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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4084/2021

ATAS/716/2022 du 18.08.2022 ( LAA ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4084/2021 ATAS/716/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 août 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à AMBILLY, FRANCE

recourant

 

contre

SUVA CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

intimée

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant) est né en ______ 1985. Il est marié et père d’un enfant né en ______ 2015.

b. Depuis le 1er janvier 2013, l’assuré a travaillé comme étancheur pour le compte de B______ SA, société sise à Meyrin. À ce titre, il était assuré contre les accidents auprès de la SUVA caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : la SUVA, l’assurance ou l’intimée).

c. L’assuré a été licencié avec effet au 31 août 2017.

B. a. Le 23 avril 2015, alors qu’il travaillait sur un chantier, l’assuré est tombé sur le dos. Lors de cette chute, il a essayé de se retenir avec la main, ce qui a entraîné, ou à tout le moins décompensé, une pseudarthrose SNAC 1 du scaphoïde gauche, laquelle a nécessité plusieurs interventions chirurgicales.

b. Par courrier du 25 janvier 2016, la SUVA a mis l’assuré au bénéfice d’une indemnité journalière d’un montant de CHF 154.45 par jour avec effet rétroactif au 26 avril 2015, montant revu à CHF 162.35, dès le 26 avril 2015, afin de tenir compte des allocations familiales.

c. Selon un rapport médical daté du 28 février 2017 et réalisé par le docteur C______, médecin spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie, et médecin d’arrondissement de la SUVA, l’assuré était totalement incapable de travailler en tant qu’étancheur mais pouvait travailler sans baisse de rendement dans une autre activité, pour autant qu’elle n’implique pas de port de charge de la main gauche ou d’usage d’un marteau-piqueur.

d. Selon un second rapport médical du Dr C______, daté du 15 mai 2017, les troubles du rachis lombaire dont se plaignait l’assuré devaient être considérés comme n’étant plus en lien de causalité avec l’évènement du 23 avril 2015, au plus tard six mois après celui-ci, soit dès le 1er novembre 2015.

e. Parallèlement, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) instruisait également la situation de l’assuré. Selon un rapport daté du 20 juin 2017 et réalisé par la doctoresse D______, du service médical régional suisse romande de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), l’assuré était, à cette date, totalement incapable de travailler dans son activité habituelle, mais entièrement capable de travailler dans une activité adaptée depuis le mois de février 2017.

f. Par décision datée du 12 juillet 2017, l’OAI a octroyé à l’assuré une mesure d’orientation professionnelle, à savoir un stage d’orientation professionnelle, pour une période allant du 28 août au 26 novembre 2017.

g. Par décision datée du 24 novembre 2017, l’OAI a octroyé à l’assuré une mesure de reclassement professionnel, à savoir des cours à l’atelier de mécanique des Établissement publics pour l’intégration (ci-après : EPI), pour une période allant du 27 novembre 2017 au 4 mars 2018. Cette décision a ensuite été remplacée par une décision datée du 15 janvier 2018, octroyant un reclassement professionnel pour une période allant du 27 novembre 2017 au 30 avril 2018. L’OAI a ensuite prolongé la mesure de reclassement professionnel auprès des EPI, d’abord pour une période allant du 1er au 31 mai 2018, puis pour une période allant jusqu’au 8 janvier 2019.

h. Malgré l’implication de l’assuré et la grande satisfaction de ses formateurs quant à son travail, la mesure a dû être interrompue avant son terme, en lien avec l’aggravation de l’arthrose au poignet gauche de l’assuré.

i. Le 20 février 2019, l’assuré a été opéré du poignet gauche aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) par les docteurs E______ et F______, opération dont les coûts ont été pris en charge par la SUVA.

j. Par décision datée du 7 mai 2019, la SUVA a considéré que les troubles allégués du recourant à sa colonne vertébrale (lombaire) n’étaient plus en lien de causalité avec l’évènement du 23 avril 2015 depuis le 1er novembre 2015 au plus tard et a refusé en conséquence toute prise en charge postérieure à cette date.

k. Sur opposition de l'assuré datée du 21 mai 2019, la SUVA a confirmé sa décision initiale par décision sur opposition datée du 11 juin 2019. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un recours dans le délai légal.

