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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2144/2021

ATAS/796/2022 du 01.09.2022 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2144/2021 ATAS/796/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er septembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à LE LIGNON, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Catarina MONTEIRO SANTOS

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Le 13 juillet 2018, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a rendu une décision aux termes de laquelle il a réclamé à Monsieur A______ (ci-après : le bénéficiaire) le remboursement de la somme de CHF 48'896.-, correspondant à des prestations versées à tort entre le 1er janvier 2015 et le 31 juillet 2018.

b. Le bénéficiaire s’est opposé à cette décision en contestant le montant retenu à titre de fortune immobilière, ainsi que son produit.

c. Par décision du 19 mai 2021, le SPC a partiellement admis l’opposition et réduit le montant réclamé pour la période considérée à CHF 39'875.-.

Pour le surplus, s’agissant de la période postérieure, entre le 1er août 2018 et le 31 mai 2021, le SPC a reconnu à son bénéficiaire le droit à un montant rétroactif de prestations de CHF 3'633.-, qu’il a conservé en remboursement partiel de la dette résiduelle de CHF 39'875.-.

Dans les considérants de sa décision, le SPC a expliqué avoir découvert, lors d'une révision périodique du dossier de son bénéficiaire, en février 2018, que celui-ci était propriétaire de biens immobiliers et d’un compte bancaire au Portugal. C'est la prise en compte rétroactive de ces éléments de fortune qui avait conduit à la demande en restitution du 13 juillet 2018.

Le 28 mai 2018, avait été produite une évaluation de la valeur vénale (étude de marché) des biens immobiliers établie le 15 mai 2018 par Monsieur B______.

Le SPC précisait avoir retenu dans ses calculs, pour la période du 1er janvier 2015 au 30 avril 2018, la valeur fiscale des biens telle que ressortant d’un document intitulé "Caderneta Predial Urbana" et mentionnant une valeur de EUR 86'810.- pour la parcelle n°1______, résultant de la réunion des parcelles nos 2______ et 3______, à laquelle il a ajouté les valeurs fiscales des parcelles n°4______ (EUR 0.29), n°5______ (1/2 de EUR 1.44 = EUR 0.72) et n°6______(EUR 2.15), le conduisant à un total de EUR 86'813,16. Dans sa décision sur opposition, le SPC a constaté qu'il avait additionné à tort aux valeurs fiscales de ces quatre parcelles celles des parcelles nos 2______ et 3______ (EUR 10'830.90 + EUR 96.83), qu'il a accepté de retrancher de ses calculs.

Pour le surplus, le SPC constatait que les valeurs fiscales 2015 des biens immobiliers telles que figurant sur l’avis de taxation portugais de l’année 2016 n’avaient pas été contestées en 2015 et qu’aucune preuve d’éventuelles démarches en ce sens auprès des autorités fiscales portugaises n’avait été produite.

Dès le 1er mai 2018, la valeur vénale de EUR 56'132.50 des quatre parcelles telle qu’établie dans l'étude de marché du 15 mai 2018 devait être maintenue. Un montant total de CHF 66'686.25 avait été reporté dans les calculs, au lieu de celui de CHF 65'686.25 retenu à tort, après conversion.

S’agissant du produit des biens immobiliers, un complément à l’étude de marché effectuée le 15 mai 2018, daté du 20 juillet 2018, indiquait une valeur locative mensuelle pour la parcelle n°1______ comprise entre EUR 135.- et 145.- entre 2011 et 2018, raison pour laquelle le SPC avait retenu une valeur locative mensuelle moyenne de EUR 140.- dès le 1er janvier 2015 (soit 1'680.- EUR/an).

Enfin, des frais d’entretien des bâtiments correspondant à un montant favorable de 20% du produit sur toutes les périodes litigieuses (en lieu et place des 10% pris en compte initialement) étaient acceptés à titre de dépenses reconnues.

