de l'accord (art. 3.3: "The Company and the Employee have agreed that the Company shall make the payment of the Bonus set out in Clause 3.1 hereto, in exchange for which the Employee agrees to comply with the terms set out in this Agreement").

C______ était tenu aux obligations de confidentialité, conformément à l'art. 321a CO, et de coopération; le paiement du bonus était soumis à cette condition
(art. 3.9: "The Employee to maintain complete secrecy/confidentiality regarding all aspects of the company pursuant to Article 321(a) of the Swiss Code des Obligations as well as provide full cooperation to the company; payment of the Bonus is subject to that condition").

C______ s'engageait également à ne pas faire, publier ou communiquer des déclarations désobligeantes ou diffamatoires à l'encontre de A______ BV, du groupe A______ ou de ses représentants et employés (art. 5.1: "In consideration of the mutal undertakings which are recited in this Clause 6 the Employee undertakes not to, whether directly or indirectly, make, publish or otherwise communicate any disparaging or derogatory statments, whether in writing or otherwise, concerning the Company or the Group or any of its officers or employees").

Les circonstances de cet accord de résiliation et les conditions de celui-ci devaient restées confidentielles, sauf si elles étaient requises par la loi notamment [art. 5.2: "The Employee and the Company agree to keep the circumstances leading up to and the terms on wich the Employee's employement is terminated stricly confidential and agree not to disclose, communicate or otherwise make public the same anyone (save to professional advisers and the relevant tax authorities and otherwise as may be required to be disclosed by law)"].

C______ s'engageait à continuer à respecter son obligation de confidentialité à l'égard de A______ BV (art. 5.3: "The Employee agrees to continue to respect his existing obligations to the Company with regard to confidential information belonging to the Company and to maintain strictly confidential any and all infomration and documents that the Employee may have beccome aware of in the course of his employement for the Company").

Enfin, C______ devait rendre à A______ BV tous les biens appartenant à cette dernière (art. 6.2: "The Employee shall return to the Company forthwith any belongings given by the Company to the Employee in order for him to perform his duties, such as _____ [portable], computer, fax etc...").

g. Le 3 septembre 2015, C______ a été entendu en qualité de témoin par la J______ District Court en Finlande, dans le cadre d'un litige opposant
G______ OY à F______ OY, à la suite de la vente des actions de celle-ci à la société K______ OY. G______ OY estimait notamment avoir été lésée par cette vente, en raison du faible prix fixé pour celle-ci.

C______ a été questionné sur cette vente, les raisons et les conséquences de celle-ci, sur le choix de l'acheteur, sur le prix de vente des actions, sur les conseils financiers reçus par F______ OY, ainsi que sur le prêt accordé par A______ OY à K______ OY. Son opinion sur ces sujets a été sollicité.

Il a, en particulier, déclaré que L______, président du conseil d'administration de F______ OY, n'avait aucune expérience, ni expertise, dans le domaine de l'aviation, de sorte que celle-ci avait commencé à faire des pertes ("L______ [...] did not have the experience, management expertise, expertise that you need in aviation. Then we unfortunately saw the outcome that, F______ OY started making losses and things did not progress after all").

A la question de savoir s'il y avait un lien entre les pertes de F______ OY et L______, C______ a déclaré que, selon lui, ce dernier avait mal géré ladite société ("In my opinion the company has been poorly managed after L______ became chairman of the board. Business was no longer conducted in the old way or in the right way and that things were kept secret, and done poorly, bunglingly").

Le juge du J______ District Court a ordonné, à tout le moins une fois, que C______ soit entendu à huis-clos sur des éléments confidentiels.

h. Le 3 septembre 2015, C______ s'est également entretenu dans le couloir du J______ District Court avec M______, président du conseil d'administration de G______ OY. La journaliste N______ était également présente.

i. N______ a publié un article sur le litige opposant F______ OY et G______ OY, citant notamment les témoignages de C______, L______ et O______, conseiller financier de F______ OY.

j. Par courrier recommandé du 30 novembre 2015, A______ BV a indiqué à C______ qu'elle ne s'acquitterait pas du bonus prévu par l'accord de résiliation du 11 mars 2015, dès lors qu'il avait violé les clauses 5.1 et 5.3 de celui-ci. Elle lui reprochait d'avoir offert de fournir à la presse des preuves accablantes à l'encontre de certains membres du groupe A______, lorsqu'il se trouvait en dehors de la salle d'audience du J______ District Court. Elle lui reprochait aussi d'avoir émis des commentaires négatifs à l'encontre de ces derniers.

k. Par courriel du 23 février 2016, A______ BV a adressé à C______ un nouveau projet d'accord de résiliation remplaçant celui du 11 mars 2015.

