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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/50/2013

ATAS/706/2013 du 02.07.2013 ( LPP ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/50/2013 ATAS/706/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 juillet 2013

2ème Chambre

 

En la cause

Madame R__________, domiciliée à GENEVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître OBERSON Jean-Pierre

contre

Monsieur R__________, domicilié à GENEVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître RIGAMONTI Pietro

demanderesse

 

 

défendeur

et contre

CAISSE DE PREVOYANCE DU PERSONNEL ENSEIGNANT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES FONCTIONNAIRES DE L'ADM. DU CANTON DE GENEVE (CIA), sise boulevard de Saint-Georges 38, GENEVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître TROILLET MAXWELL Anne

appelée en cause


EN FAIT

1.        Madame R__________, née S__________ en 1958 (ci-après la demanderesse) et Monsieur R__________, né en 1953, (ci-après le défendeur) se sont mariés à Genève le 9 décembre 1983 et ont eus deux enfants, nés en 1985 et en 1986. Les époux étaient soumis au régime de la séparation de biens. L'épouse n'avait pas d'activité lucrative et l'époux travaillait en tant qu'enseignant.

2.        Les époux se sont séparés en septembre 1989. Le défendeur s'est mis en ménage avec sa compagne, mère d'un enfant, et le couple a eu un enfant, né en 1991.

3.        Le 29 novembre 1994, les époux R__________ ont conclu une convention de divorce portant sur le sort des enfants, les contributions d'entretien et le partage des leurs avoirs de prévoyance professionnelle constitués du 1er janvier 1984 au prononcé du divorce, et le Tribunal de première instance a été saisi sur cette base d'une demande de divorce le 24 janvier 1995.

4.        Par jugement du 9 mars 1995, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux R__________ et, homologuant l'accord conclu entre les parties, a attribué à la mère l'autorité parentale et la garde des deux enfants, réservé au père un large droit de visite, donné acte à M. R__________ de son engagement de verser par mois, au titre de contribution d'entretien pour chacun des enfants, outre les allocations familiales ou d'études éventuellement versées, 750 fr. jusqu'à 10 ans, 850 fr. jusqu'à 15 ans et 950 fr. jusqu'à 20 ans, voire au-delà en cas d'études et, en application de l'art. 152 CCS, de verser par mois 2'000 fr. à Mme R__________, étant précisé que la pension sera réduite proportionnellement lorsque celle-ci aura un revenu supérieur à 2'200 fr. net par mois. Finalement, le Tribunal a donné acte aux parties "de ce qu'elles ont convenu de partager leurs avoirs de prévoyance professionnelle constitués entre le 1er janvier 1984 et la date du prononcé du divorce, conformément aux nouvelles dispositions sur le libre-passage dans la prévoyance entrées en vigueur le 1er janvier 1995".

5.        Séparé de sa compagne depuis 1996 et astreint au paiement d'une contribution de 400 fr. pour l'entretien de son 3ème enfant, né en 1991, le défendeur s'est remis en ménage en 1997 ou 1998 avec une autre femme, mère de trois enfants.

6.        Le défendeur a unilatéralement réduit la contribution d'entretien de 3'500 fr, au total à 3'000 fr. dès janvier 1997, compte tenu du fait que la mère des enfants percevait désormais des allocations familiales et la demanderesse a agi en recouvrement de la contribution.

Par l'intermédiaire de leurs avocats, les ex-époux ont tenté de négocier le montant de la contribution d'entretien des enfants, s'opposant sur le fait de savoir si elle incluait ou pas les allocations familiales, la réduction de la contribution pour l'ex-épouse et le remboursement par le défendeur d'un prêt de 30'000 fr. consenti par le père de la demanderesse, sous la forme d'une avance d'hoirie faite à cette dernière. Finalement, s'agissant de la LPP, le défendeur disait ignorer le pourcentage auquel son ex-épouse prétendait et sa justification, tandis que la demanderesse affirmait que la proportion du partage était de 50% pour les deux prestations, par analogie avec l'art. 215 CC. Une ultime offre transactionnelle, frappée des réserves d'usage, a été faite par le demandeur en octobre 1997.

7.        Le 18 novembre 1997, Monsieur R__________ a saisi le Tribunal de première instance d'une demande en modification du jugement de divorce du 9 mars 1995 et a conclu à ce que la contribution d'entretien pour son ex-épouse soit supprimée et celle pour les deux premiers enfants réduite à 600 fr./mois.