B. a. Par écriture du 21 juin 2021, l’assuré a interjeté recours contre cette décision en demandant son audition.

b. Il allègue en substance qu’il existe non pas deux biens immobiliers, mais un seul, à VISEU, au Portugal : la maison et le terrain attenant, qui portent chacun un numéro auprès du Registre foncier, ont été réunis sous le n°1______, bien unique dont le recourant soutient que la valeur vénale n'est que de EUR 55'000.- et la valeur locative, de 135.- à 145.- EUR/mois. Il admet que la valeur des biens représente un total de EUR 56'132.50.

c. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 19 juillet 2021, a conclu au rejet du recours.

d. Dans sa réplique du 18 août 2021, le recourant explique qu'il s'est marié en 1972 au Portugal, sous le régime de la participation aux acquêts, que durant la vie commune, il a construit un bien immobilier à VISEU, qui lui appartient donc en copropriété avec son épouse et que le 5 janvier 2008, le divorce a été prononcé au Portugal. Ce jugement ne prévoyait pas la liquidation du régime matrimonial, mais se contentait de statuer sur les principes du divorce et sur l’attribution d’un droit d’habitation en faveur de son épouse jusqu’à la liquidation du régime matrimonial.

Le recourant allègue que, depuis le divorce, son ex-épouse a eu la jouissance exclusive du domicile conjugal au Portugal. Elle est décédée le ______ 2016, avant que la liquidation du régime matrimonial n'ait pu se faire. Depuis lors, ce sont donc ses héritiers légaux qui sont désormais propriétaires de la moitié du bien immobilier. Une procédure visant à la liquidation de la succession est en cours au Portugal. Le recourant en tire la conclusion que dès lors, on ne saurait lui imputer l’intégralité de la valeur immobilière du bien.

En outre, le recourant conteste le montant retenu à titre de valeur fiscale et demande que ce soit la valeur vénale qui soit prise en compte. Bien que l’étude de marché n’indique pas la valeur vénale pour les années antérieures à 2018, elle indique clairement que le bien immobilier n’a pas de système de chauffage, pas de doubles parois, pas de doubles vitrages, que des travaux sont nécessaires au niveau de la toiture, qu’il existe des problèmes d’humidité et que le bien se trouve à proximité d’une route nationale engendrant des nuisances sonores importantes. Pour tous ces motifs, la valeur vénale doit être fixée à EUR 55'000.-, non seulement pour l’année 2018, mais également pour les années antérieures.

e. Dans sa duplique du 27 août 2021, l’intimé relève que le document intitulé « Caderneta Predial Urbana » relatif à la parcelle n°1______, ne mentionne que le nom du recourant exclusivement et indique que celui-ci est seul propriétaire des parcelles (Propriedade plena Parte : 1/1 » (cf. pièce SPC 57). Il s'étonne par ailleurs que ce ne soit qu'au stade du recours que l'intéressé allègue pour la première fois n'être pas propriétaire du tout. Il relève que, dans son écriture du 21 juin 2021, tout comme dans son opposition du 12 septembre 2018, le bénéficiaire indiquait avoir hérité des parcelles réunies sous le n°1______, de sorte que, selon le droit suisse, cette dernière – sur laquelle il indique avoir construit une maison de ses propres mains - doit être considérée comme un bien propre dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial de participation aux acquêts et ne saurait être dévolue partiellement à la succession de feue l’ex-épouse du recourant.

Pour le surplus, l'intimé fait remarquer qu'il a déjà tenu compte de la réunion des biens sur une seule et même parcelle.

Quant à la valeur fiscale des biens immobiliers avant mai 2018, force est de constater que le recourant n’a apporté aucune preuve d’une éventuelle contestation des montants établis par les autorités fiscales portugaises pour les années considérées, alors qu’il aurait aisément pu entreprendre cette démarche dans l’hypothèse où les estimations lui auraient semblé erronées. Quoi qu’il en soit, la valeur fiscale d’un bien immobilier est, en règle générale, inférieure à sa valeur vénale.

f. Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 11 novembre 2021.

L'intimé a fait remarquer une nouvelle fois qu'il avait déjà pris acte du fait qu'il n'existait qu'une seule parcelle et que c'est d'ailleurs l'un des motifs qui ont conduit à l'admission partielle de l'opposition, ce dont le recourant s'est déclaré satisfait.

Le recourant a indiqué pour sa part que la succession de son ex-épouse est toujours en cours.

L'intimé a relevé que, dans l'avis de taxation 2017 genevois, le bien immobilier a été évalué à CHF 94'397.-, sur la base de l'estimation à EUR 86'810.-, soit les mêmes chiffres que ceux qu'il a lui-même retenus. Or, le recourant ne semble pas avoir contesté cette taxation. Qui plus est, il a affirmé à l'administration fiscale être propriétaire à 100%.

