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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3233/2012

ATAS/939/2013 du 16.09.2013 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3233/2012 ATAS/939/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 septembre 2013

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A__________, domiciliée à GENEVE, comparant avec élection en l’étude de Me VOUILLOZ Daniel

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENEVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Le 31 janvier 2012, Mme A__________ (ci-après : l'assurée), née en 1941, divorcée, représentée par l'Association de défense et de détente de tous les retraités et futurs retraités (AVIVO), a déposé une demande de prestations auprès du Service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC) en précisant qu'elle avait touché son capital LPP soit 372'610 fr. le 31 mai 2004 pour ouvrir un magasin de tabac, au ___________ rue D___________, cédé après sept ans pour 20'000 fr.; elle gagnait 220 fr. par mois au marché aux puces, sans compter les frais de l'emplacement au montant mensuel de 168 fr.

Elle a joint une convention signée par M. B__________ et elle-même selon laquelle elle s'engageait à restituer le bail et à libérer les locaux de l'arcade rue D__________ ___________ pour le 31 mai 2011 contre rémunération de 20'000 fr. et une quittance selon laquelle elle avait reçu ledit montant.

2.        Le 13 mars 2012, l'assurée a indiqué au SPC qu'elle avait utilisé son capital LPP pour ouvrir son commerce et qu'elle louait l'arcade. Elle a joint notamment un compte de pertes et profits au 31 décembre 2011 montrant un bénéfice net de 13'681 fr., un extrait au 1er mars 2004 de son avoir auprès de la Fondation de prévoyance de la société fiduciaire et de gérance SA (SFG) au montant de 371'063 fr. 95 et un courrier du 31 mai 2011 de X_________SA l'informant que l'arcade rue D__________ __________avait été louée dès le 1er juin 2011.

3.        Par décision du 20 avril 2012, le SPC a refusé tout droit à des prestations à l'assurée; il a retenu dans le calcul des prestations fédérales un montant de biens dessaisis de 142'588 fr. 45 (soit un montant de bien dessaisi de 202'588 fr. 45 moins 60'000 fr.) ainsi qu'un produit hypothétique des biens dessaisis de 570 fr. 35 en relevant que le montant dessaisi était réduit de 10'000 fr. par an dès la deuxième année suivant la date du dessaisissement et que le taux d'intérêt des biens dessaisis était un taux moyen de l'épargne pour l'année correspondante. Selon un tableau annexé, le dessaisissement total au 31 décembre 2011 était de 202'588 fr. 45. Le bien dessaisi de 202'588 fr. 45 correspondait à l'addition des biens dessaisis pour 2005 (94'112 fr.), 2006 (72'071 fr.) et 2007 (36'405 fr. 45).

4.        Le 25 avril 2012, l'assurée s'est opposée à la décision précitée au motif qu'elle avait retiré son capital LPP à 63 ans pour exercer une activité indépendante et qu'elle n'avait pas été propriétaire de l'arcade.

5.        Le 26 avril 2012, l'assurée a déposé une demande de prestations d'aide sociale.

6.        Le 10 mai 2012, le SPC a requis de l'assurée des renseignements complémentaires concernant son retrait LPP et la diminution de son épargne.

7.        Le 24 mai 2012, l'assurée a déposé une demande de prestations d'aide sociale. Elle a joint un relevé de compte UBS "personnel 60 Plus" portant sur une partie des mois courant de 2004 à juillet 2006.

8.        Par décision du 4 juin 2012, le SPC a refusé l'octroi d'une prestation d'assistance : il a retenu des rentes AVS de 27'840 fr., des gains de 636 fr. et un produit de la fortune de 10 fr. 80 de sorte que le revenu de 28'487 fr. était supérieur aux dépenses de 28'284 fr.

9.        Le 4 juin 2012, le SPC a reconnu à l'assurée un droit au subside d'assurance-maladie depuis le 1er mai 2012.

10.    Le 14 juin 2012, le SPC a requis de l'assurée qu'elle complète son envoi du 24 mai 2012 (relevé de comptes).

11.    Le 15 juin 2012, l'assurée a transmis les relevés de son compte UBS personnel 60 Plus, lequel faisait apparaître un solde au 31 décembre 2003 de 4'059 fr. 06, un virement de 372'610 fr. 05 au titre de capital retraite le 3 mai 2004, transféré le 4 mai 2004 sur un compte d'épargne UBS au nom de l'assurée et recrédité le 5 mai 2004 sur le compte personnel 60 Plus UBS de sorte que le solde au 31 décembre 2004 de celui-ci était de 262'716 fr. 01 en faveur de l'assurée et celui du compte épargne de 7 fr. 45. Le solde du compte personnel 60 Plus était de 150'421 fr. 21 au 31 décembre 2005, de 55'269 fr. 51 au 31 décembre 2006, de 2'438 fr. 51 au 31 décembre 2007 et de - 311 fr. 91 au 30 décembre 2011.

