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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4916/2017

ATAS/85/2018 du 30.01.2018 ( LPP ) , RATIONE MATERIAE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4916/2017 ATAS/85/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 janvier 2018

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A_____, domicilié à VIRY, France, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Bernard NUZZO

Madame B_____, domiciliée à SAINT JULIEN EN GENEVOIS, France

 

demandeurs


EN FAIT

1.        Par jugement du 10 avril 2017, le Tribunal de Grande Instance de Thonon-les-Bains a prononcé le divorce des époux A_____, né le ______ 1959, et B_____, née le ______ 1968, tous deux domiciliés en France.

Il s’est en revanche déclaré incompétent sur la demande de Mme B_____ de conserver son 2ème pilier sans revendication, ni compensation de la part de son époux, considérant que les juridictions suisses avaient la compétence exclusive pour statuer sur le partage des avoirs de prévoyance suisse, même lorsque c’est le juge français qui prononce le divorce.

2.        M. A_____ a déposé une demande en partage des avoirs LPP le 6 décembre 2017 auprès de la chambre de céans. Il précise que Mme B_____ travaille aux Hôpitaux Universitaires de Genève depuis le 1er février 1998 et est affiliée en cette qualité à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG). Il n’a quant à lui jamais exercé aucune activité lucrative en Suisse. Il fait valoir que ce sont les tribunaux suisses du siège de l’institution de prévoyance qui sont compétents, soit en l’occurrence la chambre de céans.

EN DROIT

1.        Au 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification des art. 122 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) concernant le partage des prestations de sortie des ex-époux, ainsi que des art. 280 ss du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et 22 ss. de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42).

Le jugement de divorce ayant été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2017, des nouvelles dispositions relatives au partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce, la chambre de céans applique les dispositions légales dans leur nouvelle teneur (art. 7d Tit. fin. CC).

2.        L’art. 22 LFLP prévoit que

« En cas de divorce, les prestations de sortie et les parts de rente sont partagées conformément aux art. 122 à 124e du code civil (CC) et 280 et 281 du code de procédure civile (CPC) ».

Lorsque l'un des époux au moins est affilié à une institution de prévoyance professionnelle et qu'aucun cas de prévoyance n'est survenu, chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint calculée pour la durée du mariage selon les dispositions de la loi du 17 décembre 1993 sur le libre passage (art. 122 al. 1 CC).

Une indemnité équitable est due lorsqu'un cas de prévoyance est déjà survenu pour l'un des époux ou pour les deux ou que les prétentions en matière de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage ne peuvent être partagées pour d'autres motifs (art. 124 al. 1 CC).

Selon l'art. 22b al. 1 et 2 LFLP, lorsqu'une indemnité équitable est versée à l'un des époux en vertu de l'art. 124 CC, le jugement de divorce peut prescrire qu'une partie de la prestation de sortie sera imputée sur l'indemnité équitable (al. 1). Le juge notifie d'office à l'institution de prévoyance le montant à transférer et lui fournit les indications nécessaires au maintien de la prévoyance; pour le transfert, les art. 3 à 5 sont applicables par analogie (al. 2).

L’art. 25a al. 1 LFLP précise que

« Si une décision concernant le partage de la prévoyance professionnelle en application de l'art. 280 ou 281 CPC s'avère impossible à prendre durant la procédure de divorce, le juge du lieu du divorce compétent au sens de l'art. 73, al. 1, LPP exécute d'office, après que l'affaire lui a été transmise (art. 281, al. 3, CPC), le partage sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce. S'il s'agit d'une action en complément d'un jugement de divorce étranger, le lieu de l'action en complément est considéré comme lieu du divorce (art. 64 de la LF du 18 déc. 1987 sur le droit international privé) ».

Est réservé le cas où le juge des assurances sociales constate que le partage des prestations de sortie au sens de l'art. 122 CC est impossible en raison de la survenance d'un cas de prévoyance. Il doit alors transmettre d'office la cause au juge du divorce comme objet de sa compétence (ATF 136 V 225). Les dispositions légales applicables aux prétentions découlant de la prévoyance professionnelle en cas de divorce opèrent une distinction selon qu'un cas de prévoyance est survenu ou non. Par survenance d'un cas de prévoyance au sens des art. 122 et 124 CC, il faut entendre la naissance d'un droit concret à des prestations de la prévoyance professionnelle, qui rend impossible le partage des avoirs de prévoyance à la base des prestations servies. Ainsi, la survenance de l'âge de la retraite ou d'une invalidité, qui entraîne le droit à des prestations d'une institution de prévoyance, rend impossible le partage des avoirs de prévoyance, si minimes soient les prestations versées ou les avoirs à leur base (consid. 4.1 non publié de l'ATF 136 V 225 et les références), de sorte que l'art. 124 CC est applicable.

Cette disposition s'applique cependant aussi lorsqu'aucun cas de prévoyance n'est survenu, mais que le partage n'est pas possible "pour d'autres motifs". Ce qui est dès lors déterminant pour délimiter les prétentions selon l'art. 122 et l'art. 124 CC, c'est le point de savoir si le partage des prestations de sortie est techniquement possible sans réserve (ATF 129 III 481 consid. 3.2.1 in fine p. 484 ; ATF 9C_515/2011 du 12 octobre 2011, consid. 4.1 et 6.1).

De façon générale, il n'appartient pas au juge des assurances sociales de se substituer au juge du divorce et d'examiner lui-même la question de l'indemnité équitable selon l'art. 124 CC (voir également le texte de l'art. 22b LFLP). Seul le juge du divorce dispose d'une vision d'ensemble de la situation économique concrète des parties et de leurs besoins de prévoyance respectifs. Pour fixer le montant de l'indemnité équitable, la jurisprudence exige en effet de tenir compte de façon adéquate de la situation patrimoniale après la liquidation du régime matrimonial ainsi que des autres éléments de la situation économique des parties après le divorce (ATF 131 III 1 consid. 4.2 p. 4 et la référence). Les besoins personnels ou la capacité contributive du débiteur, ou encore les besoins de prévoyance du bénéficiaire constituent des critères qu'il convient spécialement d'examiner (ATF 133 III 401 consid. 3.2 p. 404).

3.        En l’espèce, le juge français a prononcé le divorce des époux, mais s’est déclaré incompétent quant à la question du sort des avoirs LPP accumulés par Mme B_____ auprès de la CPEG (art. 63 et 64 LDIP). M. A_____ a saisi la chambre de céans pour qu’elle prononce le partage par moitié de ces avoirs.

Force est de rappeler qu’il appartient certes à la chambre de céans d’exécuter le partage selon la clé de répartition déterminée par le juge civil, elle ne peut toutefois pas se substituer au juge civil et doit uniquement exécuter le partage (ATF 132 III 401 consid. 2.2 p. 404; 132 V 337 consid. 2.2 p. 341 ; 9C_388/2009). Seul le juge civil est en effet compétent pour déterminer la clé de répartition. La compétence de la chambre de céans se limite à procéder au partage des avoirs lorsque l'art. 122 CC s'applique. Or, aucun juge civil n’a en l’espèce fixé la clé de répartition.

Aussi la chambre de céans ne peut-elle que refuser d’entrer en matière, faute de compétence.

La cause sera transmise d’office au Tribunal de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 9C_737/2010).

4.        Aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

 

***

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

1.             Se déclare incompétente.

2.             Refuse d'entrer en matière.

3.             Transmet la cause au Tribunal de première instance de la République et Canton de Genève comme objet de sa compétence.

4.             Dit que la procédure est gratuite.

5.             Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le