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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3229/2007

ATAS/823/2009 (3) du 19.06.2009 ( LPP ) , REJETE

Recours TF déposé le 03.09.2009, rendu le 07.07.2010, ADMIS, 9C_698/2009
Descripteurs : LF SUR LA PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE VIEILLESSE, SURVIVANTS ET INVALIDITÉ; PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE SELON LA LPP; PRESCRIPTION; ACTE LÉGISLATIF; RÉVISION(LÉGISLATION); INFRACTION ; CONNAISSANCE; DOMMAGE
Normes : LPP52
Résumé : Selon l'art. 52 LPP en vigueur depuis le 1er janvier 2005, l'action en responsabilité des organes de contrôle se prescrit par 5 ans dès la connaissance du dommage mais en tout cas par 10 ans dès la commission du dommage. Le délai de prescription prévu par la jurisprudence applicable sous l'ancien droit (10 ans) n'étant en l'espèce pas échu au moment de l'entrée en vigueur du nouveau droit, il convient d'appliquer le délai de prescription du nouveau droit (5 ans), étant précisé que ce délai ne peut venir à échéance, au plus tôt, que deux ans après l'entrée en vigueur du nouveau droit. Or, en l'espèce, au moment de l'ouverture de l'action, tant le délai de 5 ans dès la connaissance du dommage et de la personne tenue à dédommagement que celui de deux ans dès l'entrée en vigueur de l'art. 52 LPP révisé (1er janvier 2005) étaient échus, de sorte que l'action est prescrite. Quant à l'art. 60 al. 2 CO - qui prévoit que si les dommages et intérêts dérivent d'un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, celle-ci s'applique au droit civil -, il ne trouve pas application concernant l'action en responsabilité LPP contre les organes, dans la mesure où celle-ci est fondée sur l'art. 52 LPP et non sur l'art. 41 CO. Enfin, le fait de se constituer partie civile au pénal pour pouvoir participer à l'instruction ne constitue pas en tant que tel un acte interruptif de la prescription. Encore faut-il pour ce faire que le montant du dommage ait été chiffré ou que des conclusions visant à la constatation du fondement juridique de l'indemnisation aient été prises, ce qui n'a manifestement pas été le cas en l'espèce.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3229/2007 ATAS/823/2009

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 3

du 19 juin 2009

 

En la cause

CAISSE DE PENSIONS de X_________ SA GENERALE D’ENTREPRISE ET DES SOCIETES AFFILIEES, en liquidation, domiciliée p.a. Z_________ SA, à Genève , comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Corinne CORMINBOEUF HARARI, avocate

demanderesse

contre

A__________, domicilié à VÉSENAZ, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Vincent JEANNERET, avocat

défendeur

 


EN FAIT

A__________ a été, de 1989 à mars 1998, administrateur unique avec signature individuelle de X_________, importante société active dans le domaine de la construction.

A__________ était également président du conseil de fondation de la CAISSE DE PENSIONS de X_________, avec voix prépondérante (cf. art. 62 ch. 6 du règlement de la Y__________).

En septembre 1997, la SOCIETE FIDUCIAIRE D’EXPERTISE ET DE REVISION SA, organe de contrôle de X__________, a estimé que la société était surendettée et tombait sous le coup de l’art. 725 al. 2 du Code des obligations.

Le 16 mars 1998, X__________ a déposé une demande de sursis concordataire devant le Tribunal de première instance de la République et canton de Genève. La requête a été avalisée tout d’abord pour une période de six mois, puis une prolongation a été accordée jusqu’en février 1999.

La Juridiction civile a finalement homologué le concordat par abandon d’actifs présenté par X__________ par jugement du 22 juin 1999. Deux liquidateurs ont été nommés, à savoir B__________ et C__________. Y__________ a adhéré à ce concordat en novembre 1998.

La Y__________ est entrée en liquidation le 2 décembre 1998. Ses liquidateurs désignés sont B__________ et D__________.

En date du 22 décembre 2003, ces derniers, agissant pour le compte de la Y__________ en liquidation (ci-après : la demanderesse), ont déposé plainte pénale à l’encontre de A__________ (en tant qu’ancien administrateur unique de X__________ et président du conseil de fondation Y__________) pour gestion déloyale (art. 158 CP), escroquerie (art. 146 CP), obtention frauduleuse d’un concordat (art. 170 CP) et faux dans les titres (art. 251 CP).

L’intéressé a été inculpé le 24 novembre 2004 du chef de ces infractions.

Quant à Y__________, elle a déclaré se constituer partie civile à la procédure pénale par acte du 22 décembre 2003 en ces termes : « nous déclarons d’ores et déjà nous constituer partie civile ». Le juge d’instruction a confirmé ladite constitution de partie à la procédure dans son ordonnance du 16 février 2005.

La Chambre d’accusation de la République et canton de Genève a décidé, par ordonnance du 10 juin 2008, de renvoyer A__________ devant la Cour correctionnelle sans jury afin d’y être jugé pour gestion déloyale au sens de l’art. 159 ch. 1 et 2 CP dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 1994 (respectivement au sens de l'art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP dans sa version en vigueur dès cette date). L’autorité pénale a reproché au prévenu :

d’« avoir, en 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998,

alors qu’il était propriétaire via une holding, administrateur unique et directeur de X_________ ainsi que fondateur et président du conseil de fondation de Y__________,

que X_________ était dans l’incapacité de payer à la Y__________ toutes les cotisations de prévoyance professionnelle et qu’il savait ou ne pouvait ignorer que X__________ ne possédait pas la trésorerie pour payer l’intégralité des cotisations de prévoyance professionnelle à Y__________ et encore moins rembourser l’arriéré fixé à 1'433'211 Fr. selon créance inscrite au bilan 1992, qu’il savait ou ne pouvait ignorer que la situation e X_________ se dégradait, qu’il savait par ailleurs qu’un immeuble dans lequel Y__________ avait investi en 1991 en vue de financer un projet de X___________ était surévalué et qu’aucune provision n’avait été portée à cet égard dans le bilan de l’exercice 1992, qu’il savait que Y__________ était utilisée pour financer matériellement la survie de X_________ au détriment de ses intérêts de caisse de pensions et de ceux de ses assurés, qu’il avait ainsi porté au bilan de Y__________ pour 1992 une créance douteuse en omettant de la provisionner ou de la faire provisionner,

proposé et persuadé le conseil de fondation, au premier semestre 1994, de porter à l’actif du bilan une créance de 1'645'833 Fr. contre X_________ représentant les cotisations arriérées et de renoncer à prendre des mesures en vue du recouvrement des cotisations arriérées, consentant de la sorte un prêt à X___________ équivalant à l’arriéré des cotisations,

rassuré le conseil de fondation de Y__________ sur la situation de X__________ et son avenir en lui affirmant sa volonté, en sa qualité d’administrateur de X_________, d’assainir la situation et de rembourser rapidement l’arriéré, en affirmant que la situation serait réglée à telle date ou en proposant des plans de paiement, voire en donnant des indications inexactes sur le montant de la créance de X___________ au service de surveillance des fondations,

selon un schéma similaire, fait augmenter la créance contre X________ à 2'539'831 Fr. début 1995 (bilan 1994), 2'927'411 Fr. début 1996 (bilan 1995), 3'871'942 Fr. début 1997 (bilan 1996), enfin à 4'329'482 Fr. début 1998 (bilan 1997),

su qu’un immeuble dans lequel Y__________ avait investi en 1991, en vue de financer un projet de X__________, était surévalué et qu’aucune disposition n’avait été portée à cet égard dans le bilan,