Ce projet devait être conclu entre A______ BV, F______ OY et A______ OY, d'une part, et C______, d'autre part. Il prévoyait le paiement de la somme de 2'636'411 fr. 05. La clause 5.1 était toutefois modifiée en ce sens que, C______ s'engageait à ne pas faire, publier, ou communiquer, directement ou indirecte-ment, de quelque façon que ce soit toutes déclarations portant sur le groupe A______ et ses représentants ou employés. Cet engagement ne s'appliquait pas à l'égard de son conseil, des autorités devant lesquelles il comparaitrait avec une obligation de témoigner et des autorités fiscales. La transmission d'informations négatives ou trompeuses aux autorités fiscales, ou à toute autre juridiction compétente, constituait une violation de cette clause. Dans l'hypothèse où de telles déclarations avaient déjà été faites, C______ s'engageait à se rétracter et à adresser copie de cette rétractation au conseil de A______ BV. Toute violation de l'accord par C______ donnait lieu au versement de la somme de 300'000 fr. à la société du groupe A______ concernée.

C______ n'a pas accepté ce nouvel accord.

l. En février 2016, C______ a envoyé plusieurs courriels à de membres de A______ BV, par lesquels il menaçait d'introduire une poursuite judiciaire et de dénoncer l'affaire à un journal finlandais. Il a également fait allusion à des agissements répréhensibles commis par des membres de A______ BV.

m. En février 2016, C______ a initié une procédure judiciaire par-devant le Tribunal de P______ [Finlande] à l'encontre de A______ OY, concernant sa rémunération au conseil d'administration de celle-ci.

Le Tribunal de P______ s'est déclaré incompétent.

n. Le 19 juillet 2016, C______ a requis auprès de l'Office des poursuites de Genève la poursuite de A______ BV pour un montant de 2'656'411 fr. 05, avec intérêts à 5% dès le 30 novembre 2015, à titre de bonus selon l'accord du 11 mars 2015 et d'indemnités pour tort moral.

D.           a. Par acte adressé le 29 août 2016 au Tribunal, après l'échec de
conciliation, C______ a assigné A______ BV en paiement de la somme totale de 2'656'411 fr. 05, plus intérêts à 5% l'an dès le 30 novembre 2015, à titre de bonus (2'636'411 fr. 05) et d'indemnités pour tort moral (20'000 fr.). Il a requis la délivrance d'un certificat de travail, ainsi que le prononcé de la mainlevée définitive de l'opposition au commandement de payer, une fois que celui-ci aurait été notifié à A______ BV. Subsidiairement, il a assigné A______ BV en paiement de la somme de 1'367'505 fr. 09, avec intérêt à 5% l'an dès le 30 novembre 2015, en mains de I______ LTD, le solde de la somme de 2'636'411 fr. 05 devant lui être versé.

En substance, il a allégué ne jamais avoir tenu de propos désobligeants ou dénigrants à l'encontre de A______ BV, F______ OY ou de leurs dirigeants, que ce soit dans le cadre de son activité professionnelle ou lors de procédures judiciaires. Il n'avait accordé aucune interview à la presse, ni transmis de documents confidentiels à un tiers. Il n'avait pas de raison de nuire à la réputation de A______ BV, dès lors qu'il avait récemment acquis, au travers de sa propre société Q______ OY, des produits ______ de A______ OY. Selon l'art. 3.1 de l'accord de résiliation du 11 mars 2015, le paiement du bonus de 2'636'411 fr. 05 était uniquement conditionné au respect de son obligation de fidélité et ce, jusqu'au 30 novembre 2015, et non au respect de ses obligations de confidentialité et de non-dénigrement prévues aux articles 5.1 et 5.3 de l'accord. En tous les cas, il n'avait violé aucune obligation découlant de celui-ci.

A______ BV avait nui à sa réputation professionnelle en diffusant de fausses rumeurs sur son compte et en le dénigrant. Elle avait ainsi violé la clause 5.1 de l'accord de résiliation, ainsi que l'art. 328 CO. Il avait subi une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, le monde des traders actifs dans le [domaine du] ______ étant basé sur la réputation.

b. Dans sa réponse, A______ BV a, principalement, conclu au déboutement de C______ de toutes ses conclusions et, subsidiairement, à sa propre condamnation à payer la somme de 2'636'411 fr. 05, au nom de C______, à D______ LTD à titre de remboursement du prêt hypothécaire octroyé à C______, le solde devant être versé à ce dernier.

