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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2414/2016

ATAS/937/2017 du 19.10.2017 ( LCA ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 28.11.2017, rendu le 11.01.2018, REJETE, 4A_618/2017
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2414/2016 ATAS/937/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 octobre 2017

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée au PETIT-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe GIROD

demanderesse

 

contre

SWICA ORGANISATION DE SANTÉ, sise Römerstrasse 38, WINTERTHUR

défenderesse

 

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1960, a exploité en raison individuelle le bar « B______ », sis à Genève.

2.        Dès le 1er mai 2009, elle a été affiliée auprès de SWICA ASSURANCE-MALADIE SA (ci-après : SWICA) pour une assurance soumise à la loi sur le contrat d’assurance, prévoyant le versement d’indemnités journalières durant 730 jours, à l’issue d’un délai d’attente de 30 jours.

3.        Le 22 octobre 2012, l’assurée a annoncé à SWICA – certificat d’arrêt de travail à l’appui – qu’elle était totalement incapable de travailler depuis le 10 septembre 2012.

4.        Interpellée par SWICA, l’assurée a précisé le 9 novembre 2012 qu’elle souffrait d’un état dépressif et envisageait de consulter un psychiatre.

5.        Par courrier du 22 novembre 2012, la doctoresse C______, médecin généraliste, a confirmé à SWICA l’existence d’un état anxio-dépressif sévère et de phobies sociales. Elle avait déjà suivi l’assurée du 20 janvier au 31 août 2011 pour la même affection.

6.        SWICA a versé à l’assurée des indemnités journalières du 20 janvier au 31 août 2011, puis dès le 10 septembre 2012.

7.        Mandatée par l’assurance, la doctoresse D_____, psychiatre auprès de la Clinique Corela, a rendu son rapport en date du 8 juillet 2013. L’experte n’a retenu à titre de diagnostic qu’un trouble panique (anxiété épisodique paroxystique) en phase de « rémission retardée », dont elle a estimé qu’il était sans effet sur la capacité de travail.

Collaborant moyennement, l’assurée ne donnait que peu de détails sur son activité professionnelle et ne pouvait pas dater le début de son arrêt de travail. Elle se plaignait de différents symptômes en lien avec un trouble panique qui s’étaient progressivement installés depuis l’âge de 26 ans, ainsi que d’un épuisement professionnel. Dans les mois précédents l’expertise, elle avait eu des difficultés à gérer des douleurs somatiques, associées à un problème psychologique. Elle n’avait pas supporté le traitement antidépresseur qui lui avait été prescrit et avait consulté un psychiatre, sans suite.

À l’examen, la Dresse D_____ a observé une symptomatologie liée à un trouble panique, dont elle a précisé qu’elle n’entravait l’assurée que dans certaines situations, essentiellement extra-professionnelles. Malgré cette pathologie, l’assurée avait toujours pu travailler et rester au contact de sa clientèle. Les derniers mois, ses symptômes s’étaient aggravés en raison d’une surconsommation d’alcool, que l’assurée affirmait avoir réduite depuis lors. Le trouble panique n’engendrait pas de limitations psychiques et les décompensations anxieuses se manifestaient surtout lorsque l’assurée conduisait sa voiture. Cela étant, compte tenu d’une certaine fragilité psychique et d’un stress lié à la reprise du travail, l’experte préconisait une reprise progressive, associée à un traitement anxiolytique-antidépresseur ainsi qu’à une psychothérapie cognitivo-comportementale.

En définitive, elle évaluait la capacité de travail à 50% dès le 21 mai 2013, puis à 100% dès le 11 juin 2013.

8.        Par lettre du 29 juillet 2013, SWICA a informé l’assurée qu’elle mettait fin au versement des indemnités journalières.