8.        Par jugement du 8 septembre 1999, le Tribunal de première instance a débouté Monsieur R__________ de toutes ses conclusions. Il ressort du jugement que le défendeur, à l'époque du jugement de divorce, réalisait un salaire mensuel net de 6'800 fr., prime de fidélité non comprise et que, malgré les dettes auxquelles il devait faire face depuis 1990, il versait depuis 1993 une pension de 3'500 fr. à la demanderesse. Son revenu était resté sensiblement équivalent à celui qu'il percevait lors du jugement de divorce. Après couverture de son minimum vital, y compris l'entretien de son troisième enfant, le solde disponible s'élevait encore à 3'900 fr., de sorte que le défendeur pouvait faire face au versement des pensions alimentaires de 3'700 fr. en 2009, tout en jouissant d'un train de vie confortable avec sa compagne actuelle. Pour le surplus, il a été confirmé que la contribution pour les enfants avait été convenue allocations familiales en sus et qu'aucun accord contraire n'avait été conclu ultérieurement.

9.        La procédure initiée en 1997 n'a pas porté sur le partage des avoirs de prévoyance et aucune autre action n'a été intentée à cet effet devant le Tribunal de première instance par l'une des deux parties ultérieurement.

10.    Le défendeur s'est marié avec sa nouvelle compagne le 14 février 2003. Le couple s'est séparé en 2008 et est divorcé depuis le 28 mai 2010. Le défendeur a dû partager une partie de son avoir de prévoyance avec sa deuxième épouse et un montant de 56'000 fr. a alors été prélevé de son avoir (cf. PV de CP du 23 avril 2013).

11.    La défenderesse s'est remariée le 25 juin 2007 et se nomme désormais R__________.

12.    Le défendeur s'est remarié le 24 septembre 2010, avec sa nouvelle compagne et il a eu un 4ème enfant, né en 2010.

13.    Par pli du 7 décembre 2012, la CAISSE DE PREVOYANCE DU PERSONNEL ENSEIGNANT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES FONCTIONNAIRES DE L'ADMINISTRATION DU CANTON DE GENEVE (ci-après la CIA ou la caisse) a répondu à la demanderesse qu'elle ne pouvait donner suite à sa demande de renseignements concernant la prestation de sortie du défendeur et qu'elle ne pouvait agir que sur la base d'une notification du Tribunal de première instance, l'invitant à prendre contact avec celui-ci.

14.    La demanderesse a saisi le 7 janvier 2013 la Chambre des assurances sociales de la Cour de Justice d'une requête en exécution du partage des avoirs de prévoyance professionnelle constitués entre le 1er janvier 1984 et le 9 mars 1995 sur la base du jugement de divorce du 9 mars 1995, entré en force le 2 mai 1995.

15.    Selon l'attestation du 17 janvier 2013 de la CIA, l'avoir de prévoyance déjà accumulé par le défendeur au 31 décembre 1983 (19'640 fr.10) augmenté des intérêts courus jusqu'au divorce (31 mai 1995) s'élève à 30'733 fr. 20. La prestation de sortie du 31 décembre 1983 au 31 mai 1995 se monte à 131'930 fr. 30. La caisse a confirmé le caractère réalisable du partage sous réserve que son assuré ne soit pas mis avant le divorce au bénéfice d'une rente d'invalidité de l'assurance-invalidité ou d'une rente de retraite de la caisse.

16.    Tout en réservant la question de sa compétence, la Cour de céans a informé les parties que, dans le cadre d'un accord transactionnel, elle pouvait rendre un arrêt prévoyant que la CIA transfère, par prélèvement du compte du défendeur, la somme de 50'598 fr. 55 (130'930 fr. 30 – 30'733 fr. 20 ./. 2) ainsi que les intérêts compensatoires, sur le compte de libre passage de la demanderesse auprès de SWISSLIFE.

17.    Le délai fixé au défendeur au 19 février 2013 a été prolongé au 15 mars 2013 à la demande de son conseil, puis au 5 avril 2013 à la demande de son nouvel avocat. Le défendeur a déposé sa réponse le 4 avril 2013. Il conclut à l'irrecevabilité de la demande subsidiairement à son rejet. Le jugement de divorce ne prévoyant pas de clés de répartition du montant des avoirs de libre-passage, seul le Tribunal de première instance est compétent pour déterminer cette quotité, par une action en complément de divorce, de sorte que la demande doit être déclarée irrecevable pour défaut de compétence à raison de la matière de la Cour. De plus, la demande de partage est prescrite, le délai de prescription étant de 10 ans selon l'art. 41 al. 2 LPP. Sur le fond, la contribution d'entretien élevée avait été fixée pour tenir compte du fait qu'il n'y aurait pas de partage des avoirs LPP, sur la base d'un accord conclu entre les parties. D'ailleurs, la demanderesse avait déjà déposé une action auprès du Tribunal de première instance, pour obtenir ce partage, mais avait été déboutée en raison du montant élevé de la contribution d'entretien et du remboursement du prêt de 30'000 fr. Finalement, le défendeur a déposé une demande de retraite anticipée dès le 1er septembre 2013, acceptée par le Département de l'instruction publique, de sorte que le partage n'est plus réalisable.

