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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2977/2018

ATAS/742/2019 du 21.08.2019 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2977/2018 ATAS/742/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 août 2019

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Agnès VON BEUST

 

 

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCES EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1953, marié et père de cinq enfants majeurs, a chuté le 25 juillet 2017 depuis son balcon, d'une hauteur d'environ 4 mètres, alors qu'il était monté sur un escabeau pour décrocher des rideaux. Il a été transporté aux soins intensifs des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG), lesquels lui ont notamment diagnostiqué une fracture T4-T5, avec choc spinal et paraplégie flasque, une lésion de l'isthme aortique, plusieurs fractures costales et sternales, un hémopneumothorax, un pneumomédiastin ainsi qu'une contusion hépatique. Il a été opéré les 26 et 27 juillet 2017 (pontage carotido-sous-clavier et installation d'une endoprothèse de l'aorte ; spondylodèse D2-D7).

2.        La caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (Schweizerische Unfallversicherungsanstalt, ci-après : la SUVA ou l'intimée) a pris en charge les suites de l'accident, notamment l'achat d'un fauteuil roulant manuel destiné à l'assuré (CHF 7'014.-).

3.        En vue de sa réadaptation, l'assuré, devenu paraplégique, a été transféré le 30 août 2017 à la Clinique romande de réadaptation (ci-après : CRR), où il a séjourné jusqu'au 6 février 2018. Selon un rapport établi par les docteurs B______, C______ et D______, l'intéressé a présenté plusieurs complications, notamment digestives et pulmonaires. Il s'est plaint de douleurs de l'épaule droite, se déclenchant lors des exercices de physiothérapie. Une ténosynovite du long chef du biceps a été mise en évidence et une infiltration a été réalisée le 5 janvier 2018, laquelle a permis de faire régresser ses douleurs. Un déficit campique de l'oeil droit a également été constaté. Selon les médecins de la CRR, l'assuré peut se nourrir seul, mais a besoin d'aide pour se laver, s'habiller, faire les courses, les repas et le ménage. Par ailleurs, durant son séjour, il a bénéficié d'une physiothérapie intensive ; il a pu apprendre des techniques de transfert de chaise et se déplacer progressivement avec son fauteuil roulant manuel dès le 1er septembre 2017. Avec celui-ci, il a pu se déplacer de manière autonome dans la clinique, sur de courtes et moyennes distances. Son autonomie a progressé, vu l'amélioration de son score d'indépendance fonctionnelle (de 15% à 35%). À l'issue de son séjour à la CRR, le 6 février 2018, il a été transféré à l'hôpital de Loëx pour poursuivre sa rééducation. Un test sur un simulateur de conduite a été agendé pour le 9 février 2018.

4.        Le 6 avril 2018, le docteur D______, de la CRR, a transmis à la SUVA une ordonnance tendant à la prise en charge d'un système de propulsion électrique avec joystick pour le fauteuil roulant de l'assuré (CHF 11'472.-).

5.        Par courrier du 12 avril 2018, la SUVA a indiqué à l'assuré qu'elle refusait de prendre en charge ce dispositif.

6.        Le 20 avril 2018, l'assuré a contesté ce refus et invité la SUVA à en détailler les motifs.

7.        Le 23 avril 2018, Monsieur E______, technicien-orthopédiste à la CRR, s'est adressé à la SUVA en ces termes : « je suis surpris de votre réponse à propos de la demande de prise en charge d'une aide à la propulsion avec joystick. Vous indiquez que les conditions de prise en charge [...] ne sont pas remplies. Or, le formulaire médical permettant la prise en charge vous a été transmis, accompagné du devis et d'une ordonnance supplémentaire. Les différents systèmes existants ont été testés avec le patient et seul le système E-Fix E34 permet à [l'assuré] de gagner en autonomie tout en restant en sécurité. Je vous remercie de bien vouloir me détailler ce dont vous avez besoin en complément afin de finaliser ce dossier, car il me semble que [l'assuré] remplit complètement les conditions ».

8.        Par décision du 24 avril 2018, la SUVA a refusé d'accorder à l'assuré un système de propulsion électrique pour son fauteuil roulant, arguant que ce dispositif n'était pas nécessaire, dans la mesure où il était capable de se déplacer avec un fauteuil roulant manuel.

9.        Dans un rapport du 9 mai 2018, contresigné par une ergothérapeute, le docteur F______, du département de réadaptation des HUG (hôpital de Loëx), a indiqué que, d'entente avec l'assuré, il invitait la SUVA à « réévaluer » sa décision. Âgé de 65 ans et devenu paraplégique à la suite d'une chute, l'assuré avait été adressé aux HUG pour poursuivre sa réadaptation. Durant sa prise en charge, il avait fait preuve d'une grande motivation et amélioré sa force. Il avait également amélioré son endurance et le périmètre de son déplacement sur des sols plats et réguliers ; actuellement, il était capable de se déplacer sur 24 mètres au maximum sur une pente à 4% et 8 mètres au maximum sur une pente à 8%. Toutefois, suite à ce test, il avait été incapable de continuer à se déplacer sur un terrain plat. De plus, ces pentes n'étaient pas représentatives de « l'accessibilité générale d'une ville comme Genève ». Malgré ses progrès, l'assuré n'était pas capable de franchir des rampes et de se déplacer sur des sols irréguliers. Il présentait une faible force musculaire et un manque de tonus du tronc, ne lui permettant pas de se pencher suffisamment pour se propulser efficacement avec son fauteuil. Le Dr F______ se disait persuadé qu'une aide à la propulsion devait être octroyée à l'assuré, afin de maximiser son autonomie.

