Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/2540/2022

ATAS/795/2022 du 13.09.2022 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2540/2022 ATAS/795/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 13 septembre 2022

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, à PETIT-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andrea VON FLÜE

 

 

recourante

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

A. a. Madame A______(ci-après l'assurée) a travaillé comme employée dans l'agriculture, puis femme de chambre, de 1996 à 1997, aide boulangère, de 2000 à 2004, puis employée polyvalente dans la restauration (caisse, service, nettoyage et buffet) à 80%, de juin 2008 à février 2009.

b. Le 10 septembre 2009, l'assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après OAI) en invoquant une dépression.

c. Par décision du 26 août 2011, l'OAI l'a reconnue totalement inapte à exercer son activité habituelle à 80% et lui a octroyé une rente entière à compter d'avril 2010. Il avait été constaté que l'assurée traversait un épisode dépressif sévère avec tentative de suicide.

B. a. Une révision du dossier a été initiée en avril 2012. Le psychiatre traitant ayant fait état d'une péjoration de l'état de sa patiente, la rente, par décision du 24 avril 2013, a été reconduite sans modification.

b. Une nouvelle révision du dossier a débuté en juin 2016, qui s'est clôturée, le 10 novembre 2016, par la décision de reconduire la rente sans modification.

La doctoresse B______, médecin-traitant, avait conclu à un trouble dépressif récurrent, épisode moyen, et à un trouble de la personnalité borderline. Les symptômes suivants étaient rapportés : anxiété, instabilité d'humeur, fatigue et troubles de la concentration.

Le centre ambulatoire de psychiatrie et psychothérapie intégrées (ci-après : CAPPI) de la Jonction avait retenu, lui, les diagnostics de trouble dépressif récurrent, épisode moyen, et de trouble de la personnalité sans précision, depuis le début de l'âge adulte. Le tableau clinique était stationnaire, avec tristesse, anxiété importante, ruminations anxieuses, vulnérabilité psychique au stress associée à une labilité affective et émotionnelle rendant difficile toute adaptation aux éventuels changements dans la vie. Étaient également relevées une aboulie, une fatigue et des difficultés de concentration, de mémorisation et de prise de décisions. Le tableau clinique comportait aussi une tendance à la baisse de l'élan vital, de l'estime de soi, de la capacité à ressentir du plaisir et des idées de mort fluctuantes passives. S'y ajoutaient un seuil bas de tolérance à la frustration et une labilité affective et émotionnelle dans le cadre du trouble de la personnalité. Le CAPPI concluait à une totale incapacité de travail.

C. a. Une nouvelle procédure de révision a débuté en janvier 2020. Ont alors été recueillis, notamment, les éléments suivants :

- Dans un rapport du 1er avril 2020, la doctoresse C______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a conclu à une totale incapacité de travail dans l’activité habituelle en raison d'une asthénie, d'un état dépressif et de douleurs post opératoires suite à une intervention pour un anévrisme de l’aorte ascendante. Les diagnostics retenus étaient ceux de trouble dépressif récurrent, trouble de la personnalité borderline, status post remplacement de l’aorte ascendante proximale et plastie valvulaire pour anévrisme fin janvier 2020, discopathies protrusives L4-L5 et L5-S1, ainsi que trouble ventilatoire obstructif de degré léger depuis janvier 2020.

- Dans un rapport du 12 mai 2020, la doctoresse D______, du CAPPI de la Jonction, a indiqué que sa patiente, depuis son opération cardiaque, se sentait mieux au niveau de l’humeur et ne rapportait pas de symptôme dépressif; elle se plaignait d’anxiété et de ruminations concernant son fils. Il a été retenu le diagnostic de trouble dépressif majeur, épisode récurrent en rémission partielle. Le médecin ajoutait que l’opération de chirurgie cardiaque avait en revanche entraîné des limitations sur le plan physique, sur lesquelles elle n'était pas compétente pour se prononcer, raison pour laquelle elle renvoyait l'OAI à l'avis du cardiologue. D’un point de vue strictement psychique, les limitations étaient la résistance au stress, les troubles mnésiques et la fatigabilité. Selon le médecin, la capacité de travail d’un point de vue strictement psychiatrique était de 50% depuis novembre 2019, dans toute activité; un environnement de travail peu stressant était préconisé.