18.    La demanderesse a persisté dans sa demande le 17 avril 2013. Elle n'a jamais agi pour obtenir le partage des avoirs de prévoyance professionnelle et elle a attendu jusqu'en janvier 2013, croyant à tort que le partage serait effectué automatiquement à l'âge de la retraite. Après lui avoir suggéré de s'adresser au Tribunal de première instance, la CIA avait indiqué qu'une demande devait être déposée auprès de la Chambre des assurances sociales. La clé de répartition des avoirs est de 50%, par analogie avec l'art. 215 CC, ce qui n'a jamais été contesté par son ex-époux, lequel avait conditionné le partage de son avoir - réduit à un montant discrétionnaire de 32'000 fr. - à l'abandon de toute prétention à une contribution d'entretien. Aucune des parties n'ayant quitté son institution de prévoyance, le droit à la prestation de libre-passage n'est pas prescrit. Finalement, c'est à tort que le défendeur tente encore une fois de remettre en cause le fond du jugement de divorce, dès lors que tant la convention que le jugement ont prévu une contribution d'entretien et le partage des avoirs LPP. Le défendeur n'a pas remboursé le solde du prêt de 30'000 fr. soit 26'000 fr. selon la reconnaissance de dette de 1994 mais, de guerre lasse, elle a renoncé au recouvrement de cette créance, désormais prescrite, mais qui reste une dette.

19.    Lors de l'audience du 23 avril 2013, la Cour a tenté de concilier les parties, en vain, le défendeur refusant tout partage de son avoir de prévoyance. Il estime avoir suffisamment contribué à l'entretien de son ex-épouse et il a encore deux enfants à charge. Il prend une retraite anticipée, avec un pont AVS (PLEND) fin août 2013 et n'entend pas réduire sa rente de retraite qui s'élèvera à 7'340 fr., d'un montant qu'il évalue à 700 fr. La demanderesse confirme qu'elle n'a jamais agi en partage et que son ex-époux n'a remboursé ni le solde du prêt de 26'000 fr. ni les arriérés de contribution d'entretien de plus 30'000 fr.

20.    Par ordonnance du 25 avril 2013, la Cour de céans a appelé en cause la caisse, fixé un délai pour conclure à toutes les parties au 4 juin 2013, la cause étant alors gardée à juger.

21.    La Caisse conclut le 3 juin 2013 à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement s'en rapporte à justice quant au fond. La Chambre des assurances sociales n'est pas compétente à raison de la matière, seul le juge du divorce ayant celle de fixer la proportion du partage. Il n'est pas clairement établi que les parties avaient convenu de partager par moitié leurs avoirs de prévoyance. D'ailleurs, ce n'est qu'avec le nouveau droit du divorce, entré en vigueur le 1er janvier 2000 et l'adoption des art. 122 et ss CC que le partage par moitié de la prévoyance professionnelle est devenu la règle et qu'il a lieu de manière indépendante, sans être rattaché ni au règlement du régime matrimonial, ni au droit à une contribution d'entretien. Au moment du jugement de divorce, le principe du partage par moitié avait été expressément écarté dans le cadre des travaux parlementaires relatifs à l'adoption de la LFLP le 1er janvier 1995. Sur le fond, la caisse s'en rapporte à justice, tout en relevant qu'une décision doit être rendue rapidement, car le défendeur a annoncé une demande de PLEND dès le 1er septembre 2013, de sorte qu'il sollicitera prochainement le versement de prestations de retraite auprès de la CIA et qu'il convient que la situation juridique soit clarifiée au plus vite afin que la caisse puisse déterminer les éventuelles prestations de retraite et éviter que la rente de retraite, dont le versement aurait débuté, ne doive être adaptée rétroactivement à la baisse.

22.    La demanderesse dépose le 3 juin 2013 une demande de mesures provisionnelles et des conclusions au fond. Si le défendeur est mis au bénéfice d'une rente de prévoyance dès le 31 août 2013, son capital de prévoyance ne sera plus partageable et elle subirait un dommage irréparable, raison pour laquelle elle sollicite, à titre conservatoire, que la Cour ordonne à la CIA la distraction d'une somme de 50'598 fr. 55 avec intérêts compensatoires au taux légal, à prélever sur le capital de prévoyance du défendeur jusqu'à droit jugé. Le jugement de divorce n'a pas précisé la proportion du partage, car il s'agissait d'une évidence, le partage par moitié étant déjà prévu en 1995 et un partage différent relevant de l'exception. Ainsi, la Chambre des assurances sociales est compétente puisque la proportion du partage est établie. De plus, la décision que prendra la Cour ne créé pas un droit nouveau qui aurait pu être atteint par la prescription, mais il s'agit d'une simple mesure d'exécution qui, sous réserve d'une impossibilité matérielle, peut être ordonnée en tout temps. Principalement donc, la demanderesse conclut à ce que la Cour ordonne à la CIA de transférer, du compte du défendeur, une somme de 50'598 fr. 55, avec intérêts compensatoires au taux légal, sur son compte de libre-passage auprès de SWISSLIFE, avec suite de frais et de dépens.