L'intimé a ajouté que, s'il doit effectivement se baser sur la valeur vénale comme il l'a fait à partir de 2018, il a pris en compte la valeur fiscale – supposée être moindre – pour les années antérieures, vu l'absence de documents concernant la période avant 2018.

Le recourant a affirmé que, s'il n'a pas contesté la taxation fiscale, c'est qu'il n'a pas fait attention à la valeur du bien immobilier retenue.

Il a fait remarquer que, de 2011 à 2016, le bien n'a été compté qu'à raison de 50% par l'administration fiscale genevoise. Ce à quoi l'intimé a répondu qu'il n'en demeurait pas moins qu'à compter de 2017, ce bien a été imposé à 100%, sur la base de la déclaration fiscale remplie par l'assuré lui-même.

Le recourant a continué d'affirmer que si le terrain lui appartient effectivement, la maison, construite avec les acquêts du couple, ne lui appartient qu'à 50%.

À l'issue de l'audience, un délai au 14 janvier 2022 a été accordé au recourant pour produire tous justificatifs supplémentaires à l'appui de l'allégation selon laquelle il ne serait propriétaire qu'à 50% du bien immobilier, d'une part, des éventuelles démarches entamées pour procéder à la rectification de la taxation portugaise, d'autre part.

g. Le délai accordé au recourant a été prolongé au 11 février 2022 à sa demande.

h. Le 11 février 2022, le recourant a indiqué ne pas avoir encore obtenu de réponse de la part des autorités fiscales portugaises, suite à sa demande de rectification.

Il a produit :

-          un certificat du 6 décembre 2021 délivré par Maître C______, notaire, attestant qu’une procédure était en cours, mais suspendue, entre le recourant, d’une part, et les héritiers de D______, décédée le 30 octobre 2016, d’autre part ;

-          un document rédigé par M. B______ le 22 novembre 2021, rappelant qu’il avait procédé à une étude de marché le 15 mai 2018, complétée le 20 juillet 2018, qu’il ne pensait pas qu’il soit nécessaire de réaliser une autre étude, car il n’y avait pas eu de changement majeur dans le marché de l’immobilier et que, dans la mesure où le bien était plus ancien de trois ans, il pouvait être considéré qu’il y avait lieu de procéder à une réduction de valeur, mais négligeable ;

-          le complément d'étude de marché du 20 juillet 2018 effectué par M. B______ portant sur le montant éventuel des loyers entre 2011 et 2018 ; le consultant explique que le bâtiment, constitué d'une maison d’habitation avec une surface couverte de 157 m2, ne dispose ni de système de chauffage, ni de double parois, ni de double vitrages, nécessite des travaux concernant le toit, présente des problèmes d’humidité, se trouve loin de la ville et aux bords de la route nationale et souffre ainsi de nuisances sonores, principalement la nuit ; il conclut que si ce bien était proposé sur le marché locatif, il aurait pu en être demandé entre 135.- et 145.- EUR/mois pour la période de 2011 à 2018.

i. Dans sa détermination du 22 février 2022, l’intimé a persisté dans ses conclusions.

Il relève que l’estimation de la valeur locative a déjà été produite dans le cadre de l’opposition du 12 septembre 2018 et qu’il en a dûment été tenu compte dans la décision sur opposition. Le consultant immobilier confirme ses précédentes estimations, de sorte qu’il n’y a pas lieu de revenir sur la valeur du bien immobilier et son produit tels que retenus dans la décision litigieuse.

Quant aux autres documents produits, ils n'apportent pas la preuve que le recourant n'a pas la pleine propriété sur lesdits biens immobiliers, ni que la procédure concernant l’inventaire de divorce porte effectivement sur ces derniers et, si tel était le cas, pour quelle part.

j. Cette détermination a été adressée pour information au recourant par courrier du 2 mars 2022, en lui précisant qu’à défaut d’autres documents, la cause serait gardée à juger.

k. Les autres faits seront repris - en tant que de besoin - dans la partie "en droit" du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales, à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.             Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

3.1 Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b; ATF 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

3.2 Déposé après le 1er janvier 2021, le recours sera donc traité sous l'angle du nouveau droit de la LPGA (cf. ATAS/360/2021 du 15 avril 2021 consid. 3).