9.        Le 26 juin 2014, la Dresse C______ a signalé à SWICA que, depuis le début de l’année, l’assurée souffrait non seulement d’un état anxio-dépressif, mais aussi d’un syndrome douloureux diffus et d’un syndrome inflammatoire. Par ailleurs, elle exprimait son désaccord avec les conclusions de l’expertise : sa patiente n’était pas encore guérie. Elle espérait cependant une reprise du travail à brève échéance.

10.    Le 4 novembre 2014, la doctoresse E_____, rhumatologue, a adressé à SWICA un rapport faisant état de douleurs chroniques du rachis, dans le contexte de troubles statiques et de troubles dégénératifs débutants.

11.    SWICA a demandé à son « visiteur de malades » de s’entretenir avec l’assurée. Celui-ci a relaté que l’intéressée, selon ses dires, vivait de l’aide de ses amis et de sa famille et avait engagé un employé pour ouvrir son bar « deux ou trois jours par semaine » ; elle lui avait demandé de ne « pas ébruiter la chose ». Le collaborateur a conclu son rapport en déclarant : « personnellement, je ne serais pas surpris de la trouver à son établissement » (cf. rapport du 2 février 2015).

12.    Le 17 mars 2015, SWICA a reçu deux nouveaux certificats d’arrêt de travail signés de la Dresse C______ (période du 1er mars au 30 avril 2015).

13.    Le 24 mars 2015, un collaborateur du Service des fraudes de SWICA s’est rendu au bar B______.

À 15h04, il a constaté que le bar était fermé ; à 17h20, il était ouvert et l’assurée y travaillait seule. Celle-ci s’entretenait avec les clients, servait des boissons, ouvrait des bouteilles, préparait du café, encaissait de l’argent et rangeait la vaisselle, de manière rapide et routinière. Elle se montrait capable de s’agenouiller pour vérifier s’il y avait de la bière sans alcool dans le frigidaire. Œuvrant derrière le comptoir, elle avait ouvert une bouteille avec la main droite. Elle s’en était servie un verre, avait trinqué avec le collaborateur de SWICA et avait décliné son identité.

Pendant 35 minutes d’observation, ce dernier disait n’avoir pas observé chez l’assurée de limitation ou de signe d’une quelconque affection. Selon lui, l’assurée semblait travailler régulièrement dans son bar.

14.    Mandatée par SWICA aux fins de surveiller l’assurée, l’entreprise F_____ a établi deux rapports, en dates des 31 mars et 10 mai 2015.

Selon le premier rapport de surveillance, le bar était fermé les 26, 28, 30 et 31 mars. En revanche, l’assurée y a été observée le 27 mars 2015, de 21h à 22h45 ; les huit clients présents dans l’établissement étaient servis par le barman, qui nettoyait et encaissait les commandes. L’assurée consommait et discutait. Il était noté par ailleurs qu’elle avait publié, le 29 mars 2015, une annonce sur Internet en vue de vendre son fonds de commerce. À la question de savoir si elle avait observé chez l’intéressée des signes de problèmes de santé, la détective a répondu : « le fait d’avoir côtoyé [l’assurée] durant 1h45 seulement est trop court pour avoir un avis objectif (…). Toutefois, sur l’annonce susmentionnée retrouvée sur le site Anibis, il est mentionné que le bar est à remettre pour cause de maladie ».

Le second rapport stipule que l’assurée était absente de son bar les 28 avril et 5 mai 2015, alors qu’elle s’y trouvait les 29, 30 avril ainsi que le 4 mai 2015. Aux trois dates précitées, l’assurée discutait avec des clients – des habitués – et consommait de la bière, servie par un barman. Le 4 mai 2015, une discussion s’était engagée entre l’assurée et l’un des enquêteurs : elle avait notamment déclaré être en arrêt maladie, vouloir vendre son bar, avoir « un lourd passé » et des difficultés à supporter le bruit ambiant. Elle avait ajouté : « je ne travaille plus parce que je ne peux plus travailler, euh parce que psychologiquement je ne suis pas au top ».