En substance, elle a allégué que le paiement du bonus litigieux était conditionné au respect par C______ de ses obligations de loyauté (art. 3.1 de l'accord du
11 mars 2015), de collaboration (art. 3.9), de confidentialité (art. 5.3) et de non-dénigrement (5.1). Ce dernier avait violé ses obligations de loyauté, de confidentialité et de non-dénigrement, lors de son audition par-devant la J______ District Court, lors de sa conversation avec M______ et N______ dans le couloir de cette instance, ainsi qu'après la fin des rapports de travail, soit en février 2016, par l'envoi de courriels et par des allégations dénigrantes tenues dans le cadre d'une procédure initiée par-devant le Tribunal de P______ [Finlande].

Dans le cadre du litige opposant F______ OY à G______ OY, C______ avait dénigré A______ BV, F______ OY et L______. Il avait également pris la défense de G______ OY et était prêt à soutenir M______ en lui fournissant des documents confidentiels. Lors de sa discussion avec ce dernier, C______ s'était demandé pourquoi R______, ancien directeur de F______ OY, n'avait pas été licencié plus tôt, il avait affirmé que L______ avait annulé des licenciements de pilotes, congédiés pour ivresse au travail, et avait tenté de faire payer ses vols privés en avion à des tiers. L'article de la journaliste couvrant le procès, qui citait à plusieurs reprises C______, avait été particulièrement nuisible à la réputation de A______ BV. Après le 30 novembre 2015, C______ avait également fait pression pour obtenir son bonus, menaçant de dévoiler à la presse des informations confidentielles du groupe A______.

c. Lors de l'audience de débats d'instruction du 15 janvier 2018, C______ a retiré sa conclusion tendant à l'établissement d'un certificat de travail.

d. Lors des audiences de débats principaux des 22 mars, 11 avril et 23 mai 2018, le Tribunal a entendu des témoins.

S______, ancien administrateur externe et indépendant de A______ BV et avocat-conseil de celle-ci, a déclaré que la décision de licencier C______ avait été prise par l'unique actionnaire de A______ BV, mais qu'il n'en connaissait pas les raisons. Il avait lui-même signé l'accord de résiliation du 11 mars 2015, rédigé par T______, avocate, après négociations entre lui et C______. Ce dernier n'était pas assisté d'un conseil. Ils étaient d'accord d'insérer une clause de confidentialité dans cet accord, afin de garantir une pleine loyauté de C______. Il n'avait pas d'avis sur les clauses 5.1 et 5.2 de l'accord, ni sur le fait que C______ avait ou non respecté celles-ci. L'objectif du bonus prévu dans cet accord était de rembourser le solde du prêt consenti à C______ pour l'acquisition d'un bien immobilier. Le bonus devait être payé au prêteur et à l'administration fiscale. Lui-même avait été entendu dans la procédure opposant F______ OY à G______ OY, mais il n'était pas présent lors de l'audition de C______. Un arrangement avait finalement été trouvé dans le cadre de ce litige.

O______, banquier d'affaires et président du conseil d'administration de A______ OY, a déclaré que son activité actuelle consistait à liquider celle-ci. Il avait conseillé A______ BV et K______ OY, lors de la vente des actions de F______ OY à cette dernière. Il avait eu une conversation téléphonique avec N______ en septembre 2015; elle essayait d'obtenir des informations sur le litige opposant F______ OY à G______ OY. Elle assistait tous les jours au procès et avait donc accès à toutes les informations. Il avait témoigné dans le cadre de ce litige, mais n'était pas présent lors de l'audition de C______. Il était probable que certaines parties de celle-ci aient été tenues à huis clos. Lui-même avait demandé à bénéficier du huis clos pendant son audience. Il avait écouté les enregistrements du témoignage de C______ et certains passages l'avaient étonné, notamment ceux concernant le prix de vente, les amortissements et d'autres éléments financiers. Ce dernier se prétendait expert, alors que, selon lui, ce n'était pas le cas.

U______, fille de O______, a déclaré travailler dans la même société de conseils financiers que son père. Elle avait assisté, un jour, au procès opposant F______ OY à G______ OY, mais elle n'avait pas entendu le témoignage de C______. Elle l'avait vu discuter dans le couloir avec M______ et ils avaient été rejoints par la journaliste N______. M______ et C______ parlaient de F______ OY, puis de L______. C______ expliquait que le directeur de F______ OY avait licencié des pilotes, en raison de leur comportement, et que L______ était passé outre les instructions en engageant à nouveau ceux-ci. Ils avaient continué à parler de ce qu'il se passait à F______ OY en présence de la journaliste. M______ a expliqué vouloir revenir à la situation qui prévalait avant la vente de ladite société, mandater des auditeurs pour examiner les comptes de celle-ci et demander des comptes aux dirigeants concernés. Elle avait eu l'impression que C______ pouvait aider M______, sans pour autant que cela soit dit. C______ n'avait fourni aucune information à la journaliste, qui avait indiqué ne pas écrire ce qu'elle venait d'entendre. Elle-même avait été choquées par les propos de M______, mais pas par ceux de C______.

