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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/59/2022

ATAS/764/2022 du 02.09.2022 ( APG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/59/2022 ATAS/764/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 septembre 2022

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié rue ______, GENÈVE

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né en 1972, est inscrit en tant qu’indépendant auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse, la CCGC ou l’intimée).

b. Il exerce l’activité de conciliateur et conseiller en droit du travail.

B. a. Il a formé, le 4 septembre 2021, une demande d’allocations pour perte de gain en lien avec le Coronavirus (ci-après : APG-COVID), fondée sur une baisse significative du chiffre d’affaires pour les mois de juillet et août 2021.

b. Par décision du 10 septembre 2021, la caisse a rejeté cette demande, au motif que la baisse du chiffre d’affaires n’apparaissait pas liée aux mesures ordonnées par les autorités. Les restrictions appliquées par les autorités durant le mois faisant objet de la demande ne s’étendaient pas à son activité lucrative. À défaut de causalité, la baisse de son chiffre d’affaires ne pouvait pas être indemnisée.

c. Le 30 septembre 2021, l’assuré s’est opposé à cette décision. Son activité professionnelle consistait à conseiller, soutenir et accompagner les entreprises lors de situations de conflit dans le cadre d’une relation de travail. Il effectuait sa prospection à 80% auprès des cabinets médicaux et assistait également certains avocats. Depuis le début de l’année, ses entretiens avec les clients duraient de trois à cinq minutes, de sorte qu’il facturait très peu. Les 95% des clients rencontrés depuis le début du printemps 2021 avaient des demandes simples et incontestables devant la justice. Il subissait les conséquences des mesures prises par les autorités, la majorité de ses clients ayant été licenciés pour raison économique, en raison du dépassement des délais de protection ou pour motif de COVID long. Les clients n’avaient plus moyen de faire appel à lui et s’adressaient à leur protection juridique professionnelle. Sans l’aide des APG, il serait contraint de fermer son entreprise.

C. a. Par acte du 10 janvier 2022, l’assuré a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), en reprenant la motivation de son opposition. Depuis novembre 2020, il bénéficiait de prestations de l’hospice général.

b. Par décision du 21 janvier 2022, la caisse a rejeté l’opposition formée le 30 septembre 2021. L’activité de conciliateur exercée par l’assuré n’était pas touchée par les mesures prises par les autorités. Sa baisse de chiffre d’affaires résultait d’une baisse de la production de la consommation des services, conséquences économiques d’une crise pandémique mondiale impactant toutes les entreprises en général.

c. Par réponse au recours du 24 janvier 2022, la caisse a maintenu sa décision sur opposition du 21 janvier 2022. Par application des principes d’économie et de célérité de procédure, un nouveau délai devait être octroyé à l’assuré pour qu’il se détermine sur le maintien ou le retrait de son recours, formé avant la décision sur opposition.

d. Le 21 février 2022, l’assuré a maintenu son recours. S’il obtenait gain de cause, ses indemnités seraient versées directement à l’hospice général.

e. Par réponse du 8 mars 2022, la caisse a conclu au rejet du recours. Aucune mesure n’avait été mise en place par les autorités pour limiter la pratique dans le domaine d’activité de l’assuré, même indirectement. La diminution de son chiffre d’affaires n’était donc pas en lien avec les mesures des autorités.

f. Le 16 mars 2022, l’assuré a persisté dans ses conclusions. Avec les multiples vagues de COVID, les lieux de prospection lui étaient fermés, soit les cabinets médicaux, de physiothérapeutes, de chiropraticiens, de dentistes, les centres médicaux, lieux de médiations, etc Ses conseils et autres soutiens étaient inutiles, car les licenciements n’étaient pas contestables.

Cette écriture a été transmise à la caisse.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Les dispositions de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA - RS 830.1) s'appliquent aux allocations perte de gain en lien avec le Coronavirus, sous réserve de dérogations expresses (art. 1 de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19). Les décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l'opposition n'est pas ouverte sont sujettes à recours auprès du tribunal des assurances compétent (art. 56 LPGA).

La chambre de céans est ainsi compétente pour connaître des recours (ATAS/1208/2020 du 10 décembre 2020).

1.2 L’acte du 10 janvier 2022 est formellement interjeté contre la décision de l’intimée du 10 septembre 2021, rejetant la demande d’octroi d’allocations pour perte de gain en cas de coronavirus formée par le recourant. La décision du 10 septembre 2021 a cependant été remplacée par la décision sur opposition du 21 janvier 2022. Le 21 février 2022, le recourant a déclaré maintenir son recours auprès de la chambre de céans. Dans ces conditions, et par économie de procédure, il convient de considérer que le recours est interjeté contre cette dernière décision, même si le recours est formellement prématuré.