23.    Le 4 juin 2013, le défendeur persiste dans ses conclusions. Les parties n'ont nullement convenu d'un partage à hauteur de 50%. Outre la prescription de la demande, celle-ci est formée contrairement aux règles de la bonne foi, la demanderesse tentant par tous les moyens de récupérer une part de la prévoyance professionnelle de son ex-époux plus de 18 ans après le prononcé du divorce, étant précisé que la défenderesse a d'importantes expectatives successorales qui pourront lui servir de prévoyance professionnelle, son père disposant d'une fortune estimée à plusieurs millions de francs qui lui reviendront, pour partie, au décès de ce dernier.

24.    Les parties ont été informées que la cause serait gardée à juger sur la demande de mesures provisionnelles et sur le fond le 17 juin 2013. Elles ont aussi été invitées à produire les pièces et procès-verbaux concernant la procédure de divorce et les pourparlers qui ont précédés.

25.    La caisse s'en rapporte à justice le 14 juin 2013 s'agissant de la demande de mesures provisionnelles et persiste dans ses conclusions d'irrecevabilité à défaut de compétence à raison de la matière de la chambre des assurances sociales.

26.    Le défendeur persiste le 14 juin 2013 dans ses conclusions d'irrecevabilité de la demande à défaut de compétence de la chambre des assurances sociales, subsidiairement à la prescription de la créance et précise que la Cour ne peut ordonner de mesures provisionnelles que si elle est compétente sur le fond. Il ajoute que ni lui, ni son mandataire de l'époque n'ont conservé des pièces d'une procédure datant d'il y a 18 ans.

27.    La cause a été gardée à juger le 19 juin 2013.

EN DROIT

1.        Le litige porte sur l'exécution du partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés du 1er janvier 1984 au 2 mai 1995, singulièrement sur la compétence de la Cour de céans, sur la proportion du partage et sur la prescription de l'action.

2.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ; RSG E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO ; RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP ; RS 831.40]; art. 142 du Code civil [CC ; RS 210]).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est litigieuse, le défendeur et l'appelée en cause estimant que la proportion doit être fixée par le juge du divorce et il faut en premier lieu examiner cette question.

La demande est par contre introduite dans les formes prévues par l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative (LPA ; E 5 10) et elle est, à ce titre, recevable.

3.        Les dispositions légales en vigueur au 1er janvier 1995 étaient les suivantes:

3.1. Les art. 151 et 152 CC déjà en vigueur en 1995, prévoyaient le versement d'une indemnité équitable par le conjoint coupable à l'époux innocent dont les intérêts pécuniaires, même éventuels, étaient compromis par le divorce (art. 151 aCC) ou une pension alimentaire pour l'époux innocent dans le dénuement, même si l'autre conjoint n'avait pas donné lieu au divorce (art. 152 aCC).

3.2. La loi fédérale sur le libre passage du 17 décembre 1993 (LFLP; RS 831.42) est entrée en vigueur le 1er janvier 1995. L'art. 22 avait alors la teneur suivante: "En cas de divorce, le tribunal peut décider qu'une partie de la prestation de libre passage sera transférée à l'institution de prévoyance de l'autre conjoint et imputée sur les prétentions de divorce destinées à garantir la prévoyance (al. 1). Le tribunal notifie d'office à l'institution de prévoyance le montant à transférer (…) (al. 2)".

3.3. Les travaux préparatoires indiquent que le nouveau droit du divorce devra régler la situation cette situation intenable du conjoint qui se retrouve ensuite avec une prévoyance insuffisante. Ils précisent que "l'avant-projet d'un nouveau droit du divorce prévoit que les prestations de sortie acquises pendant la durée du mariage seront en principe partagées en deux. Cet avant-projet sera soumis à la procédure de consultation au printemps 1992. Toutefois, il faudra probablement attendre plusieurs années avant que le nouveau droit n'entre en vigueur. Il est donc nécessaire de régler la question par le biais de la LFLP". Dans l'immédiat et dans le cadre de la LFLP, le message dit que: " la cession de la prestation de sortie n'est autorisée que dans la mesure où la prétention de divorce vise à garantir la prévoyance. Il ne peut être porté atteinte à la contribution d'entretien courante puisque la partie cédée de la prestation de sortie reste par principe liée. Que le transfert de la prestation de sortie soit décidé par un tribunal ou prévu dans une convention ne joue à cet égard aucun rôle" et finalement : "Le tribunal, qui lors du jugement de divorce, a pu prendre connaissance de l'état patrimonial des époux, doit décider du montant qui doit être soustrait de la prévoyance d'un des époux et transféré à l'autre époux" (Message du Conseil fédéral du 26 février 1992, FF 1992, page 596).