R______, ancien directeur de F______ OY, a déclaré que L______ avait une expérience très limitée dans le domaine de l'aviation; il était actif dans F______ OY, ce qui créait des situations confuses avec la direction opérationnelle. Ils avaient eu des périodes difficiles et avaient discuté de la meilleure manière de diriger F______ OY. Il était exact que L______ avait réengagé des pilotes licenciés pour état d'ivresse. Avant la vente de F______ OY, ses résultats étaient positifs, mais après celle-ci avait rapidement connu des pertes considérables. O______ était impliqué dans la gestion de celle-ci de manière non officielle. Il avait entendu des rumeurs, selon lesquelles C______ aurait dit que lui-même aurait dû être licencié plus tôt. Il n'avait pas prêté attention à ses rumeurs illogiques. Il en avait parlé avec C______ et ils avaient ri ensemble de la situation, celle-ci étant absurde.

e. Lors des audiences de débats principaux des 2 et 23 mai et 14 juin 2018, le Tribunal a entendu les parties.

C______ a confirmé avoir eu une conversation avec M______ dans le couloir du J______ District Court. Il avait également eu une brève conversation avec une journaliste. Il lui avait immédiatement dit qu'il n'accordait pas d'interview. Il ne lui avait pas parler du litige F______ OY et ne lui avait pas remis de document. La journaliste avait peut-être entendu sa discussion avec M______. Son article de presse ne contenait aucun élément de ladite discussion. En cours de celle-ci, ils avaient parlé du développement financier de F______ OY et du fait que le litige aurait dû se régler à l'amiable. Le prêt hypothécaire octroyé par A______ BV avait été remboursé, mais il ne savait pas par qui. Il avait requis de I______ LTD un extrait de son compte, mais il n'avait rien reçu. Il considérait ne plus rien devoir à celle-ci.

A______ BV, soit pour elle E______, a déclaré ne pas avoir d'informations suffisantes concernant le comportement de C______ pour avoir une opinion sur le refus de lui verser son bonus. La décision de licencier ce dernier avait été prise par l'actionnaire de A______ BV. A sa connaissance le prêt hypothécaire accordé à C______ était toujours ouvert, pour un montant de 1'414'882 fr. au 30 juin 2018, comprenant les intérêts. La créancière de ce prêt était D______ LTD, qui appartenait au groupe A______. Dans le cadre de la liquidation de A______ BV, une provision en vue de l'éventuel paiement en mains de C______ avait été comptabilisée.

f. Lors de l'audience de plaidoiries finales du 29 août 2018, les parties ont persisté dans leurs conclusions et le Tribunal a gardé la cause à juger.

E.            Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu sa compétence à raison du lieu et de la matière. Il a considéré que le versement du bonus litigieux était uniquement conditionné au respect par C______ de son obligation de fidélité envers A______ BV et ce, jusqu'au 30 novembre 2015, conformément à l'art. 3.1 de l'accord de résiliation du 11 mars 2015. En revanche, C______ demeurait lié, sans limitation de temps, par ses obligations de confidentialité et de non dénigrement, notamment en s'abstenant de toutes déclarations désobligeantes ou diffamatoires envers A______ BV, le groupe A______, ou l'un de ses dirigeants ou employés.

Il ne résultait pas des pièces du dossier, ni des enquêtes, que C______ aurait failli à son obligation de fidélité envers A______ BV, ni même à celle de confidentialité, lors de son témoignage par-devant la J______ District Court ou lors de sa discussion avec M______ dans le couloir de cette instance. En raison de la tension entre les parties, dès que A______ BV avait refusé de verser le bonus litigieux, le comportement de C______ ne pouvait pas constituer une quelconque violation des obligations prévues dans l'accord de résiliation du 11 mars 2015. C______ avait donc droit au versement du bonus de 2'636'411 fr. 05 bruts.

C______ n'avait pas apporté la preuve d'une atteinte à sa personnalité commise par A______ BV, en particulier à sa réputation professionnelle.

EN DROIT

1.             1.1 L'appel est dirigé contre une décision finale de première instance rendue dans le cadre d'un litige portant sur une valeur litigieuse de plus de 10'000 fr. au dernier état des conclusions de première instance (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Il a été déposé dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la décision et respecte, au surplus, la forme prescrite (art. 130, 131 et 311 CPC).

L'appel est ainsi recevable.

