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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3949/2020

ATAS/713/2021 du 30.06.2021 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3949/2020 ATAS/713/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2021

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à BRUSON

Madame B______, domiciliée à GENÈVE

 

recourante


recourante

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. La société « C______ Sàrl » (ci-après : la société) a été affiliée en qualité d’employeuse auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la CCGC ou l’intimée) du 1er janvier 2017 au 31 mars 2018.

Selon le registre du commerce, la société a été inscrite le 2 juillet 2010 et son but était la sélection et le placement de personnel privé et la location de services de tous corps de métiers, référence faite aux statuts pour le but complet. La société a été déclarée en faillite le 12 mars 2018. La procédure de faillite a été clôturée par jugement du 10 janvier 2019 et la société a été radiée le 15 janvier 2019.

Madame A______ (ci-après : l’associée gérante présidente, l’intéressée ou la recourante) en a été associée gérante présidente avec signature individuelle dès le 28 mars 2014.

Madame B______ (ci-après l’associée gérante, l’intéressée ou la recourante) en a été associée gérante avec signature individuelle dès la même date.

b. Le 26 janvier 2018, la CCGC a adressé à la société une facture finale 2017 pour les cotisations salariales, pour un montant de CHF 91'512.04, dont elle déduisait notamment un paiement de CHF 6'000.- et un montant en poursuite de CHF 45'543.-, soit un solde dû de CHF 39'605.-.

c. Le 15 mai 2018, la CCGC a adressé à la société une facture finale du 1er janvier au 31 mars 2018 pour les cotisations salariales, pour un montant de CHF 19'177.65.

d. Par décisions du 25 mars 2019, la CCGC a demandé aux intéressées la réparation de son dommage en application de l’art. 52 LAVS, au motif qu’elles étaient associées gérantes de la société du 2 juillet 2010 au 12 mars 2018, date de sa faillite, et que la consultation de l’état de collocation publié le 21 août 2018 avait révélé que le dividende prévisible serait de 0% et que sa créance produite dans la faillite ne serait pas couverte. En conséquence, elle les priait de lui verser dans les 30 jours le montant de CHF 103'723.40, représentant les cotisations paritaires 2017 et 2018, y compris les frais et les intérêts moratoires. Il s’agissait des sommes dues et exigibles lorsqu’elles avaient pris leurs fonctions et échues au cours de leur mandat, dont elles étaient solidairement responsables.

B. a. Le 9 avril 2019, les intéressées ont formé opposition aux décisions précitées. Elles ne contestaient pas les montants réclamés, mais faisaient valoir que pendant la période considérée, la société avait connu énormément de soucis financiers à cause de mauvais payeurs. Deux des clients de la société, sans parler d’autres petites créances, ne s’étaient jamais acquittés des sommes dues à celle-ci et lui devaient plus de CHF 230'000.- de salaires avancés pour du personnel en mission temporaire chez des clients. En pratiquant la location de services, la société était tenue de payer les salaires des collaborateurs chaque mois par avance pour le client ainsi que toutes les charges sociales. Avec un tel trou financier, elle n’avait pas réussi à honorer ses factures, malgré plusieurs arrangements de paiement, et avait privilégié le paiement des salaires des collaborateurs qui n’y étaient pour rien. Les intéressées contestaient avoir mal agi, relevant qu’elles n’avaient même pas payé leur salaire.

N’ayant pas droit au chômage, les intéressées se trouvaient dans une situation pénible et inextricable. Des avocats avaient été mandatés pour essayer de récupérer l’argent. Le dénouement de ces démarches était très incertain, mais si elles devaient toucher quelque chose, la CCGC serait la première à en bénéficier. Elles étaient pour l’instant dans l’impossibilité de lui payer un quelconque montant.

