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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2387/2018

ATAS/851/2018 (2) du 27.09.2018 ( LAA ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 06.11.2018, rendu le 07.03.2019, REJETE, 8C_754/2018
Descripteurs : DÉLAI DE RECOURS ; CONDITION DE RECEVABILITÉ ; NOTIFICATION DE LA DÉCISION ; CASE POSTALE ; FICTION DE LA NOTIFICATION
Normes : LPGA.38.al1; LPGA.60.al1
Résumé : En cas d'envoi d'une décision par courrier A Plus, le délai de recours commence à courir dès la date du dépôt du pli dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire, même si cette date tombe un samedi.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2387/2018 ATAS/851/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 septembre 2018

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à ChÊne-Bourg, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe PASQUIER

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCES EN CAS D'ACCIDENTS, Division juridique, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1997, a travaillé à compter du 1er août 2014 au service de B______ SA. À ce titre, il était assuré contre le risque d’accidents, professionnels ou non, auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA).

2.        Le 16 février 2018, l’assuré a tapé dans une porte vitrée avec son poing, ayant entraîné des blessures à l’avant-bras droit, et nécessité un arrêt de travail.

3.        Par décision du 2 mars 2018, la SUVA, qui a pris en charge les suites de cet événement, a réduit de 50 % les prestations en espèces, considérant que le fait de taper dans une porte vitrée constituait une entreprise téméraire.

4.        Par courrier du 16 avril 2018, l’assuré, sous la plume de son conseil, a formé opposition à cette décision, contestant en substance avoir adopté une conduite répondant à la définition de l’entreprise téméraire.

5.        Par décision du 8 juin 2018, la SUVA a rejeté l’opposition de l’assuré.

6.        Par acte posté le 11 juillet 2018, l’assuré, par l’entremise de son conseil, a interjeté recours contre cette décision, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à l’octroi des indemnités journalières, sans réduction, dès le 19 février 2018.

7.        Dans sa réponse du 3 août 2018, l’intimée a conclu, sous suite de dépens, à l’irrecevabilité du recours, arguant que celui-ci a été formé tardivement, dès lors que la décision sur opposition, communiquée par courrier A Plus, avait été délivrée dans la boîte postale du mandataire du recourant le samedi 9 juin 2018, si bien que le délai de recours était arrivé à échéance le 9 juillet 2018.

Elle a joint l’attestation relative aux informations résultant du système de suivi des envois mis en place par la Poste suisse, indiquant que le courrier A Plus contenant la décision du 8 juin 2018 a été « distribué via case postale » de l’étude du conseil du recourant le samedi 9 juin 2018.

8.        Dans sa détermination du 21 août 2018, le recourant, qui a persisté dans ses conclusions, a conclu, préalablement, à la production par l’intimée des statistiques des envois de ses décisions sur les cinq dernières années, distinguant pour chaque jour de la semaine, les envois en courrier A, les envois en courrier A Plus et les envois en courrier recommandé. Il n’a pas contesté que le relevé Track & Trace faisait état du dépôt du pli contenant la décision litigieuse dans la case postale de son mandataire le samedi 9 juin 2018. Il a toutefois exposé que ce jour étant assimilé à un jour férié reconnu officiellement selon le droit fédéral, le pli était réputé avoir été distribué le prochain jour ouvrable, le lundi 11 juin 2018, d’autant plus que, selon l’usage local genevois, les études d’avocats, à l’instar de l’administration, étaient en général fermées les week-ends. L’horaire restreint d’accès aux cases postales le samedi en était l’évident reflet. Partant, il avait agi dans le délai de trente jours, lequel avait commencé à courir le 12 juin 2018 pour arriver à échéance le 11 juillet 2018. Il a ensuite critiqué la notification des décisions par courrier A Plus, arguant que la fiction de la réception au moment du dépôt du pli dans la case postale du destinataire les week-ends ou un jour férié était incompatible avec la sécurité du droit, allait à l’encontre du principe de la bonne foi et violait la garantie du procès équitable. Du seul fait que l’autorité qui avait rendu la décision avait décidé unilatéralement de l’expédier un vendredi au moyen du courrier A Plus plutôt que de recourir au courrier recommandé, le délai de recours était arbitrairement amputé de deux jours.