su également, pour avoir été à l’origine des décisions en question en 1994, respectivement 1996, que Y__________ investissait dans des projets immobiliers de X__________, à savoir la construction d’un immeuble à l’avenue de Champel et un autre à la route de Drize, que Y__________ avait exagérément investi dans l’immobilier genevois et en particulier dans les projets réalisés par X__________, que la dette hypothécaire de Y__________ devenait excessive et que, partant, Y__________ finançait matériellement la survie de X_________ au détriment de ses intérêts de caisse de pensions et de ceux de ses assurés,

causé en conséquence à Y__________ un préjudice économique, la créance de 4'681'632 Fr. en paiement des arriérés de cotisations produite par Y__________ dans la liquidation de X__________ suite à son surendettement annoncé en septembre 1997 et colloquée en première classe n’ayant donné lieu au versement d’aucun dividende, dès lors que le concordat par abandon d’actifs auquel Y__________ avait adhéré n’avait pu être exécuté en raison de la surévaluation de certains actifs de X__________, et Y__________ étant elle-même entrée en liquidation en décembre 1998 non sans avoir dû faire appel au Fonds de garantie LPP à hauteur de plus de 38 millions de francs,

en agissant, pour chacune des infractions, avec la circonstance aggravante du dessein de lucre, avantageant X__________ par chacune des actions, tout en sachant qu’elle ne pourrait rembourser Y__________, ce qui a contribué à prolonger l’activité économique de X__________ alors qu’elle aurait dû, sans cette aide, annoncer son insolvabilité. »

Par mémoire du 24 août 2007, Y__________ en liquidation a saisi le Tribunal de céans d'une action en responsabilité dirigée contre A__________ en sa qualité de président du conseil de fondation de Y__________. Elle réclame, sous suite de dépens, la condamnation du défendeur au paiement de 4'681'632 fr. avec intérêts à 5% à compter du 20 mars 1998 et de 4'670'601 fr. avec intérêts à 5% dès le 3 décembre 1998.

D'une part, la demanderesse tient le défendeur pour responsable de la perte qu'elle a subie en relation avec les cotisations arriérées dont le recouvrement n’a pu être obtenu dans le cadre de l’exécution du concordat par abandon d’actifs. En particulier, elle fait valoir que le paiement des cotisations du deuxième pilier par X__________ – qui accusait un retard depuis de nombreuses années – a été inscrit régulièrement au bilan sous la forme d’une créance (prêt) à l’encontre de X__________, selon la volonté du défendeur qui bénéficiait d’une position prépondérante au sein du conseil de fondation. Or, le défendeur étant également administrateur unique de cette dernière entité, il savait que le remboursement du prêt ne pourrait être honoré en raison de la situation financière difficile de la société (la demanderesse se réfère au jugement du 7 septembre 2005 de la Cour de Justice) et il a privilégié les intérêts de X__________, cherchant pendant plusieurs années à gagner du temps en formulant régulièrement de nouvelles promesses non suivies d’exécution au conseil de fondation et au service de surveillance des fondations. Sous réserve d’un versement de l’ordre de 690'000 fr. constitué par un ancien fond patronal, les plans de remboursement proposés par le défendeur n’ont jamais été respectés et aucune mesure n’a été prise pour réduire la dette de X__________, ni même pour empêcher son accroissement.

D’autre part, la demanderesse estime que le défendeur doit également être déclaré responsable de la perte enregistrée sur la vente des immeubles de l’avenue de Champel et de la route de Drize. Ces immeubles ont été construits par X__________ sur des parcelles acquises par Y__________ et l’investissement décidé sur la base exclusive des informations fournies par X________ SA, société du groupe X__________. Concernant le premier immeuble, la caisse a supporté, au moment de la vente, une perte de 3'570'000 fr. compte tenu de son investissement et de l’hypothèque contractée. Avec l’acquisition du second immeuble, Y__________ a dépassé le seuil de 50 % de placements immobiliers autorisé par la législation (art. 54 let. c OPP 2) et son endettement a atteint 19'663'831 fr. en 1998. Lors de la vente dudit immeuble, la caisse a supporté une nouvelle perte de plus de 80 % de son investissement initial, soit 1'100'601 fr. Au total, c’est donc une somme de 4'670'601 fr. que la demanderesse considère avoir perdu en raison des agissements du défendeur, lequel aurait violé le principe de la sécurité que doivent suivre les organes des fondations de prévoyance, ce d’autant plus que les risques ont été concentrés en plaçant la fortune auprès de l’employeur.

La demanderesse soutient que le défendeur ayant violé ses devoirs de membre d’un organe de la fondation, et l’ensemble des conditions posées à l’art. 52 LPP étant réunies, il y a lieu de le déclarer responsable et de le condamner à payer le dommage causé à la caisse en liquidation.

Dans son mémoire de réponse, A__________ a conclu, sous suite de dépens, au constat que les prétentions de la caisse en liquidation sont prescrites et à ce que la caisse soit déboutée de toutes ses conclusions.

Tout en précisant que les faits établis par la demanderesse et non expressément reconnus par lui-même sont contestés, le défendeur déclare d’emblée que si par impossible ces faits devaient être admis, la conséquence en serait de toute manière la constatation de la prescription de l’action.

Tout d’abord, il met en exergue que l’arriéré de cotisations a atteint le montant de 4'676'650 fr. 08 le 20 mars 1998, date à laquelle le sursis concordataire de X__________ a été accordé. La créance a finalement été inscrite à hauteur de 4'681632 fr. en première classe de l’état de collocation de X__________, état de collocation publié la première fois le 24 juin 1999, puis en date du 5 juin 2000.

Quant au deuxième poste du dommage allégué, le défendeur allègue qu'il repose sur des placements effectués entre 1994 et 1996 (acquisition des immeubles de Champel les 18 et 21 mars 1994; acquisition des parcelles relatives aux immeubles de la route de Drize les 28 juin et 16 juillet 1996). Lesdits immeubles ont été vendus les 28 septembre 1999 (Champel), 23 décembre 1999 (route de Drize et 16 juin 2000 (route de Drize).

Y__________ est entrée en liquidation le 2 décembre 1998.

Le 27 septembre 2000, les liquidateurs concordataires de X__________ ont mandaté Z_________ SA aux fins de déterminer le montant du surendettement de X__________ et à quand il remontait. Le rapport définitif a été transmis à B__________ en juin 2002.

Le défendeur estime qu’en raison de l’applicabilité de l’art. 49 Tit. fin. CC au cas d’espèce, le délai de 5 ans introduit à l’art. 52 LPP au premier janvier 2005 a commencé à courir avant l’entrée en vigueur du nouveau droit. Or, tant le dommage que l'identité de la personne qui en était prétendument responsable étaient connus de la demanderesse au plus tard le 23 août 2002 (i.e. la veille du dépôt de l’action selon 52 LPP), voire même le 8 mars 2001 ou encore le 24 juin 1999. Partant, le défendeur soutient qu'en ce qui concerne les arriérés de cotisations, le délai de prescription était écoulé au moment de l’introduction de la demande et qu'il en va de même quant aux investissements immobiliers, puisqu’à la date de la vente des immeubles, le dommage pouvait être calculé et la personne du défendeur était clairement désignée dans une note datée du 8 mars 2001 (cf. ci-dessous). Le défendeur ajoute que le délai absolu de 10 ans est également échu, car les investissements immobiliers remontent à 1994 et 1996.