L’associée gérante a précisé qu’elle serait à la retraite dès le 27 juin 2019 et qu’elle allait seulement toucher son AVS, n’ayant pas le droit à son 2ème pilier.

b. Par décisions sur opposition du 27 octobre 2020, la CCGC a rejeté les oppositions formées par les intéressées et maintenu ses décisions du 25 mars 2019. La qualité d’administratrice revêtue par les intéressées faisait incontestablement d’elles des organes de la société susceptibles d’endosser la responsabilité du dommage encouru par la CCGC. En cette qualité, il leur incombait de veiller personnellement au paiement des cotisations et contributions paritaires courantes et arriérées, en mettant en œuvre toute mesure ou vérification utile afin que la société soit à même de remplir ses obligations d’employeur. Or, les intéressées n’avaient pas cherché une éventuelle solution pour le paiement des charges sociales auprès de la CCGC. La problématique concernant les débiteurs de la société qui ne remplissaient pas leurs obligations de paiement n’avait aucune influence sur leur responsabilité. Le comportement passif des intéressées relevait d’une violation de leur obligation de diligence et de surveillance imposée par leur rôle d’administrateur et tombait indubitablement sous le coup de l’art. 52 LAVS.

C. a. Le 24 novembre 2020, les intéressées ont formé recours contre les décisions sur oppositions précitées auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Elles ne contestaient pas les montants réclamés mais souhaitaient que certains éléments incorrects soient rectifiés. Elles contestaient l’application de l’art. 52 al. 1 LAVS, car elles n’avaient ni intentionnellement ni par négligence grave causé un dommage à l’intimée. La société avait payé tous les collaborateurs et conclu plusieurs arrangements de paiement afin de pouvoir rattraper les retards dus aux déconvenues vécues. Tout avait été fait pour éviter de se retrouver dans une situation de faillite.

Les recourantes ont notamment produit :

-      un acte de défaut de biens après faillite de la société pour le salaire de mars 2018, préavis de congé et solde de vacances de l’associée gérante ;

-      des commandements de payer adressés par la société à un débiteur le 3 août 2015 pour des factures en lien avec la location de service pour les temporaires du 21 juillet 2015.

-      une requête en conciliation (art. 202 CPC) concluant à la condamnation d’Axiome Swiss International Sàrl à payer CHF 144'760.60 avec intérêt à 5% à l’associée gérante présidente, titulaire de l’entreprise individuelle C______ Sàrl et de prononcer la mainlevée définitive de l’opposition formée contre le commandement de payer notifié le 18 septembre 2014.

b. Le 13 janvier 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours. Le fait que les recourantes avaient privilégié le paiement des salaires au détriment de celui des cotisations paritaires n’excluait pas leur responsabilité pour le dommage causé, au sens de l’art. 52 LAVS. La société avait été affiliée à l’intimée le 1er janvier 2017 et pratiquement tous les acomptes pour les années 2017 et 2018 avaient dû fait l’objet de poursuites. L’intimée n’avait pratiquement reçu aucun versement et la société paraissait d’emblée non viable. La requête en conciliation du 24 novembre 2014 démontrait que l’associée gérante présidente avait déjà, avant l’affiliation en tant que Sàrl à l’intimée, de grosses difficultés dans la gestion des encaissements. La société ne semblait par conséquent pas pouvoir s’acquitter des créances de l’intimée dès son affiliation, car aucun changement dans la gestion n’avait été pratiqué pendant la période qui avait précédé l’affiliation précitée, ce qui constituait une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS. Ce n’était qu’après avoir requis les premières poursuites que l’intimée avait été contactée par la société pour obtenir des plans de paiement, qu’il n’était plus possible d’accorder à ce moment-là.

c. Lors d’une audience du 16 juin 2021 :

ca. Les parties ont indiqué à la chambre de céans qu’elles n’avaient pas d’objection à la jonction des procédures, qui a été ordonnée par la chambre de céans (A/3949/2020 et A/3950/2020 sous A/3949/2020).

cb. Les recourantes ont indiqué qu’elles ne discutaient pas le montant de la dette et qu’elles souhaitaient entrer en négociation sur le montant encore dû à la CCGC. Leurs moyens ne leur permettaient pas de le rembourser. Elles estimaient ne pas avoir fait de malversations. La société avait été taxée en fin d'année et il y avait eu un rattrapage qu'elles ne n’avaient pas pu anticiper. Elles avaient deux entités dont la société en cause, qui ne faisait que du placement temporaire. Actuellement, elles continuaient leurs activités avec l'autre société, qui ne faisait que du placement fixe, qui s'appellait D______. La société avait travaillé en tant que sous-traitante. Elle avait avancé de l'argent, payé les salaires et les charges sociales pour des sociétés qui n'avaient pas la licence pour faire de la délégation de personnel. Une de ses sociétés clientes avait un contrat avec le gouvernement du Rwanda pour construire un centre dans ce pays. Le gouvernement du Rwanda n'avait pas payé leur interlocuteur, qui avait perdu sa société. Elles avaient négocié avec lui et accepté d'avancer les salaires pendant trois mois. Avec quinze personnes, cela allait vite.