l. Selon un troisième rapport du Dr C______ daté du 6 novembre 2019, le cas de l’assuré devait être considéré comme stabilisé à cette date et l’assuré pouvait reprendre la mesure de formation professionnelle qui lui avait été accordée par l’assurance-invalidité. Le Dr C______ modifiait uniquement son appréciation initiale du 27 février 2017 en ce qui concernait le port de charge avec la main gauche, qui était désormais ponctuellement possible pour des charges moyennes (jusqu’à 10 kg).

m. Par décision datée du 13 novembre 2019, la SUVA a informé l’assuré qu’elle considérait son état comme stabilisé et qu’elle arrêterait le versement des indemnités journalières au 31 décembre 2019.

n. Par courrier daté du 2 décembre 2019, l’assuré s’est déterminé sur le troisième rapport du Dr C______ et l’a contesté en ce sens que s’il se considérait tout à fait capable d’exercer tout métier du bâtiment ne requérant pas l’usage des deux mains, comme grutier, électricien ou conducteur d’engin, il niait pouvoir exercer un métier du bâtiment comme opérateur, qui nécessitait d’utiliser ses deux mains. Or, l’OAI l’orientait justement vers cette dernière spécialité.

o. Par trois décisions toutes datées du 12 décembre 2019, l’OAI a mis l’assuré au bénéfice de diverses mesures de reclassement, dont un reclassement professionnel en tant « qu’opérateur régleur CNC », pour une période allant du 1er janvier 2020 au 30 juin 2020. Par décision datée du 22 juin 2020, la mesure de reclassement professionnel en tant « qu’opérateur régleur CNC » a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2020. Cette mesure a ensuite été à nouveau prolongée jusqu’au 10 janvier 2021 inclus.

p. Par décision datée du 17 décembre 2020, l’OAI a mis l’assuré au bénéfice d’une mesure d’orientation professionnelle pour une période allant du 11 janvier au 2 avril 2021.

q. Par décision datée du 30 juin 2021, l’OAI a derechef mis l’assuré au bénéfice d’une mesure d’orientation professionnelle, pour une période allant du 5 juillet au 3 octobre 2021.

r. Par décision du 27 septembre 2021, l’OAI a mis l’assuré au bénéfice d’une mesure de reclassement professionnel, à savoir une formation en tant que « technicien de chantier » - « métreur BIM » pour la période allant du 4 octobre 2021 au 15 octobre 2022.

s. Par décision datée du 3 novembre 2021, l’office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (ci-après : l’OAIE) a octroyé à l’assuré des indemnités journalières AI pour la période allant du 4 octobre 2021 au 15 octobre 2022 inclus.

C. a. Par décision datée du 2 juin 2021, la SUVA a considéré que le taux d’invalidité de l’assuré s’élevait à 4 %, et qu’en conséquent, il n’existait pas de droit à une rente d’invalidité. Elle a, en revanche, octroyé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un montant de CHF 9'450.- (126'000 x 7.5 %).

b. L’assuré s’est opposé à cette décision par courrier daté du 28 juin 2021 en affirmant qu’il fallait tenir compte du fait qu’il n’était apte à travailler qu’à 50 %, dans le secteur usinage et horlogerie.

c. Par décision sur opposition datée du 29 octobre 2021, la SUVA a confirmé sa décision du 2 juin 2021. Elle a considéré que l’état de santé de l’assuré était stabilisé et qu’il convenait donc de statuer sur le droit potentiel de celui-ci à une rente d’invalidité. Le degré d’invalidité de l’assuré étant de 5 %, et donc inférieur au minimum légal de 10 %, elle a nié l’existence d’un droit à une rente d’invalidité.

D. a. Par courrier du 26 novembre 2021, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition de la SUVA datée du 29 octobre 2021 par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) en contestant le calcul de son taux d’invalidité par cette dernière et en s’étonnant que la SUVA ait statué alors que la procédure devant l’OAI n’avait pas encore abouti. Il n’a joint aucune pièce, médicale ou autre, à son recours.

b. Par courrier du 9 décembre 2021, l’intimée a répondu en confirmant l’exactitude de ses calculs et en remarquant qu’il n’était pas nécessaire d’attendre le résultat des mesures de reclassement décidées par l’OAI dès lors que ces dernières ne pouvaient aboutir, au mieux, qu’à une amélioration de la capacité de gain de l’assuré.

c. Par courrier du 2 février 2022, le recourant s’est brièvement déterminé sur la réponse de l’intimée, rejetant le mode de calcul de l’indemnité, et a persisté dans ses conclusions.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