10.    Dans un rapport du 7 juin 2018, consécutif à une consultation intervenue le 30 mai, le Dr C______, de la CRR, a indiqué que la recherche d'un domicile adapté en ville de Genève semblait difficile et que les progrès réalisés depuis que l'assuré était sorti de la CRR étaient modestes mais visibles, l'intéressé ayant bien intégré les gestes de la vie quotidienne. Il se disait beaucoup moins fatigué et avait retrouvé l'envie de participer à certaines activités de la vie ; il était par exemple sorti pour aller à la mosquée. Actuellement, son problème principal était la mobilité. L'utilisation du fauteuil roulant manuel était « bonne » et un fauteuil électrique avait été demandé. Dix mois après sa lésion médullaire, l'assuré pouvait envisager un retour dans un domicile adapté. De la physiothérapie était néanmoins préconisée, afin qu'il renforce ses membres supérieurs et maintienne ses capacités de transfert ainsi que sa mobilité en fauteuil roulant. Cela devait permettre de garantir sa sécurité et de lui éviter des douleurs des épaules ainsi que du rachis.

11.    Dans une lettre de sortie du 13 juin 2018, les doctoresses G______ et H______, du département de réadaptation des HUG, ont exposé que : « [...] grâce aux séances de physiothérapie et ergothérapie, [l'assuré] a présenté une amélioration significative au niveau de la force du membre supérieur droit ainsi qu'un maintien de la force du membre supérieur gauche. Nous observons également une amélioration du périmètre de déplacement en fauteuil roulant actif avec capacité d'effectuer des pentes à faible degré. Toutefois, nous constatons l'existence d'une limitation secondaire à une force insuffisante et un tonus du tronc déficitaire, ne lui permettant pas de se propulser sur des sols irréguliers et sur des pentes importantes. Pour cette raison, nous avons demandé une aide à la propulsion électrique du fauteuil roulant [...] ». Par ailleurs, sous le chapitre « examen physique d'entrée », les médecins ont relevé que la sensibilité, la force et la motricité des membres supérieurs étaient conservées.

12.    Dès le 1er juillet 2018, l'assuré, âgé de 65 ans, s'est vu accorder une rente de l'assurance-vieillesse et survivants.

13.    Le 4 juillet 2018, il a complété son opposition.

14.    Par décision du 11 juillet 2018, la SUVA a rejeté l'opposition. Selon le rapport de la CRR, l'assuré avait pu se déplacer progressivement en chaise roulante manuelle dès le 1er septembre 2017 et parcourir seul des distances courtes à moyennes. Au terme de son séjour à la CRR, il avait été transféré à l'hôpital de Loëx, où il avait pu améliorer la force de son membre supérieur droit. Son endurance et le périmètre de ses déplacements sur sol plane s'étaient améliorés, de sorte qu'il pouvait parcourir en fauteuil roulant jusqu'à 24 mètres sur une pente à 4% et 8 mètres sur une pente à 8%. Certes, il ne pouvait pas faire de longs déplacements, ni se déplacer sur des terrains irréguliers ou des pentes dont la déclivité dépassait 8%, mais il demeurait capable d'accéder à différents lieux et établissements publics situés à proximité de son domicile, ainsi que d'établir des contacts sociaux. En effet, la rue I______, dont la déclivité n'atteignait que 2,5% - 3%, était desservie par plusieurs arrêts de bus (« Dôle » et « Prairie »). Enfin, l'assuré avait récemment atteint l'âge de la retraite et à son âge, les exigences de la vie étaient moindres que pour une personne active. En définitive, la SUVA estimait que le système de propulsion électrique requis par l'assuré n'était pas nécessaire.

15.    Le 2 août 2018, l'assuré a déménagé de la rue I______ pour s'installer à la rue J______, à Genève, selon l'extrait informatisé du registre de l'office cantonal de la population et des migrations.

16.    Par acte du 3 septembre 2018, l'assuré a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'un recours, concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que la décision du 11 juillet 2018 soit annulée et la SUVA condamnée à prendre en charge le système de propulsion électrique, subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée à la SUVA pour qu'elle complète l'instruction.

Selon le rapport de la CRR et la lettre de sortie des HUG, il présentait une ténosynovite du long chef du biceps et sa force des membres supérieurs était notablement réduite. L'allégation selon laquelle il pouvait se déplacer sur 24 mètres ou 8 mètres selon la déclivité devait être relativisée, car il n'avait ensuite pas pu poursuivre son déplacement sur un terrain plat. En outre, il ressortait de rapports de son médecin et de sa physiothérapeute qu'il ne pouvait pas se déplacer hors de son domicile sur plus de 50 mètres, de sorte que son autonomie était complètement entravée par ses limitations. De surcroît, tous les avis médicaux s'accordaient sur la nécessité du système de propulsion électrique litigieux.

L'argumentation relative à la faible déclivité de la rue I______ et à la proximité des transports publics était dénuée de pertinence, car il avait entretemps déménagé dans le quartier de Plainpalais. Quoi qu'il en soit, s'agissant tant de l'ancien domicile que du nouveau, ses fortes limitations rendaient nécessaire le système de propulsion en question. Le magasin d'alimentation le plus proche de son nouveau domicile - où il ne pouvait se rendre seul - se trouvait à 150 mètres, tandis que l'arrêt de transports publics le plus proche (« Pont-d'Arve ») était situé à 180 mètres, auxquels s'ajoutaient les distances qu'il devait parcourir en sortant du tram ou du bus. Il était notoirement difficile de circuler à Genève en fauteuil roulant et contrairement à ce qu'avait considéré l'intimée, il ne cherchait qu'à obtenir une autonomie suffisante (et non une maximale) pour éviter l'exclusion sociale. L'intimée se méprenait lorsqu'elle le jugeait capable d'établir des contacts sociaux et d'accéder à divers établissements publics situés à proximité de son domicile. Un système de propulsion électrique était nécessaire et propre à atteindre le but fixé par la loi, qui était de lui permettre de se déplacer de manière indépendante. De surcroît, le coût de ce dispositif était raisonnable. En conséquence, il se justifiait d'admettre sa prise en charge et d'annuler la décision attaquée, subsidiairement de renvoyer la cause à l'intimée pour qu'elle complète l'instruction, eu égard à son déménagement. L'assuré a notamment joint à son recours :