1.2 La réponse de l'intimé est également recevable, conformément à l'arrêt CAPH/52/2019 du 7 mars 2019. Il en va de même de la détermination spontanée de l'appelante du 10 mai 2019, cette dernière ayant transmis celle-ci dans un délai raisonnable, soit trois jours après réception de la duplique de l'intimé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_777/2011 du 7 février 2012 consid. 2.2 et les références citées).

1.3 La valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr., la procédure ordinaire est applicable (art. 219 et 243 CPC) et celle-ci est soumise aux maximes des débats et de disposition (art. 55 CPC cum art. 247 al. 2 let. b ch. 2 CPC et art. 58 CPC).

1.4 La compétence des juridictions prud'homales genevoises n'est, à juste titre, pas remise en cause par les parties, l'intimé ayant accompli son travail pour l'appelante à Genève et les prétentions litigieuses étant liées aux rapports de travail entre les parties.

2.             La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen
(art. 310 CPC). En particulier, elle contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par les juges de première instance et vérifie si ceux-ci pouvaient admettre les faits qu'ils ont retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_153/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2.3).

3.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendue en ne rendant pas une décision suffisamment motivée.

3.1 Le droit d'être entendu consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment l'obligation pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle.

Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 138 IV 81 consid. 2.2). Il n'a toutefois pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 137 II 266 consid. 3.2; 136 I 229 consid. 5.2). Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_879/2015 du 29 février 2016 consid. 4.1).

3.2 En l'espèce, ce grief de défaut de motivation de la décision attaquée peut d'emblée être rejeté.

En effet, les premiers juges ont exposé, bien que succinctement, les motifs sur lesquels ils ont fondé leur décision. Le jugement attaqué expose que les éléments du dossier, à savoir les pièces et les enquêtes, ne permettent pas de retenir que l'intimé a violé ses obligations découlant de l'accord de résiliation du 11 mars 2015. Les premiers juges se sont, en particulier, appuyés sur le texte même de cet accord, sur les déclarations de l'intimé par-devant la J______ District Court et sur le témoignage de U______, pour retenir que l'intimé n'a pas violé ses devoirs de fidélité, de confidentialité et de non-dénigrement à l'égard de l'appelante. Cette dernière ne reproche d'ailleurs pas aux premiers juge de ne pas avoir pris en compte un moyen de preuve du dossier.

En outre, l'appelante, dans son appel, réaffirme sa propre thèse, soit que l'intimé n'a pas droit au versement du bonus litigieux, en raison de la violation de ses obligations découlant de l'accord de résiliation du 11 mars 2015. Elle a ainsi pu attaquer, en toute connaissance de cause, la portée du jugement entrepris, qui n'a pas échappé à sa compréhension.

Partant, le jugement entrepris est dûment motivé et ne viole pas le droit d'être entendue de l'appelante.

4.             L'appelante fait grief à l'autorité précédente d'avoir octroyé le bonus de 2'636'411 fr. 05, convenu par accord du 11 mars 2015, alors que l'intimé n'a pas respecté ses obligations découlant de celui-ci. Les premiers juges ont, selon elle, mal apprécié cet accord, en omettant des obligations à charge de l'intimé, qui conditionnent le versement du bonus. Elle soutient, en particulier, que l'intimé a violé ses devoirs de fidélité, de confidentialité et de non dénigrement, lors de son témoignage par-devant la J______ District Court et de sa discussion dans le couloir de celle-ci, ainsi que par son comportement, en 2016, après qu'elle ait refusé sa prétention.

L'intimé, quant à lui, conteste avoir violé une obligation lui incombant en vertu de l'accord du 11 mars 2015. Il soutient que seul son devoir de fidélité à l'égard de l'appelante conditionne l'octroi du bonus litigieux, ce qu'il a respecté.

4.1.1 Selon l'art. 322d al. 1 CO, si l'employeur accorde en sus du salaire une rétribution spéciale à certaines occasions, telles que Noël ou la fin de l'exercice annuel, le travailleur y a droit lorsqu'il en a été convenu ainsi.

L'employeur peut subordonner l'octroi d'une indemnité de départ, comme d'ailleurs toute gratification au sens de l'article précité, à des conditions précises (arrêt du Tribunal fédéral 4A_219/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3.1 et les références citées).

Si l'employeur promet au travailleur une gratification d'un montant déterminé,
il est lié par cet engagement, aussi longtemps que le travailleur ne viole
pas grossièrement ses devoirs contractuels (ATF 136 III 313 consid. 2, in
JdT 2012 II p. 414).

4.1.2 En cas de litige sur l'interprétation d'un accord de volontés, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO).

Le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 118 II 365 consid. 1; 112 II 337 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 6.2.1).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties - parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes - ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat - ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves -, il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre (application du principe de la confiance). Ce principe permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté. Cette interprétation objective s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également au vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 135 III 295 consid. 5.2; 132 III 268 consid. 2.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_508/2016 précité consid. 6.2.2 et les références citées).

