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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1162/2021

ATAS/766/2021 du 20.07.2021 ( LCA ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1162/2021 ATAS/766/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 juillet 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o Monsieur B______, ______, à CHÊNE-BOUGERIES

 

 

demanderesse

 

contre

ADVISOR SWISS INSURANCE (ASI) SA, sise avenue de Provence 4, LAUSANNE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Jérôme BENEDICT

 

 

défenderesse

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1985, a souscrit, le 15 mars 2016, un contrat d’assurance-maladie et accident privé pour étudiant auprès d’ADVISOR SWISS INSURANCE (ASI) SA (ci-après : l’assureur), police n°1______ avec une franchise annuelle de CHF 100.- et des primes mensuelles de CHF 86.-. Elle avait été dispensée, à sa demande, de l’obligation de s’affilier à une assurance-maladie suisse pour l’assurance obligatoire des soins, dans la mesure où elle était étudiante internationale et bénéficiait d’une assurance privée qui offrait des prestations équivalentes à l’assurance obligatoire des soins (frais médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers en cas de maladie ou d’accident, ainsi que l’hospitalisation, le rapatriement et l’assistance). La dispense était valable du 1er avril 2016 au 31 août 2019.

b. L’assurée a terminé ses études le 29 juin 2019.

c. Le 4 juillet 2019, l’assurée s’est mariée avec un ressortissant français établi en Suisse et a obtenu un permis de séjour à titre de regroupement familial valable dès le 27 août 2019.

d. Par pli du 22 août 2019, l’assureur a indiqué qu’il devait annuler le contrat d’assurance de l’assurée avec effet au 31 août 2019 et établir un décompte final, au motif que l’assurée avait changé de statut.

e. L’assurée a jugé ce décompte final erroné et incomplet puisqu’il ne prenait pas en compte les traitements subis du 7 au 31 août 2019.

f. Elle a souscrit une assurance-maladie suisse pour l’assurance obligatoire des soins dès le 1er septembre 2019.

g. Le 21 juillet 2020, l’assureur, se référant à la résiliation du 22 août 2019 et à l’annonce subséquente du mariage de l’assurée, a indiqué à cette dernière être dans l’obligation d’annuler son contrat d’assurance avec effet au 4 juillet 2019, l’assurée s’étant mariée à cette dernière date - ce qu’elle n’avait communiqué à son assureur que lors d’un échange de courriels le 22 juin 2020 -, elle ne répondait plus aux conditions de l’exemption de l’assurance-maladie obligatoire des soins suisse. L’assureur exigeait le remboursement de CHF 1'506.70 versés pour des soins d’août 2019.

h. Par courrier du 2 octobre 2020, l’assureur a fait grief à l’assurée de ne pas avoir communiqué des informations exactes sur sa santé lors de la conclusion du contrat puisqu’elle avait omis de dire qu’elle avait souffert d’endométriose et avait été opérée en 2012 pour cette affection et qu’elle souffrait en outre de douleurs pelviennes depuis 2010 (réticences).

i. Par courrier du 30 novembre 2020, l’assureur a relevé une autre réticence tenant à l’omission d’annonce de lombagos à répétition depuis novembre 2015.

j. Par courriel du 5 janvier 2021, l’assureur a indiqué à l’assurée que l’art. 3 de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) imposait à cette dernière de s’affilier à l’assurance obligatoire des soins dès son mariage, ce qui justifiait la résiliation du contrat d’assurance privé à cette date.

B. a. Le 31 mars 2021, l’assurée a adressé une « action en paiement » à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) en concluant à ce que la chambre de céans statue sur la date de fin du contrat en accord avec la fin de ses études, soit le 29 juin 2020 [recte : 2019], valide le délai de trois mois prévu par la LAMal pour changer d’affiliation, valide la fin du contrat au 31 août 2019, invalide les réticences soulevées par l’assureur, condamne ce dernier à lui rembourser CHF 4'089.86 (des arriérés de soins de 2018 d’un montant de CHF 2'243.12 [soit CHF 2'039.20 et intérêts à 5 % l’an] et CHF 12'846.74 pour des soins du 1er janvier au 29 août 2019 [CHF 1'758.80 et intérêts à 5 % l’an]).

b. Le 7 avril 2021, la demanderesse a indiqué à la CJCAS contester la lettre du 21 juillet 2020 par laquelle l’assureur avait résilié son contrat avec effet rétroactif au 4 juillet 2019.

c. Le 11 juin 2021, la défenderesse a conclu, sous suite de frais et dépens, à l’incompétence de la chambre de céans à raison de la matière, au motif que le contrat d’assurance était un contrat privé d’assurance-maladie soumis au seul droit privé ; ce contrat n’était pas complémentaire à l’assurance obligatoire des soins mais se substituait à celle-ci.

d. Le 5 juillet 2021, l’assurée a pris note des arguments de la défenderesse quant à la question de la compétente de la chambre de céans et a indiqué qu’elle ne jugeait pas opportun de conduire cette procédure devant une instance incompétente. Elle a sollicité de la chambre de céans qu’elle transfère sa demande à la juridiction compétente pour en juger.

e. La cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. À teneur de l’art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) et qui sont relatives à la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Conformément à l’art. 7 du Code de procédure civile suisse du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272) et à l’art. 134 al. 1 let. c LOJ, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît également en instance unique des contestations relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-maladie sociale prévue par la LAMal, relevant de la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1).