Ainsi, interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de l’intimée niant au recourant le droit aux APG-COVID pour les mois de juillet et août 2021.

2.1 En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RS 818.101.24 ; RO 2020 573) puis l’ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (ordonnance 2 COVID-19 ; RS 818.101.24 ; RO 2020 773).

Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en interdisant toutes les manifestations publiques ou privées et en ordonnant la fermeture des magasins, des marchés, des restaurants, des bars, des discothèques, des boîtes de nuit et des salons érotiques (art. 6 al. 1 et 2).

Le 19 juin 2020, à la suite d’une diminution du nombre de nouveaux cas, le Conseil fédéral a requalifié la « situation extraordinaire » en « situation particulière » et restructuré ses mesures notamment en édictant l’ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre l’épidémie de COVID-19 en situation particulière (ordonnance COVID-19 situation particulière - RS 818.101.26). Selon cette ordonnance, chaque personne était tenue de respecter les recommandations de l'Office fédéral de la santé publique (ci-après : l’OFSP) en matière d'hygiène et de conduite face à l'épidémie de COVID-19 (art. 3). Ces recommandations comprenaient notamment le maintien des distances, le port du masque et le respect du nombre maximum de personnes. Si possible, les personnes devaient se rencontrer à l'extérieur plutôt qu'à l'intérieur.

Après un certain assouplissement des mesures durant l’été 2020, la situation sanitaire s’est à nouveau dégradée durant l’automne 2020, contraignant les autorités à prendre de nouvelles mesures (al. 2).

Ainsi, et notamment, les rassemblements spontanés de plus de quinze personnes ont été interdits dans l’espace public, en particulier sur les places publiques, sur les promenades et dans les parcs, à compter du 19 octobre 2020 (art. 3c de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, dans son état le 19 octobre 2020). À la même date, les manifestations privées comportant entre seize et cent personnes ont été soumises à certaines restrictions, notamment l’obligation de consommer assis, de collecter des données de contact et de porter le masque hormis en cas de consommation assise à sa place (art. 6a al. 2). La recommandation selon laquelle les employés devaient si possible faire du télétravail a à nouveau été émise à cette même date (art. 10 al. 3).

À compter du 29 octobre 2020, il a notamment été interdit d’organiser des manifestations publiques de plus de cinquante personnes, et des manifestations privées de plus de dix personnes (art. 6 al. 1 et 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 29 octobre 2020).

Dès le 12 décembre 2020, les manifestations publiques ont été interdites, à certaines exceptions, notamment les manifestations religieuses jusqu’à cinquante personnes et les funérailles dans le cercle familial et amical restreint (art. 6 al. 1 let. c et d de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020), les manifestations privées de maximum dix personnes restant autorisées (art. 6 al. 2 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière dans son état au 12 décembre 2020). À partir du 22 décembre 2020, les restaurants, établissements culturels et sportifs, ainsi que les lieux de loisirs ont dû fermer leurs portes.

Au vu de l’évolution favorable de la situation épidémiologique, les mesures ont été assouplies les 19 avril et 31 mai 2021. Les restaurants et centres thermaux ont notamment pu rouvrir et les événements publics ont pu accueillir jusqu’à 300 personnes. Le 26 juin 2021, l’ordonnance COVID-19 situation particulière a été révisée en profondeur : le télétravail n’était plus obligatoire, au restaurant, le nombre de personnes à chaque table n’était plus limité, les restrictions de la capacité d’accueil et le nombre de participants aux grandes manifestations avec certificat COVID étaient levées, le port du masque plus obligatoire, l’obligation de porter le masque et de respecter les distances était abrogée pour les activités sportives et culturelles et il n’y avait plus de restriction à l’enseignement présentiel dans les universités et établissements de formation.

2.2 Le 20 mars 2020, le Conseil fédéral a encore édicté l’ordonnance sur les mesures en cas de perte de gain en lien avec le coronavirus (ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 - RS 830.31), qui est entrée en vigueur rétroactivement au 17 mars 2020 pour une période d’application limitée au 31 décembre 2021 (art. 11).

Selon l’art. 2 al. 3, dans sa teneur au 17 septembre 2020, les personnes qui exercent une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 12 LPGA ont droit à l’allocation perte de gain, pour autant qu’elles soient assurées au sens de la LAVS, si elles doivent interrompre leur activité lucrative en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a) et si elles subissent une perte de gain ou de salaire (let. b).