- Dans un rapport du 12 août 2020, le docteur E______, du service de chirurgie cardio-vasculaire des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), a confirmé le status post remplacement de l’aorte ascendante et hémi-arche par un tube DRACON et plastie de la valve aortique, le 31 janvier 2020. Le médecin a précisé que, d’un point de vue cardio-vasculaire, il n’y avait aucune restriction. La patiente se plaignait de douleurs et de gonflements abdominaux, mais l'examen n'avait montré aucune particularité. À deux mois de l’opération, les patients pouvaient normalement continuer leur vie normalement. Il n’y avait aucune répercussion dans les domaines courants de la vie. Du point de vue strictement cardio-vasculaire, l’assurée était apte à reprendre une activité professionnelle à 100% et ce, après un laps de temps de deux mois après la chirurgie.

- Le 9 mars 2021, le SMR a considéré qu’il n’y avait aucune raison de s’écarter des conclusions des médecins traitants et qu’il fallait donc admettre une capacité de travail de 50% dans toute activité adaptée aux limitations fonctionnelles, vu l’amélioration des atteintes psychiques et le fait que la chirurgie cardiaque n’avait entraîné aucune incapacité de travail au-delà de deux mois. Les atteintes du rachis lombaire ne justifiaient que des limitations fonctionnelles d’épargne du dos. L’amélioration datait de novembre 2019, date à compter de laquelle la capacité de travail avait été de 50%, tant dans l’activité habituelle que dans une activité adaptée. Il y avait eu incapacité totale de travail du 31 janvier 2020 (date de l’intervention cardio-vasculaire) jusqu’au 31 mars 2020, date au-delà de laquelle la capacité de travail était revenue à 50%. Les limitations fonctionnelles consistaient, sur le plan psychique, en une diminution de la résistance au stress et en des troubles mnésiques modérés, et, s’agissant du dos, à l’obligation d’éviter le port de charges de plus de 5 kg, les positions penchée en avant ou en porte-à-faux, la station debout, la marche prolongée et dans la nécessité de pouvoir alterner les positions assise et debout librement.

- Dans un questionnaire concernant son statut, l’assurée a indiqué avoir divorcé en 2016 et vivre avec son fils âgé de 15 ans. Elle n’a en revanche pas répondu à la question de savoir à quel taux elle aurait travaillé si son état de santé le lui avait permis.

- Dans une note de travail du 18 mai 2021, l'OAI a considéré qu'il y avait lieu de confirmer le statut mixte de personne active à 80% retenu lors de l’octroi de la rente en 2011. En effet, bien que l’assurée soit divorcée, elle bénéficiait d’une pension alimentaire et son loyer était modéré. D'ailleurs, elle n'avait contracté aucune dette. Constatant par ailleurs que les limitations fonctionnelles étaient peu importantes et que l’assurée vivait avec son fils âgé de 15 ans - dont il était exigible qu'il participât aux tâches domestiques -, l'OAI a estimé qu'il n’y avait pas lieu de retenir d’empêchement dans la sphère ménagère. Le degré d’invalidité était évalué à 46% après comparaison du revenu avant invalidité, soit CHF 55'223.- (Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2018 TA 1 niveau 1, après indexation pour 2020), au revenu après invalidité, soit CHF 23'469.- (ESS 2018 TA 1 niveau 1 = 4'371 CHF/mois pour 40 h./sem. = 4'557 CHF/mois pour 41,7 h./sem. = CHF 54'681 en 2018 = CHF 55'222 en 2020 = CHF 23'469 à 50% après déduction supplémentaire de 15% pour tenir compte des limitations fonctionnelles).

b. En cours de procédure de révision, le 17 avril 2020, une décision fixant le montant de la rente d’invalidité entière allouée à l’assurée ainsi que celui de la rente complémentaire pour enfant a été rendue. Cette décision – qui intervenait suite au changement d'état civil de l'assurée, changement impliquant un recalcul de rente – indiquait expressément remplacer une décision antérieure du 26 août 2011.

c. Le 20 mai 2021, à l'issue de la procédure de révision initiée début 2020, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait de remplacer sa rente entière par un quart de rente correspondant à un degré d’invalidité de 46%.