-          un courriel du 6 juillet 2018 émanant du département des constructions et de l'aménagement de la ville de Genève, à teneur duquel la pente longitudinale du trottoir de la rue I______ serait comprise entre 2,5% et 3% environ ;

-          un certificat établi le 23 juillet 2018 par le docteur K______, médecin généraliste, indiquant : « contrairement à ce qui est décrit sur la décision de la SUVA du 11 juillet 2018, mon patient est incapable à l'heure actuelle de se déplacer sur plus de 50 mètres à l'extérieur de son logement, ce qui le force à rester chez lui et influence très défavorablement sa santé » ;

-          un rapport rédigé le 24 août 2018 par Madame L______, physiothérapeute, stipulant : « je m'occupe du suivi de physiothérapie à domicile de [l'assuré] depuis le mois de juillet 2018, suite à sa rééducation fonctionnelle à l'hôpital de Loëx [...]. Un suivi à moyen terme permettra de minimiser les compensations physiques liées à la paraplégie et favorisera l'autonomie de [l'assuré] dans certaines situations de la vie quotidienne. En revanche, la rééducation ne lui permettra pas de se déplacer seul à l'extérieur avec le fauteuil roulant manuel qu'il possède actuellement. La hauteur de la lésion (D3) engendre effectivement une paralysie des muscles abdominaux qui sont essentiels pour qu'une poussée efficace sur un fauteuil roulant manuel traditionnel soit possible à l'extérieur, notamment sur un terrain en pente, même avec un faible degré. À l'extérieur de son domicile, le trottoir est légèrement incliné et présente plusieurs abaissements, engendrant des pentes difficilement franchissables pour [l'assuré], car il est ensuite essoufflé à 9/10 sur l'échelle de Borg modifiée. Son périmètre de déplacement est très petit (50 mètres), il nécessite de nombreuses pauses et se fatigue énormément. Il ne peut donc se rendre à aucune destination et reste dépendant d'une tierce personne pour tout déplacement à l'extérieur. Un moyen auxiliaire avec propulsion électrique est de mon point de vue indispensable pour envisager une autonomie dans ses déplacements. Ce point avait d'ailleurs déjà été mentionné dans le rapport d'enquête concernant l'allocation d'impotent de la SUVA. Il est donc essentiel de considérer son état physique actuel et de privilégier son indépendance en lui mettant à disposition un moyen auxiliaire adapté à ses réelles capacités. Un fauteuil inadapté pousse effectivement à l'inactivité et à la solitude, ce qui péjore la qualité de vie et a un énorme impact sur la santé ainsi que les relations sociales » ;

-          un rapport établi le 5 septembre 2018 par Monsieur M______, ergothérapeute auprès de l'Institution genevoise de maintien à domicile, dont il ressortait notamment le passage suivant : « déplacements extérieurs : la distance parcourue durant cette évaluation fut de 120 mètres environ, distance que peut réaliser [l'assuré] par jour en effectuant de nombreuses pauses (temps du parcours : 30 minutes, dont 7 pauses). À la fin de ce déplacement, [il] a estimé sa fatigue à 9/10. [Il] a du mal à lutter contre le mouvement naturel du fauteuil s'il y a une pente et la fatigue arrive rapidement (10 mètres). [Il] compense en se penchant pour avoir le bras opposé tendu afin de maintenir le tonus de celui-ci pour lutter contre le mouvement latéral. Sur le trajet, présence de deux pentes pour la sortie des voitures. [L'assuré] est quasiment à l'arrêt durant la remontée de ces passages et il doit faire une pause systématiquement à la fin d'un franchissement. De manière générale, la force des deux membres supérieurs étant asymétrique, [il] a du mal à aller droit sur terrain plat. [Il] n'est pas non plus capable de monter et descendre d'un tram de manière indépendante. Environnement proche du domicile : l'ensemble du quartier dans lequel réside [l'assuré] est à plat mais présente de nombreuses pentes. La faible capacité de déplacement extérieur de [l'assuré] sur son fauteuil roulant ne lui permet pas de se déplacer dans son quartier. Proposition : mise en place d'une motorisation sur [son] fauteuil pour lui permettre de se déplacer à l'extérieur de manière indépendante [...] ».

17.    Dans sa réponse du 28 octobre 2018, l'intimée a conclu au rejet du recours, sous suite de dépens. Le recourant pouvait se déplacer seul avec son fauteuil roulant manuel sur la plupart des terrains, hormis les fortes pentes et les sols irréguliers. Or, son lieu de vie ne comprenait ni fortes déclivités, ni sols irréguliers. Dans le rapport de la CRR il était certes mentionné une force réduite, mais après être sorti de la CRR, le recourant avait pu faire progresser son autonomie, notamment à l'hôpital de Loëx, où il avait pu améliorer la force de son membre supérieur droit. Du reste, la lettre de sortie de cet établissement stipulait que la sensibilité, la force et la motricité de ses membres supérieurs étaient conservées. Les douleurs de l'épaule droite dont il s'était plaint à la CRR résultaient des exercices de physiothérapie et une infiltration réalisée en janvier 2018 avait permis de faire régresser ses souffrances. Les conditions requises pour la prise en charge d'un système de propulsion électrique n'étaient pas remplies, un tel dispositif n'étant pas nécessaire, puisque le recourant pouvait circuler en fauteuil roulant manuel. Pendant son séjour à la CRR, le recourant avait appris à maîtriser son fauteuil roulant manuel et il ne ressortait pas de la lettre de sortie de l'hôpital de Loëx que son périmètre de déplacement était limité à 50 mètres. Au contraire, ce document indiquait que son périmètre de déplacement avait progressé, bien qu'il mentionnait également une force insuffisante et un tonus du tronc déficitaire, empêchant les déplacements sur des sols irréguliers et des pentes importantes. Le périmètre limité évoqué par le médecin traitant et la physiothérapeute n'était donc pas prouvé. La physiothérapeute avait certes indiqué que le recourant devait faire de nombreuses pauses et se fatiguait énormément, mais l'intéressé avait lui-même indiqué au Dr C______ qu'il était moins fatigué et en toute hypothèse, on pouvait exiger de lui qu'il fasse des pauses. De son côté, le Dr F______ avait signalé, en juin 2018, une « forte amélioration concernant la fatigabilité ». Sis rue J______, le nouveau domicile du recourant était proche de toute commodité, singulièrement de la Migros et de la Poste, situées à 160 mètres, tandis que l'arrêt de bus le plus proche se trouvait à 170 mètres. Contrairement à ce que prétendait le recourant, la déclivité des pentes avoisinant tant son ancien que son nouveau domicile était inférieure à 2,5% - 3%, comme le démontraient les plans librement accessibles sur Internet. En conclusion, le fauteuil roulant manuel dont disposait le recourant lui permettait déjà de fréquenter la plupart des lieux publics et d'entretenir des contacts sociaux. Le fait que le recourant ne pouvait pas circuler partout en ville ne justifiait pas l'octroi d'un dispositif de propulsion électrique. Pour le reste, une instruction complémentaire était superflue.