12.    Par décision du 26 septembre 2012, le SPC a rejeté l'opposition de l'assurée au motif que celle-ci avait consacré son capital de prévoyance au remboursement de dettes à l'égard de l'administration fiscale cantonale, soit en dehors des besoins vitaux de sorte que des prestations complémentaires ne pouvaient plus lui être octroyées.

13.    Le 25 octobre 2012, l'assurée a recouru à l'encontre de la décision précitée auprès de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice en relevant qu'elle avait cotisé 45 ans à l'AVS et versé environ 300'000 fr. d'impôts à Genève, qu'elle travaillait encore au marché aux puces en gagnant 50-60 fr. par semaine pour pouvoir manger, qu'elle avait retiré sa LPP pour régler ses dettes, surtout celles des impôts, que personne ne l'avait avertie en 2003 qu'elle risquait d'être lésée en retirant sa LPP par rapport à d'éventuelles prestations complémentaires cantonales et qu'elle ne pouvait effectuer aucune dépense de sortie, de cadeaux, etc.

14.    Le 26 novembre 2012, le SPC a conclu au rejet du recours.

15.    A la demande de la Cour de céans, la SFG a indiqué le 5 février 2013 que si l'assurée avait choisi en 2004 une rente en lieu et place de son capital, celle-ci se serait montée annuellement à 26'412 fr. soit 2'201 fr. par mois et qu'elle n'aurait pas été indexée.

16.    Le 11 mars 2013, la Cour de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

La recourante a déclaré :

"Début 2004, j'ai pris un bail à la rue D__________ pour exploiter un magasin de brocante. Mon loyer était de 1'200 fr. les premières années et de 1'427 fr. à la fin. J'ai exploité ce magasin pendant neuf ans et je l'ai remis en 2011 pour 20'000 fr. Je n'ai pas payé de pas-de-porte. J'ai utilisé mon capital LPP, à raison de 1'000 fr. par mois, en complément du revenu que je tirais de la brocante. Ma caisse LPP ne m'a donné aucune information sur les conséquences d'un retrait en capital. J'avais été me renseigner auprès de l'AVIVO qui m'a dit qu'il n'y avait pas de problème pour un retrait en capital, notamment si c'était pour payer des dettes. En trois ans, soit de 2004 à 2007, j'ai dû payer environ 50'000 fr. d'impôts, comprenant le retard et les impôts courants. Je réalisais un bénéfice avec la brocante d'environ 1'500 fr. à 2'000 fr. par mois. A partir de 2008, les bénéfices ont diminué et j'aurais dû à ce moment-là cesser l'exploitation. J'avais toujours eu envie d'exploiter une brocante et c'est pour cette raison que j'ai retiré le capital plutôt que touché la rente. Si l'AVIVO ou ma caisse de prévoyance avaient attiré mon attention sur les conséquences d'un retrait en capital, notamment par rapport aux prestations complémentaires, je n'aurais pas choisi le capital retraite, mais la rente. Actuellement, je vis avec ma rente AVS et environ 150 fr. mensuels car je vends au marché aux puces deux fois par semaine. Je précise qu'en 2011, j'ai touché les 20'000 fr. de la remise de mon commerce. Je suis très inquiète pour l'avenir car on m'a dit que les prestations complémentaires me seraient refusées à vie. J'ai été mise aux poursuites par mon assurance-maladie car j'ai du retard dans le paiement des primes".

Elle a versé au dossier un tableau des paiements effectués en faveur de l'AFC du 3 février 2004 au 13 février 2007, soit un montant total de 49'212 fr. 45.