3.4. Avant le 1er janvier 1995, le Tribunal fédéral jugeait que la perte de prévoyance subie du fait du divorce était comprise dans les intérêts pécuniaires - perte d'entretien ou, exceptionnellement, d'une expectative - dont un époux pouvait demander la compensation en vertu de l'art. 151 al. 1 CC (ATF 116 II 101).

La jurisprudence rendue ensuite indique en particulier : Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi sur le libre passage le 1er janvier 1995, le juge octroyait une rente dont le montant était non seulement destiné à couvrir la perte du droit à l'entretien ou le dénuement, mais aussi à combler les lacunes de la prévoyance. Dorénavant, cette compensation peut aussi se faire par le transfert d'une part de la prestation de sortie, acquise par l'un des époux, de son institution de prévoyance à celle de l'autre, selon l'art. 22 al. 1 LFLP, qui ne fonde pas une nouvelle prétention découlant de la perte de prévoyance, mais instaure une nouvelle modalité de règlement de la créance, à laquelle le juge doit recourir en usant de son pouvoir d'appréciation, notamment lorsque l'allocation d'une rente n'entre pas en considération en raison des capacités financières réduites des époux (ATF 121 III 297 consid. 4).

Lorsque le conjoint n'a droit à aucune contribution fondée sur les art. 151 ou 152 CC, il ne peut prétendre au transfert d'une part de la prestation de sortie acquise par son époux selon l'art. 22 LFLP (ATF 124 III 52, consid. 2b).

3.5. La doctrine rappelle qu'il s'agissait d'une solution transitoire qui n'était pas totalement satisfaisante, car au vu du droit du divorce encore en vigueur, le droit au partage était inévitablement rattaché à l'indemnisation post-divorce. Elle a toutefois permis de parvenir à un partage dans bon nombre de cas dès 1995 (GEISER/SENTI, in Commentaire LPP et LFLP, 2010, ad art 22 LFLP, no 3).

3.6. Dans un arrêt de début 2000 concernant un jugement de divorce rendu le 1er février 1999 (arrêt non publié du 14 mars 2000; 5C.251/1999), soit avant l'entrée en vigueur du nouveau droit du divorce au 1er janvier 2000, le Tribunal fédéral a estimé que l'art. 22 LFLP devait être interprété dans l'optique du nouveau droit du divorce entré en vigueur dès le 1er janvier 2000, qui prévoit le partage par moitié des prestations de sortie acquises pendant le mariage. Tel devait particulièrement être le cas lorsque l'épouse n'avait pas exercé d'activité lucrative durant l'union pour se consacrer au ménage et à l'éducation des enfants, et était ainsi censée avoir besoin d'un important transfert de prévoyance selon l'art. 22 LFLP. L'étendue de la créance de prévoyance était aussi influencée par le nombre d'années qui séparait le créancier de sa retraite. Celui situé au milieu de sa carrière de prévoyance pouvait prétendre à une assistance à la constitution d'une prévoyance propre (cf. Marta TRIGO TRINDADE, in SJ 1995 p. 441 ss, 451/452, 466; cf. aussi: Laura JACQUEMOUD-ROSSARI, in SJ 1995 p. 485, 487/488).

4.        Les dispositions légales en vigueur dès le 1er janvier 2000 sont les suivantes:

4.1. Le droit du divorce a été modifié le 26 juin 1998 et les nouvelles dispositions du CC sont entrées en vigueur le 1er janvier 2000. Selon l'art. 122 al. 1 CC, lorsque l'un des époux au moins est affilié à une institution de prévoyance professionnelle et qu'aucun cas de prévoyance n'est survenu, chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint calculée pendant la durée du mariage. Lorsque les deux conjoints ont des créances réciproques, seule la différence entre ces deux créances est partagée. L'art. 142 CC, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, prévoyait qu'"en l'absence de convention, le juge fixe la proportion dans lesquelles les prestations de sortie doivent être partagées". La disposition a été remplacée par l'art. 281 CPC dès le 1er janvier 2011.

4.2. La nouvelle teneur de l'art. 22 LFLP en vigueur dès le 1er janvier 2000 est la suivante : "En cas de divorce, les prestations de sortie acquises durant le mariage sont partagées conformément aux art. 122, 123, 141 et 142 CC".