9.        Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Se pose au préalable la question de la recevabilité du recours interjeté le 11 juillet 2018 contre la décision sur opposition du 8 juin 2018.

3.        a. Selon l'art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. L'art. 38 al. 1 LPGA, applicable par analogie en vertu de l'art. 60 al. 2 LPGA, dispose que si le délai, compté par jours ou par mois, doit être communiqué aux parties, il commence à courir le lendemain de la communication.

b. Une décision ou une communication de procédure est considérée comme étant notifiée, non pas au moment où le justiciable en prend connaissance, mais le jour où elle est dûment communiquée. S'agissant d'un acte soumis à réception, la notification est réputée parfaite au moment où l'envoi entre dans la sphère de puissance de son destinataire. Point n'est besoin que celui-ci ait eu effectivement en mains le pli qui contenait la décision. Il suffit ainsi que la communication soit entrée dans sa sphère de puissance de manière à ce qu'il puisse en prendre connaissance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C.24/05 du 11 avril 2005 consid. 4.1).

c. Pour être effectuée valablement, une notification doit être faite au mandataire en cas d’élection de domicile chez ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.794/04 du 1er mai 2006 consid. 1).

4.        La Poste suisse propose parmi ses services l’envoi par courrier A Plus. Les écrits expédiés par ce moyen sont directement distribués dans la boîte aux lettres ou dans la case postale du destinataire et font l’objet, via le numéro d’envoi dont ils sont munis, d’une information de dépôt par voie électronique via le service de suivi des envois (Track & Trace) de la Poste suisse. Contrairement au courrier recommandé, il n'y a pas d'accusé de réception par le destinataire (ATF 142 III 599 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion d’admettre, à plusieurs reprises, qu'un envoi expédié par courrier A Plus se trouve dans la sphère de puissance du destinataire dès la date du dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire - fût-elle un samedi (arrêts 8C_198/2015 du 30 avril 2015 consid. 3.2 et les références citées ; 8C_573/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.2).

5.        a. En l’occurrence, l’attestation de suivi des envois de la Poste suisse indique que la décision litigieuse du 8 juin 2018 a été distribuée, par courrier A Plus, le samedi 9 juin 2018, via la case postale de l’étude du mandataire du recourant, ce que ce dernier ne conteste pas. Ainsi, le délai de recours de trente jours a commencé à courir le dimanche 10 juin 2018 pour arriver à échéance le lundi 9 juillet 2018. Le moment où le recourant (ou son mandataire) a pu relever son courrier et avoir une connaissance effective du contenu de la décision litigieuse est sans pertinence. Par conséquent, le recours interjeté le 11 juillet 2018 ne l’a pas été en temps utile.

b. La référence que fait le recourant à l'art. 1 de la loi fédérale sur la supputation des délais comprenant un samedi du 21 juin 1963 (RS 173.110.3) - aux termes duquel « [p]our les délais légaux de droit fédéral et pour les délais fixés par des autorités conformément au droit fédéral, le samedi est assimilé à un jour férié reconnu officiellement » - ne lui est d'aucun secours. En effet, cette disposition, en corrélation avec l'art. 38 al. 3 LPGA - qui prévoit que « [l]orsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit [1ère phrase]) -, ne concerne que la fin du délai et non son commencement (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_198/2015 du 30 avril 2015 consid. 3.2).

6.        Le recourant argue que la notification d’une décision un samedi, faisant entrer l’acte dans la sphère de puissance de son destinataire dès ce jour, viole la garantie du procès équitable. Il se prévaut de l’art. 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH – RS 0.101).

a. L'art. 6 par. 1 CEDH garantit à toute personne le droit à ce qu'un tribunal connaisse d'une contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil. La notion de contestation relative à des «droits et obligations à caractère civil» comprend notamment les litiges relatifs à des prestations d'assurances sociales (arrêt du Tribunal fédéral 8C 866/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.2).