d. Le 31 mai 2021, le docteur F______, spécialiste FMH en médecine interne et cardiologie, a adressé un courrier à l’OAI pour lui rappeler que sa patiente souffrait de multiples problèmes médicaux, en particulier un état anxio-dépressif réactionnel, que sur le plan cardiologique, elle avait subi une intervention de remplacement de la valve aortique, qu’elle avait également subi une hystérectomie totale en 2019, des césariennes en 1990 et en 2005 et qu'elle avait aussi souffert d'une thrombose veineuse profonde post-fracture du pied droit. Elle se plaignait également de troubles abdominaux en cours d’investigation et se déclarait incapable de tout travail.

e. Par courrier du 8 juin 2021, l’assurée a contesté le projet de décision de l’OAI en alléguant être dans l’impossibilité de travailler, que ce soit d’un point de vue physique ou psychologique.

f. Le 16 juin 2021, le docteur G______, médecin interne au CAPPI (ayant succédé à la Dresse D______ en mai 2021), a indiqué que, sur le plan psychiatrique, la symptomatologie correspondait à celle d’un trouble dépressif récurrent épisode moyen avec syndrome somatique. La patiente souffrait d’une thymie abaissée avec anhédonie et aboulie fluctuantes, idées noires épisodiques, troubles mnésiques et de la concentration, troubles du sommeil, asthénie, ainsi qu’une importante manifestation anxieuse récurrente (inquiétudes et ruminations). Elle continuait un traitement psychothérapeutique avec entretien médical une fois par mois et médication ainsi que des activités de groupe au sein du CAPPI. La symptomatologie anxio-dépressive semblait durable et entravait toute activité professionnelle. Le pronostic était réservé.

g. Le SMR a considéré, au vu de ces éléments, que l'assurée présentait un état de santé compatible avec une capacité de travail de 50% (épisode dépressif moyen).

h. Par décision du 20 juillet 2021, annulant et remplaçant celle du 17 avril 2020, l'OAI a modifié le montant alloué à la recourante en tenant compte, d'une part, des bonifications pour tâches éducatives dans la détermination du revenu annuel moyen et, d’autre part, du nouveau degré d’invalidité, réduit à 46%, et ramenant la rente entière à un quart de rente dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision, étant précisé qu’un recours contre celle-ci n’aurait pas d’effet suspensif.

D. a. Le 14 septembre 2021, l'assurée a interjeté recours contre cette décision en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à la mise sur pied d’une expertise psychiatrique et à la mise sur pied d’une enquête ménagère.

b. Le 14 octobre 2021, le SMR a considéré, au vu des éléments amenés dans le cadre du recours, qu'il était souhaitable de poursuivre l’instruction sur le plan somatique en interrogeant la Dresse C______, médecin traitant, et en obtenant un rapport complet du Dr G______.

c. L’OAI ayant suggéré que la cause lui soit renvoyée pour instruction complémentaire, la Cour de céans, par arrêt du 28 octobre 2021 (ATAS/1118/2021), a admis partiellement le recours, annulé la décision du 20 juillet 2021 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

E. a. L'instruction complémentaire de l'OAI a consisté à interroger la Dresse C______ qui, a répondu qu'elle suivait la patiente depuis janvier 2019, que celle-ci avait subi une hystérectomie en 2019, une opération de chirurgie cardiaque en 2020, qu’elle avait souffert de troubles digestifs dans les suites opératoires, que les nombreuses investigations avaient mis en évidence, en 2021, un diverticule duodénal ne nécessitant finalement pas de chirurgie, que sa patiente souffrait également de lombosciatalgies occasionnelles et d’un asthme bronchique.

D’un point de vue somatique, l'assurée était limitée dans sa mobilité et dans le port de charges. Ses troubles digestifs s’étaient améliorés progressivement.

Sur le plan psychiatrique, il convenait de se référer à l’avis de son psychiatre traitant. Le médecin-traitant disait toutefois avoir constaté que le moral de sa patiente s’était péjoré depuis la fin de l’été.