L'art. 25a LFLP, également entré en vigueur le 1er janvier 2000, règle la procédure. En cas de désaccord des conjoints sur la prestation de sortie à partager en cas de divorce (art. 122 et 123 CC), le juge du lieu du divorce compétent au sens de l'art. 73 al. 1 LPP doit, après que l'affaire lui a été transmise (art. 142 CC), exécuter d'office le partage sur la base de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce (al. 1).

4.3. Le Tribunal fédéral confirme qu'il résulte du système prévu par le législateur à l'art. 142 CC en relation avec l'art. 122 al. 1 CC et l'art. 25a LFLP que si le juge du divorce est seul compétent pour fixer les proportions dans lesquelles les prestations de sortie des conjoints doivent être partagées, il appartient au juge des assurances sociales d'établir les prétentions dont peuvent se prévaloir ceux-ci à l'encontre des institutions de prévoyance (cf. par exemple arrêt non publié du 13 novembre 2007; B 98/06).

4.4. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral depuis l'adoption du nouveau droit du divorce, le partage des prestations de sortie a pour but de compenser la perte de prévoyance et doit permettre au conjoint d'effectuer un rachat auprès de sa propre institution de prévoyance. Il tend également à promouvoir son indépendance économique après le divorce. Il s'ensuit que chaque époux a normalement un droit inconditionnel à la moitié des expectatives de prévoyance constituées pendant le mariage (ATF 129 III 577 consid. 4.2.1; ATF 135 III 153). Le principe du partage par moitié de l'art 122 CC ne souffre que de rares exceptions désormais. D'après l'art. 123 al. 2 CC, le droit au partage par moitié peut toutefois être refusé s'il s'avère manifestement inéquitable pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après le divorce. Seules des circonstances économiques postérieures au divorce peuvent justifier le refus du partage. Il n'est ainsi pas possible de tenir compte du fait que l'époux n'a pas exercé ou n'a exercé une activité lucrative qu'à temps partiel pendant le mariage, puisque le partage par moitié des prestations de sortie a précisément pour but de rétablir l'égalité entre les conjoints (ATF 129 III 577 consid. 4.3). En revanche, il est possible de refuser le partage lorsque le montant qui devrait être transféré à l'autre conjoint au titre du partage des avoirs de prévoyance professionnelle ne dépasse pas la perte de prévoyance future encourue par le conjoint contraint de réduire son temps de travail ou de maintenir un taux d'occupation réduit en raison de la garde des enfants dont il a la charge et que cette perte future n'a de surcroît pas été compensée par l'octroi d'une contribution au sens de l'art. 125 al. 1 CC (ATF 129 III 577 consid. 4.3 et 4.4 non publié aux ATF mais publié in: FamPra.ch 2003 p. 904; arrêt non publié du 5 avril 2012; 5A_796/2011).

Le partage des prestations de sortie peut être refusé, en tout ou en partie, s'il est manifestement inéquitable selon l'art. 123 al. 2 CC ou s'il consacre un abus de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC. Il n'y a aucune place pour d'autres motifs de refus (136 III 449 consid. 4).

Le droit à la compensation de la prévoyance est inconditionnel et indépendant de la preuve d'une perte de prévoyance liée au mariage et de la répartition des tâches durant le mariage. Une fortune considérable et la sécurité financière ne rendent pas à elles seules le partage des prestations manifestement inéquitable (136 III 455 consid. 2-4).

Les proportions du partage doit être impérativement fixées dans la procédure de divorce (ATF 132 V 337). En l'absence de convention (ou lorsque les parties n'ont pas produit une attestation des institutions de prévoyance concernées confirmant le caractère réalisable de cet accord; ATF 132 V 337 consid. 1.1 p. 340), le juge du lieu du divorce compétent fixe les proportions dans lesquelles les prestations de sortie doivent être partagées, puis transfère la cause au juge compétent en vertu de l'art. 73 al. 1 LPP (art. 142 al. 1 et 2 aCC en corrélation avec l'art. 25a al. 1 LFLP) qui est lié par la clé de répartition prévue dans le jugement de divorce et doit uniquement exécuter le partage (ATF 132 III 401 consid. 2.2 p. 404; 132 V 337 consid. 2.2 p. 341).

5.        L'interprétation d'une convention sur les effets accessoires d'un divorce lorsque la commune et réelle intention des parties ne peut être établie ou lorsque l'expression de la volonté des parties paraît diverger, ou lorsqu'une partie n'a pas compris la volonté manifestée par l'autre, entre dans les compétences du juge qui, comme en matière d'interprétation des contrats (cf. ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 424 sv.; 129 III 664 consid. 3.1 p. 667), doit s'efforcer de déterminer selon le principe de la confiance le sens objectif que l'on peut donner aux déclarations sujettes à interprétation, c’est-à-dire quel sens les parties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs manifestations de volonté réciproques (principe de la confiance), c'est-à-dire rechercher leur volonté objective (cf. ATF 135 III 401 consid. 3.2 p. 412 sv. et les références). Il s'agit d'une question de droit (ATF 132 III 24 consid. 4; 129 III 118 consid. 2.5). Pour la trancher, il faut se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté concernée et sur les circonstances dans lesquelles elle est intervenue, points qui relèvent du fait (ATF 135 III 295 consid. 5.2; 132 III 24 consid. 4; 131 III 606 consid. 4.1; 130 III 417 consid. 3.2).