La représentante de l'intimé a déclaré :

"Nous continuons d'amortir le dessaisissement à raison de 10'000 fr. par année, de sorte qu'à un moment donné la recourante aura droit aux prestations fédérales, ce qui n'est pas le cas des prestations cantonales en raison de la disposition qui prévoit qu'en cas du choix d'un capital retraite LPP en lieu et place de la rente et dévolu à un autre but que celui de la prévoyance, elles ne sont pas dues. S'agissant des prestations cantonales, nous refusons purement et simplement, dans les cas des retraits LPP, de faire le calcul hypothétique avec la rente qui aurait été due. Nous sommes prêts à revoir le calcul des PCF sur la base du tableau fourni ce jour par la recourante et attestant des paiements effectués à l'AFC entre 2004 et 2007".

L'assurée a été priée de fournir tous justificatifs de remboursement de dette depuis 2004 et le SPC de se prononcer sur le droit de l'assurée aux prestations complémentaires fédérales.

17.    A la demande de la Cour de céans, la SFG a précisé le 20 mars 2013 qu'en septembre 2003 et janvier 2004 elle avait remis à l'assurée la circulaire du SPC du 25 septembre 2003 selon laquelle le droit aux prestations complémentaires cantonales était exclu si une personne choisissait le capital au lieu de la rente et qu'elle ne le consacrait pas à des fins de prévoyance.

18.    Le 25 mars 2013, l'assurée a indiqué qu'elle ne possédait pas de justificatif de dettes remboursées depuis 2004 en relevant que le capital LPP avait été utilisé comme revenu complémentaire à sa rente AVS, soit dans un but de prévoyance.

19.    Par décision du 3 avril 2013, le SPC a recalculé le droit aux prestations de l'assurée depuis le 1er février 2012 et constaté que seul le droit au subside d'assurance-maladie était dû, de sorte qu'il concluait à l'admission partielle du recours. Il a pris en compte les dépenses fiscales selon le tableau fourni par l'assurée mais uniquement pour les années concernées par un dessaisissement. Le bien dessaisi au 1er février 2012 était de 114'358 fr., et les dettes de 311 fr. 90.

20.    Le 23 avril 2013, l'assurée a observé qu'elle ne comprenait pas le montant de la dette de 311 fr. 90 et que ses dettes selon le relevé qu'elle avait joint de l'office des poursuites au 18 avril 2013 étaient de 32'406 fr. 05. Elle concluait à ce que le SPC procède à un nouveau calcul.

21.    Le 13 mai 2013, le SPC a observé que le montant de 311 fr. 90 correspondait au solde du compte 60 UBS de l'assurée au 31 décembre 2011 et que les dettes de l'assurée produites selon le relevé du 18 avril 2013 ne pouvaient pas être prises en compte faute d'un lien de connexité temporelle établi avec les dessaisissements.

22.    Le 28 mai 2013, l'assurée a relevé que les dettes avaient été contractées dès 2008 et qu'elle avait consacré la plus grande part de son capital LPP pour ses besoins vitaux. Elle a conclu subsidiairement au renvoi de la cause au SPC pour déterminer quelle partie du capital LPP avait été consacrée à la couverture de ses besoins vitaux.

23.    Le 24 juin 2013, le SPC a précisé que le bien dessaisi total de 114'358 fr. selon la décision du 3 avril 2013 correspondait à l'addition des biens dessaisis suivants :

2005 : 74'008 fr. 85 (soit 94'112 fr. moins 20'103 fr. 15 de dettes d'impôt).

2006 : 66'034 fr. 40 (soit 72'071 fr. moins 6'036 fr. 60 de dettes d'impôt).

2007 : 34'316 fr. 10 (soit 36'405 fr. 45 moins 2'089 fr. 35 de dettes d'impôt).

Soit un montant total de 174'359 fr. 35 duquel étaient retranchés 10'000 fr. par année dès le "1er janvier 2008", de sorte que le bien dessaisi était de 114'358 fr. en 2012 et 104'358 fr. en 2013.

Les dépenses fiscales prises en compte étaient celles concernant les années 2005, 2006 et 2007 selon le tableau remis par l'assurée lors de l'audience du 11 mars 2013, hormis les paiements effectués en 2004, soit un montant de 22'280 fr. 35. En outre, un montant de 32'717 fr. 95 était pris en compte au titre de dettes soit la dette de 311 fr. 90 déjà comptabilisée additionnée de celles apparaissant dans l'extrait de l'office des poursuites de Genève du 18 avril 2013 soit 32'406 fr. 05.

En conséquence, la prestation due selon une nouvelle décision du 21 juin 2013 était nulle depuis le 1er février 2012 hormis le subside d'assurance-maladie et de 5 fr. dès le 1er janvier 2013. Partant le SPC a conclu à l'admission partielle du recours.