Le médecin-traitant ne s’est pas prononcé sur la capacité de travail de sa patiente, se contentant d'émettre l'opinion qu'à son avis, elle ne pouvait travailler plus d’une heure dans une activité adaptée. Les limitations fonctionnelles lui semblaient découler des atteintes psychiques. Sa patiente lui décrivait d’importants troubles de la concentration et une importante fatigabilité. Elle ne pouvait ni porter de charges, ni mobiliser sa paroi thoracique. Dans la sphère ménagère, sa patiente profitait d'une aide à domicile, car elle ne pouvait assumer de tâches ménagères plus de trente minutes sans être épuisée. Elle faisait ses courses souvent accompagnée et sortait son chien tous les jours.

b. En cours d'instruction, le 15 février 2022, une décision a été rendue, « annulant et remplaçant celle du 20 juillet 2021 » (sic). Il a été noté qu’un nouveau degré d’invalidité avait été déterminé suite à l’arrêt de la Cour de céans du 28 octobre 2021 (100%) et que des bonifications pour tâches éducatives avaient été prises en compte pour la détermination du revenu annuel moyen.

c. L'instruction consécutive à l'arrêt de la Cour de céans du 28 octobre 2021 s'est parallèlement poursuivie, avec l'interrogatoire de la doctoresse H______, du CAPPI de la Jonction (ayant succédé au Dr G______ en novembre 2021), qui, dans son rapport du 14 mars 2022, a conclu à un trouble dépressif récurrent et à un trouble de la personnalité sans précision. Le médecin conclut à une capacité de travail de 50% dans l’activité habituelle et de 50% dans une activité peu stressante. L’évolution a été plutôt stationnaire depuis novembre 2021, date à laquelle elle a repris le suivi de la patiente. Le médecin dit avoir noté une légère amélioration s'agissant des ruminations de la patiente autour de sa situation somatique, qui semblait désormais moins envahissante.

d. Le 28 mars 2022, le SMR a considéré que son avis du 9 mars 2021 restait valable (capacité de travail de 0% dans l’activité habituelle en raison des atteintes somatiques, mais de 50% dans une activité adaptée, dès le 1er avril 2020).

e. Le 7 avril 2022, l’OAI a adressé à l’assurée un projet de décision dont il ressortait qu’il se proposait, suite à l’instruction complémentaire menée, de lui reconnaître le droit à un quart de rente justifié par un degré d’invalidité de 46%.

f. Par décision du 24 juin 2022, remplaçant celle du 15 février 2022, l'OAI a remplacé la rente entière allouée jusqu’alors à l’assurée par un quart de rente justifié par un degré d’invalidité de 46%, en précisant que la réduction serait effective dès le premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision et qu’un recours contre celle-ci n’aurait pas d’effet suspensif.

L'OAI, s'il a admis la totale incapacité de l'assurée à exercer son activité habituelle d’employée polyvalente, a considéré qu'elle avait recouvré une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis avril 2020 et que, "dans cette situation particulière", il n’y avait pas lieu de retenir d’empêchement dans la sphère ménagère.

F. a. Par écriture du 11 août 2022, l’assurée a interjeté recours contre cette décision, en concluant, préalablement, à ce que l’effet suspensif soit restitué à son recours, à ce que soit mise sur pied une expertise psychiatrique et, principalement, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité, avec suite de frais et dépens.

La recourante s'étonne tout d'abord que, par décision du 15 février 2022, l’OAI lui ait reconnu le droit à une rente entière, avant de revenir sur sa position et de la réduire à un quart de rente, alors même que, selon elle, sa situation est demeurée inchangée, ce qu'une expertise psychiatrique permettrait de confirmer. Elle s'insurge que l'OAI ait conclu à une invalidité de 46% sur la seule base du certificat de la Dresse D______ du 12 mai 2020. Elle lui reproche aussi de ne pas avoir pris en considération l’avis du Dr I______, son psychiatre traitant, qui considère, lui, que les atteintes psychiques dont elle souffre entravent toute activité professionnelle.

S'agissant de la restitution de l'effet suspensif, la recourante la justifie par son intérêt à voir le versement d'une rente entière se poursuivre et ses chances de succès, qu'elle estime grandes au vu du fait que la décision litigieuse a été rendue sans lui permettre de se déterminer et en l'absence d'éléments nouveaux.

b. Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 25 août 2022, a conclu au rejet du recours et de la demande de restitution de l’effet suspensif, la recourante ne démontrant pas l'existence d'un intérêt prépondérant à ladite restitution, pas plus que celle d'importantes chances de succès. À cet égard, l'intimé fait valoir que la décision litigieuse se fonde principalement sur les constatations cliniques des médecins de l’assurée.

 

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Déposé postérieurement au 1er janvier 2021, le recours est par conséquent soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

4.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est prima facie recevable (art. 56 et 60 de la LPGA; art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [(LPA-GE - E 5 10)].