Le défendeur souligne qu'en date du 8 mars 2001, les liquidateurs de Y__________ ont adressé un courrier au Fond de garantie LPP intitulé « note préliminaire sur les responsabilités des membres du conseil de fondation de Y__________ », dans lequel sont mentionnés l’arriéré de cotisations et les faits relatifs aux investissements immobiliers. Les signataires de la lettre mentionnaient « par ailleurs il conviendrait que Y__________ et le Fonds de garantie agissent afin d’interrompre la prescription à l’égard des membres du conseil de fondation ». Le défendeur en déduit qu’à ce moment, les liquidateurs avaient conscience d’avoir en leurs mains tous les éléments leur permettant d’ouvrir une action. Toutefois, de l’avis de l’intéressé, les liquidateurs n’ont pas interrompu la prescription, Y__________ s’étant contentée de faire signer le 12 mars 2001 à tous les anciens membres du conseil de fondation et à son organe de contrôle des renonciations à invoquer la prescription durant des laps de temps déterminés. Ces requêtes, renouvelées, n’ont pas porté au-delà du 31 décembre 2004 et ne sauraient valoir interruption de la prescription étant donné le renvoi par l’art. 41 al. 2 LPP aux art. 129 ss CO, soit en particulier à l’art. 35 al. 2 CO qui détermine exhaustivement les actes portant interruption de la prescription.

Enfin, le défendeur souligne que si Y__________ a déposé plainte pénale contre lui en date du 22 décembre 2003, cette plainte n’avait pas pour objet le second poste du dommage allégué dans sa demande; Y__________ n’a pas non plus déposé de conclusions civiles ni précisé quel dommage elle entendait faire valoir à l’encontre du prévenu. Le défendeur en tire la conclusion que ladite plainte ne peut donc avoir d’effet sur le cours de la prescription civile.

Le 18 décembre 2007, la demanderesse a contesté les allégués du défendeur et défendu l'opinion que les fondements mêmes de la prescription étaient respectés dans la présente procédure. Elle a donc persisté dans ses conclusions.

Tout d’abord, la demanderesse relate que le défendeur est conscient depuis longtemps d’une part du dommage total subi par Y__________ qu’elle se réservait de faire valoir à son encontre en tout ou partie – et d’autre part des faits sur lesquels se fondent ses reproches. Elle a certes décidé de ne poursuivre le défendeur que pour une partie de son dommage (celui qu’elle considère comme étant directement imputable à la faute de l’intéressé), mais cette réduction du dommage dont elle entend désormais réclamer l’indemnisation est possible et ne remet nullement en cause le fait qu’elle s’était réservé le droit de poursuivre le défendeur pour un montant largement supérieur. Enfin, celui-ci ne saurait prétendre avoir perdu entre temps des moyens de preuve propres à l’exonérer ou encore déplorer la disparition de témoins capitaux, la procédure pénale ayant au contraire permis de réunir un certain nombre de moyens de preuve et l’audition de témoins.

En ce qui concerne l’art. 52 LPP dans sa nouvelle teneur, la demanderesse considère qu’il n’est pas applicable au présent litige pour plusieurs motifs. Le premier est fondé sur le principe selon lequel les règles applicables d’un point de vue temporel, en matière de prévoyance professionnelle, sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits. Ensuite, la demanderesse soutient qu'une rétroactivité de la norme porterait atteinte à la sécurité juridique et à la prévisibilité du droit, en particulier par le fait que ladite rétroactivité n’a pas été expressément prescrite par le législateur. Cela dit, une éventuelle rétroactivité de l’art. 52 LPP nouveau serait d’effet limité puisque, vu l’absence de délai de prescription prévu par l’ancien droit, le délai de 5 ans (prescription relative) qu’il prévoit ne commencerait à courir qu’avec son entrée en vigueur, soit au 1er janvier 2005. La demanderesse conclut que ses prétentions ne sont dès lors pas prescrites, le délai absolu de 10 ans ayant commencé à courir le 3 décembre 2008 et le délai relatif le 1er janvier 2005.

Par ailleurs, la demanderesse insiste sur l’applicabilité de l’art. 60 al. 2 CO; elle fait valoir qu'il serait choquant que l’auteur d’une infraction puisse encore être puni mais que la réparation du dommage infligé ne puisse plus être demandée. La demanderesse invoque la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui a étendu l’application de l’article en cause à d’autres domaines que celui découlant de la responsabilité délictuelle selon l’art. 41 CO, en particulier celui de la circulation routière, nonobstant l’absence de base légale spéciale dans la loi sur la circulation routière à cet égard. Enfin, le fait que le législateur n’ait pas prévu de clause similaire ou de renvoi à l’art. 60 al. 2 CO constitue, du point de vue de la demanderesse, une lacune involontaire qui doit être comblée par le juge. Autrement, le résultat serait choquant, car l’application de l’art. 52 LPP serait exclue lors de cas graves, l’action devant alors être fondée sur l’art. 41 CO devant une juridiction distincte de celle prévue à l’art. 73 LPP, celle-ci n’étant pas compétente pour juger des actions fondées sur l’art. 41 CO. Etant donné l’inculpation pour gestion déloyale avec dessein d’enrichissement illégitime, le délai de prescription (tant sous le nouveau que l’ancien droit) est de 15 ans.

Quant aux déclarations de renonciation à invoquer la prescription, la demanderesse estime qu'elles ont valablement interrompu celle-ci, puisque tant leur texte que le contexte dans lequel elles ont été signées démontrent que c’est le sens qui leur était donné. La demanderesse mentionne avoir ainsi clairement déclaré au défendeur que faute de retour des déclarations signées, elle serait contrainte de recourir à toutes les voies de droit jugées nécessaires et en particulier à l’envoi d’un commandement de payer.

Enfin, la demanderesse soutient que la constitution de partie civile au procès pénal est intervenue avec la précision requise pour qu’il soit admis qu’elle interrompt la prescription civile. D’une part, elle considère que la jurisprudence citée par le défendeur n’a d’autre but que d’inviter la partie civile à chiffrer son dommage, dans le cadre de la procédure pénale, la simple réserve des droits sollicitée dans le cadre du jugement final ne suffisant pas; la procédure n’en était pas encore là. D’autre part, elle argue du fait que le contenu de sa plainte pénale est suffisamment explicite pour que le dommage soit considéré comme chiffré et ce, dès le dépôt de ladite plainte. Selon la demanderesse, le but poursuivi par l’exigence de précision dans les conclusions civiles est l’intérêt digne de protection de l’auteur du dommage à connaître la nature et l’importance des créances invoquées contre lui; or, le défendeur connaissait parfaitement le montant et la nature des créances en cause.

Dans leurs écritures subséquentes, les parties ont persisté dans leurs argumentation et conclusions. En tant que besoin, il sera revenu sur leurs allégués dans la partie en droit du présent arrêt.

La cause a été gardée à juger le 17 septembre 2008, ce dont les parties ont été informées.

Par arrêt incident du 30 octobre 2008, le Tribunal de céans a suspendu l’instance jusqu’à droit connu dans la procédure pénale.

Par courrier du 19 mai 2009, la demanderesse a communiqué au Tribunal de céans copie de l’arrêt rendu par la Cour correctionnelle en date du 20 mars 2009. Elle a souligné avoir sollicité, durant l’audience pénale, la réserve de ses droits, et ajouté qu’elle avait décidé de renoncer à se pourvoir en cassation, ce qui a été confirmé par un courrier de la Cour de cassation du 18 mai 2009, produit par le défendeur.