24.    Le 26 juillet 2013, l'assurée a observé que l'amortissement annuel devait être pris en compte dès l'année 2006 pour le bien dessaisi en 2005, dès l'année 2007 pour le bien dessaisi en 2006 et dès l'année 2008 pour le bien dessaisi en 2007, de sorte que le bien dessaisi à prendre en compte en 2012 était de 90'754 fr. 85 et en 2013 de 81'679 fr. 35. Partant, la prestation fédérale mensuelle était de 127 fr. 75 en 2012 et 213 fr. 05 en 2013.

Elle a transmis un tableau d'amortissement des biens dessaisis selon lequel le bien dessaisi retenu par le SPC pour chaque année était réduit de 10 % l'année suivante.

25.    Le 28 août 2013, le SPC a observé que selon l'OPC-AVS/AI la part de fortune dessaisie était réduite de 10'000 fr. chaque année dès la deuxième année suivant celle du dessaisissement et a conclu au rejet du recours.

26.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006. Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (LPCC; RS J 7 15).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins qu’il n’y soit expressément dérogé (art. 1 al. 1 LPC). Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (cf. art. 1A let. b LPCC).

3.        a) En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; cf. également art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l’assuré (art. 58 al. 1 LPGA). S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

b) Déposé dans les forme et délai imposés par la loi, le présent recours est recevable (art. 89B de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 -LPA ; RS E 5 10 et art 56 LPGA).

4.        a) S'agissant des prestations fédérales, au terme de l’art. 2 LPC, la Confédération et les cantons accordent aux personnes qui remplissent les conditions fixées aux art. 4 à 6 des prestations complémentaires destinées à la couverture des besoins vitaux. Les cantons peuvent allouer des prestations allant au-delà de celles prévues par la présente loi et fixer les conditions d’octroi desdites prestations. Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse on droit à des prestations complémentaires, notamment lorsqu’elles perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (art. 4 al. 1 let. a LPC). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 LPC ; art. 15 LPCC). L'art. 11 al. 1 let. c et g LPC prévoit que les revenus déterminants comprennent un dixième de la fortune nette pour un bénéficiaire de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse 37'500 fr. pour les personnes seules (let. c) et les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (let. g).

b) Selon la jurisprudence, il y a lieu de retenir un dessaisissement au sens de cette disposition lorsque le bénéficiaire a renoncé à une part de fortune sans obligation légale et sans contre-prestation adéquate (ATF 121 V 204 consid. 4b). Ces deux conditions ne sont pas cumulatives (ATF 131 V 329 consid. 4.3). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1). En pareil cas, le revenu déterminant est augmenté aussi bien d'une fraction de la valeur du bien cédé que de celle du produit que ce bien aurait procuré à l'ayant droit (cf. ATF 123 V 37 ss. consid. 1 et 2). Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Toutefois, selon l'art. 17a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (OPC-AVS/AI; RS 831.301), la part de fortune dessaisie à prendre en compte est réduite chaque année de 10'000 fr. (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

Une contre-prestation peut être considérée comme adéquate lorsqu'elle n'entame pas la fortune ou au contraire l'augmente, mais également lorsqu'elle consiste en des dépenses destinées à l'acquisition de biens de consommation (Ralph JÖHL, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, SBVR, 2ème éd. 2006, p. 1807 n. 234). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré qu'il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (ATFA non publié P 65/04 du 29 août 2005, consid. 5.3.2).

Lorsque les conditions susceptibles de reconnaître l’existence d’un dessaisissement ne sont pas remplies, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation. En effet, ainsi que le TFA l'a répété à maintes reprises, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes et se limiter à examiner si le demandeur dispose ou non des ressources nécessaires pour couvrir ses besoins vitaux dans une mesure appropriée et - sous réserve des restrictions découlant de l'art. 3c al. 1 let. g LPC - ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (cf. ATFA non publié P 4/05 du 29 août 2005 consid. 5.3.1; VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b; RCC 1990, p. 371 ; RCC 1992, p. 436).