5.        a. À teneur de l’art. 49 al. 5 LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2021, dans sa décision, l’assureur peut priver toute opposition ou tout recours de l’effet suspensif, même si cette décision porte sur une prestation en espèces. Les décisions ordonnant la restitution de prestations versées indûment sont exceptées.

Ces principes s’appliquent également aux décisions sur opposition (cf. art. 52 al. 4 LPGA entré en vigueur le 1er janvier 2021).

Selon le message du Conseil fédéral du 2 mars 2018 concernant la modification de la LPGA (FF 2018 1597), l’art. 49 al. 5 LPGA correspond à l’ancien art. 97 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, qui s’appliquait par analogie à l’assurance-invalidité et aux prestations complémentaires (cf. art. 66 LAI et 27 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires du 6 octobre 2006 [LPC – RS 831.30] dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020), et selon la jurisprudence, également par analogie à l’assurance-chômage et à l’assurance-maladie. Il était alors possible, par une application étendue de l’art. 55 al. 2 de la loi du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA - RS 107.021) en relation avec l’art. 55 al. 1 LPGA, de priver d’effet suspensif tout recours éventuel contre une décision qui ne portait pas sur une prestation en espèces. De plus, conformément à la jurisprudence et à la majorité de la doctrine, mais contrairement à la lettre de la loi, seule une décision qui engageait son destinataire à une prestation en espèces était considérée comme une décision portant sur une prestation en espèces. Par conséquent, les décisions d’octroi de prestations des assurances sociales ne constituaient pas des décisions portant sur une prestation en espèces au sens de la PA. Si une prestation en espèces (durable ou non) était interrompue ou réduite, l’effet suspensif pouvait donc être retiré. Le Conseil fédéral a estimé que pour prévenir tout flou juridique dans ce domaine – puisqu’il est courant, dans les assurances sociales, de qualifier de prestations en espèces des prestations comme les rentes, les indemnités journalières, l’allocation pour impotent, etc. (cf. à ce sujet la définition des prestations en espèces à l’art. 15 LPGA) –, il était nécessaire d’élaborer une base légale claire pour toutes les assurances sociales soumises à la LPGA. La nouvelle réglementation assure ainsi la sécurité juridique et elle est essentielle, notamment en lien avec la règle relative à la suspension des prestations à titre provisionnel prévue par le nouvel art. 52a LPGA, entré en vigueur le 1er janvier 2021. La pratique fondée sur l’ATF 130 V 407, qui n’autorise pas le retrait de l’effet suspensif en cas de créances en restitution de prestations indûment perçues, n’est en revanche pas modifiée en vertu de cette harmonisation de la LPGA (cf. art. 49 al. 5 2ème phrase LPGA).

b. Les dispositions de la PA continuent à s’appliquer pour les questions liées à l’effet suspensif qui ne sont pas réglées par l’art. 49 al. 5 LPGA (cf. art. 55 al. 1 LPGA). Le juge saisi du recours peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l’autorité inférieure l’avait retiré ; la demande de restitution de l’effet suspensif étant traitée sans délai, conformément à l'art. 55 al. 3 PA. 

6.        Selon la jurisprudence, le retrait de l’effet suspensif est le fruit d’une pesée des intérêts qui s’inscrit dans l’examen général du principe de la proportionnalité, lequel exige qu’une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 142 I 76 consid. 3.5.1 et la référence).

La possibilité de retirer ou de restituer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation. En général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute (ATF 124 V 82 consid. 6a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_885/2014 du 17 avril 2015 consid. 4.2).

L'intérêt de la personne assurée à pouvoir continuer à bénéficier des prestations qu'elle percevait jusqu'alors n'est pas d'une importance décisive, tant qu'il n'y a pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Ne saurait à cet égard constituer un élément déterminant la situation matérielle difficile dans laquelle se trouve la personne assurée depuis la diminution ou la suppression des prestations. En pareilles circonstances, l'intérêt de l'administration apparaît généralement prépondérant, puisque, dans l'hypothèse où l'effet suspensif serait accordé et le recours finalement rejeté, l'intérêt de l'administration à ne pas verser des prestations paraît l'emporter sur celui de la personne assurée; il serait effectivement à craindre qu'une éventuelle procédure en restitution des prestations versées à tort ne se révèle infructueuse (ATF 119 V 503 consid. 4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3 et les références).