Lorsque la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres conditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de cette clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les intéressés lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne correspond pas à leur volonté (ATF 130 III 417 consid. 3.2; 129 III 118 consid. 2.5).

Enfin, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

4.1.3 Aux termes de l'art. 321a al. 1 CO, le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié et sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur et, par conséquent, doit s'abstenir de tout ce qui peut lui nuire (ATF 117 II 74
consid. 4a; arrêt du Tribunal fédéral 4C_400/2004 du 14 février 2005 consid. 2.1). Il s'agit de l'obligation de fidélité du travailleur, qui trouve ses limites dans le droit de ce dernier au libre épanouissement de sa personnalité. En cas de violation de l'obligation de fidélité, une balance des intérêts doit être effectuée (Wyler/
Heinzer, Droit du travail, 2014, p. 76).

Le comportement des cadres doit être apprécié avec une rigueur accrue en raison du crédit particulier et de la responsabilité que leur confère leur fonction dans l'entreprise (ATF 130 III 28 consid. 4.1; Wyler/Heinzer, op. cit., p. 76).

Le cadre qui fait état de dissensions avec la direction auprès de ses subordonnées ou après de clients ou de relations d'affaires, alors que, de par sa fonction, il est chargé de représenter son employeur vis-à-vis de ceux-ci, viole son devoir de fidélité. De même le Tribunal fédéral a jugé que viole gravement son devoir de fidélité, au point de justifier un licenciement immédiat, le cadre licencié qui, durant le délai de résiliation, dénigre son employeur auprès de clients et nuit ainsi à la réputation de ce dernier (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 89)

En outre, pendant la durée du contrat, le travailleur ne doit pas utiliser ni révéler des faits destinés à rester confidentiels, tels que les secrets de fabrication et d'affaires dont il a pris connaissance au service de l'employeur; il est tenu de garder le secret même après la fin du contrat en tant que l'exige la sauvegarde des intérêts légitimes de l'employeur (art. 321a al. 4). Cette obligation perdure après la fin des rapports de travail (Aubert, Commentaire romand CO I, 2012, n° 7 ad
art. 321a CO). Pour être qualifiés de secrets d'affaires ou de fabrication, les connaissances acquises par le travailleur doivent toucher à de questions techniques, organisationnelles ou financières, qui sont spécifiques et que l'employeur veut garder secrètes; il ne peut s'agir de connaissances qui peuvent être acquises dans toutes les entreprises de la même branche (ATF 138 III 67 consid. 2.3.2 et les références citées).

4.2.1 En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que l'accord de résiliation du 11 mars 2015 est valide. Elles avaient ainsi une volonté commune de mettre un terme à leurs rapports de travail.

En revanche, elles divergent sur les conditions subordonnant l'octroi du bonus prévu par cet accord. L'appelante considère que celui-ci était conditionné, en particulier, au respect par l'intimé de ses obligations de loyauté (art. 3.1), de confidentialité (art. 5.3) et de non-dénigrement (art. 5.1). Ce dernier, quant à lui, soutient que seul le respect de son obligation de loyauté, durant son délai de congé, conditionnait le versement du bonus litigieux. Une commune et réelle intention des parties ne ressort donc pas de leurs déclarations et aucune pièce du dossier ne permet d'établir celle-ci.

Il s'agit d'appliquer la théorie de la confiance pour déterminer le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune des parties pouvait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, étant relevé que l'accord de résiliation a été rédigé par un conseil de l'appelante, alors que l'intimé n'était pas assisté d'un conseil.

A teneur de la clause 3.1 de l'accord concerné, dont le libellé ne présente
aucune ambiguïté, les parties ont subordonné le paiement du bonus litigieux au respect par l'intimé de son obligation de fidélité à l'égard de l'appelante, uniquement, durant son délai de congé, soit jusqu'au 30 novembre 2015. L'art. 3.9 de cet accord précise, expressément, que le paiement du bonus est également conditionné au respect par l'intimé de ses obligations de confidentialité, conformément à l'art. 321a CO, et de coopération envers l'appelante.

En revanche, la clause 5.1 de l'accord, soit l'obligation pour l'intimé de ne pas dénigrer l'appelante, le groupe A______, ainsi que ses dirigeants et employés, et ce, sans limitation de temps, ne mentionne pas que le respect de cette obligation conditionnerait l'octroi du bonus litigieux. Celle-ci se réfère uniquement à l'art. 6 de l'accord, soit aux obligations de l'intimé de rendre à l'appelante tous les biens lui appartenant. De même, la clause 5.3 ne se réfère aucunement à l'octroi du bonus litigieux.