À la question de savoir quelles activités l’assurée pouvait accomplir, les détectives ont répondu : « comme un barman se trouvait dans le bar durant nos observations, nous pouvons supposer que [l’assurée] lui a donné ses directives. Nous avons d’ailleurs observé que l’intéressée lui parlait de temps en temps. Elle salue les clients et discute avec eux (…) ». À la question de savoir s’ils avaient pu déceler chez l’assurée des signes de problèmes de santé, les détectives ont indiqué qu’outre les déclarations de l’assurée, ils n’avaient pas d’éléments objectifs pour répondre.

15.    Le 14 juillet 2015, SWICA a informé l’assurée qu’elle entendait suspendre le versement de ses indemnités journalières, au motif qu’elle avait travaillé alors qu’elle était réputée être en être incapable.. Un délai de vingt jours lui était accordé pour se déterminer.

16.    Par lettre du 21 juillet 2015, l’assurée s’est défendue d’avoir exercé la moindre activité lucrative.

Elle a expliqué avoir fait appel à différentes personnes pour s’occuper de son bar. Le 20 mars 2015, un incident avait conduit sa barmaid à quitter le bar inopinément vers 22h30. Elle avait donc dû fermer l’établissement elle-même. Le week-end suivant, alors qu’elle se demandait qui pourrait remplacer sa barmaid, son compagnon lui avait conseillé d’ouvrir, ce qu’elle s’était finalement résignée à faire. Le 24 mars 2015, elle s’était donc rendue à son bar, qu’elle avait fermé à 22h30, fatiguée. Le 25 mars 2015, elle n’avait ouvert que pendant une heure, ce qui l’avait également épuisée. Ne parvenant plus à gérer les heures d’ouverture, elle avait engagé un nouveau barman, lequel avait travaillé pendant la semaine entre le 27 mars et le 8 juillet 2015.

17.    Par courrier du 14 août 2015, SWICA, considérant que l’assurée, entre mars et mai 2015, avait travaillé au moins à temps partiel alors qu’elle était en arrêt de travail à 100%, a estimé qu’elle avait enfreint son obligation de l’informer et partant, invoqué une prétention frauduleuse. Le contrat d’assurance était « réputé dissout » dès le 10 septembre 2012, date du début de la maladie, et aucune indemnité journalière n’était due. Toutefois, compte tenu des explications fournies par l’assurée, SWICA renonçait à réclamer le remboursement des indemnités déjà versées (CHF 33'243.20) ainsi que celui de ses frais d’investigations (CHF 5'061.75).

18.    Le 29 février 2016, l’assurée a déposé une requête de conciliation contre SWICA auprès du Tribunal de première instance de Genève, lequel lui a délivré une autorisation de procéder. Considérant avec SWICA que le litige relevait de la compétence de la Cour de céans, l’assurée a informé le Tribunal de première instance, le 13 juillet 2016, qu’elle saisirait finalement la juridiction précitée.

19.    Le 15 juillet 2016, l’assurée a saisi la Cour de céans d’une demande « en constatation de l’existence d’un contrat d’assurance et en exécution de prestations » à l’encontre de SWICA. La demanderesse conclut, sous suite de frais et dépens, à ce qu’il soit constaté que la défenderesse n’était pas en droit de considérer le contrat collectif d’assurance comme étant dissout, et à ce que celle-ci soit condamnée à exécuter les prestations en découlant.

La demanderesse argue que sa présence épisodique dans son bar ne saurait être assimilée à une activité et que l’on ne saurait lui reprocher d’avoir enfreint le contrat d’assurance. Selon elle, c’est au contraire la défenderesse qui a violé ses obligations contractuelles en contribuant à l’aggravation de son état de santé et de ses difficultés financières.

Considérant qu’aucune fraude ne peut lui être reprochée, elle demande l’exécution du contrat conclu avec la défenderesse.