De l’arrêt rendu en date du 20 mars 2009 par la Cour correctionnelle sans jury à l’encontre de A__________, il ressort que le conseil de Y__________ a « appuyé l’accusation », « informé les parties que des prétentions civiles avaient été déposées devant le TCAS » et conclu à la réserve des droits des parties civiles. En substance, la Cour correctionnelle a constaté la prescription de toutes les infractions reprochées à l’accusé, précisant que celles qui n’étaient pas prescrites n’étaient au demeurant pas réalisées, de sorte que l’accusé s’est vu acquitter de tous les chefs d’accusation.

Sur ce, l’instance a été reprise et la cause à nouveau gardée à juger.

EN DROIT

a) Conformément à l'art. 56V al. 1 let. b de la loi genevoise sur l'organisation judiciaire (LOJ), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu'aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations; art. 52, 56a al. 1 et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982 [LPP]; art. 142 Code civil [CC]).

b) Le for de l’action est au siège ou au domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

c) L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Spira, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984, p. 19). Les prétentions fondées sur la LPP ou sur le règlement de l’institution de prévoyance ne peuvent s’éteindre par suite de l’écoulement du temps qu’en raison de la prescription.

d) Il s’ensuit que le Tribunal de céans est compétent ratione materiae, loci et temporis pour juger de l’action intentée par la demanderesse.

Ladite action est une action en responsabilité au sens de l’art. 52 LPP. Dans la mesure où le défendeur fait valoir que les prétentions de la demanderesse sont prescrites, il convient d’examiner cette exception.

a) Vu la procédure pénale ouverte à l’encontre du défendeur et dans laquelle la demanderesse s’est portée partie civile (elle affirme d’ailleurs avoir réclamé, par le biais de la voie pénale, la réparation de son dommage), doit toutefois être préalablement examinée la question d’une éventuelle exception de litispendance.

b) En pareil cas, soit lorsque le demandeur au civil - respectivement en procédure administrative (la réclamation du dommage allégué devant, en matière de responsabilité des organes de l’institution de prévoyance professionnelle, être portée devant les juridictions prévues par l’art. 73 LPP) - s’est également constitué partie civile dans la procédure pénale dirigée contre le défendeur au civil, il y a en principe lieu d’appliquer l’adage electa via non datur recursus ad alteram. En effet, l’exercice de l’action civile est dominé, en droit suisse, par le droit de la victime de porter à son choix ladite action devant le tribunal répressif ou la juridiction civile. Le droit d’option de la victime de soumettre son action en réparation du dommage invoqué devant la juridiction civile ou répressive est limité, en ce sens qu’une fois l’option levée, la victime ne peut plus revenir sur son choix (voir à ce sujet : Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., 2006, nos 1033 s. ; ATF 96 I 449, 101 II 375). Le Code de procédure pénale genevois (CPPGE) a repris cette maxime générale à son art. 7 qui expose la faculté du lésé de porter son action en réparation devant la juridiction répressive, accessoirement à la procédure pénale, ou séparément. Toutefois, comme l’a spécifié le Tribunal fédéral dans son arrêt susmentionné publié aux ATF 96 I 449 (consid. 4), la constitution de partie civile au début du procès pénal a pour seul but de permettre au lésé de sauvegarder ses droits dans l'instruction pénale, de sorte qu’elle ne lie pas l'instance civile, tant que des conclusions civiles ne sont pas déposées et que le défendeur à dite action n’est pas mis en mesure de se déterminer sur ces conclusions et de faire valoir ses moyens.

En l’occurrence, la juridiction pénale a acquitté le défendeur et n’a donc pas statué sur les prétentions civiles de la demanderesse. Le principe du renvoi à mieux agir devant la juridiction compétente pour le domaine considéré (en l’espèce, le tribunal de céans) peut donc s’appliquer. Si l’action civile adhésive s’éteint par voie de conséquence avec l’action publique dont elle dépend (ici avec le jugement d’acquittement prononcé par la Cour correctionnelle sans jury du 20 mars 2009), cette extinction n’est toutefois que relative, le lésé conservant en effet le droit de faire valoir sa réclamation devant le juge civil (cf. Piquerez, op. cit.). Ce d’autant plus qu’en l’espèce, la demanderesse, partie civile au procès pénal, s’est contentée de se référer au dépôt de ses conclusions civiles devant la Juridiction de céans (cf. jugement pénal).

c) Il s’ensuit que l’exception de litispendance ne peut être soulevée dans la présente procédure.

a) L’art. 52 LPP avait, jusqu’au 31 décembre 2004, la teneur suivante : "les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle de l'institution de prévoyance répondent du dommage qu'elles lui causent intentionnellement ou par négligence".

Depuis le 1er janvier 2005, l’art. 52 LPP dispose que le droit à la réparation du dommage que la personne lésée pourra faire valoir auprès des organes responsables se prescrit à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter du jour où la personne lésée a eu connaissance du dommage et de la personne tenue à effectuer le dédommagement, en tout état de cause à l’écoulement de la dixième année à partir du jour où le dommage a été commis.

Lorsque, comme en l'occurrence, la loi ne contient pas de disposition transitoire en ce qui concerne le régime de prescription applicable, la jurisprudence et la doctrine considèrent que la nouvelle réglementation est applicable aux prétentions relevant de l'ancien droit, si celles-ci, bien que nées et exigibles avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, ne sont pas encore prescrites ou périmées à ce moment-là (ATF 132 V 159 consid. 2, 131 V 425 consid. 5.2, 111 II 193, 107 Ib 198 consid. 7b/aa, 102 V 206 consid. 2; Rhinow/Krähenmann, Schweizerische Verwaltungsrecht-sprechung, Ergänzungsband, no 15 B III d p. 45; Gadola, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, in : PJA 1/95, p. 58).

Il convient dès lors d’examiner si les prétentions de la demanderesse étaient prescrites au 1er janvier 2005, date de l’entrée en vigueur de l’art. 52 LPP modifié.

b/aa) Selon la jurisprudence (ATF 131 V 55 consid. 3.1 et les références), à la différence de la réglementation en matière de responsabilité de l’employeur selon l’art. 52 LAVS (cf. art. 52 al. 3 et 4 LAVS dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2003 selon le chiffre 7 de l’Annexe à la LPGA; art. 82 RAVS dans sa teneur en vigueur jusqu’à fin décembre 2002), l’art. 52 LPP ne contenait aucune norme relative à la prescription du droit à la réparation du dommage causé par les organes de l’institution de prévoyance. Il n’en demeure pas moins que le droit des institutions de prévoyance à la réparation du dommage causé par leurs organes trouve son fondement dans la LPP (art. 52). Dans ces circonstances, il convient de se référer aux normes régissant la prescription des obligations (art. 127 ss CO), en tant que source de droit subsidiaire du droit public, ce d’autant plus qu’une application par analogie de la règle fixée à l’art. 24 LPGA ne peut entrer en considération dans le domaine de la prévoyance professionnelle (cf. Meyer-Blaser, Das ATSG aus der Sicht der Rechtsprechung, in : Soziale Sicherheit [CHSS] 2002, p. 278). La doctrine est par ailleurs quasi-unanime à admettre que la prescription des actions en responsabilité à l’encontre des organes des institutions de prévoyance selon l’art. 52 LPP est régie par l’art. 127 CO, qui fixe un délai de prescription de dix ans (ATF 131 V 55 consid. 3.1 et les références citées ; voir aussi : Trigo Trindade, Fondations de prévoyance et responsabilité : développements récents, in : Institutions de prévoyance : devoirs et responsabilité civile, Colloque agda - unige, 2006, p. 158). Ce délai de dix ans correspond au demeurant au délai absolu de prescription du nouvel art. 52 al. 2 i.f. LPP.

