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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2093/2020

ATAS/745/2020 du 07.09.2020 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2093/2020 ATAS/745/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 7 septembre 2020

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à THÔNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marc MATHEY-DORET

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré), né le ______ 1970, originaire de Russie, entré en Suisse en avril 2006, marié, père de trois enfants, est titulaire d'un livret F pour étranger admis provisoirement.

2.        L'assuré a déposé le 8 mai 2018 une demande de prestations d'invalidité.

3.        Le 25 juin 2018, la doctoresse B______, FMH endocrinologie, diabétologie et médecin interne, a rempli un rapport médical AI, attestant d'un suivi depuis 2007 pour des AVC multiples d'origine peu claire en 2007 - 2008 et des crises épileptiques à répétition sous traitement au long cours. Elle a joint :

-          Des rapports du service de neurologie des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) des 4 septembre 2006, 14 juin 2007, 26 octobre 2007 et 14 octobre 2008 attestant d'une probable épilepsie cryptogénique, des céphalées de tension puis des AVC ischémiques sylvien droit sous forme de multiples lésions sous forme indéterminée.

-          Une angio-IRM du 22 novembre 2016 concluant à une possible maladie de Buerger.

4.        Le 29 juin 2018, l'hospice général a indiqué qu'il suivait l'assuré depuis le 19 mai 2006, lequel ne s'était jamais trouvé un emploi à Genève à cause de ses soucis de santé.

5.        Le 6 août 2018, le Service de neurologie des HUG a rendu un rapport suite à la consultation du 2 août 2018. Il a posé les diagnostics d'épilepsie structurelle probable sur lésions ischémiques, avec crises focales avec généralisation secondaire entre 2003 et février 2018, sous Orfiril long depuis mai 2007, et trouble de stress post-traumatique possible.

6.        Le 6 février 2019, la Dresse B______ a indiqué, à la demande du SMR, que l'assuré souffrait d'une encéphalopathie vasculaire avec status post nombreux AVC tous régressifs. Il présentait d'autre part une insuffisance artérielle stade II des membres supérieurs et membres inférieurs probablement dans un contexte de maladie de Buerger. Secondairement aux multiples AVC, l'assuré présentait des crises d'épilepsie. Il avait eu de ce fait plusieurs crises d'épilepsie focale avec généralisation secondaire, la dernière datant de février 2018. L'assuré était donc sous un traitement antiépileptique au long cours provoquant une fatigue et une difficulté à la concentration. Il prenait aussi un traitement pour une hypertrophie bénigne de la prostate.

7.        Le 6 novembre 2018, le Service de neurologie des HUG a rendu un rapport suite à une consultation du 31 octobre 2018, en reprenant les diagnostics précités et en mentionnant de probables douleurs neurogènes.

8.        Le 10 avril 2019, le Service de neurologie des HUG a répondu à une demande de renseignement de l'Office de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI). La capacité de travail sur le plan épileptologique était de 80 % dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles depuis 2003, sous réserve d'autres limitations neuropsychologiques (l'assurée se plaignait de troubles attentionnels et mnésiques) et psychiatriques (probable trouble dépressifs). Les restrictions fonctionnelles étaient les suivantes : inaptitude à la conduite d'un véhicule, pas de manipulation d'objets dangereux (piloter ou de contrôler des machines dangereuses, par exemple un broyeur) ou manipulation de substances dangereuses, pas de travail avec exposition à risque (par exemple en hauteur, échafaudage, espaces confinés), pas d'horaires de travail nocturne ou irrégulier avec changement de rythme du sommeil. Les limitations de l'activité professionnelle étaient persistantes, indépendamment du traitement antiépileptique.

9.        A la demande de l'OAI, la doctoresse C______, FMH neurologie, a indiqué le 2 juillet 2019 que l'assuré avait eu un AVC ischémique sylvien droit en décembre 2007, avec un hémi syndrome sensitivo-moteur faciobrachiocrural gauche. Epilepsie, probablement sur des lésions ischémiques, avec crise focale et généralisation secondaire entre 2003 et février 2018, sous Orfiril depuis mai 2007. Troubles de stress post-traumatique possibles, probables douleurs neurogènes et céphalées chroniques de type pression, douleurs au niveau du membre supérieur et inférieur droit, parfois du membre supérieur gauche, céphalées bitemporales, davantage à gauche. Douleurs au niveau de l'épaule et de l'hémithorax gauche. Douleurs lombaires. Troubles du sommeil. L'assuré présentait des douleurs chroniques et de la fatigue. Sa capacité de travail était de 50 - 60 %, pour autant qu'une prise en charge dans le contexte des douleurs soit efficace.