La jurisprudence a également précisé que le retrait de l'effet suspensif prononcé dans le cadre d'une décision de diminution ou de suppression de rente à la suite d'une procédure de révision couvrait également la période courant jusqu'à ce qu'une nouvelle décision soit rendue après le renvoi de la cause par le tribunal cantonal des assurances pour instruction complémentaire, pour autant que la procédure de révision n'a pas été initiée de façon abusive (ATF 129 V 370 consid. 4; voir également arrêts du Tribunal fédéral 9C_ 846/2018 du 29 novembre 2019 consid. 7.1 et 9C_207/2014 du 1er mai 2014 consid. 5.3).

7.        En l’espèce, à l'appui de sa demande de restitution de l'effet suspensif, la recourante reproche à l'intimé d'avoir rendu en date du 24 juin 2022 une décision réduisant son droit aux prestations après avoir confirmé celui-ci par décision du 15 février 2022 et ce, sans lui permettre de faire valoir son droit d’être entendu. Elle souligne les conséquences économiques importantes pour elle d'une telle décision et s'étonne que l'OAI se soit basé sur le seul avis de la Dresse D______ pour conclure à une amélioration de son état de santé.

Force est cependant de constater que la recourante se fourvoie quant au déroulement des faits et plus particulièrement sur l'incidence des différentes décisions rendues successivement à son encontre.

En effet, si la décision litigieuse du 24 juin 2022 annonce effectivement remplacer formellement celle du 15 février 2022, cette dernière n'a pas été rendue suite à un nouvel examen du droit aux prestations de la recourante à proprement parler. Cette décision du 15 février 2022 ne faisait en réalité que rétablir le droit à la rente antérieur et tenir compte des bonifications pour tâches éducatives (suite au changement d'état civil de la recourante) évoquées dans la décision antérieure du 20 juillet 2021 annulée par la Cour de céans par arrêt du 28 octobre 2021. En d'autres termes, elle n'avait donc d'autre but que de rétablir le droit de l'assurée à une rente entière dans l'attente de la décision qui serait rendue à l'issue de l'instruction complémentaire initiée suite à l'arrêt de la Cour et qui s'est clôturée par la décision litigieuse, laquelle a été précédée, le 7 avril 2022, par l'envoi d'un projet de décision à l'assurée. Il ressort de ce qui précède que le droit d'être entendu de la recourante a été respecté, d'une part, et que la recourante ne peut tirer aucun argument du fait que la décision du 15 février 2022 a rétabli transitoirement son droit à une rente entière, d'autre part.

Quant à la question de l'amélioration de l'état de santé de la recourante, elle ne repose pas seulement sur le rapport de la Dresse D______, mais également sur celui de la Dresse H______ qui, tout comme sa collègue, considère que l'assurée est désormais apte à exercer une activité à 50%. Le Dr G______ a exprimé une opinion divergente, sans motiver sa position.

Le médecin-traitant ne s’est quant à lui pas prononcé précisément sur la capacité de travail de sa patiente, se contentant d'émettre l'opinion qu'à son avis, elle ne pouvait travailler plus d’une heure dans une activité adaptée. La Dresse C______ a toutefois ajouté que les limitations fonctionnelles découlaient essentiellement des atteintes psychiques, de sorte que c'est à juste titre que l'intimé s'est tourné vers le spécialiste pour évaluer la capacité de travail, dont on a déjà indiqué qu'elle avait été estimée à 50%.

Dans ces circonstances, les chances de succès de la recourante sur le fond ne paraissent pas évidentes à première vue. Il n'y a en tout cas pas lieu d'admettre que, selon toute vraisemblance, elle l'emportera dans la cause principale. Par conséquent, l’intérêt de l’administration à l’exécution immédiate de la décision faisant l’objet du recours l’emporte sur celui de la recourante à bénéficier d'une rente entière durant la procédure, dont l'issue est incertaine. En effet, il existe un risque important que la recourante ne puisse pas rembourser les prestations qui seraient versées à tort par l’intimé.

8.        Partant, la demande de restitution de l’effet suspensif est rejetée.

La suite de la procédure est réservée.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant selon l’art. 21 al. 2 LPA-GE

 

1.        Déclare le recours recevable.

2.        Rejette de la demande de restitution de l'effet suspensif.

3.        Réserve la suite de la procédure.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le