Elles s’étaient faites avoir par leurs clients, qui ne leur avaient pas payé ce qu'ils leur devaient. Elles se retrouvaient dans une situation difficile à cause d'eux et de la demande en réparation du dommage. Elles étaient fautives, mais elles étaient entourées de malhonnêtes. Elles avaient été surprises de se retrouver en faillite, car elles avaient payé tout ce qu'elles devaient, sous réserve de ce qui aurait dû être payé à la CCGC et à la TVA. Cette dernière avait refusé un arrangement de paiement et avait mis la société en faillite.

cc. Le représentant de l’intimée a déclaré qu’il y avait dû avoir une annonce de masse salariale pas conséquente. En cas de variation importante de la masse salariale, la société aurait dû l’avertir. Le gros de la demande en réparation concernait CHF 90'000.- de cotisations pour 2017. L’intimée ne pouvait pas entrer en négociation avant que les décisions en réparation du dommage soient entrées en force. Ce ne serait qu'au moment de l'encaissement qu’elle aurait une marge de manœuvre pour prendre en compte la situation des recourantes et trouver un arrangement éventuel. Un arrangement de paiement au stade de la réparation du dommage serait susceptible d'amener des inégalités de traitement. L’intimée pouvait en revanche convenir d'arrangements de paiement par la suite avec des montants faibles par mois de l'ordre de CHF 30.- par exemple, qui pouvaient être retenus sur la rente AVS. Même si le montant total dû par chaque recourante était de l'ordre de CHF 100'000.-, il pourrait être tenu compte, du point de vue matériel et à certaines conditions, du fait que c'était au final le montant de CHF 50'000.- pour chacune des recourantes qui était dû. Les montants de CHF 483.55 et CHF 110.35 devaient être déduits du montant réclamé par la CCGC, car les cotisations à l'assurance-maternité cantonale n’avaient plus à être payées.

EN DROIT

1.        1.1. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2. Selon l’art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l’art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l’employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l’employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

La société ayant été domiciliée dans le canton de Genève jusqu'au moment de sa faillite, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA; RO 2020 5137; FF 2018 1597; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjetés dans les formes et délai prévus par la loi, les recours sont recevables.

4.        Le litige porte sur la responsabilité des recourantes pour le dommage subi par l'intimée du fait du défaut de paiement des cotisations sociales pour les salaires versés par la société en 2017 et 2018.

5.        L'art. 14 al. 1er LAVS en corrélation avec les art. 34 et suivants RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions. L'obligation de payer les cotisations et de fournir les décomptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a).

Selon l'art. 52 al. 1 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance, est tenu à réparation. L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisations et de régler les comptes est une tâche de droit public prescrite par la loi. À cet égard, le Tribunal fédéral a déclaré, à réitérées reprises, que la responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS est liée au statut de droit public. L'employeur qui ne s'acquitte pas de cette tâche commet une violation des prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS, ce qui entraîne pour lui l'obligation de réparer entièrement le dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 193 consid. 2a et les références).

6.        À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de l’intimée est prescrite.

6.1. Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) entraînant la modification de l'art. 52 al. 3 LAVS. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c'est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d'espèce.

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a). Un dommage se produit en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2). En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, chaque acte judiciaire des parties suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 CO. Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l'opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

6.2. En l’espèce, l’intimée a eu connaissance de son dommage le 21 août 2018 à la suite de la publication de l’état de collocation qui a révélé que le dividende prévisible serait de 0%, de sorte que sa créance produite dans la faillite ne serait pas couverte. En demandant la réparation du dommage aux recourantes le 25 mars 2019, elle a agi dans le délai de prescription de deux ans. Le délai de prescription de deux ans a été à nouveau interrompu par les recours du 24 novembre 2020. Quant au délai de prescription de cinq ans, il n'est pas encore échu.