10.    Le 23 juillet 2019, le docteur D______, du Service médical régional AI (ci-après : le SMR), a constaté que les neurologues étaient d'accord pour estimer que l'ancienne activité était possible à 50 %. Il fallait considérer que la capacité de travail était nulle dans l'ancienne activité, trop physique (non adaptée aux limitations fonctionnelles de l'artériopathie des membres inférieurs), depuis 2007. Dans une activité strictement adaptée aux limitations fonctionnelles vasculaires (pas de station debout et de marche prolongée, pas de montée ou de descente des escaliers, activité essentiellement assise) et neurologique (inaptitude à la conduite d'un véhicule, pas de manipulation d'objets dangereux ou de substances dangereuses, pas de travail avec exposition à risque (en hauteur, échafaudage, espaces confinés), pas d'horaires de travail nocturne ou irrégulier), la capacité de travail était d'au moins 80 %, depuis toujours.

11.    Par projet de décision du 25 juillet 2019, l'OAI a refusé à l'assuré une rente d'invalidité et une mesure d'ordre professionnel. L'incapacité de travail était totale dans l'activité habituelle dès 2007 et, dès cette date, la capacité de travail était de 80 % dans toute activité adaptée à l'état de santé, de sorte que le degré d'invalidité était de 10 %.

12.    Une note de l'OAI du même jour a précisé que le revenu sans invalidité était basé sur la même source statistique et selon les mêmes modalités que le revenu avec invalidité, mais avec un taux d'activité à 80 %, soit CHF 53'944.-. Quant au revenu d'invalide, il était de CHF 48'550.- (CHF 67'430.- selon l'ESS 2016, indexé en 2019, tableau TA1, homme, total, niveau 1, pour un horaire hebdomadaire de 41,7 heures, à un taux de 80 %, avec une déduction de 10 %).

13.    Le 9 octobre 2019, la Dresse B______ a écrit à l'OAI que l'assuré souffrait de problèmes sévères, à savoir la survenue de plusieurs attaques cérébrales dont l'origine était restée inconnue mais probablement sur plaques athéromateuses embolisées dans le cerveau. Suite à ces attaques, l'assuré présentait des crises comitiales à répétition de type grand mal mais aussi probablement des crises partielles. Il décrivait une instabilité à la marche ayant provoqué des chutes, instabilité qui obligeait sa femme à rester auprès de lui continuellement et à l'aider pour les activités de la vie quotidienne (toilette et habillage). Sa capacité de travail dans toute activité ne dépassait en aucun cas 50 %.

14.    Le 15 octobre 2019, le Dr D______ du SMR a maintenu ses précédentes conclusions.

15.    Par décision du 25 septembre 2019, l'OAI a refusé au recourant le droit à une rente et à une mesure d'ordre professionnel, au motif que son degré d'invalidité était de 10 %.

16.    L'assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l'encontre de la décision précitée.

17.    Le 12 novembre 2019, la doctoresse E______, FMH neurologie, a indiqué que l'assuré présentait les séquelles d'un accident vasculaire ischémique sylvien droit (2007) dont l'origine restait indéterminée, probablement artério-artériel ; le bilan cardiaque n'avait pas montré d'origine cardio-embolique. Les malaises avec et sans perte de connaissance étaient probablement d'origines multiples, d'une part des crises d'épilepsie avec perte de connaissance et d'autre part probablement des pseudo crises qui étaient fréquentes chez les assurés épileptiques. Des malaises de type vasovagal devaient également être évoqués.

18.    Le 10 décembre 2019, la doctoresse F______, du SMR, a estimé qu'une instruction complémentaire psychiatrique avec un bilan neuropsychologique s'avérait nécessaire.

19.    Par arrêt du 27 janvier 2020 (ATAS/54/2020), la chambre de céans a admis partiellement le recours, annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l'OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

20.    Le 11 mars 2020, le Service juridique de l'OAI a établi une note à l'intention du gestionnaire du dossier, mentionnant que le SMR avait proposé un bilan neuropsychologique et une instruction psychiatrique et qu'il convenait de déterminer plus précisément avec le SMR le détail de cette instruction médicale complémentaire.