L'art. 6 par. 1 CEDH consacre ainsi le « droit à un tribunal », dont le droit d'accès ne constitue qu'un aspect. Toutefois, ce droit d'accès n'est pas absolu: il se prête à des limitations implicitement admises, car il appelle, de par sa nature même, une réglementation par l'État, qui jouit en ce domaine d'une certaine marge d'appréciation. Ces limitations ne doivent pas restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tels que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'art. 6 par. 1 CEDH que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. La garantie de l'accès au juge peut ainsi être soumise à des exigences formelles dont fait précisément partie le respect des délais de recours fixés dans l'intérêt public de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice (ATF 141 II 429 consid. 3.5.1 non publié et les références citées). La garantie de l'accès au juge n'est pas violée du seul fait qu'un recours est déclaré irrecevable pour cause de tardiveté (arrêt du Tribunal fédéral 1C_171/2011 du 26 mai 2011 consid. 2.2).

b. En l’espèce, il y a lieu de relever que, selon le Tribunal fédéral, les assureurs-sociaux sont libres de choisir le mode de notification de leurs décisions, la LPGA ne prévoyant pas de règlementation particulière en la matière. Aussi la notification des décisions par courrier A Plus est-elle admissible (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1). Par conséquent, on ne saurait reprocher à l’intimée d’avoir, un vendredi, expédié par ce moyen la décision querellée.

7.        a. En matière d’accès à un tribunal, il importe que les règles concernant, entre autres, les possibilités des voies de recours et les délais soient posées avec clarté, mais qu’elles soient aussi portées à la connaissance des justiciables de la manière la plus explicite possible, afin que ceux-ci puissent en faire usage conformément à la loi (ACEDH Assunção Chaves c. Portugal du 31 janvier 2012, req. n° 61226/08, § 81).

Dans le cas d’espèce, deux règles relatives aux délais de recours méritent d’être rappelées, étant souligné que la jurisprudence fédérale est accessible pour le justiciable sur le site https://www.bger.ch/fr/index/juridiction/jurisdiction-inherit-template/jurisdiction-recht.htm. D’une part, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il n'est pas nécessaire pour la remise d'un envoi que le destinataire le reçoive effectivement ; il suffit qu'il relève de la sphère de puissance de celui-ci et qu'il puisse en prendre connaissance. D’autre part, en cas d’envoi par courrier A Plus - ce qui est admissible -, le délai de recours commence à courir dès la date du dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire, même si cette date tombe un samedi. Ces règles s’imposent et se justifient au regard du principe d'égalité de traitement et de l’intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Les intéressés doivent s’attendre à ce que ces règles soient appliquées (ACEDH Agbovi c. Allemagne du 25 septembre 2006, req. n° 71759/01, § 1).

b. Le recourant ne pouvait donc ignorer ces règles, ce d’autant qu’il est représenté par un avocat. Il lui incombait de vérifier par quel moyen l’assureur-social lui avait communiqué la décision litigieuse et de se renseigner, s’agissant d’un courrier A Plus, déposé dans sa case postale, sur la date de distribution par la Poste en consultant l’application informatique de suivi des envois. Le numéro de référence, qui permet le suivi Track & Trace figure sur l’enveloppe contenant la décision litigieuse (cf. ATF 141 II 429 consid. 3.3.3). On ne voit ainsi pas en quoi la stricte application de ces règles fixant le délai pour recourir serait de nature à entraver l'accès au juge ; la forclusion résulte plutôt d'une inadvertance du recourant (ou, à tout le moins, de son mandataire). Le grief tiré de la violation l'art. 6 par. 1 CEDH doit ainsi être rejeté.

8.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le recours est irrecevable pour cause de tardiveté. Par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), il n’y pas lieu de donner suite à l’acte d’instruction sollicité par le recourant.

9.        La procédure est gratuite.

***

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Déclare le recours irrecevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le