En outre, les parties n'ont pas prévu l'éventuel remboursement du bonus, ni même les conditions de celui-ci. Cela renforce l'idée qu'elles n'ont pas souhaité subordonner le respect des obligations non limitée dans le temps, notamment celles des art. 5.1 et 5.3, au versement du bonus. Toute autre interprétation reviendrait à ne jamais verser le bonus, en raison de ses obligations de l'intimé.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le libellé de la clause 3.3 de l'accord ne suffit pas à considérer que l'intimé devait respecter toutes les clauses de celui-ci pour obtenir le paiement litigieux. En effet, il ne peut pas être raisonnablement retenu que les parties avaient la volonté de soumettre ce paiement, notamment, au respect par l'intimé de son obligation de rendre les biens appartenant à l'appelante, tels que son téléphone ou encore son ordinateur (clause 6.2), ce que cette dernière n'allègue d'ailleurs pas.

Ainsi, selon le texte de l'accord de résiliation, l'intimé pouvait, de bonne foi, comprendre que le versement du bonus était uniquement conditionné au respect de son obligation de fidélité envers l'appelante jusqu'au 30 novembre 2015.

4.2.2 Aucun élément ne permet de retenir que l'intimé a violé cette obligation de fidélité envers l'appelante, mentionnée à l'art. 3.1 de l'accord de résiliation du 11 mars 2015.

En effet, les déclarations de l'intimé par-devant la J______ District Court, ainsi que sa discussion dans le couloir de ce Tribunal avec M______ et une journaliste, en date du 3 septembre 2015, ne concernait pas l'appelante.

Comme retenu par l'autorité précédente, le comportement de l'intimé en 2016, suite au refus de l'appelante de verser le bonus litigieux, est postérieur à sa période de congé, de sorte qu'il ne peut pas constituer une violation de son obligation de fidélité entrainant la perte de son droit au bonus. De plus, l'appelante ne peut pas, de bonne foi, se prévaloir du comportement de l'intimé, alors qu'elle lui avait déjà refusé le paiement du bonus, en raison d'autres prétendues violations. En outre, l'appelante n'établit pas que l'intimé aurait rendu public les circonstances de leur litige. Elle n'allègue également pas, de manière précise, les accusations portées à son encontre par l'intimé, dans le cadre de la procédure judiciaire opposant ce dernier et A______ OY en Finlande, selon lesquelles elle aurait commis diverses infractions répréhensibles. En tous les cas, les parties ont prévu, dans l'accord de résiliation, une clause d'exception relative à l'obligation de confidentialité sur les circonstances de la résiliation de leurs rapports, notamment lorsque la divulgation d'information était requise par la loi (art. 5.2).

4.2.3 En tous les cas, même si ce bonus était également conditionné au respect par l'intimé des clauses 5.1 et 5.3 de l'accord de résiliation, comme allégué par l'appelante, ce dernier aurait droit au versement du bonus convenu.

Comme retenu par les premiers juges, la société F______ OY fait partie du
groupe A______, ce qui n'est plus contesté par l'intimé en appel, de sorte que l'obligation de non-dénigrement prévue à l'art. 5.1 de l'accord de résiliation s'applique également à son égard.

Le témoignage de l'intimé par-devant la J______ District Court contenait des critiques sur l'administration de F______ OY, en particulier à l'encontre de L______. Cela étant, il ne peut pas être reproché à l'intimé d'avoir donné, dans le cadre d'une procédure judiciaire, sa version des faits et son opinion sur la gestion de F______ OY, la vente de ses actions, les conséquences de celle-ci ou encore le prix fixé. Contrairement à ce que soutient l'appelante, il n'apparait pas que l'intimé ait répondu au-delà des questions qui lui étaient posées. Il apparaît même que la J______ District Court a ordonné le huis clos à certains moments de son témoignage. En outre, l'appelante n'a pas allégué avoir ordonné, ni même suggéré, à l'intimé de refuser de témoigner, ni que ce dernier avait le droit de le faire. F______ OY ne s'est également pas opposée à ce témoignage.

S'agissant de la discussion entre l'intimé et M______, dans le couloir de la J______ District Court, U______, seule témoin de celle-ci, a déclaré que les propos de l'intimé ne l'avaient pas choquée et que ce dernier n'avait fourni aucune information, qui plus est confidentielle, à la journaliste présente. Il n'est également pas établi que l'intimé aurait donné des documents confidentiels à cette dernière ou à M______.