E. a. Dans l’intervalle, par arrêt ATAS/1130/2021 du 11 novembre 2021 rendu dans la cause A/3293/2020, la chambre de céans a rejeté un recours de l’assuré relatif au montant de son droit à des indemnités journalières envers la SUVA. L’arrêt est entré en force.

b. Également dans l’intervalle, par arrêt ATAS/1305/2021 du 16 décembre 2021, rendu dans la cause A/722/2021, la chambre de céans a déclaré irrecevable le recours de l’assuré relatif à la non-entrée en matière de la SUVA du 21 décembre 2020, sur la requête de reconsidération de sa décision sur opposition du 11 juin 2019 concernant les troubles du rachis lombaire de l’assuré. L’arrêt est entré en force.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans le délai de recours de trente jours (cf. art. 60 al. 1 LPGA) et dans les formes prévues par la loi (cf. art 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

3.             La présente procédure porte uniquement sur le droit du recourant à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents, et notamment sur le calcul de son taux d’invalidité.

3.1 Selon le recourant, l’état du dossier ne permet pas à l’intimée de statuer sur son potentiel droit à une rente d’invalidité. Par ailleurs, il ne peut travailler qu’à 50 % en usinage, ce qui doit, le cas échéant, être pris en compte dans le calcul de son taux d’invalidité.

3.2 Selon l’intimée, il n’y a pas lieu d’attendre la fin des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité mises en œuvre par l’OAI dès lors que celles-ci n’apparaissent pas susceptibles de modifier à la hausse le taux d’invalidité du recourant. En ce qui concerne le calcul du taux d’invalidité de celui-ci, il n’y a pas lieu de s’écarter du calcul exposé dans la décision sur opposition et qui est fondé sur l’avis médical de son médecin-conseil, le Dr C______.

4.             Pour évaluer les droits aux prestations d'une assurance sociale, il faut pouvoir se fonder sur des opinions médicales fiables (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_173/2021 du 25 octobre 2021 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2020 du 13 janvier 2021 consid. 3.2).

Dans cette optique, il faut distinguer trois types d’expertises médicales : les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité judiciaire sur la base de l’art. 61 let. c LPGA (expertise judiciaire), les expertises ordonnées auprès d’un expert indépendant par l’autorité sociale sur la base de l’art. 44 LPGA (expertise administrative) et les rapports médicaux requis par une assurance sociale auprès de médecins qui lui sont subordonnés, comme les médecins-conseils, ou réalisés sur commande de l’assuré (expertise de partie).

S’il est évident que la force probante d’une expertise judiciaire est complète (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa), le juge doit également accorder pleine valeur probante aux expertises administratives pour autant que celles-ci ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun autre élément fondé ne remette en cause leur bien-fondé (ATF 137 V 210 consid. 1.3.4 et 2.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/bb ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2021 du 12 octobre 2021 consid. 3.2). En revanche, une expertise commandée par une partie ou réalisée par un médecin interne à une assurance, dispose certes d’une certaine force probante, mais celle-ci est clairement inférieure à celle réalisée par un médecin indépendant (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et 3b/ee), au sens qu’un tel rapport médical peut surtout permettre de remettre en doute une expertise administrative ou judiciaire (ATF 125 V 351 consid. 3c). Ainsi, lorsqu'une décision administrative sociale ne s'appuie que sur l'avis d'un médecin interne à l'assureur social et qu'il existe des doutes, même minimes, sur la pertinence de l'appréciation de ce médecin, il y a lieu de mettre en œuvre une expertise administrative ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_347/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2020, du 15 avril 2021 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2016 du 14 juin 2017 consid. 3.3).

5.             Bien que l’assuré soit domicilié en France, il ne fait pas de doute que l’intimée est compétente pour statuer sur une rente d’invalidité de droit suisse selon le principe de parallélisme des rentes selon les art. 50 § 1 et 52 § 1 du Règlement n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, applicable dans la relation franco-suisse, par renvoi de l’art. 46 § 1 du même règlement (voir également : ATAS/595/2022 [arrêt de principe] du 9 juin 2022 consid. 4.2 [concernant une rente de vieillesse]).

6.             Il convient, en premier lieu, de déterminer si la SUVA était fondée à rendre une décision sur le potentiel droit à une rente d’invalidité LAA du recourant, notamment nonobstant le fait qu’une mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité était en cours au moment où la décision querellée a été rendue.

Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré (1) et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (2).