18.    Le recourant a répliqué le 20 novembre 2018, persistant dans ses conclusions. Son manque de force et de tonus du tronc avait été constaté par tous les intervenants du dossier, lesquels avaient unanimement considéré qu'un système de propulsion électrique était indispensable. Par ailleurs, l'intimée se référait à des extraits tronqués de la lettre de sortie de l'hôpital de Loëx, en omettant de préciser qu'il ressortait de ce document « une limitation secondaire à une force insuffisante et à un tonus du tronc déficitaire, ne [lui] permettant pas de se propulser sur des sols irréguliers et sur des pentes importantes ». L'opposition rédigée par son médecin relevait également son manque de force et son incapacité à franchir des rampes ainsi qu'à se déplacer sur des sols irréguliers. Le Dr C______ avait certes indiqué qu'il était moins fatigué et avait retrouvé l'envie de participer à certaines activités, mais cela ne voulait pas dire qu'il était capable de s'y rendre en fauteuil roulant, ce d'autant que ce médecin avait également jugé nécessaire le système de propulsion électrique. Il ressortait d'un CD-ROM annexé à ses écritures - contenant deux vidéos le représentant alors qu'il circulait en fauteuil roulant pour atteindre une place « handicapé » où le couple parquait sa voiture - qu'il lui était très difficile de se déplacer et qu'il n'avançait que très lentement. Par ailleurs, il ne pouvait pas se rendre seul à la mosquée en empruntant les transports publics. Il était incorrect de prétendre que la déclivité des pentes avoisinant son domicile était inférieure à 2,5%, car pour se rendre aux HUG, situés à 300 mètres de son domicile, il devait emprunter un tronçon de 100 mètres dont la déclivité était de 5%. Enfin, il se disait surpris que l'intimée lui refuse un moyen auxiliaire dont la nécessité était admise par tous les médecins, au demeurant sans requérir une expertise de la FSCMA.

19.    L'intimée a dupliqué le 13 décembre 2018. Il ressortait des vidéos produites par le recourant qu'il pouvait se déplacer en fauteuil roulant manuel jusqu'à la boutique N______, située à 110 mètres de son domicile, soit au-delà du périmètre de 50 mètres qu'avaient évoqué son médecin traitant et son physiothérapeute. Ces vidéos corroboraient la faible déclivité des rues avoisinant son domicile. Le recourant pouvait se rendre à la mosquée en transports publics, le cas échéant en sollicitant l'aide du conducteur, et le fait qu'un emplacement était inaccessible en fauteuil roulant ne suffisait de toute manière pas pour prétendre à un dispositif de propulsion électrique, selon la jurisprudence. Hormis la mosquée, le recourant habitait à proximité de toutes commodités et pouvait se rendre en fauteuil roulant manuel jusqu'aux lieux les plus proches de son domicile. Partant, il ne pouvait prétendre au dispositif de propulsion électrique sollicité.

20.    Le 21 février 2019, le recourant a spontanément transmis à la chambre de céans un rapport d'enquête de la SUVA concernant une allocation pour impotent, daté du 28 septembre 2018. Ce rapport retient que l'assuré a besoin de l'assistance d'un tiers pour les actes ordinaires de la vie suivants : s'habiller et se déshabiller ; se lever, s'asseoir et se coucher ; se raser et se doucher ; aller à la selle, uriner, remettre ses vêtements en place et se nettoyer ; se déplacer à l'extérieur. S'agissant plus particulièrement de l'acte ordinaire « se déplacer à l'extérieur », le rapport indique qu'il est « très difficile à [l'assuré] de se déplacer à l'extérieur. Ses bras sont vite fatigués et n'importe quel obstacle - petite pente de trottoir par exemple - devient presque insurmontable. Il n'a plus de vie sociale à l'extérieur et le système à propulsion électrique serait une aide considérable pour lui rendre, au moins, un peu d'autonomie [...] ».

21.    La chambre de céans a entendu les parties en audience le 29 mai 2019.

Le recourant a déclaré :

« Je suis actuellement à la retraite, marié, père de 5 enfants adultes dont aucun n'habite à la maison. J'ai déménagé récemment, le 1er août 2018, en raison d'un ascenseur qui était trop petit et d'une entrée avec 3 marches d'escaliers. Mon nouvel appartement est plus pratique pour moi.

Je peux sortir de l'immeuble mais je ne peux pas aller loin, 30 mètres au maximum. Si je fais 50 mètres je dois me reposer 5 minutes. Je n'ai pas la force dans les bras pour pousser le fauteuil.

Je reste à la maison la journée car j'ai peur de sortir et de rester coincé quelque part. Si j'ai des rendez-vous, je dois être accompagné de quelqu'un, toujours. En général c'est un de mes enfants qui m'accompagne, mon épouse a mal au dos. Je ne sors jamais avec mon épouse, elle ne peut pas pousser mon fauteuil.