La LAMal régit exclusivement l’assurance-maladie sociale. Les assurances complémentaires sont quant à elles soumises au droit privé, soit la loi fédérale sur le contrat d’assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1) et le droit des obligations.

L’art. 3 al. 2 LAMal délègue la compétence au Conseil fédéral d’excepter de l’assurance obligatoire certaines catégories de personnes. Faisant usage de cette délégation, l’autorité exécutive a notamment prévu, à l’art. 2 al. 4 de l’ordonnance sur l’assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), l’exception à l’obligation de s’assurer, sur requête, des personnes qui séjournent en Suisse dans le cadre d’une formation ou d’un perfectionnement, telles que les étudiants, les écoliers et les stagiaires, ainsi que les membres de leur famille au sens de l’art. 3 al. 2 qui les accompagnent, pour autant que, pendant toute la durée de validité de l’exception, ils bénéficient d’une couverture d’assurance équivalente pour les traitements en Suisse. La requête doit être accompagnée d’une attestation écrite de l’organisme étranger compétent donnant tous les renseignements nécessaires. L’autorité cantonale compétente peut excepter ces personnes de l’obligation de s’assurer pour trois années au plus. Sur requête, l’exception peut être prolongée pour trois autres années au plus. L’intéressé ne peut revenir sur l’exception ou la renonciation à une exception sans raisons particulières.

La couverture d’assurance-maladie équivalente ne relève pas du droit social mais du droit privé, de sorte que la saisine d’un tribunal des assurances sociales ne sera en principe pas envisageable. Ce, à moins que, par hypothèse, l’organisation judiciaire d’un canton particulier ait opté pour le regroupement des litiges d’assurances privées et sociales au sein d’un même prétoire, mais en application des règles procédurales et matérielles distinctes qui gouvernent ces deux domaines de l’assurance (Gregor CHATTON, Les exceptions à l’assurance obligatoire des soins, in RSAS 55/2011 p. 498).

Dans un arrêt du 29 juin 2006 (ATAS/583/2006) et plus récemment dans des arrêts du 13 février 2020 (ATAS/119/2020) et du 17 mai 2021 (ATAS/473/2021), le Tribunal cantonal des assurances sociales, respectivement la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, se sont déclarés incompétents ratione materiae pour juger des litiges entre une assurance privée et des étudiants étrangers exemptés de l’obligation de s’affilier à une caisse-maladie autorisée à pratiquer l’assurance obligatoire des soins en Suisse, au motif que les contrats, soumis à la LCA et non à la LAMal, n’étaient pas des contrats d’assurance complémentaire à l’assurance obligatoire des soins, mais se substituaient à celle-ci puisqu’ils offraient des prestations équivalentes à celles d’une assurance-maladie sociale, condition nécessaire pour exempter à l’obligation de s’assurer auprès d’une caisse soumise à la LAMal, aux termes de l’art. 2 al. 4 OAMal.

b. En l’espèce, la situation de la demanderesse est comparable à celles visées par les arrêts précités.

En effet, en sa qualité d’étudiante étrangère, la demanderesse a conclu un contrat portant sur les frais médicaux, pharmaceutiques et hospitaliers en cas de maladie ou d’accident, ainsi que l’hospitalisation, le rapatriement et l’assistance. Cette couverture d’assurance équivalente lui a permis d’être exemptée de son obligation de s’affilier auprès d’un assureur social pratiquant l’assurance-maladie obligatoire, en application de l’art. 2 al. 4 OAMal.

Le contrat conclu par l’assurance et la demanderesse n’est donc pas complémentaire à l’assurance obligatoire des soins, puisqu’il a pour but de se substituer à celle-ci.

Compte tenu du fait qu’il s’agit d’un contrat d’assurance-maladie privé, la chambre de céans n’est pas compétente et doit déclarer la demande irrecevable.

Pour le surplus, il n’est pas alloué de dépens en faveur de l’assurance internationale (art. 22 al. 3 let. b de la loi d’application du code civil suisse et d’autres lois fédérales en matière civile du 11 octobre 2012 [LaCC - E 1 05]), ni perçu de frais judiciaires (art. 114 let. e CPC).

2. La chambre de céans, lorsqu’elle décline sa compétence, n’a l’obligation de transmettre un recours ou une demande qu’à une autre juridiction administrative compétente (art. 64 al. 2 loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE ; RS E 5 10), notamment un autre Tribunal cantonal des assurances sociales (art. 58 al. 3 LPGA).

Dans le cas d’espèce, les juridictions administratives ne sont pas compétentes pour statuer sur un contrat de droit privé. La chambre de céans ne peut dès lors pas transmettre la demande à un tribunal civil qui serait compétent à raison de la matière. L’assurée devra adresser sa demande en paiement au tribunal compétent, au regard des principes applicables en matière de règles de compétence territoriale.

* * * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

1.        Déclare la demande irrecevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) par le greffe le