7.             Savoir ce que signifie une sensible amélioration de l'état de l'assuré au sens de l’art. 19 al. 1 LAA n'est pas précisé par le texte légal. Le concept de l'assurance-accidents sociale étant orienté vers les personnes actives, l'amélioration sensible de l'état de santé est liée à la mesure de l'amélioration de la capacité de travail ; le législateur a voulu que l'amélioration de l'état de santé soit d'une certaine importance pour être « sensible », les améliorations mineures ne suffisent pas (ATF 134 V 109, consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_95/2021 du 27 mai 2021 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_235/2020 du 15 février 2021 consid. 2.3). Le moment déterminant pour établir un pronostic est celui où l’assurance sociale concernée envisage de fixer le moment de la stabilisation de l’état de santé (examen prospectif) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_142/2017 du 7 septembre 2017 consid. 5.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_651/2016 du 15 décembre 2016 consid. 4.1 ; ATAS/316/2022 du 5 avril 2022 consid. 7.3).

En ce qui concerne les mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité, l’exception des art. 19 al. 3 LAA et 30 de l’ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) ne concernent pas les mesures déjà en cours (ATF 139 V 514 consid. 3.2). En revanche, une telle mesure doit être de nature à avoir une influence sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral 8C_651/2016 du 15 décembre 2016 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_588/2013 du 16 janvier 2014 consid. 3.4 ; voir également : arrêt du Tribunal fédéral 8C_877/2017 du 4 mai 2018 consid. 6.5). Un cas d’assurance LAA peut donc faire l’objet d’une décision de clôture s’il existe des éléments qui permettent d’établir que tel ne sera pas le cas (arrêt du Tribunal fédéral 8C_588/2013 du 16 janvier 2014 consid. 3.4). La perception d’indemnités journalières de l’assurance-invalidité n’est, par ailleurs, pas en soi un obstacle à la clôture du cas d’assurance LAA car l’art. 68 LPGA prévoit une règle de coordination entre ces prestations (en ce sens : ATF 139 V 514 consid. 3.3 ; Jean-Maurice FRÉSARD/Margit MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire in : Soziale Sicherheit/Sécurité sociale, Meyer éd., 3ème éd. 2016, n. 259 p. 985).

7.1 En ce qui concerne l’état de santé du recourant, il a été considéré comme stabilisé en date du 6 novembre 2019 par le Dr C______ (cf. pièce 336 intimée, p. 2). Il s’agit certes là d’une expertise réalisée par un médecin interne à l’intimée puisque le Dr C______ était alors médecin d’arrondissement de la SUVA. Cependant, le recourant n’a produit à la procédure aucun élément médical qui irait à l’encontre de cet avis, en particulier aucune opinion contraire de ses médecins traitants. Par ailleurs, le trouble à la santé de l’assuré couvert par l’intimée est clairement identifié, il s’agit de l’arthrose de son poignet gauche, lequel ne peut plus être utilisé pour le port de charges au-dessus de 10 kg, et uniquement, au mieux, ponctuellement, pour des charges inférieures, comme précisé dans les rapports du Dr C______ et corroboré par le rapport de la Dresse D______ du SMR, daté du 20 juin 2017.

Dans ces circonstances, il faut considérer qu’il est établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’état de santé de l’assuré dans l’optique de l’évaluation de sa capacité de gain était suffisamment stabilisé au jour de la décision sur opposition, datée du 29 octobre 2021, pour permettre une décision statuant sur son droit à une rente d’invalidité.

7.2 En ce qui concerne la mesure de réadaptation de l’OAI, soit un reclassement professionnel, qui était en cours au moment où l’intimée a rendu sa décision sur opposition, il s’agit d’une mesure visant à accroître l’employabilité de l’assuré, respectivement ses possibilités de gain sur le marché du travail. Une telle mesure est donc, en principe, avant tout susceptible d’avoir un effet à la baisse sur le degré d’invalidité de l’assuré, et, partant, sur le montant de sa rente d’invalidité.

En conséquence, dans la mesure où le taux d’invalidité retenu, avant même la fin du reclassement professionnel du recourant, serait inférieur au seuil minimal de 10 % donnant droit à une rente selon l’art. 18 al. 1 LAA, la mise en œuvre d’une telle mesure de réadaptation ne serait pas de nature à avoir un impact sur le droit de l’assuré à une telle rente, et donc à retarder la clôture du cas de l’assuré par la SUVA. Pour déterminer si tel est le cas, il faut toutefois procéder à un calcul du degré invalidité du recourant.