5.        a) S'agissant des prestations cantonales complémentaires, l’art. 4 LPCC prévoit qu’ont droit aux prestations les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale (RMCAS) applicable. Par ailleurs, le revenu déterminant est calculé conformément aux dispositions fédérales, de sorte qu’il comprend également les ressources dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 5 al.1 LPCC). L'art. 2 al. 1 let. b LPCC prévoit qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui sont au bénéfice d'une rente de l'assurance vieillesse et survivants.

b) La loi cantonale, contrairement au droit fédéral, précise à l'art. 2 al. 4 LPCC que les personnes qui ont choisi au moment de la retraite un capital de prévoyance professionnelle en lieu et place d’une rente et qui l’ont consacré à un autre but que celui de la prévoyance ne peuvent bénéficier des prestations accordées en application de la présente loi. L'al. 5 précise que les caisses de pension sont tenues d'en informer leurs membres en temps utile.

Le titre marginal de l'art. 4 A du projet de loi du 13 septembre 1991, soit l'actuel art. 2 entré en vigueur le 1er janvier 1992, mentionne "prestations versées par le 2ème pilier"(Mémorial du Grand Conseil 1991/IV p. 3597). Le commentaire par articles du rapport de commission précise que "le but de cet article est d'éviter que des personnes touchent le capital de leur deuxième pilier, le dilapident et viennent ensuite demander une aide à l'OAPA. La logique du système des trois piliers veut que la prévoyance professionnelle verse des rentes (…). L'article ne concerne que le capital touché à la retraite et pas en cours de carrière (départ à l'étranger, indépendant, etc.). La rédaction de l'article donne une marge d'appréciation à l'OAPA, puisqu'il est précisé que ne seront pénalisés que ceux qui auront consacré ce capital à un autre but que la prévoyance. Le règlement et la pratique détermineront ce qu'est une utilisation d'un capital à des fins de prévoyance et ceux qui toucheront obligatoirement un capital, en cas de rente insignifiante, ne seront pas pénalisés" (Mémorial du Grand Conseil 1991/V p. 5451). La disposition a été adoptée à l'unanimité des commissaires. Les débats parlementaires n'ont pas porté sur cette disposition.

A l'occasion de la refonte complète de la loi cantonale entrée en vigueur le 1er janvier 1993, cette disposition n'a pas été rediscutée. L'exposé des motifs à l'appui du projet de loi du 29 novembre 1991 rappelle que cette disposition a été prévue "afin de prévenir les abus (…)" (Mémorial du Grand Conseil 1992/VI p. 6584). Les rapports et les débats parlementaires n'ont plus abordé cette question.

Aucune disposition ne précise, ni dans la loi, ni dans le règlement, ce qu'est un but de prévoyance et si le refus d’accorder des prestations cantonales complémentaires selon l’art. 2 al. 4 LPCC doit être limité dans le temps, ou s'il faut procéder à un calcul en tenant compte du montant de la rente que l'assuré aurait perçue ou de biens dessaisis.

Un arrêt de la Commission cantonale de recours AVS/AI/APG/PCF/PCC, alors compétente, a considéré que, dans le cas d’un assuré aux ressources limitées, l’utilisation d’une somme d’environ 8'200 fr. par an – soit 680 fr. par mois - devait être considérée comme ayant un but de prévoyance au sens de l’art. 2 al. 4 LPCC, dans la mesure où elle avait servi à la couverture des besoins vitaux de l’assuré. La juridiction cantonale avait néanmoins déduit des ressources déterminantes de l'assuré un montant annuel correspondant à la rente LPP hypothétique que ce dernier aurait perçue s'il avait placé son capital de prévoyance au taux usuel d’environ 5,5 % l’an et considéré ce montant comme un « bien dessaisi » au sens des art. 5 al. 1 let. j et 7 al. 3 LPCC (arrêt du 13 février 2002 en la cause 197/01).

Le Tribunal cantonal des assurances sociales a eu l'occasion de juger qu’une interprétation restrictive de l’art. 2 al. 4 LPCC se justifiait et que l’on ne saurait étendre la notion de but de prévoyance à d’autres cas que la couverture des besoins vitaux. S'il s'avère qu’au moment de sa demande, l'assuré n’aurait pas encore épuisé son capital s’il l’avait utilisé à la couverture de ses besoins vitaux ainsi qu’à ceux de sa famille, le droit aux prestations complémentaires cantonales doit être nié (ATAS/755/2005 du 13 septembre 2005). Le manque nécessaire à la couverture des besoins vitaux doit être, le cas échéant, couvert par les prestations d’assistance (ATAS 1583/2009 du 1er décembre 2009). Le Tribunal a estimé que "le but du législateur a ainsi été d'éviter d’éventuels abus, lesquels pourraient survenir lorsque celui qui a choisi le capital, dilapide celui-ci sans se préoccuper de l’avenir puis demande immédiatement les prestations cantonales complémentaires. Il apparaît ainsi que l’intention du législateur n’a pas été de priver un assuré du droit aux prestations cantonales complémentaires lorsque ses ressources n’atteignent pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale au moment où le capital aurait, quoi qu’il en soit, été épuisé s’il avait servi à la couverture des besoins vitaux".