6.        a) L'art. 41 LPP, dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2004, avait la teneur suivante :1. Les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 du code des obligations sont applicables. 2. L'al. 1 s'applique aussi aux actions fondées sur les contrats conclus entre institutions de prévoyance et institutions d'assurance soumises à la surveillance des assurances. Depuis le 1er janvier 2005, l'art. 41 LPP règle la prescription du droit aux prestations de la manière suivante :1. Le droit aux prestations ne se prescrit pas pour autant que les assurés n'aient pas quitté l'institution de prévoyance lors de la survenance du cas d'assurance. 2. Les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 du code des obligations sont applicables.

Lorsque, comme en l'occurrence, la loi ne contient pas de disposition transitoire en ce qui concerne le régime de prescription applicable, la jurisprudence et la doctrine considèrent que la nouvelle réglementation est applicable aux prétentions relevant de l'ancien droit, si celles-ci, bien que nées et exigibles avant l'entrée en vigueur du nouveau droit, ne sont pas encore prescrites ou périmées à ce moment-là (ATF 111 II 193, 107 Ib 203 s. consid. 7b/aa, 102 V 207 consid. 2; Arrêt du 2 février 2006 B 124/04 et les références de doctrine citées).

b) En matière de prévoyance professionnelle, l'art. 41 al. 2 LPP renvoie explicitement aux art. 129 à 142 du Code des obligations. Cette réglementation est impérative et s'applique à toutes les créances fondées sur la LPP, notamment aussi aux rapports juridiques avec des institutions de droit public (message du Conseil fédéral à l'appui d'un projet de loi sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 19 décembre 1975, FF 1976 I 251; voir aussi ATF 132 V 165 consid. 4.4.3 et ATF 128 V 241 consid. 3b où le Tribunal fédéral des assurances se réfère explicitement aux actes interruptifs de prescription au sens de l'art. 135 CO; cf. également arrêt A. du 10 février 2004, [B 87/00]). En raison de ce renvoi pur et simple aux dispositions du code des obligations et dès lors que l'énumération contenue à l'art. 135 ch. 2 CO est exhaustive, il n'y a pas de place en l'espèce pour une réglementation plus large en matière d'interruption de la prescription du fait du créancier.

c) La prescription court dès que la créance est exigible (art. 130 CO). Ainsi, l'obligation doit être susceptible de réalisation et la prescription court à partir du moment de l'exigibilité de la créance. Ce n'est en effet qu'à partir de ce moment que le créancier peut agir contre son débiteur (Pierre ENGEL, Le droit des obligations, 4ème édition, 2009, page 320).

Dans le cadre de l'examen de l'exigibilité de la rente d'invalidité due à l'intimé est en lien avec la survenance de l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de l'invalidité au sens de l'art. 23 LPP, le Tribunal fédéral a rappelé les principes applicables (ATF 126 V 258, consid. 3a). D'une manière générale, est exigible, dans le langage juridique, ce qui peut être aussitôt exigé, ce qui est dû sans terme ni condition. Il en est ainsi d'une créance ou d'une dette dont le paiement peut être immédiatement réclamé, au besoin en justice, sans attendre l'échéance d'un terme ou l'avènement d'une condition (ATF 119 III 21 consid. 3c et les références). Dans le domaine de la prévoyance professionnelle, on distingue entre l'exigibilité d'une prestation qui se situe lors de la naissance du droit à cette prestation selon les dispositions légales et réglementaires qui lui sont applicables et l'exécution de la créance en prestations qui peut être demandée dès que la créance en prestations futures n'est plus une simple expectative mais peut être effectivement réalisée (ATF 117 V 308 consid. 2c; cf. aussi ATF 124 V 276).

d) Le nouveau droit de la LPP a introduit le principe de l'imprescriptibilité du droit à une prestation de vieillesse, survivants ou invalidité et ne s'applique qu'aux assurés qui n'ont pas quitté l'institution de prévoyance au moment où se réalise le cas d'assurance. Ce principe ne concerne donc que les assurés qui arrivent à l'âge de la retraite, deviennent invalides ou meurent alors qu'ils sont encore affiliés à l'institution en question. Les prestations périodiques restent soumises au délai de prescription de 5 ans, de sorte que chaque arrérage de rente se prescrit par 5 ans. La prescription décennale court indépendamment de la connaissance par l'assuré de son droit à la rente. Au nombre des autres créances qui se prescrivent par 10 ans se trouvent les prestations en capital (PETREMAND, LPP et LFLP, 2010, ad. art 41, no 6 à 13).