8.             Il convient donc de contrôler si c’est à juste titre que la SUVA a fixé le degré d’invalidité du recourant à 4 %, taux inférieur au seuil minimal de 10 % susceptible de fonder une rente d’invalidité de l’assurance-accidents selon l’art. 18 al. 1 LAA.

8.1 Selon l’art. 16 LPGA, pour évaluer le taux d'invalidité d’un assuré, le revenu que celui-ci aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide (revenu hypothétique de valide) est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation sur un marché du travail équilibré (revenu d’invalide) ; il faut ainsi diviser le revenu hypothétique de valide par le revenu d’invalide pour obtenir le taux/degré d’invalidité (ATF 148 V 174 consid. 6.1 ; ATF 143 V 295 consid. 2.1).

Le moment déterminant pour effectuer la comparaison des revenus est celui du début de la rente d’invalidité putative, en tenant compte des circonstances survenues jusqu’à la décision sur la rente d'invalide, respectivement jusqu’à la décision d'opposition sur la rente d'invalide en cas d'opposition (ATF 143 V 295 consid. 4.1.3 ; en ce sens également : ATF 145 V 141 consid 5.2.1 ; ATF 139 V 28 consid. 3.3.2; ATF 129 V 222 consid. 4.3.1).

8.2 Le revenu hypothétique de valide est celui que l'assuré aurait, avec haute vraisemblance, perçu sans l'évènement invalidant ; il se détermine sur la base du dernier salaire perçu avant cet évènement adapté à l'inflation et à une éventuelle hausse des revenus dans la branche économique concernée (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1 ; ATF 134 V 322 consid. 4.1 ; ATF 129 V 222 consid. 4.3.1). Il faut sur baser sur le revenu effectif et non sur le revenu ramené à un temps horaire donné (ATF 126 V 75 consid. 3a). Le salaire réalisé en dernier lieu par l'assuré comprend tous les revenus d'une activité lucrative (y compris les gains accessoires et la rémunération des heures supplémentaires effectuées de manière régulière) soumis aux cotisations à l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) ; pour l’établir, il convient de se fonder, en premier lieu, sur les renseignements fournis par l'employeur et sur les revenus figurant dans l'extrait du compte individuel de l'AVS (arrêt du Tribunal fédéral 8C_289/2021 du 3 février 2022 consid. 3.1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_679/2020 du juillet 2021 consid. 5.1).

8.3  

8.3.1 Le revenu d'invalide est, quant à lui, calculé prioritairement sur la base du revenu que la personne concernée reçoit effectivement après son invalidité ; à défaut de revenu effectif, le revenu d'invalide doit être calculé sur la base des salaires médians de l'enquête suisse sur la structure des salaires (ci-après : ESS) (ATF 148 V 174 consid. 6.2 ; ATF 143 V 295 consid. 2.1 ; ATF 139 V 592 consid. 2.3 ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et 3b/bb). Dans ce cas, il faut se baser sur les statistiques les plus récentes disponibles au moment de la décision administrative déterminante (ATF 143 V 295 consid. 2.3 ; Margit MOSER-SZELESS, Commentaire romand LPGA, 2018, n. 35 ad. art. 16 LPGA) et se référer en principe à la ligne « total secteur privé » du tableau « TA1_skill_level » (ATF 148 V 174 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5.2.1). Toutefois, lorsque l'assuré a travaillé dans un domaine économique pendant de nombreuses années, qu’il est toujours apte à travailler dans ce domaine et qu'une activité dans un autre domaine n'entre pratiquement plus en ligne de compte, il y a lieu de se référer à des salaires médians de secteurs économiques particuliers, voire à des salaires médians de branches économiques particulières (arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5.2.1 ; ATAS/391/2022 du 2 mai 2022 consid. 5.3).