Plus récemment, la Cour de céans a confirmé le calcul du SPC, qui avait tenu compte des besoins vitaux du couple, selon les montants prévus par le droit cantonal et y avait ajouté les montants des frais médicaux à charge de l'assuré, résultant des déclarations fiscales, ainsi que les frais de dentiste justifiés par factures. Le calcul effectué impliquait que si l'assuré et son épouse avaient utilisé le capital LPP dans un but de prévoyance, il devrait encore rester à leur disposition un montant de l’ordre de 57'213 fr, 55 au 31 octobre 2010, alors qu'au 31 décembre 2009, le solde de leur compte s’élevait à 16'462 fr. 05 (ATAS/389/2011 du 20 avril 2011).

6.        La jurisprudence cantonale a ainsi confirmé que le texte de la disposition et la volonté du législateur empêchaient d'étendre la notion de "but de prévoyance", tout en précisant que l'interprétation de la loi ne permettait pas de retenir que l'assuré était totalement et définitivement privé de prestations complémentaires lorsqu'il consacrait son capital à son entretien. Le but de prévoyance est donc atteint lorsque le capital est utilisé pour constituer une rente viagère, acquérir un logement ou pour la couverture des besoins vitaux de l'assuré et de sa famille. La Cour a également admis que la couverture des besoins vitaux devait être calculée conformément aux normes et barèmes déterminants pour l'octroi des prestations complémentaires cantonales, en y ajoutant les dépenses effectives prouvées et incontournables (impôts, notamment sur le capital LPP, frais de santé, etc.).

Cela étant, la Cour de céans a jugé le 21 juin 2012 (ATAS/828/2012) que l'interprétation de la loi faite par le SPC et la Cour pourrait conduire à une solution insoutenable et consacrer une inégalité de traitement. D'une part, ce calcul, appliqué à l'assuré qui opte pour le capital, pourrait le placer dans une situation plus défavorable que celle qui lui serait réservée s'il avait perçu une rente. Or, le législateur cantonal a seulement voulu éviter - à situation financière égale - de devoir verser des prestations complémentaires plus élevées à l'assuré qui a dilapidé son capital qu'à celui qui perçoit une rente. D'autre part, l'assuré qui opte pour le capital, alors qu'il aurait droit à une petite rente, est prétérité par rapport à celui qui, en raison d'un capital important ou d'une affiliation à une institution de prévoyance plus généreuse, aurait droit à une rente LPP élevée. Les ressources globales du premier (AVS et LPP) lui donneraient droit aux prestations complémentaires, alors que celles du second - eu égard au montant élevé de sa rente LPP - l'excluraient, alors qu'ils seraient privés tous deux de prestations jusqu'à épuisement du capital LPP. Ce calcul est au demeurant difficilement praticable et source d'erreurs, car il est effectué a posteriori, lorsque l'assuré a épuisé son capital et sollicite des prestations complémentaires. En raison du temps écoulé, il ne lui sera souvent plus possible de prouver ses dépenses réelles en matière de frais de maladie, le montant admis fiscalement n'étant qu'une partie de celles-ci.

La Cour de céans a relevé que le législateur a voulu éviter les abus de la part des assurés qui n'optent pas pour une rente de retraite qui leur aurait permis d'assurer à vie, en complément de l'AVS, l'essentiel de la couverture de leurs besoins, mais dépensent leur capital, puis obtiennent des prestations complémentaires auxquelles ils n'auraient pas eu droit en cas de rente. On peut donc raisonnablement estimer que la loi permet de tenir compte de la situation financière qui aurait été la leur s'ils avaient perçu une rente LPP. Afin de déterminer le droit aux prestations en cas de versement d'un capital, il faut donc établir qu'elle aurait été la situation financière de l'assuré en cas de versement d'une rente, à tout le moins pour vérifier si le calcul de la couverture des besoins vitaux ne lui est pas défavorable.