20.    Dans sa réponse du 12 août 2016, la défenderesse a conclu au rejet de la demande.

Selon elle, la demanderesse a travaillé les 20, 24 et 25 mars 2015. Son service des fraudes a constaté qu’elle pouvait s’agenouiller, ouvrir des bouteilles de la main droite, servir des boissons, préparer le café, encaisser de l’argent, nettoyer et ranger la vaisselle. Le 27 mars 2015, puis, du 28 avril au 8 mai 2015, elle était au bar et pouvait vraisemblablement donner des directives à son employé.

La défenderesse en tire la conclusion que la demanderesse a bel et bien commis une fraude en ne l’informant pas qu’elle avait travaillé tout se prévalant de certificats d’incapacité de travail, de sorte que la résiliation du contrat est justifiée.

21.    La demanderesse a répliqué le 23 septembre 2016, en persistant dans ses conclusions.

S’agissant de la première surveillance (du 26 au 31 mars 2015), elle précise que son établissement n’a ouvert qu’une fois et qu’elle n’a pas déployé la moindre activité ; le détective a d’ailleurs reconnu qu’une surveillance d’une heure et quarante-cinq minutes ne suffisait pas pour se forger un avis objectif.

S’agissant de la seconde (du 28 avril au 5 mai 2015), elle n’a rien fait d’autre que discuter avec les clients et a expliqué à l’enquêteur qu’elle ne travaillait pas en raison de problèmes de santé.

22.    Les 1er décembre 2016 et 19 janvier 2017, la Chambre de céans a auditionné les parties ainsi que plusieurs témoins.

23.    Les parties se sont exprimées une dernière fois le 10 mars 2017 :

a. La demanderesse allègue qu’après son entretien avec la Dresse D_____, elle s’est sentie contrainte de reprendre le travail, ce qui n’a fait qu’aggraver ses troubles. Une expertise diligentée par l’assurance-invalidité en novembre 2016 a montré qu’elle souffrait depuis de nombreuses années d’un trouble borderline et d’un trouble dépressif récurrent, qui n’ont pas été décelés par la Dresse D_____.

Se référant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la demanderesse reproche à la défenderesse de s’être limitée à des mesures de surveillance ponctuelles, sans examiner sa situation sous l’angle médical.

Enfin, elle soutient qu’en ouvrant une procédure pour fraude et en refusant de prester, la défenderesse lui a occasionné un dommage « qui va au-delà des prestations résultant du contrat d’assurance ». En effet, le Tribunal de première instance l’a déclarée en faillite, ce qui l’a empêchée de vendre son fonds de commerce ; elle a par ailleurs subi une procédure d’évacuation de son logement.

Disant ne pas être en mesure de chiffrer l’intégralité de son dommage, la demanderesse invite la Chambre de céans à « réserver ses droits en réparation de tout dommage complémentaire ».

b. La défenderesse répète quant à elle que l’assurée a omis de l’informer de sa reprise du travail, de sorte qu’elle était fondée à lui refuser le versement d’indemnités journalières.

Elle soutient que la jurisprudence dont se prévaut la demanderesse ne concerne pas les assurances privées.

Enfin, elle observe que la demanderesse prend des conclusions constatatoires plutôt que condamnatoires et que celles tendant à l’exécution des prestations découlant du contrat d’assurance sont irrecevables, faute d’avoir été chiffrées.

24.    Le 21 septembre 2017, la demanderesse a informé la Chambre de céans qu’elle entendait se prévaloir d’un fait nouveau : l’assurance-invalidité lui avait transmis un préavis d’octroi de rente, lui reconnaissant une incapacité de travail depuis septembre 2014 ainsi qu’un taux d’invalidité de 50% dès 2015, puis de 100% dès 2016.

25.    La défenderesse, par écriture du 6 octobre 2017, a répété qu’à son avis, les conditions objectives et subjectives d’une fraude étaient remplies et que la guérison était retardée par la réticence de l’assurée à se faire traiter. Pour le reste, elle a conclu à l’irrecevabilité des conclusions de la demanderesse.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l'art. 134 al. 1 let. c de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d'assurance, du 2 avril 1908 (loi sur le contrat d’assurance, LCA - RS 221.229.1).