b/bb) De manière générale, le délai de prescription commence à courir à l’exigibilité de la créance, à savoir à partir du moment où le créancier a le droit d’exiger la prestation du débiteur (cf. Pichonnaz, Commentaire romand, Code des obligations I, n° 1 ad art. 130). L’effet se produit indépendamment de la connaissance par le créancier de sa créance ou de son exigibilité (ATF 119 II 216 consid. 4a ; 106 II 134 consid. 2a). Cependant, dans le cas de l’action en responsabilité contre les personnes chargées de la gestion ou du contrôle des institutions de prévoyance, la prescription débute avec la fin effective de la position d’organe de la personne concernée (ATF 131 V 55 précité, consid. 3.2).

b/cc) En l’espèce, le défendeur a quitté ses fonctions de président du conseil de fondation de la demanderesse le 2 décembre 1998, date de l’entrée en liquidation de la fondation de prévoyance. En conséquence, la prescription décennale de l’art. 127 CO, qui a commencé à courir à cette date, n’était pas acquise au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, pas plus, d’ailleurs, qu’au moment du dépôt de l’action en justice à la base du présent jugement.

c) Reste donc à examiner si les prétentions étaient entachées de la prescription telle que prévue par la nouvelle version de l’art. 52 LPP.

c/aa) Dans un premier temps, il convient de se déterminer sur l’étendue de l’applicabilité de cette dernière norme.

La jurisprudence a précisé que, lorsque la loi ne connaissait ni délai de prescription, ni délai de péremption, de tels délais nouvellement introduits ne commençaient à courir, pour les prétentions nées sous l’empire de l’ancienne législation, qu’avec l’entrée en vigueur du nouveau droit (ATF 131 V 425 consid. 5.2, 102 V 206 consid. 2, 87 I 411 consid. 2, 82 I 53 consid. 3; Gadola, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, AJP 1995, p. 58; Berti, Commentaire bâlois, 2ème éd., 2003, n° 10 ad art. 49 Tit. fin. CC). Il s’agit en réalité d’une reprise du troisième alinéa de l’art. 49 Tit. fin. CC.

En l’espèce, la loi, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2004, ne comportait pas de délai de prescription. Cela étant, le Tribunal fédéral, faisant œuvre de législateur, a comblé ce qu’il a considéré être une lacune de la loi et a décrété que le délai de prescription de l’art. 127 CO s’appliquait. Par conséquent, on doit constater que les actions en responsabilité étaient déjà soumises, sous l’ancien droit, à un délai de prescription. La position de la demanderesse, qui soutient le contraire, reviendrait à ôter une grande part de sa portée à l’art. 1 al. 2 CC aux termes duquel le juge est habilité à combler une lacune de la loi. Partant, vu le délai de prescription de 10 ans à compter de la naissance du dommage auquel étaient soumises les actions en responsabilité sous l’empire de l’ancien droit, il ne peut être fait application de la jurisprudence citée ci-dessus sans autre.

c/bb) Il convient donc de déterminer si le délai de 5 ans nouvellement introduit (en sus de celui de 10 ans) a commencé à courir avant l’entrée en vigueur de la version actuelle de l’art. 52 LPP ou non.

L’art. 49 Tit. fin. du Code civil (CC) prescrit, en son alinéa premier, que lorsque le Code introduit une prescription de cinq ans ou davantage, il y a lieu de tenir compte du temps écoulé pour les prescriptions commencées avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle; ces prescriptions ne seront toutefois considérées comme accomplies que deux ans au moins à partir de cette date. Quoi qu’en dise la demanderesse, il s’agit d’un principe régissant l’ensemble de l’ordre juridique suisse (voir notamment Agner / Digeronimo / Neuhaus / Steinmann, Commentaire de la loi sur l’impôt fédéral direct, p. 318 ; Masmejan-Fey, Commentaire Romand, LIFD, no 9 ad art. 120 ; Rhinow / Krähenmann, Schweizerisches Verwaltungsrecht-sprechung, 1990, n° 15 III d ; Trigo Trindade, op. cit. p. 159) et, en tant que tel, l’art 49 Tit. fin. CC s’applique également au domaine des assurances sociales (ATF 131 V 431, 102 V 206).

c/cc) Comme cela a déjà été mentionné, les faits sur lesquels la demanderesse entend fonder son action sont antérieurs à l’entrée en vigueur de l’art. 52 LPP révisé (1er janvier 2005). Or, d’après la jurisprudence (cf. ATF 130 V 446 consid. 1.2.1, 127 V 467 consid. 1, 126 V 165 consid. 4b), ces faits sont, en principe, régis par l’ancien droit (voir aussi l’art. 1 al. 1 Tit. fin. CC). Toutefois, l’art. 49 al. 1 Tit. fin. CC est applicable à la prescription dans la mesure où celle-ci n’était pas encore acquise, comme en l’espèce (cf. consid. 5b/cc ci-dessus), d’après l’ancien droit, au moment de l’entrée en vigueur du nouveau et où les deux législations diffèrent l’une de l’autre (ATF 66 II 161 consid. 2), ce qui est manifestement le cas.

Par conséquent et en vertu de l’art. 49 al. 1 Tit. fin. CC, le délai de prescription est, en principe, le nouveau délai de 5 ans, sous déduction du temps écoulé sous l’ancien droit; le délai ne peut toutefois venir à échéance avant deux ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. Or, au moment de l’ouverture de l’action, tant le délai de 5 ans dès la connaissance du dommage et de la personne tenue à dédommagement que celui de deux ans dès l’entrée en vigueur de l’art. 52 LPP révisé (1er janvier 2005) étaient échus. En effet, il est constant que la demanderesse a eu connaissance, au plus tard le 8 mars 2001, de la personne tenue pour responsable du dommage et de ce dernier. A cette date, les liquidateurs de la demanderesse ont adressé une note préliminaire portant sur la responsabilité des membres du conseil de fondation de Y__________ au Fond de garantie LPP, de laquelle il ressort sans ambigüité que les membres du conseil de fondation (dont le défendeur était le président) sont tenus pour responsables du dommage chiffré à 4'681'632 fr. en relation avec les cotisations impayées par X__________ et de celui fixé à 4'670'601 fr. correspondant à la perte sur les investissements immobiliers de Champel et de la route de Drize. On rappellera encore que lesdits montants étaient connus bien avant, puisque la créance de 4'681'632 fr. avait été admise par les commissaires au sursis concordataire le 14 décembre 1998 déjà et que la vente des immeubles était intervenue en septembre 1999, décembre 1999 et juin 2000 (moment à partir duquel il était possible de calculer la perte sur investissement). Il suit de ce qui précède que les prétentions de la demanderesse sont a priori frappées de la prescription.

La fondation défend l'opinion que le principe de l’interdiction de la rétroactivité des lois ne permet pas de faire courir la prescription quinquennale de l’art. 52 LPP nouvelle teneur avant son entrée en vigueur. Une telle interprétation ne peut être suivie. En effet, si le principe invoqué par la demanderesse est bien un principe général ancré à l’art. 1 al. 1 Tit. fin. CC, il n’en demeure pas moins qu’il souffre plusieurs exceptions dont une en particulier en ce qui concerne la prescription (art. 49 Tit. fin.; ATF 102 V 206 consid. 2). L’invocation de la jurisprudence publiée aux ATF 130 V 433 notamment n’est dans ce contexte d’aucune utilité à la demanderesse. On relèvera enfin que la jurisprudence la plus récente de notre Haute Cour vient précisément appuyer la thèse selon laquelle les délais nouvellement introduits peuvent commencer à courir avant leur entrée en vigueur (cf. notamment ATF 134 V 353 relatif aux art. 82 aRAVS et 52 LAVS). Dans le cas présent, si l’on devait attendre le 1er janvier 2005 pour faire courir les délais nouvellement introduits de l’art. 52 LPP, il en résulterait un avantage injustifié pour la fondation en ce sens que le délai de 5 ans viendrait en réalité prolonger le délai de 10 ans existant auparavant.