Enfin, dans un arrêt du 21 juin 2012, la Cour de céans a considéré que celui qui avait opté pour un capital retraite pouvait néanmoins obtenir des prestations complémentaires cantonales mais que le capital de prévoyance était pris en compte et diminué selon la couverture des besoins vitaux et les dépenses reconnues. Préalablement elle a admis que le capital pouvait être pris en compte par le SPC lors du calcul de la couverture des besoins vitaux dès lors que l'intéressée n'aurait pas eu droit à des prestations s'il avait reçu une rente LPP au lieu du capital (ATAS/828/2012).

7.        Sauf disposition contraire de la loi, le juge des assurances sociales fonde sa décision sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b). En droit des assurances sociales, il n'existe pas de principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        a) En l'espèce, s'agissant des prestations complémentaires fédérales, l'intimé a pris en compte, dans sa décision du 21 juin 2013, un bien dessaisi de 114'358 fr. en 2012 et 104'358 fr. en 2013.

Ces biens correspondent au calcul initial figurant dans la décision du 20 avril 2012, soit un montant global de 202'588 fr. 45 sous déduction des dettes d'impôt admises par l'intimé pour les années 2005, 2006 et 2007, (pour un montant total de 28'229 fr. 10), soit finalement un bien dessaisi de 174'359 fr.. La recourante ne conteste pas ce calcul mais estime que l'amortissement appliqué à ce dernier montant est erroné et doit correspondre à une diminution de 10 % chaque année, depuis l'année 2006.

A cet égard, l'intimé a correctement appliqué l'art. 17a OPC-AVAS/AI, lequel prévoit non pas un amortissement annuel de 10 % du bien dessaisi mais une réduction de la fortune de 10'000 fr. chaque année depuis la deuxième année suivant l'année du dessaisissement, soit en l'espèce depuis le 1er janvier 2007 de sorte que le montant des biens dessaisis retenu pour le calcul de la prestation complémentaire fédérale ne peut qu'être confirmé (114'358 fr. en 2012 et 104'358 fr. en 2013).

En conséquence, le calcul du SPC tel que ressortant de la décision du 21 juin 2013 et aboutissant à l'octroi du subside d'assurance-maladie et d'une prestation complémentaire fédérale de 5 fr. doit être confirmé.

b) S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l'art. 2 al. 4 LPCC s'applique à celui qui choisit au moment de la retraite un capital de prévoyance au lieu d'une rente mais pas à celui qui retire en cours de carrière son capital aux fins notamment de devenir indépendant. En l'occurrence, la recourante a retiré son capital pour se mettre à son compte en exploitant une brocante. Toutefois, elle l'a fait alors que le cas de prévoyance était déjà réalisé et qu'elle aurait pu choisir de recevoir une rente mensuelle de retraite de 2'201 fr. dès le 1er mars 2004 (courrier de la SFG du 5 février 2013), de sorte que l'art. 2 al. 4 LPCC lui est opposable.

Préalablement, il convient de constater que le capital de prévoyance peut être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire cantonale car la SFG a indiqué que la recourante aurait perçu une rente mensuelle de 2'201 fr. par mois si elle avait opté pour celle-ci de sorte qu'elle n'aurait pas, dans ce cas, eu droit aux prestations cantonales puisque déjà les seuls revenus des rentes (rente AVS de 27'840 fr. + rente LPP de 26'412 fr) soit un montant de 54'252 fr. auraient largement dépassé le montant des dépenses de 38'302 fr. (forfait de 25'342 fr. + loyer de 12'960 fr).

Au vu de la jurisprudence précitée, c'est cependant à tort que l'intimé considère que la recourante n'aura jamais droit à des prestations complémentaires cantonales et il convient de calculer ce droit compte tenu de l'utilisation du capital à un but de prévoyance selon la couverture des besoins vitaux prévue en droit cantonal.

9.        Cela étant, il convient de renvoyer la cause à l'intimé afin qu'il calcule les prestations complémentaires cantonales dues à la recourante depuis le 1er février 2012, compte tenu de l'affectation du capital LPP à la couverture des besoins vitaux selon les normes du droit cantonal et rende une nouvelle décision.

10.    Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et la décision litigieuse annulée dans le sens des considérants.

Une indemnité de 800 fr. sera allouée à la recourante.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement dans le sens des considérants.

3.        Annule la décision litigieuse.

4.        Condamne l'intimé à verser une indemnité de 800 fr. au recourant.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF; RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nancy BISIN

 

La juge

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le