2.        Selon l'art. 59 CPC, le tribunal n'entre en matière que sur les demandes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action. Ces conditions sont examinées d’office (art. 60 CPC). La liste des conditions de recevabilité prévue à l’article 59 al. 2 CPC n’est pas exhaustive (François BOHNET, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 9 ad art. 59 CPC).

3.        Les conclusions doivent être déterminées avec suffisamment de précision, de manière à ce qu’en cas d'admission, le jugement puisse être exécuté (arrêt du Tribunal fédéral 5A_832/2012 du 25 janvier 2013 consid. 6.2).

Ainsi, l’art. 84 al. 2 CPC prescrit que l’action tendant au paiement d’une somme d’argent doit être chiffrée. Il s’agit d’une condition de recevabilité (BOHNET, op. cit., nn. 17 ad art. 84 et 25 ad art. 85 CPC).

La règle n’est certes pas absolue et l’art. 85 CPC prévoit que le demandeur peut ne pas prendre de conclusions chiffrées lorsqu’il lui est impossible d’articuler d’entrée de cause le montant de ses prétentions, parce que, par exemple, les informations lui permettant de l’articuler sont en mains du défendeur ou d’un tiers ou qu’il serait déraisonnable de le lui demander, notamment en raison d’investigations lourdes et coûteuses ou lorsque le dommage n’est pas clairement connu (BOHNET, op. cit., nn. 6, 7 et 13 ad art. 85 CPC). Dans ce cas, le demandeur doit tout de même tenter de chiffrer ses prétentions, puisqu’il doit indiquer une valeur litigieuse minimale, conformément à l’art. 85 al. 1 in fine CPC (BOHNET, op. cit., n. 18 ad art. 85 CPC ; David HOFFMANN/Christian LÜSCHER, Le Code de procédure civile, 2015, p. 60).

Exceptionnellement, des conclusions non chiffrées suffisent lorsque la somme à allouer est d’emblée reconnaissable au regard de la motivation du recours ou de la décision attaquée (ATF 134 III 235 consid. 2 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_11/2014 du 3 juillet 2014 consid. 1.2). Toutefois, dans deux affaires d’assurance maladie collective perte de gain, le Tribunal fédéral a jugé irrecevables les conclusions d’assurés tendant simplement aux « prestations découlant du contrat d’assurance n. 50'123’083 » ou ordonnant « à [l’assurance] de calculer et de verser l’indemnité journalière en cas de maladie au demandeur, dès le 30 août 2004, plus intérêts à 5% dès la même date » (ATF 134 III 235 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_107/2008 du 5 juin 2008 consid. 2.2).

4.        Aux termes de l’art. 88 CPC, le demandeur intente une action en constatation de droit pour faire constater par un tribunal l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’un rapport de droit.

La demande en constat est subsidiaire à l’action condamnatoire (art. 84 CPC) ou formatrice (art. 87 CPC ; ATF 123 III 49 consid. 1a, JdT 1998 I 659). Par conséquent, là où différentes actions entrent en concurrence, il convient d’intenter celle qui peut le plus efficacement procurer au demandeur l’avantage qu’il recherche (ATF 122 III 279, in JdT 1998 I 605). Lorsque les prétentions du demandeur sont totalement exigibles et peuvent faire l’objet d’une action condamnatoire, il convient d’utiliser cette voie ; une demande en constat est irrecevable (ATF 103 II 220 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.7/2003 du 26 mai 2003 consid. 5 ; BOHNET, op. cit., n. 7 ad art. 84 CPC).