Quant à une violation (alléguée) des règles sur la protection de la bonne foi des administrés (cf. ATF 121 V 66 consid. 2a et les références), on ne voit pas en quoi ces dernières trouveraient application dans le cas d’espèce.

a) La demanderesse fait valoir ensuite l’art. 60 al. 2 CO, qui dispose que si les dommages-intérêts dérivent d’un acte punissable soumis par les lois pénales à une prescription de plus longue durée, cette prescription s’applique à l’action civile.

Or, en l’occurrence, la Cour correctionnelle siégeant sans jury a acquitté le défendeur des préventions pour lesquelles il avait été renvoyé en jugement. Dès lors, il apparaît difficile de tenir compte, dans la présente cause, de délais de prescription plus longs dérivant de ces infractions.

Cela dit, le législateur fédéral a décrété l’indépendance du juge civil par rapport au juge pénal à l’art. 53 CO. Selon ce dernier article en effet, le juge n’est point lié par les dispositions du droit criminel en matière d’imputabilité, ni par l’acquittement prononcé au pénal, pour décider s’il y a eu faute commise ou si l’auteur de l’acte illicite était capable de discernement. Le jugement pénal ne lie pas davantage le juge civil en ce qui concerne l’appréciation de la faute et la fixation du dommage. Le droit de procédure cantonal genevois n’a pas consacré une solution différente sur les points non mentionnés à l’art. 53 CO.

Quand bien même la présente action a pour objet des prétentions de nature civile (réparation d’un dommage), il n’en demeure pas moins qu’elle a été portée et est jugée par une autorité judiciaire administrative. Or, en pareil cas, doctrine et jurisprudence ont posé des règles particulières sur la question de l’indépendance de l’autorité administrative à l’égard du juge répressif. En effet, si, comme le juge civil, l’autorité administrative n’est pas liée par le jugement pénal et peut trancher une question indépendamment des constatations du juge répressif appelé à connaître de l’infraction (ATF 96 I 766 consid. 4 = JT 1972 I 392 et ATF 109 Ib 203), elle est toutefois soumise à certaines limites. L’autorité administrative ne peut s’écarter du jugement pénal que si elle est en mesure de fonder sa décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou qu’il n’a pas prises en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit (ATF 109 Ib 203 cité ci-avant).

On ne voit pas en quoi l’une de ces conditions permettant à la Juridiction de céans de s’écarter du jugement prononcé au pénal serait réalisée. Ce dernier est en effet fondé sur un état de fait complet, il n’existe aucune preuve nouvelle susceptible de mener à une appréciation différente de l’état de fait et l’ensemble des questions de droit a été résolue. Cela étant et afin d’être exhaustif, il sera tout de même examiné ci-dessous quelle serait l’influence de l’application de la prescription du droit pénal dans l’hypothèse non réalisée d’une appréciation choquante, par l’autorité pénale, des faits constatés.

b) En l’espèce, le défendeur a été inculpé (cf. procès-verbal d’audience devant le juge d’instruction du 24 novembre 2004) de gestion déloyale, escroquerie, obtention frauduleuse d’un concordat et faux dans les titres (art. 158, 146, 170 et 251 du Code pénal suisse [CP]). Par ordonnance du 10 juin 2008, la Chambre d’accusation l’a renvoyé pour être jugé devant la Cour correctionnelle siégeant sans jury sous la prévention de gestion déloyale avec dessein d’enrichissement illégitime (art. 158 ch. 1 al. 1 et 3 CP), passible, en cas de réalisation de la circonstance aggravante de l’alinéa 3 du chiffre 1er, d’une peine d’emprisonnement de un à cinq ans.

Dès lors que les faits retenus par la juridiction de renvoi lient la juridiction de jugement (le juge est saisi in rem), le Tribunal de céans doit en tenir compte. Ceux-ci n’étant manifestement pas constitutifs, en l’espèce, de l’infraction d’escroquerie au sens de l’art. 146 CP, ni de banqueroute frauduleuse ou de faux dans les titres, seule la prévention (et de ses conséquences possibles) de gestion déloyale aggravée sera retenue. Une requalification au détriment du prévenu, au sens de l’art. 283 CPPGE, apparaît dans ces circonstances plus qu’improbable (elle n’a au demeurant pas eu lieu).

c/aa) De nouvelles dispositions sur la prescription pénale sont entrées en vigueur le 1er octobre 2002 et la partie générale du Code pénal a été complètement révisée avec effet au 1er janvier 2007. Conformément à l'art. 389 al. 1 CP, la nouvelle réglementation déploie ses effets pour les infractions commises après la date de son entrée en vigueur. Les infractions perpétrées sous l'empire de l'ancien droit seront en revanche jugées selon l'ancien droit, sous réserve de l'application de la lex mitior (cf. p. ex. arrêt du Tribunal fédéral du 18 février 2005 [6S.187/2004] relatif à l’art. 337 aCP).

En l'espèce, le défendeur est prévenu de gestion déloyale pour des faits commis entre 1994 et le 2 décembre 1998 (cf. actes de la procédure pénale au dossier de la présente cause). L’ancien droit est donc applicable, à moins que la loi nouvelle ne soit plus favorable.

Le droit en vigueur jusqu’au 30 septembre 2002 fixait, pour une infraction punissable de plus de trois ans d’emprisonnement, la prescription ordinaire à 10 ans (art. 70 al. 3 aCP) et la prescription absolue à quinze ans (art. 72 ch. 2 al. 2 aCP). Les nouvelles dispositions sur la prescription fixent le délai de prescription à quinze ans (art. 97 al. 1 let. b CP), comme le relève la demanderesse. La modification législative n’emporte dès lors pas de conséquence et les actes reprochés à l’intéressé ne sont pas prescrits du point de vue de la loi pénale en tant qu’ils sont susceptibles de tomber sous le coup de l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP.

En conséquence, reste à examiner la question de savoir si l’art. 60 al. 2 CO - et donc, par voie de conséquence, l’art. 97 al. 1 let. b CP - trouve application en cas d’action en responsabilité intentée contre les organes d’une institution de prévoyance.

c/bb) L’art. 52 LPP ne contient aucun renvoi à l’art. 60 CO.

La prescription de plus longue durée du droit pénal s’applique à la responsabilité aquilienne, à toutes les responsabilités objectives simples du CC et du CO, ainsi qu’à certaines responsabilités objectives aggravées, soit parce que les lois spéciales y renvoient expressément, soit parce qu’elles renvoient de manière générale aux règles du CO (Werro, Commentaire Romand, Code des obligations I, 2003, n° 5 ad art. 60; Deschenaux/Tercier, La responsabilité civile, 2ème éd., 1982, § 20, n°6). La responsabilité au sens de l’art. 52 LPP est en tant que telle une responsabilité pour faute, donc une responsabilité aquilienne. Cela étant, il n’en demeure pas moins que ladite action est fondée sur l’art. 52 LPP, soit sur une loi spéciale et non sur l’art. 41 CO. En outre, l’art. 52 LPP prévoit, même si l’on peut considérer celle-ci comme incomplète, une réglementation spécifique en matière de prescription. Dans cette mesure, la norme générale qu’est l’art. 60 CO ne saurait trouver application (cf. Deschenaux/Tercier, op. cit. § 20, n° 6 i.f.), ce qui découle de l’adage lex specialis derogat generali. On relèvera encore qu’un seul auteur de doctrine se prononce en faveur de l’application de cette dernière norme (Trigo Trindade, op. cit.), au motif que la responsabilité serait fondée sur 41 CO.