Mes enfants habitent à Châtelaine, à Onex et à la rue I______. Un de mes fils habitait avant en France et a déménagé à Genève pour pouvoir m'aider. Quand j'ai besoin d'eux, je les appelle. Ils s'organisent entre eux pour décider qui vient m'aider. Actuellement, je ne sors pas dans la journée, je ne vais plus à la mosquée. Si l'un de mes enfants est libre le vendredi, il peut arriver qu'il m'amène à la mosquée, mais mes enfants sont rarement libres puisqu'ils travaillent. Il m'arrive de ne pas pouvoir y aller pendant deux mois d'affilée, comme il peut m'arriver d'y aller deux fois par mois, si je suis accompagné. Personne d'autre ne m'accompagne, rien n'a été organisé dans ce sens.

Avant mon accident je donnais des cours en tant que bénévole auprès de l'association O______. C'était des cours d'arabe et de religion. Je ne peux actuellement plus le faire. Certains élèves viennent chez moi deux fois par semaine, un ou deux à la fois. C'est un cours qui dure entre 1 heure - 1 heure 30 maximum. Je reçois la visite d'amis. Une personne vient chaque semaine et les autres de temps en temps. Je ne reçois pas des amis tous les jours à la maison.

Ma fille, quand elle sort du travail, nous fait les courses. Ma femme a des problèmes de santé et reçoit une rente d'invalidité. Elle a mal au dos. Elle ne peut pas non plus faire les courses. Il m'arrive de sortir prendre l'air à côté de la maison. Je reste sur le trottoir. Je ne peux pas aller dans le petit parc à côté de l'hôpital, car il y a une montée et je n'arrive pas à pousser le fauteuil. Si j'avais une propulsion électrique, je pense que j'y irais plus souvent. Tous les jours, je sors et me promène un peu. Je tourne autour de la maison, car j'ai peur de m'éloigner et de ne pas avoir de force pour rentrer.

J'ai passé un test de simulation sur plusieurs fauteuils à propulsion électrique différents et je me suis senti beaucoup plus à l'aise sur celui qui est équipé d'un joystick, c'est facile d'aller sur le trottoir avec un fauteuil de ce type. Je n'ai pas fait de test dans un véhicule automobile. Je n'ai pas envisagé de conduire un véhicule automobile pour le moment, je n'en ai pas envie et en plus, il faudrait une personne pour me transférer, car je n'y arriverais pas tout seul. À la maison, c'est les infirmières, l'ergo ou le physiothérapeute qui m'aident à me déplacer de mon fauteuil roulant jusqu'au lit. Je reste du matin au soir dans mon fauteuil roulant. Le matin, il y a l'infirmière pour faire les soins et le soir, pour m'aider à me mettre au lit.

J'arrive à sortir tout seul pour aller me promener dans le quartier. Je n'arrive pas à aller faire des courses, car j'ai peur de rester coincé quelque part et que je n'arrive pas à rentrer. Je ne vais jamais dans les petits magasins du quartier. Je ne vais jamais dans des cafés ou des restaurants.

Si je possédais un fauteuil à propulsion électrique, je pourrais aller à la mosquée, aller donner des cours à l'association, aller à la Poste, faire des courses et boire des cafés avec des amis.

Il m'arrive d'aller boire un café dans le quartier, mais pas seul. Si j'avais de la force, je n'ai pas assez confiance avec mon fauteuil actuel, car cela me fatigue. Dans mon quartier actuel il y a des montées, par exemple à la rue J______, en direction de l'hôpital. En direction de la maternité, cela va mieux.

Je peux me rendre facilement au parc près de l'église St-François, qui est près de chez moi, car c'est plat. Je m'y rends souvent. Je ne vais pas à la Migros, car c'est trop loin. Je ne vais pas non plus à Lidl, même si c'est plus près, car je ne sais pas comment porter les courses et en même temps utiliser mon fauteuil. Je prends rarement les transports publics, voire plutôt jamais car c'est difficile d'entrer dans le véhicule et j'ai besoin de l'aide du chauffeur ou de quelqu'un.

Si j'ai rendez-vous à Beau-Séjour, je prends le petit bus et sinon je prends le tram. J'ai rendez-vous régulièrement à Beau-Séjour car mon médecin se trouve là-bas. J'y vais environ une fois tous les deux mois. Je fais le trajet seul jusqu'à la place des Augustins, après quoi je prends le petit bus avec l'aide du chauffeur et me débrouille pour aller chez le médecin.

Je me suis rendu deux fois seul à la mosquée du Petit-Saconnex en prenant le tram, puis le bus 3, avec l'aide du chauffeur. C'est trop loin, raison pour laquelle je n'y vais pas toutes les semaines, seul. Aujourd'hui, je suis venu avec mes fils "à pied". Même si ce n'est pas loin, je ne pouvais pas venir seul.

Je suis resté peu de temps à la rue I______, environ 2 ou 3 mois et ensuite, nous avons déménagé. Pendant ces 2 ou 3 mois, au début de mon handicap, je ne sortais pas car l'ascenseur était trop petit et il y avait des marches. Quand je sortais, j'utilisais la porte du garage. Il ne m'est jamais arrivé de descendre seul dans la rue pour me promener.

Avec mon fauteuil actuel, je peux rouler 30-40 mètres, puis je dois me reposer un petit peu et je peux continuer. Je ne m'éloigne pas beaucoup plus de 300 à 500 mètres maximum. Ce n'est pas facile, mais je peux le faire en forçant.

J'ai requis de l'assurance-invalidité un lift de bain et un lit électrique, que j'ai obtenus. Je n'ai rien demandé d'autre à l'assurance-invalidité. Pour le moment je n'ai pas envie de faire des démarches pour conduire une voiture, peut-être plus tard ».

De son côté, la représentante de la SUVA a déclaré :

« Effectivement, le déménagement a eu lieu après notre décision sur opposition du 10 juillet 2018. On a pris en compte ce fait nouveau dans le mémoire de réponse, car il ressortait des pièces que ce déménagement était prévu et que le logement serait plus adapté. Il nous a paru préférable, pour des questions de célérité, de tenir compte dans notre réponse du nouveau domicile et de ne pas demander au recourant de déposer une nouvelle demande ».