7.        L’action en réparation du dommage n’étant pas prescrite, il convient à présent d’examiner si les recourantes peuvent être considérées comme étant « l’employeur » tenu de verser les cotisations à l’intimée.

7.1. La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO. S’agissant d'une Sàrl, les gérants qui ont été formellement désignés en cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette fonction en fait, sont soumis à des obligations de contrôle et de surveillance étendues, dont le non-respect peut engager leur responsabilité (art. 827 CO en corrélation avec l'art. 754 CO). Ils répondent selon les mêmes principes que les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à une caisse de compensation ensuite du non-paiement de cotisations d'assurances sociales (ATF 126 V 237 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 252/01 du 14 mai 2002 consid. 3b et d, in VSI 2002 p. 176; arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 3.2). Ils ont l'obligation de se faire renseigner périodiquement sur la marche des affaires, ce qui inclut notamment la surveillance du paiement des cotisations sociales paritaires; ils sont tenus en corollaire de prendre les mesures appropriées lorsqu'ils ont connaissance ou auraient dû avoir connaissance d'irrégularités commises dans la gestion de la société (ATF 114 V 219 consid. 4a; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_152/2009 du 18 novembre 2009 consid. 6.1, in SVR 2010 AHV n° 4 p. 11).

7.2. En l’espèce, les recourantes avaient la qualité d’organe formel de la société en cause, à teneur du registre du commerce. Conformément aux dispositions précitées, elles doivent à ce titre répondre du dommage à titre subsidiaire.

8.        Il convient maintenant de déterminer si elles ont commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS.

8.1. L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

Commet notamment une faute grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Enfin, commet une faute au sens de l'art. 52 LAVS l'organe qui investit de manière répétée des fonds dans une entreprise sans faire en sorte qu'ils servent en priorité à payer les cotisations sociales en souffrance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 305/00 du 6 septembre 2001 consid. 4b).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). Commettent ainsi une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS les administrateurs d'une société qui se trouve dans une situation financière désastreuse, qui parent au plus pressé, en réglant les dettes les plus urgentes à l'exception des dettes de cotisations sociales, dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2; SVR 1996 AHV n°98 p. 299 consid. 3).

8.2. En l’espèce, les recourantes ont commis une négligence grave en payant les salaires de leurs employés, mais pas les cotisations sociales alors que la situation de la société ne permettait pas d’espérer qu’elles pourraient s’en acquitter dans un délai raisonnable.

9. 9.1. La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

9.2. Les manquements des recourantes relatifs au défaut de paiement des cotisations paritaires sont à l’évidence en rapport de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par l'intimée.

10. 10.1. Le dommage selon l'art. 52 LAVS comprend les cotisations impayées dues selon la LAVS, la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20; art. 66 LAI), la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG - RS 834.1 ; art. 21 al. 2 LAPG), la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA - RS 836.1 ; art. 25 al. LFA), la loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam - RS 836.2 ; art. 25 let. c LAFam), et la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0 ; art. 6 LACI).

Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d'employés ou ouvriers) dues par l'employeur, les contributions aux frais d'administration, les intérêts moratoires, les taxes de sommation et les frais de poursuite (Directives sur la perception des cotisations - DP, no 8016 et 8017). Les éventuelles amendes prononcées par la caisse de compensation ne font pas partie du dommage et doivent le cas échéant être déduites (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 142/03 du 19 août 2003 consid. 5.5).

Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu'il n'existait pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi genevoise instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption (LAMat - RSG J 5 07).

10.2. Les recourantes ne remettent pas en cause le montant réclamé par l’intimée. Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, il convient cependant de déduire de celui-ci, le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la LAMat.

11. Eu égard à ce qui précède, le recours est très partiellement admis, et la cause sera renvoyée à l'intimée pour nouveau calcul du dommage excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat, les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelles décisions.

12. Les recourantes obtenant très partiellement gain de cause et ayant agi en personne, il ne se justifie pas de leur octroyer des dépens (art. 61 let. g LPGA et art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

13. Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA, dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2020).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les admet très partiellement.

3.        Annule les décisions sur opposition du 27 octobre 2020 et renvoie les causes à l’intimée pour nouvelles décisions au sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l’art. 85 LTF, s’agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30’000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n’atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le