4.             Dans la mesure où la décision litigieuse porte sur les prestations complémentaires pour la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2018, soit sur une période antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, des modifications des 22 mars, 20 décembre 2019 et 14 octobre 2020, le litige est soumis à l'ancien droit, en l'absence de dispositions transitoires prévoyant une application rétroactive du nouveau droit (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U.18/07 du 7 février 2008 consid. 1.2). Les dispositions légales de la LPC seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

5.             Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]; art. 43 LPCC).

6.             Le litige porte sur le bien-fondé de la demande en restitution de la somme de CHF 39'875.- formulée par l'intimé et correspondant aux prestations versées à tort au recourant pour la période du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2018, en particulier sur l'intégration dans les calculs de la prise en compte de la valeur – fiscale jusqu'au 30 avril 2018, puis vénale – et du produit du bien immobilier que possède le bénéficiaire au Portugal.

7.             Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à des prestations complémentaires dès lors qu’elles perçoivent une rente de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) ou de l'assurance-invalidité (AI) ou auraient droit à une telle rente (art. 4 al. 1 LPC).

7.1 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC).

7.2 Les dépenses reconnues sont énumérées à l'art. 10 LPC. Pour les personnes vivant à domicile (c'est-à-dire ni dans un home, ni dans un hôpital), elles comprennent, en premier lieu, les montants annuels destinés à la couverture des besoins vitaux (let. a), le loyer d’un appartement et les frais accessoires y relatifs (let. b), ainsi que les frais, cotisations et montants ressortant de l'art. 10 al. 3 LPC.

7.3 Les revenus déterminants sont définis à l'art. 11 LPC. Ils comprennent notamment ceux provenant d'une activité lucrative (al. 1 let. a), le produit de la fortune mobilière et immobilière (al. 1 let. b), une part de la fortune (al. 1 let. c), les rentes, pensions et prestations périodiques (al. 1 let. d) et les ressources et parts de fortune dont un ayant-droit s'est dessaisi (al. 1 let. g).

7.4 La fortune, au sens de l'art. 11 al. 1 let. b et c LPC, comprend toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l'assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d'une vente ou d'un nantissement par exemple) pour être utilisés (Urs MÜLLER, Bundesgesetz über Ergäzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, 2006 n. 35, Ralph JÖHL/Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Band XIV, Soziale Sicherheit, 2016, p. 1844 s n. 163). Ainsi, font notamment partie de la fortune : les gains à la loterie, la valeur de rachat d'une assurance-vie, l'épargne, les actions, les obligations, les successions, les versements en capital d'assurances, l'argent liquide (MÜLLER, op. cit., n. 35).

7.4.1 Cette notion englobe tous les revenus de la fortune mobilière et immobilière, y compris le produit transférable en Suisse d’une fortune qui se trouve à l’étranger (ch. 3431.01 des Directives de l'office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI, état au 1er janvier 2021 [DPC]).

7.4.2 En vertu de l'art. 17 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI – RS 831.301) dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020 , la fortune prise en compte est évaluée selon les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile (al. 1). Lorsque l'immeuble ne sert pas à l'habitation du requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, il est pris en compte à sa valeur vénale (al. 4), soit la valeur du marché (ch. 3444.02 DPC). Dans ses commentaires concernant la modification de l'OPC-AVS/AI entrée en vigueur le 1er janvier 1992, l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a relevé que la valeur vénale, soit la valeur qu'atteindrait un immeuble au cours de transactions normales, est en règle générale nettement plus élevée que la valeur fiscale; il ne se justifie pas d'effectuer une réévaluation jusqu'à concurrence de la valeur vénale tant que le bénéficiaire de prestations complémentaires ou toute autre personne comprise dans le calcul de ladite prestation vit dans sa propre maison. Il n'en va pas de même si l'immeuble ne sert pas d'habitation aux intéressés; il convient alors de prendre en compte la valeur que l'immeuble représente véritablement sur le marché; il ne serait pas équitable de garder un immeuble pour les héritiers, à la charge de la collectivité publique qui octroie des prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.13/01 du 25 février 2002 consid 5c/aa; RCC 1991 p. 424).

S'agissant d'immeubles sis à l'étranger, on peut se fonder sur une estimation établie à l'étranger, s'il n'est pas raisonnablement possible de procéder à une autre estimation (arrêt du Tribunal fédéral 9C_540/2009 du 17 septembre 2009 consid. 5.2; ch. 3444.03 DPC).