À l'issue de l'audience, un délai a été accordé aux parties pour qu'elles communiquent leurs dernières conclusions.

22.    Le 12 juin 2019, l'intimée a maintenu ses conclusions tendant au rejet du recours, arguant que le recourant pouvait se déplacer seul en fauteuil roulant et accéder aux lieux où s'exerçaient les contacts sociaux habituels, tels que des cafés et des restaurants. Lors de l'audience, il avait notamment déclaré qu'il se rendait souvent dans un parc - situé à environ 100 mètres de son domicile - et qu'en forçant, il pouvait se déplacer sur 300 à 500 mètres. Comme il admettait pouvoir se déplacer seul, il devait être en mesure de se propulser dans le bus, de sorte qu'un fauteuil roulant électrique était superflu. Il avait du reste indiqué qu'il se rendait, environ deux fois par mois, chez son médecin à Beau-Séjour et qu'il s'était rendu deux fois seul à la mosquée, en demandant l'aide du chauffeur. Le recourant pouvait donc se rendre à la mosquée sans être toujours accompagné par un proche.

23.    Le 3 juillet 2019, le recourant a persisté, lui aussi, dans ses conclusions.

24.    Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais du 15 juillet au 15 août inclusivement, le recours est recevable (art. 38 al. 4 let. b et 56 ss LPGA ; art. 62 ss et 89C let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA ; RS/GE E 5 10).

3.        Est litigieux le droit du recourant à la prise en charge, par l'intimée, d'un dispositif de propulsion électrique (modèle E-Fix E34) pour son fauteuil roulant. Sur le plan fonctionnel, un tel dispositif doit être assimilé à un fauteuil roulant à moteur électrique (ATF 135 I 161 consid. 4).

4.        Aux termes de l'art. 11 LAA, l'assuré a droit aux moyens auxiliaires destinés à compenser un dommage corporel ou la perte d'une fonction; le Conseil fédéral établit la liste de ces moyens auxiliaires (al. 1). Les moyens auxiliaires sont d'un modèle simple et adéquat; l'assureur les remet en toute propriété ou en prêt (al. 2). Par le biais de l'art. 19 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202), le Conseil fédéral a délégué au Département fédéral de l'intérieur la compétence de dresser la liste des moyens auxiliaires et d'édicter des dispositions sur la remise de ceux-ci. Ce département a édicté l'ordonnance sur la remise de moyens auxiliaires par l'assurance-accidents (OMAA [RS 832.205.12]) avec, en annexe, la liste des moyens auxiliaires. Selon l'art. 1 al. 1 OMAA, l'assuré a droit aux moyens auxiliaires figurant sur la liste en annexe, dans la mesure où ceux-ci compensent un dommage corporel ou la perte d'une fonction qui résulte d'un accident ou d'une maladie professionnelle. Le droit s'étend aux moyens auxiliaires nécessaires et adaptés à l'atteinte à la santé, d'un modèle simple et adéquat, ainsi qu'aux accessoires indispensables et aux adaptations qu'exige l'atteinte à la santé; le nombre et les caractéristiques des moyens auxiliaires doivent répondre tant aux exigences de la vie privée qu'à celles de la vie professionnelle (art. 1 er al. 2 OMAA). L'annexe à l'OMAA comprend notamment les fauteuils roulants sans moteur (ch. 9.01) et les fauteuils roulants à moteur électrique (ch. 9.02). Les fauteuils roulants à moteur électrique sont accordés aux assurés incapables de marcher, qui ne peuvent utiliser un fauteuil roulant usuel par suite de paralysies ou d'autres infirmités des membres supérieurs et qui ne peuvent se déplacer de façon indépendante qu'en fauteuil roulant mû électriquement (ch. 9.02 annexe à l'OMAA).

Le droit à ce moyen auxiliaire suppose que l'assuré ait besoin d'un fauteuil roulant, mais qu'il ne soit pas en mesure d'utiliser un fauteuil roulant mécanique et qu'il ne puisse se déplacer de manière autonome qu'avec un fauteuil roulant électrique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_543/2014 du 17 novembre 2014 consid. 5). Le droit à un fauteuil roulant électrique est exclu pour les assurés qui peuvent se déplacer seuls en fauteuil roulant manuel, même dans les cas où un système électrique leur serait utile (ATF 140 V 538 consid. 5.2).

Comme pour tout moyen auxiliaire, la prise en charge des frais d'un fauteuil roulant électrique doit répondre aux critères de simplicité et d'adéquation (art. 11 al. 2 LAA; art. 1er al. 2 OMAA). Ces critères, qui sont l'expression du principe de proportionnalité, supposent, d'une part, que la prestation en cause est propre à atteindre le but fixé par la loi et apparaît nécessaire et suffisante à cette fin et, d'autre part, qu'il existe un rapport raisonnable entre le coût et l'utilité du moyen auxiliaire, compte tenu de l'ensemble des circonstances de fait et de droit du cas particulier (ATF 135 I 161 consid. 5.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_265/2012 du 12 octobre 2012 consid. 3.4; voir également ULRICH MEYER-BLASER, Zum Verhältnismässigkeitsgrundsatz im staatlichen Leistungsrecht, 1985, p. 82 ss et 123 ss).

Dans ce contexte, la jurisprudence a souligné que les buts légaux de réadaptation que sont le « déplacement » et « l'établissement de contacts avec son entourage » font référence aux lieux les plus proches situés hors du domicile dans lesquels s'établissent les contacts sociaux habituels de la population (ATF 135 I 161 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_34/2011 du 13 septembre 2011 consid. 4.3, in SVR 2012 IV n° 20 p. 89).