8.3.2 Lorsque le revenu d'invalide est calculé sur la base de l’ESS, il est possible de réduire, dans une appréciation d'ensemble, le salaire statistique pertinent dans la fixation du revenu d'invalide, jusqu'à un maximum de 25 % afin de tenir compte des limitations fonctionnelles de l'assuré et d'autres circonstances personnelles et professionnelles concrètes de la personne concernée, qui sont objectivement de nature à influencer sa capacité de gain sur un marché du travail équilibré, et notamment son âge, son type de permis de séjour, son expérience professionnelle, et son taux d’activité maximum contraint (ATF 148 V 174 consid. 6.3 ; ATF 146 V 16 consid. 4.1 ; ATF 135 V 297 consid. 5.2 ; ATF 134 V 322 consid. 5.2 ; ATF 126 V 75 consid. 5b/aa, 5b/bb et 5b/cc ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 6.2). Les éléments qui sont pris en compte pour limiter de manière générale la capacité de gain d’un assuré ne peuvent cependant pas fonder un abattement du salaire statistique, car sinon ils seraient pris en compte à deux reprises dans la fixation du degré d’invalidité d’un assuré (ATF 148 V 174 consid. 6.3 ; ATF 146 V 16 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_846/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1.1).

En ce qui concerne les emplois relevant du niveau de compétence 1 au sens des ESS, soit le niveau le moins élevé, le fait de ne pas pouvoir bénéficier de son expérience antérieure en raison d'un nécessaire changement d'activité ne peut pas fonder un abattement, car le salaire médian de cette catégorie recouvre un large éventail d'activités ne requérant pas d'expérience professionnelle spécifique, ni de formation particulière (ATF 146 V 16 consid. 6.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2020 22 septembre 2020 consid. 4.2 ). De l’avis du Tribunal fédéral, n’importe quelle personne, même sujette à de fortes limitations fonctionnelles peut ainsi sans difficultés particulières atteindre le salaire médian, pourtant calculé en grande partie sur la base de salaires relatifs à des personnes sans invalidité et ayant une certaine ancienneté dans l’exercice de leur profession.

9.              

9.1 Pour calculer le revenu de valide du recourant, l’intimée s’est basée sur les déclarations de l’employeur de celui-ci qui, par courrier du 6 mai 2021 (cf. pièce 506 intimée) a déclaré que l’assuré aurait perçu, en 2021, un salaire de CHF 5'544.24 payé treize fois l’an, soit un salaire annuel total de CHF 72'075.15.

Ce montant est supérieur au montant prévu par la convention collective de travail applicable aux étancheurs dans le canton de Genève, à savoir la Convention collective de travail du second-œuvre romand 2019 (CCT-SOR 2019). Celle-ci prévoit, en effet, un salaire minimum mensuel de CHF 5'207.- (soit CHF 29.30.- par heure) pour les travailleurs non-cadres de la classe A, classe maximale. Ce salaire est également supérieur au salaire minimum genevois qui s’élevait en 2021 à CHF 23.14.- de l’heure, soit un salaire mensuel de CHF 4'165.20, sur treize mois, pour un maximum de 45 heures hebdomadaires de travail (la période de référence de calcul du salaire minimum étant le mois, treizième salaire inclus au prorata, selon l’art. 56 al. 3 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 [RIRT - J 1 05.01]).

Partant, il y a lieu de retenir que le revenu (hypothétique) de valide du recourant se monte à CHF 72'075.15.

9.2  

9.2.1 Le recourant n’affirme pas qu’il avait retrouvé une activité lucrative au jour de la décision sur opposition et cela ne ressort pas des pièces produites à la procédure. Afin d’établir son revenu hypothétique d’invalide, il convient donc de se baser sur le salaire mensuel brut médian qui ressort du tableau « TA1_skill_level » (secteur privé uniquement), catégorie 1, hommes, des ESS 2018, statistiques les plus récentes de l’office fédéral de la statistique (OFS) en la matière.

Dans son recours, l’assuré critique le fait que ce salaire statistique médian inclut des métiers qui ne lui sont plus accessibles en raison des limitations fonctionnelles liées à son poignet gauche, en particulier les métiers du secteur secondaire entrant dans la catégorie « production manufacturière ».

Comme il a été mentionné plus haut, le Tribunal fédéral a cependant exprimé clairement qu’en cas d’utilisation des ESS, il convenait de se baser sur la médiane générale (« total secteur privé »), et non sur des secteurs particuliers ou des branches particulières, sauf dans des cas très particuliers où une reconversion professionnelle apparaît objectivement aller au-delà des exigences élevées posées aux invalides par le législateur fédéral (cf. art. 7 al. 2 LPGA ; comparer : ATAS/391/2022 du 2 mai 2022 consid. 6.2.1), condition non remplie en l’espèce.