Selon l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance, les personnes considérées comme indépendantes au sens de l’art. 12 LPGA qui ne sont pas concernées par l’al. 3 ont droit à l’allocation pour autant qu’elles soient assurées obligatoirement au sens de la LAVS (loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants ; RS 831.10), si leur activité lucrative est significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité (let. a), elles subissent une perte de gain ou une perte de salaire (let. b) et ont touché pour cette activité au moins 10’000 fr. à titre de revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 (let. c).

En vertu de l’art. 5 de l’ordonnance, l’indemnité journalière est égale à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative obtenu avant le début du droit à l’allocation (al. 1). Pour déterminer le montant du revenu, l’art. 11 al. 1 de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité du 25 septembre 1952 (LAPG - RS 834.1) s’applique par analogie (al. 2). Pour les ayants droit exerçant une activité lucrative indépendante au sens de l’art. 2 al. 3, le revenu soumis aux cotisations AVS en 2019 est déterminant pour le calcul de l’allocation. Une fois le montant de l’allocation fixé, un nouveau calcul se fondant sur une base de calcul plus récente est exclu (al. 2ter).

2.3 Le 25 septembre 2020, le Parlement a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de COVID-19 (ci-après : loi COVID-19 - RS 818.102) dont l’art. 15 al. 1, dans sa version au 1er juillet 2021, stipule que le Conseil fédéral peut prévoir le versement d’allocations pour perte de gain aux personnes qui doivent interrompre ou limiter de manière significative leur activité lucrative à cause de mesures prises pour surmonter l’épidémie de COVID-19. Seules les personnes frappées par une perte de gain ou de salaire et qui, dans leur entreprise, ont subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 30% par rapport au chiffre d’affaires moyen des années 2015 à 2019 sont considérées comme ayant dû limiter de manière significative leur activité lucrative.

Il ressort notamment de l’avant-propos à la version 18 de la Circulaire sur l’allocation pour perte de gain en cas de mesures destinées à lutter contre le coronavirus – Corona-perte de gain (ci-après : CCPG), valable à partir du 17 septembre 2020, qu’à compter du 23 juin 2021, date de modification de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, il n’existait presque plus de mesures de restrictions prises par les autorités. En conséquence, les caisses de compensation devaient apporter une attention particulière aux motifs invoqués par les assurés pour le droit fondé sur la limitation significative de l’activité lucrative, ces motifs devant être en lien avec les mesures de lutte contre le Coronavirus.

3.             Dans le cas d’espèce, le recourant exerce une activité de conciliateur et de conseiller en droit du travail. Dans ses écritures, il a expliqué que son chiffre d’affaires avait diminué en raison, d’une part, des nombreux licenciements dont la contestation était limitée et, d’autre part, de la diminution du nombre de mandats qui lui étaient confiés.

Dans la mesure où la profession du recourant n’a pas directement fait l’objet d’une mesure prévue par l’ordonnance 2 COVID-19, ni d’une mesure au plan cantonal, il convient d’appliquer l’art. 2 al. 3bis de l’ordonnance sur les pertes de gain COVID-19 à sa situation.

La question se pose donc de savoir si, conformément à cette disposition, l’activité lucrative du recourant a été significativement limitée en raison de mesures de lutte contre l’épidémie de COVID-19 ordonnées par une autorité. Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce. Le fait que, de manière générale, les entreprises aient été confrontées à un ralentissement général du marché économique ne signifie pas encore que la baisse de leur chiffre d’affaire est en lien avec une mesure de lutte contre le coronavirus. Comme exposé ci-avant, les mesures de restrictions prises par les autorités ont pratiquement toutes été levées à compter du 26 juin 2021. Seuls certains secteurs, en particulier le domaine de l’événementiel, subissaient encore des pertes de gain en raison des restrictions encore en vigueur. La situation du recourant ne relève toutefois pas de ce cas de figure, ce qui n’est pas contesté. C’est partant à juste titre que l’autorité intimée a considéré que la baisse de son chiffre d’affaires n’était pas liée à une mesure prise par les autorités.

Il en résulte que c’est à juste titre que l’intimée a rejeté la demande d’APG-COVID du recourant pour les mois de juillet et août 2021.

4.             Infondé, le recours sera rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

******

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Sylvie CARDINAUX

 

La présidente

 

 

 

 

Eleanor McGREGOR

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le