L'assurance sociale ne peut certes pas faire l'impasse sur l'évolution technologique que connaissent les moyens auxiliaires. Cependant, le droit des assurés à bénéficier des avancées technologiques dans ce domaine s'arrête là où finit l'obligation de l'assurance sociale de remettre un moyen auxiliaire nécessaire d'un modèle simple et adéquat. En effet, celle-ci n'a pas pour mission d'assurer les mesures qui sont les meilleures dans le cas particulier, mais seulement celles qui sont nécessaires et propres à atteindre le but visé (ATF 131 V 167 consid. 4.2).

5.        Selon la jurisprudence, l'existence d'une forte déclivité ou d'un emplacement inaccessible à un fauteuil roulant n'est pas en soi un motif suffisant pour admettre le droit à un dispositif de propulsion électrique car, le cas échéant, toute personne dépendante d'un fauteuil roulant pourrait prétendre un tel dispositif. Une telle extension du droit n'est pas compatible avec le but consistant à accorder un fauteuil roulant électrique aux assurés qui ne peuvent utiliser un fauteuil roulant usuel par suite de paralysies ou d'autres infirmités des membres supérieurs et ne peuvent se déplacer de façon indépendante qu'en fauteuil roulant mû électriquement (ch. 9.02 annexe à l'OMAA). Bien que le ch. 9.02 annexe à l'OMAA indique qu'un assuré a droit à un fauteuil roulant électrique pour se « déplacer de façon indépendante », cela ne signifie pas que l'intéressé doit pouvoir circuler sur tous les terrains et dans tous les lieux possibles. Il ressort en effet du principe de proportionnalité déjà exposé qu'un rapport raisonnable doit exister, dans le cadre de l'assurance-accidents sociale, entre le but visé, le bénéfice supposé apporté par le moyen auxiliaire en question et le coût de celui-ci. Dans ce contexte, les exigences de la vie privée et de la vie professionnelle (art. 1 al. 2 OMAA) font référence aux lieux les plus proches situés hors du domicile dans lesquels s'établissent les contacts sociaux habituels de la population (ATF 135 I 161 consid. 6 ; SVR 2012 IV n°20 p. 89, arrêts du Tribunal fédéral 8C_34/2011 consid. 4.3 ; 9C_265/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4.1 ; 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 6.2-6.3). A cet égard, il est un fait notoire que, pour des raisons architecturales, de nombreux lieux, publics ou privés, ne sont pas ou que très difficilement accessibles aux personnes handicapées se déplaçant en chaise roulante (manuelle ou électrique). Si cet état de fait est la source d'inconvénients certains, puisqu'il tend, en comparaison avec la situation des personnes valides, à restreindre l'autonomie et la qualité du contact social des personnes à mobilité réduite, la jurisprudence a également souligné que l'assurance sociale n'avait pas pour mission d'assurer les mesures qui étaient les meilleures dans le cas particulier, mais seulement celles qui étaient nécessaires et propres à atteindre le but visé (ATF 131 V 167 consid. 4.2 et la référence citée ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_265/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4.2 ; 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 6.2-6.3 ; à propos de l'interdiction de la discrimination à l'égard des personnes handicapées, voir ATF 134 I 105 consid. 5).

6.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).

7.        En l'espèce, la décision sur opposition attaquée refuse d'accorder à l'assuré un système de propulsion électrique pour son fauteuil roulant, au motif que ce dispositif ne lui est pas nécessaire, étant donné qu'il peut déjà se déplacer avec son fauteuil roulant manuel. À ce propos, l'intimée relève que l'intéressé est capable d'accéder à différents lieux situés à proximité de son domicile et d'établir des contacts sociaux. Elle ajoute que pour un retraité, tel que l'assuré, les exigences de la vie sont moindres que pour une personne active.

De son côté, le recourant souligne qu'il souffre d'une ténosynovite du long chef du biceps, que sa force des membres supérieurs est notablement réduite et que ses fortes limitations rendent nécessaire un système de propulsion électrique pour son fauteuil roulant. Il ressort de rapports établis par son médecin généraliste et sa physiothérapeute qu'il ne peut pas se déplacer sur plus de 50 mètres, et tous les avis médicaux s'accordent sur la nécessité du système de propulsion électrique qu'il requiert. Par ailleurs, il a récemment déménagé dans le quartier de Plainpalais et le magasin d'alimentation le plus proche de son nouveau domicile se trouve à 150 mètres, tandis que l'arrêt de transports publics le plus proche est situé à 180 mètres, auxquels s'ajoutent les distances qu'il doit parcourir en sortant du tram ou du bus. Il ne peut pas établir des contacts sociaux, ni accéder aux établissements publics situés à proximité de son domicile. Le système de propulsion litigieux doit lui permettre retrouver une certaine autonomie et de se rendre là où s'établissent des liens sociaux. Il requiert sa prise en charge, subsidiairement le renvoi de la cause à l'intimée pour qu'elle complète l'instruction.

8.        Préalablement, il sied de relever que le recourant a déménagé de la rue I______ pour s'installer à la rue J______, à Genève, le 2 août 2018, c'est-à-dire postérieurement à la décision sur opposition attaquée, datée du 11 juillet 2018.

Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l'objet du litige et de nature à influencer l'appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

En l'occurrence, même si le déménagement du recourant est postérieur à la décision sur opposition, ce fait est suffisamment lié à l'objet du litige, au sens du considérant qui précède, pour qu'il puisse être pris en considération dans le présent arrêt. De surcroît, comme l'a fait remarquer l'intimée, ce déménagement était déjà envisagé avant le prononcé de la décision litigieuse (cf. rapport de la CRR du 7 juin 2018), de sorte qu'il aurait été difficilement justifiable de le traiter dans le cadre d'une procédure distincte, notamment pour des raisons de célérité. Enfin, les parties se sont largement déterminées à ce propos dans leurs écritures respectives, notamment en argumentant sur la distance entre le nouveau domicile et les lieux publics, respectivement les transports les plus proches.