Or, le Tribunal de céans n’est précisément pas compétent pour juger d’actions reposant sur ce dernier article; celles-ci relèvent de la juridiction civile. En effet, il résulte clairement de l’art. 73 al. 1 let. c LPP – qui constitue une disposition spécifique d’attribution de compétence s’ajoutant à la compétence générale fixée à la première phrase de l’alinéa – que les juridictions créées en application de la législation sur la prévoyance professionnelle ne sont compétentes que pour les actions en responsabilité selon l’art. 52 LPP; en cas contraire, la formulation eut été différente, à tout le moins plus ouverte, comme, par exemple : « ce tribunal est également compétent pour juger des actions en responsabilité ». Partant, et en tant que l’action est fondée sur une loi spéciale qui prévoit une réglementation spécifique, il n’y a pas de place pour une application de l’art. 60 al. 2 CO en relation avec l’art. 41 CO. De plus, dans la mesure où le législateur n’a pas jugé utile d’inscrire une norme similaire à l’art. 60 al. 2 CO dans le texte de la LPP, pas plus que de renvoyer à cette dernière, la juridiction administrative compétente en matière d’assurances sociales ne saurait faire application de cet article.

A ce propos, on ajoutera encore que le fait qu’un autre article de la loi, en l’occurrence l’art. 35a al. 2 LPP, réserve l’application de la prescription pénale plus longue et que l’art. 53 LPP renvoie - pour les réviseurs de l’institution de prévoyance - aux dispositions du CO concernant la responsabilité des réviseurs de la société anonyme (et, par-là, réserve l’application de la prescription de plus longue durée du droit pénal) n’y change rien, contrairement à ce qu’en juge la demanderesse. En effet, les articles susmentionnés ont fait l’objet d’une réglementation élaborée lors de la même révision législative que le nouvel art. 52 LPP. Ladite révision a consisté en un examen détaillé du projet de loi du Conseil fédéral - auquel a été ajoutée la modification de 52 LPP - par les commissions de sécurité sociale et de santé publique des Conseils national et des États, puis en des débats nourris (trois délibérations dans chaque Conseil, une conférence de conciliation et de nouveaux débats). Or, si les parlementaires ont prévu d’appliquer la prescription de plus longue durée du droit pénal à la responsabilité des réviseurs, ils ne l’ont pas fait pour les autres organes de l’institution de prévoyance. Il n’a au demeurant jamais été question de l’art. 60 al. 2 CO dans les débats parlementaires en relation avec l’art. 52 LPP. Dans la mesure où la nouvelle réglementation a été âprement discutée, que le législateur a prévu des règles de prescription spécifiques pour chacune des éventualités examinées (art. 35a, 41, 52 et 53 LPP), il n’y a pas de place pour une application complémentaire de l’art. 60 al. 2 CO. On doit bien plutôt considérer - contrairement à ce que soutient la demanderesse - qu’il y a là un silence qualifié que le juge ne saurait combler. La réglementation détaillée de la prescription en matière de responsabilité de l’organe de contrôle et de restitution des prestations indûment perçues notamment n’a de sens que si le législateur entendait prévoir une autre solution pour la responsabilité des personnes en charge de l’administration et de la gestion de l’institution (voir, pour un raisonnement analogue, l’ATF 126 II 145 consid. 3/bb).

Quant au fait que certaines dispositions en matière d’assurances sociales (art. 52 LAVS ou 24 al. 2 LPGA) prévoient le délai de prescription plus long du droit pénal, il se voit dénué d’influence en matière de LPP. La LPGA n’est pas applicable dans ce dernier domaine et les autres normes susceptibles d’être citées en tant qu’elles réservent la prescription de plus longue durée du droit pénal sont des normes spéciales dont le champ d’application est limité à la loi dont elles émanent. On doit bien plutôt déduire du fait que le législateur a pris la peine de réglementer de façon complète et détaillée chacun des domaines de l’assurance sociale qu’il n’entendait pas, pour ce qui est des actions en responsabilité contre les membres des organes dirigeant des institutions de prévoyance professionnelle, introduire le délai plus long prévu par la législation pénale.

La demanderesse postule enfin que si l’application de l’art. 60 al. 2 CO est niée en matière de responsabilité des organes de gestion et d’administration de l’institution de prévoyance, cela conduit à créer deux voies de droit distinctes en cas d’action en responsabilité. De son point de vue, les tribunaux au sens de l’art. 73 LPP ne seraient plus compétents que pour juger des actions fondées sur des actes non constitutifs d’infractions pénales et les juridictions civiles pour les autres, vu que les autorités au sens de l’art. 73 LPP ne sont pas compétentes pour connaître des actions fondées sur l’art. 41 CO. Cette théorie - au demeurant contradictoire en ce qu’elle reconnaît la compétence des autorités juridictionnelles selon 73 LPP pour appliquer l’art. 60 al. 2 CO mais non l’art. 41 CO, alors que les deux articles se trouvent insérés dans le même chapitre du Code -, est erronée (si l’on ne peut traiter de la responsabilité selon 41 CO, on ne peut appliquer non plus les articles qui s’y rapportent directement). En réalité, si le contentieux en matière de responsabilité des organes de l’institution de prévoyance est de la compétence du juge selon l’art. 73 LPP, cela n’exclut pas la compétence simultanée du juge pénal (ou civil) dans le cadre de l’action adhésive au procès pénal dans laquelle la victime peut faire valoir son dommage. Constater l’inapplicabilité de l’art. 60 al. 2 CO dans le cadre de l’action en responsabilité selon l’art. 52 LPP n’a pas pour conséquence de diminuer la compétence ratione materiae du juge des assurances sociales. Pas plus que cela entraverait l’application dudit article devant le juge pénal ou civil dans un contexte différent (action fondée alors sur l’art. 41 CO).

Il suit de tout ce qui précède que la prescription est acquise.

a) La demanderesse fait cependant valoir que ladite prescription aurait été interrompue, tout d’abord par l’ouverture de la procédure pénale avec constitution de partie civile.

b) La constitution de partie civile au procès pénal correspond au dépôt de la demande et elle crée la litispendance, ce qui a pour conséquence d’interrompre la prescription de l’action civile (cf. ATF 124 V 49). Toutefois, la doctrine et la jurisprudence sont unanimes à admettre que la constitution de partie civile au procès pénal (Adhäsionsklage) n’interrompt la prescription que lorsqu’elle intervient avec la précision requise. En d’autres termes, il faut que le lésé, outre sa déclaration de constitution de partie, chiffre devant les autorités répressives l’indemnité qu’il prétend ou conclue à la constatation du fondement juridique de l’indemnisation qu’il réclame (Scyboz/Gilliéron, CC & CO annotés, p. 109 ad art. 135 CO ; Pichonnaz, Commentaire romand, Code des obligations I, n° 18 ad art. 135 ; Piquerez, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., 2006, nos 1036 s. ; Aeschlimann, Einführung in das Strafprozessrecht. Die neuen bernischen Gesetze, 1997, n° 572 ; voir également les références citées par ces auteurs).