7.4.3 En ce qui concerne plus spécifiquement le produit de la fortune immobilière, il y a dessaisissement au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC lorsque les possibilités d'obtenir un revenu d'un immeuble ne sont pas exploitées ou ne le sont qu'insuffisamment. On doit admettre qu'il y a renonciation au revenu d'un immeuble lorsqu'il serait exigible de l'ayant droit - propriétaire, usufruitier ou locataire - et objectivement possible de mettre le bien immobilier à disposition d'un tiers moyennant finance. Une telle mise à disposition est objectivement possible lorsque la nature du droit d'utilisation le permet, lorsque le bien immobilier se prête à une exploitation à titre onéreux (Ralph JÖHL, Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in SBVR, 3ème éd. 2016 p. 1838 s. n. 157; pour un cas d'application : cf. notamment l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.33/05 du 8 novembre 2005 consid. 3; cf. également l'arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.37/03 du 15 octobre 2003).

7.4.4 Le revenu déterminant tiré d’un immeuble est celui qui pourrait effectivement être réalisé en cas de location, c’est-à-dire le loyer conforme au marché (cf. SVR 1997, EL n° 38 consid. 6). Il y a lieu de retenir un loyer conforme à l’usage local ou un revenu moyen reflétant le rendement pendant la durée de vie des bâtiments situés sur le terrain lorsque le bénéficiaire de prestations complémentaires n’habite pas le bien immobilier et que celui-ci n’est pas loué. La chambre de céans a confirmé que lorsqu’un immeuble n’est pas situé dans le canton de Genève, le recours à un taux forfaitaire de 4.5% de la valeur vénale retenu à titre de valeur locative (au sens large) ou de rendement de l’immeuble n’est pas excessif, et ce, dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (cf. ATAS/306/2020 du 27 avril 2020 consid. 6 et les nombreux arrêts cités).

7.4.5 En ce qui concerne le taux de conversion applicable pour le calcul de la fortune immobilière et de la valeur locative y relative, il y a lieu d’appliquer les DPC. Bien que ces directives concernent les rentes servies, elles sont applicables par analogie aux autres éléments composant les revenus déterminants, tels que la fortune immobilière (cf. notamment ATAS/951/2021 du 16 septembre 2021 consid. 14; ATAS/1146/2019 du 9 décembre 2019 consid. 8).

Selon le chiffre 3452.01 des DPC, pour les rentes et pensions qui sont versées en devises d’États parties à l’accord sur la libre circulation des personnes CH-UE ou à la Convention AELE, le cours de conversion applicable est le cours du jour publié par la Banque centrale européenne. Est déterminant le premier cours du jour disponible du mois qui précède immédiatement le début du droit à la prestation.

8.             Sur le plan cantonal, ont droit aux prestations complémentaires les personnes qui remplissent les conditions de l'art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC).

8.1 Le montant annuel de la prestation complémentaire correspondant correspond à la part des dépenses reconnues qui excède le revenu annuel déterminant de l'intéressé (art. 15 al. 1 LPCC).

8.2 Selon l'art. 5 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la LPC et ses dispositions d'exécution, moyennant des adaptations.

8.3 Les dépenses reconnues sont celles énumérées par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'art. 3 LPCC (art. 6 LPCC).

8.4 Selon l'art. 7 LPCC, la fortune comprend la fortune mobilière et immobilière définie par la LPC et ses dispositions d'exécution (al. 1). La fortune est évaluée selon les règles de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), à l'exception notamment des règles concernant les déductions sociales sur la fortune, prévues aux art. 50 let. e et 58 de ladite loi, qui ne sont pas applicables. Les règles d'évaluation prévues par la LPC et ses dispositions d'exécution sont réservées (al. 2).

9.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.         En l'espèce, l'intimé, après avoir découvert l'existence d'un bien immobilier appartenant au recourant, a repris le calcul des prestations en tenant compte de sa valeur, telle que ressortant des taxations fiscales portugaises jusqu'en avril 2018, puis à sa valeur vénale telle que définie par l'étude de marché, ainsi que du revenu qu'il aurait pu engendrer, établi lui aussi par l'étude de marché produite par l'intéressé. De ces calculs, il est ressorti que des prestations avaient été versées à tort au bénéficiaire.