En l’occurrence, le recourant était âgé de trente-six ans au moment de la décision sur opposition objet de la présente procédure. Les rapports médicaux du Dr C______ et de la Dresse D______, qui ne sont pas remis en cause par d’autres éléments médicaux, s’accordent sur le fait que, si le recourant ne peut plus exercer son ancien métier d’étancheur, sa limitation fonctionnelle, liée à l’accident du 23 avril 2015, consiste uniquement en une réduction de l’usage de la main gauche à la préhension et au port de charges légères à titre occasionnel. Le port régulier de charges moyennes et lourdes et les travaux analogues, comme l’usage d’un marteau-piqueur, sont en revanche exclus. Par ailleurs, le rapport de synthèse de l’OAI du 21 janvier 2019, concernant les mesures de réadaptation mises en œuvre jusqu’alors, laisse apparaître que le recourant dispose d’un indéniable potentiel personnel et professionnel.

En conséquence, il n’y a pas lieu de s’écarter du principe général selon lequel la médiane générale (« total secteur privé ») du sexe et du niveau de formation professionnelle de l’assuré fait référence en matière de calcul du salaire hypothétique d’invalide, sur la base des ESS. Selon les ESS 2018, ce montant s’élève à CHF 5'417.- pour les hommes, dans la catégorie de métier 1, pour quarante heures hebdomadaires de travail.

9.2.2 Il convient d’adapter ce montant à la durée normale hebdomadaire de travail en 2021 en Suisse, à savoir 41.7 heures, ce qui aboutit à un salaire de référence en 2018 de : ([5'417/40] x 41.7) = 5’647.23. Multiplié par douze, on aboutit à un salaire annuel de CHF 67'766.76.

Les données des ESS étant celles de 2018, il convient d’adapter le montant retenu à l’évolution nominale des salaires soit 0.9 % en 2019, 0.8 % en 2020 et -0.2 % en 2021 selon les statistiques de l’OFS (cf. https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail/indice-salaires.html; consulté pour la dernière fois le 8 juillet 2022), soit le calcul :

(67'766.76 + [67'766.76 x 0.9 %]) = 68'376.66 ;

(68'376.66 + [68'376.66 x 0.8 %]) = 68'923.67 ;

(68'923.67 + [68'923.67 x -0.2 %]) = 68'785.82.

Compte tenu des avis médicaux du Dr C______ et de la Dresse D______ qui retiennent une absence de perte de rendement dans une activité adaptée, soit une capacité de gain de 100 % dans une telle activité, et de la jurisprudence fédérale mentionnée plus haut, selon laquelle il n’y a pas lieu de procéder à un abattement pour absence d’expérience en ce qui concerne les assurés avec une formation professionnelle de niveau 1, il n’y a pas lieu de procéder à une réduction du montant susmentionné pour tenir compte d’une capacité de travail réduite ou de procéder à un abattement.

Le salaire d’invalide du recourant à la fin 2021 s’élève donc à CHF 68'785.82.

9.3 En conséquence, le degré d’invalidité du recourant est de 4.56 %, arrondi à 5 % (cf. ATF 130 V 121 consid. 3.2), soit le calcul :

72'075.15 - 68'785.82 = 4.56375

72'075.15

10.         Selon l’art. 18 al. 1 LAA, si l’assuré est invalide à 10 % au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que cet accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite

Le degré d’invalidité du recourant s’élevant à 5 %, il n’a pas droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents.

Par voie de conséquence, le calcul du taux d’invalidité effectué par l’intimée est exact et c’est à juste titre que l’intimée a statué, sans attendre le résultat de la mesure de reclassement professionnel de l’assurance-invalidité, qui n’est pas de nature à péjorer la capacité de gain du recourant.

11.         En conclusion, le recours doit être rejeté, les conditions légales pour clôturer le cas d’assurance du recourant étant remplies au 29 octobre 2021 et le recourant n’ayant pas droit à une rente d’invalidité de la SUVA en lien avec l’accident survenu le 23 avril 2015.

12.         Pour le surplus, s’agissant des critiques de l’assuré relatives à l’absence de prise en compte de ses troubles lombaires, ils ne font pas l’objet de la présente procédure, mais de celle close par l’ATAS/1305/2021 du 16 décembre 2021 entrée en force. De même, en ce qui concerne le caractère inadéquat ou non des mesures de réadaptation prescrites par l’assurance-invalidité, il s’agit d’une question qui dépasse le cadre du présent litige opposant la SUVA et le recourant et ayant pour objet une rente d’invalidité de l’assurance-accidents.

13.         Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let fbis LPGA et art. 89H al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le