Il appartient au demandeur de démontrer son intérêt au constat (ATF 127 III 481 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 4P.239/2005 du 21 novembre 2005 consid. 4.3 et 4C.192/2004 consid. 2.4). Il n’y a pas d’intérêt au constat si le demandeur cherche à faire trancher une question de droit abstraite ou à recevoir une consultation juridique (ATF 122 III 279; 101 II 177 consid. 4c in fine). L'action en constatation n’a pas une fonction de réparation morale (ATF 122 III 449 consid. 2). La question de l’intérêt se posant par définition en matière de demande en constat, le juge n’a pas à y rendre le demandeur spécifiquement attentif (BOHNET, op. cit., n. 32 ad art. 88 CPC).

5.        Selon l'art. 132 al. 1 CPC, le tribunal fixe un délai pour la rectification des vices de forme telle l'absence de signature ou procuration. Le texte légal se rapportant aux vices de forme, il ne saurait être remédié à un défaut de motivation ou à des conclusions déficientes par ce biais, de tels vices n'étant pas d'ordre purement formel et affectant l'acte de façon irréparable (ATF 137 III 617 consid. 6.4 ; BOHNET, Code de procédure civile annoté, 2016, n. 2 ad art. 132 CPC).

L’art. 132 al. 2 CPC permet de réparer certains manquements typiques des plaideurs qui procèdent sans l’assistance d’un avocat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_659/2011 consid. 5). Lorsque le demandeur est assisté d’un avocat, il se justifie de se montrer plus rigoureux que face à un plaideur ignorant du droit. En effet, le juge est en droit d'admettre que l’avocat agit en pleine connaissance de cause ; il est présumé capable, en raison de sa formation particulière, de représenter utilement son client (ATF 113 Ia 84 consid. 3d ; ATAS/840/2015 du 29 octobre 2015).

6.        L’art. 58 al. 1 du CPC dispose que le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse. La maxime de disposition signifie que les parties déterminent l’objet du litige, c’est-à-dire si, quand, dans quelle étendue et pendant quelle durée elles veulent faire valoir une prétention en justice comme demandeur, respectivement la reconnaître comme défendeur (ATF 134 III 151 consid. 3.2 ; BOHNET, op. cit., n. 1 ad art. 58 CPC).

7.        Enfin, l’art. 90 CPC stipule que le demandeur peut réunir dans la même action plusieurs prétentions contre le même défendeur pour autant que le même tribunal soit compétent à raison de la matière et que les prétentions soient soumises à la même procédure.

8.        En l’espèce, il convient d’examiner les conclusions de la demande, dont la défenderesse invoque l’irrecevabilité.

La conclusion tendant à ce que la défenderesse soit condamnée à exécuter les prestations découlant du contrat d’assurance vise le paiement d’une somme d’argent. Or, en matière pécuniaire, les conclusions doivent être chiffrées ; si d'après les conclusions présentées, la juridiction est appelée à fixer elle-même le montant réclamé, la demande est irrecevable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_107/2008 du 5 juin 2008 consid. 2.2).

En se bornant à conclure à l’exécution des prestations découlant du contrat d’assurance, sans indiquer clairement quelles prestations elle requiert ni – en admettant qu’il s’agisse des indemnités journalières – la période durant laquelle elle les réclame et leur montant, la demanderesse délègue de facto au juge la tâche de déterminer la nature et la quotité des prestations qu’elle pourrait éventuellement prétendre, ce qui n’est pas admissible dans un litige soumis à la maxime de disposition. Partant, sa conclusion tendant à l’exécution des prestations découlant du contrat d’assurance est irrecevable (ATF 134 III 235 consid. 2).