21.    Le 4 mai 2020, la Dresse F______ a proposé de demander une expertise pluridisciplinaire de type Med@p, avec des volets de médecine interne, de neurologie et de psychiatrie, voire un bilan neuropsychologique.

22.    Par communication du 5 mai 2020, l'OAI a informé le recourant qu'il prenait en charge une expertise médicale polydisciplinaire (médecine générale/interne, neurologique, psychiatrique).

23.    Le 11 mai 2020, le recourant a observé qu'une expertise de médecine générale ou interne n'était pas justifiée et qu'une expertise bidisciplinaire, avec choix consensuel des experts, devait être ordonnée.

24.    Par décision incidente du 4 juin 2020, l'OAI a maintenu l'expertise pluridisciplinaire.

25.    Le 5 juin 2020, l'OAI a chargé le CEMed de procéder à l'expertise. Le même jour, le recourant a écrit à l'OAI afin de choisir consensuellement des experts pour une expertise bidisciplinaire.

26.    Par communication du 27 juin 2020, l'OAI a informé le recourant que l'expertise était confiée au CEMed, aux Docteurs G______, FMH médecin interne générale, H______, FMH neurologie, I______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et J______, FMH neuropsychologie.

27.    Le 13 juillet 2020, le recourant, représenté par son avocat, a recouru auprès de la chambre de céans à l'encontre de la décision incidente du 4 juin 2020, en concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'intimé de mettre sur pied une expertise neurologique et psychiatrique, avec un examen neuropsychologique, et désignation consensuelle des experts.

Le volet de médecine générale ou de médecine interne avait été ajouté de manière artificielle par l'OAI, à seule fin de solliciter une plateforme Med@p et de soustraire ainsi l'expertise au principe de la mise sur pied consensuelle. A cela s'ajoutait que le choix du CEMed ne pouvait être accepté car, de manière récurrente, son avocat déplorait de très mauvaises expériences avec ce centre d'expertise, particulièrement avec les Dr H______ et J______. On s'étonnait d'ailleurs de la prévalence systématique du CEMed dans la désignation prétendument aléatoire des centres d'expertise effectuée par l'OAI. A cet égard, le recourant sollicitait de la Cour qu'elle ordonne à l'OAI de fournir la liste complète des expertises pluridisciplinaires ordonnées durant les trois dernières années, comprenant la désignation des disciplines concernées, des centres auxquelles lesdites expertises avaient été confiées, les experts désignés et le résumé des conclusions. Il offrait de prouver que le CEMed était largement sur représenté dans le choix des centres désignés et que les conclusions de ses expertises étaient notoirement plus défavorables aux assurés que dans les autres centres, ce qui était contraire au principe de l'égalité de traitement.

28.    Le 28 juillet 2020, l'OAI a conclu au rejet du recours, en estimant que vu la complexité du cas du recourant, une expertise pluridisciplinaire apparaissait vraisemblablement nécessaire. Bien que les volets de médecine générale/interne et de neurologie étaient contestés, ils n'apparaissaient pas d'emblée inutiles, dès lors que le recourant présentait des atteintes cardiaques et épileptiques et que les rapports au dossier ne permettaient pas non plus d'exclure que l'atteinte ait une cause neurologique, ne serait-ce que partielle. En outre, le recourant n'ayant pas fait valoir de motifs de récusation formels ou matériels pertinents ou admissibles, justifiant la contre-proposition d'experts, l'OAI n'avait pas à rechercher un consensus : les seules impressions de l'expertisé ne pouvaient mettre en cause l'impartialité de l'expert, ce d'autant qu'aucun fait ou circonstance propre à étayer cette prévention n'était en l'espèce allégué.

29.    Le 21 août 2020, le recourant a répliqué en soulignant que l'instruction se limitait à dire qu'« une expertise pluridisciplinaire apparait vraisemblablement nécessaire ». La prudence de l'adverbe utilisé était louable, mais peinait à dissimuler le fait que l'OAI lui-même n'était (à juste titre) pas de cet avis jusqu'à son envoi du 5 mai 2020. Il était rappelé que dans le cadre de la procédure de recours à l'encontre de la précédente décision de l'OAI, ce dernier s'était rallié à la position du SMR qui retenait qu'« une instruction complémentaire s'avère nécessaire, instruction qui devrait comprendre un bilan neuropsychologique et une instruction psychiatrique ». Par ailleurs, l'intimé affirmait à tort que le volet neurologique était contesté ; l'intimé mentionnait des atteintes cardiaques mais il s'agissait d'atteintes neurologiques (épilepsie et encéphalopathie vasculaire). Enfin, si des atteintes cardiaques étaient pertinentes, un volet cardiologique aurait dû être ordonné et non pas de médecine interne.