c) En l’espèce, force est de constater que la demanderesse, si elle s’est bien constituée partie civile dans la procédure pénale dirigée contre le défendeur (ce qui est attesté par l’ordonnance de confirmation de partie civile du 16 février 2005), n’a pas déposé de conclusions civiles spécifiques, pas plus qu’elle n’a fait savoir quel dommage elle entendait faire valoir à l’encontre du prévenu. Elle s’est en effet contentée de se porter partie civile, réservant par-là même ses droits de partie, ce qui est au demeurant la seule manière d’accéder à la qualité de partie en procédure pénale genevoise et donc de contribuer à l’instruction à charge. Les remarques de la demanderesse à ce propos, qui se rapportent en réalité au contenu de la plainte pénale déposée par ses soins, sont sans influence. Ladite plainte ne contient aucune conclusion ni aucune définition du dommage dont elle demande réparation. Les chiffres avancés dans la plainte n’avaient pour seule fonction que de démontrer la réalisation des infractions dont elle estime le défendeur coupable. Au demeurant, la demanderesse, qui n’a produit aucune pièce visant à démontrer la prise de conclusions civiles au pénal, procède de façon contradictoire. En effet, dans son écriture du 18 décembre 2007 devant le Tribunal de céans, elle expose clairement qu’elle « se réservait de faire valoir la réparation de tout ou partie de ce dommage à l’encontre de M. A__________ » - propos repris dans l’ordonnance de confirmation de partie civile rendue par le juge d’instruction - et qu’elle « entend désormais réclamer l’indemnisation » de son dommage (réduit selon ses termes) par le biais de la présente procédure. On voit donc bien que la demanderesse elle-même ne savait pas, avant d’introduire son action en responsabilité, quelles conclusions elle allait prendre sur le plan civil. Il y a bien plutôt lieu de considérer qu’elle s’est constituée partie civile au pénal pour pouvoir participer à l’instruction (à charge) dirigée contre le prévenu. Plus tard dans la procédure pénale, la demanderesse n’a ni chiffré l’indemnité à laquelle elle entendait prétendre ni conclu à la constatation du fondement juridique de son indemnisation. Elle s’est finalement, dans le cadre des débats devant l’autorité pénale, contentée de se référer aux conclusions prises devant le Tribunal de céans dans son mémoire du 24 août 2007. Partant, la constitution de partie civile au procès pénal n’est pas intervenue avec la précision requise pour qu’elle induise une interruption de la prescription.

a) La demanderesse soutient ensuite que les déclarations de renonciation à invoquer la prescription signées par le défendeur auraient également pour effet d’interrompre de la prescription.

b) La demanderesse se prévaut en particulier de l’arrêt du Tribunal fédéral publié aux ATF 112 II 231, duquel il ressort que la prescription peut être valablement interrompue par certaines déclarations du débiteur, notamment. En particulier, notre Haute Cour a admis que la renonciation, de la part du débiteur, à exciper de la prescription aux fins d’éviter la notification d’une poursuite ou d’une citation en conciliation (mentionnées à l’art. 135 ch. 2 CO) équivaut à une interruption de la prescription faisant courir un nouveau délai (art. 137 CO) à partir du moment où elle est formulée (consid. 3e/bb).

Cela étant, la demanderesse perd de vue que cette jurisprudence relative à l’art. 60 CO ne saurait être transposée telle quelle à l’art. 127 CO, pertinent dans le cas présent (cf. consid. 4b/aa). En effet, et tel que cela ressort de l’arrêt susmentionné (même considérant), la faculté de renoncer à l’exception de prescription avant que celle-ci ne soit acquise est limitée par les 129 et 141 al. 1 CO, qui s’appliquent de façon restrictive aux délais de prescription fixés dans le titre troisième du Code des obligations (voir aussi ATF 99 II 191). Or, l’art. 127 CO figure au titre troisième dudit code, de sorte que la renonciation à exciper de la prescription dans le cas d’espèce ne saurait constituer un acte interruptif de prescription et faire partir un nouveau délai. Ceci apparaît d’autant plus vrai que le Tribunal fédéral a clairement exposé qu’une notion plus large des actes interruptifs de prescription en droit public qu’en droit privé ne pouvait être suivie dans le domaine de la prévoyance professionnelle. Il est vrai que les causes d’interruption de la prescription, qui sont le fait du créancier, sont admises plus largement en droit administratif qu’en droit civil (voir Gadola, Verjährung und Verwirkung im öffentlichen Recht, PJA 1/1995 p. 47 ss; Braconi, Prescription et péremption dans l'assurance sociale in : Droit privé et Assurances sociales, 1990, p. 232). Il en va ainsi dans le domaine du droit fiscal où les notions d’action et d’exception prévues par l’art. 135 ch. 2 CO sont difficilement transposables et où la prescription est réglée par le droit public, qui admet qu’un certain nombre d’actes, analogues à ceux du droit privé, peuvent interrompre la prescription. Le droit des assurances sociales connaît également certains de ces actes analogues, tels les actes tendant au recouvrement des amendes (art. 207 RAVS). Cependant, en matière de prévoyance professionnelle, le créancier doit faire valoir ses droits par voie d’action pour les litiges visés par l’art. 73 LPP, comme en l’espèce. En outre, du moment que les conditions de telles actions sont soumises aux règles du droit civil (ici à l’art. 127 CO), il convient d’appliquer ces dispositions dans leur contexte juridique, avec leurs avantages et inconvénients respectifs pour les deux parties, sans en dénaturer le sens et la portée, quand bien même elles s’incorporent dans un système régi en partie par le droit public (ATF 130 V 418 consid. 3.2). Enfin, il sied de relever qu’en matière de prévoyance professionnelle, l’art. 41 al. 2 LPP, relatif à la prescription des actions en recouvrement de créances de cotisations ou de prestations périodiques, renvoie explicitement aux art. 129 à 142 CO. Cette réglementation est impérative et s’applique à toutes les créances fondées sur la LPP, notamment aussi aux rapport juridiques avec des institutions de droit public (Message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 19 décembre 1975, FF 1976 I 251; voir aussi ATF 132 V 165 consid. 4.4.3 et ATF 128 V 241 consid. 3b où le Tribunal fédéral se réfère explicitement aux actes interruptifs de prescription au sens de l'art. 135 CO; cf. également arrêt du TF A. du 10 février 2004, [B 87/00]). Dans la mesure où ce renvoi pur et simple aux dispositions du Code des obligations est valable pour toutes les créances fondées sur la LPP et dès lors que l’énumération contenue à l’art. 135 ch. 2 est exhaustive, il n’y a pas de place pour une réglementation plus large en matière d’interruption de la prescription du fait du créancier en matière de prévoyance professionnelle, que l’on tienne compte de l’ancienne ou de la nouvelle version de l’art. 52 LPP (cf. aussi Braconi, op. cit. p. 232 ; ATF 133 V 579 consid. 4.3.1, arrêt du TF du 16 octobre 2006 [B 55/05], SVR 2007 BVG n° 18 p. 61 consid. 4.2.3).

Partant, la demanderesse ne peut se prévaloir en l’espèce des déclarations de renonciation à exciper de la prescription du défendeur en tant qu’actes interruptifs de la prescription.

Les prétentions de la demanderesse étant prescrites, l’action doit être rejetée. Le défendeur, assisté d’un mandataire, a droit à une indemnité de dépens, fixée en l’espèce à 3'000 fr.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare la demande recevable.

Au fond :

La rejette.

Condamne la demanderesse à verser au défendeur la somme de 3'000 fr. à titre de participation à ses dépens.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Yaël BENZ

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

La secrétaire-juriste : Laurence SCHMID-PIQUEREZ

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le