9.        Sur le fond, la chambre de céans observe que le périmètre de déplacement du recourant n'est pas aussi restreint que ce que laissent supposer certains rapports versés à la procédure, notamment ceux émanant de son médecin généraliste et de son physiothérapeute, lesquels évoquent une incapacité de se déplacer sur plus de 50 mètres. Ces documents doivent plutôt être compris en ce sens que le recourant ne peut pas parcourir une telle distance « d'une seule traite », ce qui n'équivaut pas encore à une incapacité ou à une impossibilité. À cet égard, l'intéressé a expliqué en audience qu'avec son fauteuil roulant manuel, il était capable de rouler sur 30-40 mètres, puis qu'après avoir pris une pause, il pouvait reprendre sa route. Il a précisé ne pas s'éloigner de son domicile « beaucoup plus » que 300 à 500 mètres, distance qu'il reconnaît pouvoir parcourir, certes avec difficultés (« en forçant »). Au surplus, un rapport rédigé par l'ergothérapeute, en septembre 2018, indiquait déjà que le recourant avait pu se déplacer sur un parcours d'évaluation de 120 mètres, en prenant des pauses, ce qui contredit là encore l'allégation selon laquelle le recourant ne pourrait pas se déplacer sur plus de 50 mètres. Au vu de ces précisions et quoi qu'en dise le recourant, on peut raisonnablement admettre qu'il est suffisamment autonome pour se déplacer seul, moyennant des pauses, jusqu'aux lieux publics situés à proximité de son domicile (commerces, cafés, restaurants, etc). Cela est d'autant plus vrai que le nouveau domicile du recourant, situé au coeur de la ville de Genève (quartier de Plainpalais), est indéniablement proche de toute commodité.

Le recourant soutient que si une propulsion électrique lui était octroyée, il bénéficierait d'une autonomie plus importante qu'avec son fauteuil roulant manuel. Toutefois, il résulte du dossier et des explications données en audience qu'avec son fauteuil manuel, le recourant bénéficie déjà d'une certaine autonomie. Selon ses déclarations, il peut, entre autres, se déplacer seul jusqu'à l'arrêt de bus et de tram de la place des Augustins, pour se rendre ensuite en transports publics chez le médecin (à l'hôpital de Beau-Séjour) ou à la mosquée (du Petit-Saconnex). Il est également capable de se promener seul dans son quartier et de se déplacer jusqu'au « parc [situé] près de l'église Saint-François », dans lequel il se rend fréquemment. Par conséquent, dès lors qu'il est en mesure d'atteindre seul ces différents lieux, il peut entretenir des contacts sociaux en dehors de son domicile. Comme le recourant peut se déplacer de manière autonome, la nécessité du système de propulsion électrique qu'il requiert n'est pas établie, même si son souhait de bénéficier d'une autonomie plus grande est tout à fait compréhensible (arrêt du Tribunal fédéral 9C_543/2014 du 17 novembre 2014 consid. 5.2). Au demeurant, il convient de relever que si le recourant doit parfois solliciter l'aide de ses proches pour accomplir l'une ou l'autre tâche, cela ne paraît toutefois pas inconciliable avec son devoir de s'organiser, dans la mesure du possible, de manière à ce que le système de la sécurité sociale soit le moins possible sollicité (arrêts du Tribunal fédéral 9C_265/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4.2 et 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 6.3).

En conclusion, il convient d'admettre que le recourant, qui n'exerce plus d'activité lucrative, est en mesure d'utiliser un fauteuil roulant manuel, sans qu'il doive recourir à l'aide d'une tierce personne. Ce moyen auxiliaire lui permet de se déplacer hors de son domicile, de fréquenter la majorité des lieux publics et, partant, d'entretenir des contacts sociaux en dehors de son domicile. Il est vrai que, selon deux rapports émanant des HUG, le recourant ne peut pas se déplacer sur de fortes pentes. Toutefois, même s'il ne lui est pas possible de circuler partout en ville avec son fauteuil roulant manuel, notamment lorsque la déclivité est trop forte, la limitation qui en découle n'est pas un motif suffisant, selon la jurisprudence (stricte) du Tribunal fédéral, pour ouvrir droit à un dispositif de propulsion électrique. En effet, si tel était le cas, toute personne dépendante d'un fauteuil roulant pourrait prétendre à ce dispositif (ATF 135 I 161 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 6.2). C'est le lieu de rappeler que l'assurance sociale n'a pas pour mission d'assurer les mesures qui sont les meilleures dans le cas particulier, mais seulement celles qui sont nécessaires et propres à atteindre le but visé. Dans ce contexte, les exigences de la vie privée et de la vie professionnelle (art. 1 al. 2 OMAA) font référence aux lieux les plus proches situés hors du domicile dans lesquels s'établissent les contacts sociaux habituels de la population (ATF 135 I 161 consid. 6 ; arrêts du Tribunal fédéral 9C_265/2012 du 12 octobre 2012 consid. 4.1 et 8C_699/2013 du 3 juillet 2014 consid. 6.2). Or, les faits de la cause concourent à démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le recourant est capable d'accéder à ces lieux.

10.    Il résulte des considérants qui précèdent - sans qu'il soit nécessaire d'ordonner d'autres mesures d'instruction ou de renvoyer la cause à l'autorité inférieure (ATF 122 II 464 consid. 4a) - que l'intimée était fondée à refuser la prise en charge d'un dispositif de propulsion électrique pour fauteuil roulant. Partant, la décision du 11 juillet 2018 se révèle conforme au droit et le recours mal fondé.

11.    La procédure est gratuite (art. 89H al. 4 LPA).

Vu l'issue donnée au recours, le recourant n'a pas droit à une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA).

Il en va de même de l'intimée, dès lors que, de jurisprudence constante, les assureurs sociaux qui obtiennent gain de cause devant une juridiction de première instance n'ont pas droit à une indemnité de dépens, sauf en cas de recours téméraire ou interjeté à la légère par l'assuré ou lorsque, en raison de la complexité du litige, on ne saurait attendre d'une caisse qu'elle se passe des services d'un avocat indépendant (ATF 126 V 143 consid. 4b). Aucune de ces exceptions n'est réalisée en l'espèce.

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure.

5.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le