Il sied de relever que l'appelante n'a pas démontré que les critiques de l'intimé auraient eu un effet dommageable pour elle, F______ OY ou encore pour L______. Par ailleurs, il n'est pas établi que les révélations contenues dans l'article de presse rédigé par la journaliste, soit notamment les prétendues pertes subies dans le cadre de la vente des actions F______ OY, provenaient uniquement du témoignage de l'intimé ou de la discussion précitée. En effet, plusieurs témoins ont été entendu par la J______ District Court et O______ a confirmé que la journaliste était présente tout au long du procès et avait eu accès à toutes les informations.

Concernant les propos de l'intimé sur la tardiveté du licenciement de R______, ceux-ci ne sont pas dénigrants. Ces derniers se sont d'ailleurs amusés de la portée attribuée à cette déclaration, de l'aveu même de R______.

Dans ces circonstances, il n'est pas démontré que l'intimé a violé ses obligations découlant de l'accord de résiliation du 11 mars 2015. Il a ainsi droit au versement du bonus de 2'636'411 fr. 05 bruts convenu par les parties dans cet accord.

5.             L'appelante reproche aux premiers juges d'avoir refusé de se prononcer sur sa conclusion subsidiaire tendant au versement du bonus litigieux en mains du créancier du prêt hypothécaire octroyé à l'intimé, soit de D______ LTD. Elle persiste à requérir le versement auprès de celle-ci.

L'intimé soutient que ce paiement en mains d'un tiers constitue une stipulation pour autrui, de sorte que seul ce tiers peut requérir un tel paiement.

5.1 Le code des obligations suisse est gouverné par les principes de la liberté contractuelle et de la relativité des contrats. Selon ce dernier, les droits et obligations qui découlent des contrats n'existent et n'ont d'effet qu'entre les parties (inter partes). On ne saurait en conséquence imposer à une partie des engagements envers un tiers avec lequel elle n'a pas contracté; inversement, on ne saurait opposer à ce tiers les effets d'un contrat qu'il n'a pas conclu (Bucher, Basler Kommentar, 2011, Obligationenrecht I, Einl. vor art. 1 ss., n° 40; Morin, Commentaire romand CO I, 2012, art. 1, n° 40 ss.). Des exceptions à cette relativité ne sont possibles que si le contrat ou la loi le prévoit. La stipulation pour autrui de l'art. 112 CO est l'une des exceptions.

Selon l'art. 112 al. 1 CO, celui qui, agissant en son propre nom, a stipulé une obligation en faveur d'un tiers, a le droit d'en exiger l'exécution au profit de ce tiers. Le tiers ou ses ayants droit peuvent aussi réclamer personnellement l'exécution, lorsque telle a été l'intention des parties ou que tel est l'usage (al. 2).

Pour rappel, chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC).

5.2 En l'occurrence, l'art. 3.1 de l'accord de résiliation prévoit expressément que le paiement du bonus litigieux doit intervenir en mains du créancier du prêt hypothécaire accordé à l'intimé, le solde devant être versé à ce dernier.

Cela étant, l'appelante n'a aucunement établi par pièces que ledit prêt est encore en cours, ni qu'un éventuel solde reste dû, ce que l'intimé a contesté. L'appelante s'est limitée à alléguer, en audience, que le montant encore dû à ce titre par l'intimé était de 1'414'882 fr. au 30 juin 2018. Or, la production de pièces à l'appui de cet allégué lui était aisée, dès lors que le créancier de ce prêt est, selon elle, une société du groupe A______.

Au regard de ce qui précède, la problématique d'une stipulation pour autrui n'a pas à être analysée, l'appelante étant déboutée de sa conclusion.

La question d'un éventuel déni de justice de la part de l'autorité précédente peut ainsi rester indécise.

Partant, le jugement entrepris sera entièrement confirmé.

6.             Les frais judiciaires d'appel, arrêtés à 10'000 fr., seront mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC; art. 71 RTFMC). Ils seront entièrement compensés par l'avance de frais de même montant effectuée par cette dernière, qui reste en partie acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Il ne sera pas alloué de dépens pour l'instance d'appel (art. 22 al. 2 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, groupe 3 :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 6 décembre 2018 par A______ BV, en liquidation, prise en sa succursale A______ BV, B______, SUCCURSALE DE GENÈVE, contre le jugement JTPH/349/2018 rendu le 5 novembre 2018 par le Tribunal des prud'hommes dans la cause C/5496/2016-3.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 10'000 fr., les met à la charge de A______ BV, en liquidation, prise en sa succursale A______ BV, B______, SUCCURSALE DE GENÈVE, et les compense entièrement avec l'avance de frais, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Monsieur Claudio PANNO, juge employeur; Madame Monique LENOIR, juge salariée; Madame Chloé RAMAT, greffière.

 

 

 

Indication des voies de recours et valeur litigieuse :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.