30.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur l'ordonnance par l'intimé d'une expertise pluridisciplinaire auprès du CEMed, singulièrement sur la désignation d'un volet de médecine interne.

4.        a. Selon l'art. 44 LPGA, si l'assureur doit recourir aux services d'un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l'expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

Selon l'art. 72bis du règlement sur l'assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RS 831.201 - RAI), les expertises comprenant trois ou plus de trois disciplines médicales doivent se dérouler auprès d'un centre d'expertises médicales lié à l'office fédéral par une convention (al. 1). L'attribution du mandat d'expertise doit se faire de manière aléatoire (al. 2).

b. Dans un ATF 137 V 210, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en rapport avec la mise en oeuvre d'expertises administratives et judiciaires auprès des Centres d'observation médicale de l'assurance-invalidité (COMAI) et a jugé que cet acte doit revêtir, en l'absence d'un accord, la forme d'une décision incidente correspondant à la notion de décision selon l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA ; RS 172.021), laquelle peut être attaquée devant les tribunaux cantonaux des assurances sociales respectivement le Tribunal administratif fédéral. Il a également défini dans cet arrêt les droits de participation des parties lors de la mise en oeuvre d'une expertise administrative et les a renforcés (ATF 138 V 317 consid. 6, p. 321 ss).

L'assuré peut ainsi faire valoir contre une décision incidente d'expertise médicale non seulement des motifs formels de récusation contre les experts, mais également des motifs matériels, tels que par exemple le grief que l'expertise constituerait une « second opinion » superflue, contre la forme ou l'étendue de l'expertise, par exemple le choix des disciplines médicales dans une expertise pluridisciplinaire, ou contre l'expert désigné, en ce qui concerne notamment sa compétence professionnelle (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.7 p. 257; 138 V 271 consid. 1.1 p. 274 s.). Notre Haute Cour a également considéré qu'il convient d'accorder une importance plus grande que cela a été le cas jusqu'ici, à la mise en oeuvre consensuelle d'une expertise, en s'inspirant notamment de l'art. 93 de la loi fédérale sur l'assurance militaire du 19 juin 1992 (LAM ; RS 833.1) qui prescrit que l'assurance militaire doit rendre une décision incidente susceptible de recours (seulement) lorsqu'elle est en désaccord avec le requérant ou ses proches sur le choix de l'expert. Selon le Tribunal fédéral, il est de la responsabilité tant de l'assureur social que de l'assuré de parer aux alourdissements de la procédure qui peuvent être évités. Il faut également garder à l'esprit qu'une expertise qui repose sur un accord mutuel donne des résultats plus concluants et mieux acceptés par l'assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 p. 256).

A l'invitation du Tribunal fédéral, l'OFAS a également mis en place à la suite de cet arrêt une plate-forme (SuisseMED@P) destinée aux offices AI pour l'attribution sur une base aléatoire des mandats d'expertise médicale pluridisciplinaire (art. 72bis RAI). La jurisprudence a précisé par la suite que ces principes et recommandations, à l'exception de l'attribution du mandat sur une base aléatoire, étaient également applicables par analogie aux expertises mono- et bidisciplinaires (ATF 139 V 349 consid. 5.4 p. 357) et s'appliquaient aux autres branches des assurances sociales concernées par cette problématique (voir ATF 138 V 318 consid. 6.1 p. 321).

c. Une expertise pluridisciplinaire doit être ordonnée si l'atteinte à la santé semble se concentrer sur une ou deux disciplines médicales seulement mais que la nature du problème de santé n'est pas pleinement établie. Il est possible de renoncer à une évaluation pluridisciplinaire et de procéder à une évaluation mono ou bi-disciplinaire si la situation médicale ne concerne manifestement qu'une ou deux spécialités et que des éclaircissements interdisciplinaires, par exemple en médecine interne, ne sont pas nécessaires (ATF 139 V 349, consid 3.2 p. 352.