Il n'est plus contesté, à ce stade, que plusieurs parcelles ont été réunies sous un même numéro, et les calculs de l'intimé, corrigés en ce sens dans la décision sur opposition, ne sont plus remis en question.

La valeur du bien n'est pas contestable. Elle a été dûment établie sur la base d'une étude de marché produite par le recourant lui-même dès mai 2018. Il en va de même du produit du bien, fixé à 140.- EUR, montant correspondant à la fourchette évoquée par le consultant à l'origine de l'étude de marché en question et en tenant compte de l'état du bien. Quant à la période antérieure, la valeur fiscale retenue est en faveur du bénéficiaire, puisque moindre.

Seule reste en réalité litigieuse à ce stade la question de savoir si le bénéficiaire est seul propriétaire du bien ou s'il n'en possède que 50%, comme il le prétend.

Ainsi que le fait remarquer l'intimé, le terrain sur lequel le bien a été construit est la propriété du seul bénéficiaire, ce que celui-ci admet. Il argue en revanche que la maison aurait été construite avec les acquêts du couple et que la moitié serait donc tombée dans la succession de son ex-femme. Il ressort pourtant des dernières taxations fiscales que le recourant s'est déclaré seul propriétaire. À ce jour, il n'est pas démontré qu'il aurait contesté lesdites taxations, que ce soit au Portugal ou à Genève. En particulier, le recourant se contente d'alléguer qu'il aurait saisi les autorités fiscales portugaises, sans en apporter la preuve.

Quant aux autres documents produits, ils n'apportent pas non plus la preuve que le recourant n'aurait pas la pleine propriété de la maison, ni que la procédure concernant l’inventaire de divorce porte effectivement sur ces derniers et, si tel était le cas, pour quelle part.

Dans ces circonstances, c'est à juste titre que l'intimé a considéré, sur la base des documents fiscaux portugais en sa possession, le recourant comme seul propriétaire.

Reste à examiner si les conditions permettant d'en réclamer la restitution étaient bel et bien remplies en l'occurrence.

11.        

11.1 Aux termes de l’art. 25 al. 1er, 1ère phrase, LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées. Selon la jurisprudence, cela implique que soient réunies les conditions d’une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d’une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1er LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318, consid. 5.2, p. 319ss.). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l’obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l’obligation de renseigner (ATF 122 V 134, consid. 2, p. 139). Il s’agit simplement de rétablir l’ordre légal, après la découverte du fait nouveau.

11.2 En vertu de l’art. 25 al. 2 LPGA, le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’institution a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation; si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

Le délai de la prescription relative d’une année commence à courir dès que l’administration aurait dû s’apercevoir, en faisant preuve de l’attention raisonnablement exigible, que les conditions d’une restitution étaient données (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar : Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, Zurich 2003, note 27 ad art. 25). Lorsque la restitution est imputable à une faute de l’administration, le point de départ du délai n’est pas le moment où la faute a été commise, mais celui auquel l’administration aurait dû, dans un deuxième temps (par exemple à l’occasion d’un contrôle), se rendre compte de son erreur en faisant preuve de l’attention requise (ATF 124 V 380, consid. 1, p. 383).

11.3 Selon un principe général du droit des assurances sociales, l’administration peut reconsidérer une décision formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle une autorité judiciaire ne s’est pas prononcée quant au fond, à condition qu’elle soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable. En outre, par analogie avec la révision des décisions rendues par les autorités judiciaires, l’administration est tenue de procéder à la révision d’une décision entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente. Ces principes sont aussi applicables lorsque des prestations ont été accordées sans avoir fait l’objet d’une décision formelle et que leur versement, néanmoins, a acquis force de chose décidée (ATF 126 V 23, consid. 4b et les arrêts cités).

11.4 En l'espèce, il est avéré que des prestations versées au recourant depuis janvier 2015 l'ont été à tort, puisqu'il n'a été tenu compte ni du bien immobilier, ni du compte bancaire qu'il détenait à l'étranger.

Le SPC a initié une procédure de révision en mars 2018 et a alors appris l'existence de ces éléments. Dès lors, en réclamant la restitution des prestations versées à tort par décision du 13 juillet 2018, l'intimé a agi en temps utile.

12.         Eu égard aux considérations qui précèdent, il apparaît que le principe de la restitution doit être confirmé. Le recours est donc rejeté.

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le