Dans son écriture du 10 mars 2017, la demanderesse soutient qu’elle n’est pas en mesure d’établir l’intégralité du « dommage » que lui aurait causé la surveillance de la défenderesse et son « absence de toute prise en charge au plan financier ». Cet argument ne saurait la dispenser de chiffrer ses prétentions : il convient de rappeler que selon les conclusions de la demande, le litige ne porte pas sur la réparation d’un dommage résultant d’un acte illicite mais sur l’exécution du contrat d’assurance conclu avec la défenderesse, ce par quoi on peut comprendre le versement d’indemnités journalières. Or, la demanderesse dispose de toute évidence des éléments nécessaires pour quantifier ses prétentions en paiement d’indemnités journalières, en particulier du contrat d’assurance et des certificats d’incapacité de travail établis par ses médecins, attestant du taux et de la durée de cette incapacité. Si la demanderesse estimait être dans l’impossibilité de chiffrer ses prétentions – par exemple parce que certaines informations en possession de la défenderesse lui manquaient –, il lui incombait d’indiquer, à titre provisoire, une valeur litigieuse minimale et de requérir les preuves nécessaires, conformément à l’art. 85 CPC, ce qu’elle n’a pas fait.

Dans la mesure où la demanderesse est assistée d’un mandataire professionnel et que sa demande n’est pas entachée d’un simple vice formel, il n’y a pas lieu de lui accorder un délai de grâce pour chiffrer ses conclusions (arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice ACJC/1656/2016 du 16 décembre 2016 consid. 2.2.1).

9.        Quant à la conclusion tendant, selon l’intitulé de la demande, à constater « l’existence d’un contrat d’assurance », il convient de rappeler que les conclusions en constatation de droit ont un caractère subsidiaire et ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Des conclusions constatatoires ne sont ainsi admissibles que s'il existe un intérêt juridique ou de fait digne de protection à ce qu'elles soient accordées, qui ne saurait être pleinement sauvegardé par une conclusion formatrice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2010 du 12 avril 2011 consid. 3.3).

En l’occurrence, la demanderesse ne justifie d’aucun intérêt digne de protection à l’obtention d’un jugement constatant le maintien du contrat d’assurance. On ne voit quoi qu’il en soit pas qu’elle y aurait intérêt puisque son action vise en définitive à obtenir des prestations pécuniaires exigibles, liées à un cas d’assurance passé et pour lesquelles elle a pris une conclusion condamnatoire. Partant, sa conclusion constatatoire – qui revêt un caractère préparatoire par rapport à celle, condamnatoire, qui l’englobe – se révèle également irrecevable.

10.    Enfin, dans son écriture du 10 mars 2017, la demanderesse demande à la Chambre de céans de « réserver ses droits » en réparation d’un dommage que lui aurait causé la défenderesse, qu’elle tient pour responsable de sa faillite, de l’échec de la vente de son fonds de commerce et de l’expulsion de son logement, ajoutant que celle-ci lui a occasionné un préjudice tant sur le plan personnel que professionnel.

Sur ce point, la demanderesse invoque des prétentions qui ne ressortent pas à la LCA mais au droit des obligations (art. 41ss CO), voire au droit civil (art. 28 CC). Ces prétentions ne relèvent pas de la compétence matérielle de la Chambre de céans mais de celle du juge civil, qu’il lui est loisible de saisir le cas échéant. Il convient par ailleurs de relever que si la demanderesse entend apparemment se réserver le droit d’actionner la défenderesse en réparation d’un dommage, elle n’a pas pris de conclusions condamnatoires en ce sens, encore moins chiffrées (même a minima, cf. art. 85 al. 1 CPC). Dès lors, il n’appartient pas à la Chambre de céans de se prononcer sur les prétentions en question.

11.    Au vu de ce qui précède, la demande sera déclarée irrecevable.

12.    Selon l'art. 22 al. 3 let. b de la loi d'application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05], il n’est pas prélevé de frais judiciaires, ni alloué de dépens à la charge de l’assuré dans les causes portant sur les assurances complémentaires à l’assurance-maladie obligatoire.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Déclare irrecevable la demande déposée par A______ contre SWICA ORGANISATION DE SANTÉ.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile (Tribunal fédéral suisse, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14), sans égard à sa valeur litigieuse (art. 74 al. 2 let. b LTF). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoqués comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le