Si, sur la base du dossier, une expertise médicale externe s'avère indispensable sous l'angle de la médecine des assurances, le SMR rédige un bref résumé de la situation médicale et une brève motivation du type d'expertise envisagé. Sur cette base, la suite de la procédure est discutée avec le supérieur. L'office AI est également impliqué et les indications juridiques ou les injonctions judiciaires demeurent réservées (CPAI ch. 2075.1). Si une expertise externe est jugée nécessaire, le type d'expertise et les disciplines concernées sont déterminés et l'office AI lance le mandat d'expertise (CPAI ch. 2075.3).

Une expertise pluridisciplinaire implique trois disciplines médicales ou davantage. Lorsqu'une expertise pluridisciplinaire est indiquée, la médecine générale ou la médecine interne est toujours représentée (CPAI ch. 2077.1/18).

5.        En l'occurrence, la Dresse F______, du SMR, a estimé le 10 décembre 2019 qu'à la lumière des nouvelles pièces médicales et du réexamen approfondi du dossier médical, une instruction complémentaire s'avérait nécessaire, laquelle devait comprendre un bilan neuropsychologique et une instruction psychiatrique. Le 4 mai 2020, elle a précisé que l'expertise devait comprendre un volet de médecine interne, de neurologie et de psychiatrie, avec, si nécessaire, un bilan neuropsychologique.

Le recourant conteste la nécessité d'effectuer une expertise de médecine interne. Interpellé sur cette question, l'intimé s'est borné à répondre qu'une expertise pluridisciplinaire était indispensable (décision incidente du 4 juin 2020) puis que le SMR avait estimé qu'une expertise pluridisciplinaire était pertinente, que celle-ci apparaissait vraisemblablement nécessaire et que les volets de « médecine générale / interne » et de neurologie n'apparaissaient pas d'emblée inutiles puisque le recourant présentait des atteintes cardiaques et épileptiques et qu'une cause neurologique, ne serait-ce que partielle, de l'atteinte ne pouvait être exclue (réponse au recours du 28 juillet 2020).

Or, ces arguments ne sont pas convaincants. En effet, l'intimé n'explique pas pour quel motif une expertise de médecine interne est nécessaire, étant de surcroit relevé qu'il a considéré à tort que le recourant s'opposait à une expertise neurologique. Or, les atteintes à la santé du recourant, soit un statu post AVC multiples avec un hémi syndrome sensitivo-moteur facio-brachiocrural gauche et des crises épileptiques à répétition (rapport des HUG des 4 septembre 2006, 14 juin 2007, 26 octobre 2007, 14 octobre 2008 ; rapport de la Dresse C______ du 2 juillet 2019), une possible maladie de Buerger, une fatigue, des difficultés de concentration (rapport de la Dresse B______ du 25 juin 2018), des douleurs neurogènes (rapport des HUG du 6 novembre 2018) des céphalées chroniques et bitemporales, des troubles du sommeil et des troubles de stress post traumatiques possibles (rapport de la Dresse C______ du 2 juillet 2019) ne commandent pas une expertise de médecine interne. L'intimé n'a d'ailleurs donné aucun argument justifiant la mise sur pied de ce volet. En particulier, il n'a pas allégué que la nature des problèmes de santé n'était pas pleinement établie ou qu'un éclaircissement en médecine interne était nécessaire. Les atteintes précitées devraient en effet pouvoir être totalement appréhendées par une expertise neurologique et psychiatrique avec un bilan neuropsychologique.

Partant, c'est à juste titre que le recourant réclame la mise sur pied d'une expertise bidisciplinaire consensuelle.

Par appréciation anticipée des preuves et vu l'issue du recours, il sera renoncé aux mesures d'instructions sollicitées par le recourant.

6.        Le recours sera admis et la décision litigieuse annulée. La cause sera renvoyée à l'intimé pour l'ordonnance d'une expertise neurologique et psychiatrique, avec bilan neuropsychologique, dans le respect du choix consensuel des experts.

7.        Vu l'issue du litige, une indemnité de CHF 1'000.- sera accordée au recourant à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]), à charge de l'intimé.

Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision incidente de l'intimé du 4 juin 2020.

4.        Renvoie la cause à l'intimé, dans le sens des considérants.

5.        Alloue une indemnité de CHF 1'000.- au recourant, à la charge de l'intimé.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'intimé.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le