Par contre, les prestations de libre passage ne constituent pas des prestations au sens technique de l'assurance, de sorte que le droit à une prestation de libre passage n'est soumis à aucune prescription aussi longtemps qu'il existe une obligation de maintenir la protection de prévoyance. La prestation de sortie et la prestation de libre passage ne sont pas comparables aux autres prestations assurées qui deviennent exigibles avec la réalisation de l'évènement assuré (vieillesse, invalidité ou décès), mais créent la base de financement des prestations assurées qui surgiront dans le futur. Le droit à ces prestations ne peut donc pas se prescrire car sinon la base financière des prestations futures s'écroulerait (ATF 127 V 315, consid. 3a et 6a). L'arrêt précité concerne le cas d'un assuré qui a quitté son employeur et sollicité de sa caisse de pension le versement de sa prestation de sortie en espèce, afin de s'établir comme indépendant, ce que la caisse a refusé, au motif qu'il n'était pas affilié à ce titre à une caisse de prévoyance. L'institution de prévoyance a conservé la prestation de sortie alors qu'elle aurait dû la verser sur un compte de libre passage. Plus de 10 ans plus tard, l'assuré réclame le transfert de cette prestation et c'est dans ce cadre que le Tribunal fédéral estime que ce droit à la prestation de sortie n'est pas soumis à prescription. La doctrine confirme que le droit au libre passage n'est donc soumis à aucune prescription aussi longtemps qu'il existe une obligation de maintenir la protection de prévoyance PETREMAND, op cit, no 14).

Finalement, l'exception de prescription doit être expressément soulevée et ne peut pas être examinée d'office par le juge (ATF 129 V 237; 134 V 223).

7.        a) S'agissant de l'exécution du partage, le conjoint bénéficiaire n'a pas droit au versement en espèce, mais obtient une prestation de sortie au sens de la loi sur le libre passage. Cette prestation de libre passage est soumise aux mêmes principes que la prestation de libre passage obtenue en cas de changement d'emploi (GEISER/SENTI, op. cit. ad art 22, no 32). Lors du partage, la prestation de libre passage doit prioritairement être versée à l'institution de prévoyance du conjoint bénéficiaire subsidiairement sur un compte de libre passage. Il est exclu de retourner la somme au conjoint "débiteur" au motif que le domicile ou le lieu de séjour du conjoint bénéficiaire est inconnu (STAUFFER, Berufliche Vorsorge, 2012, no 1442).

b) Une fois que le cas de prévoyance est survenu, un partage n'est techniquement plus possible, dès lors que cette circonstance a pour effet de supprimer toute prétention à une prestation de sortie. Dans ce cas, comme dans celui de l'impossibilité de procéder au partage, seule une indemnité équitable peut être fixée (ATF 130 III 297 consid. 3.3.1 p. 300, 129 V 444 consid. 5.1 p. 446 et les références; RSAS 2004 p. 572, B 19/03, consid. 5.1). C'est la date de l'entrée en force du jugement de divorce qui est déterminant pour décider si le partage des prestations de sortie est possible conformément à l'art. 122 CC (ATF 132 III 401) ou si à cette date le cas de prévoyance vieillesse est survenu (ATF 133 V 288).

c) Aux termes de l'art. 8a al. 1 OLP, lors du partage de la prestation de sortie suite au divorce, conformément à l'art. 22 LFLP, le taux d'intérêt applicable aux prestations de sortie et de libre passage acquises au moment de la conclusion du mariage et aux versements uniques dus au moment du divorce correspond au taux minimal fixé à l'art. 12 OPP 2, applicable durant cette période.

8.        En l'espèce, les époux ont conclu une convention de divorce fin novembre 1994 qui a été entièrement ratifiée par le jugement de divorce du 9 mars 1995, dont les considérants précisent que l'accord trouvé par les parties tient équitablement compte des besoins et des ressources, des droits et des devoirs de chacun, de sorte que le juge l'a simplement homologuée. La convention et le jugement donnent acte aux parties de leur accord de partager leurs avoirs de prévoyance professionnelle constitués entre le 1er janvier 1984 et le prononcé du divorce conformément aux dispositions de la LFLP entrées en vigueur le 1er janvier 1995.

Il est exact que ce n'est que dès le 1er janvier 2000 que le principe du partage par moitié des prestations a été inscrit dans la loi. Jusque-là, le juge du divorce devait fixer le principe et la proportion du partage en fonction du montant et de la durée de la contribution d'entretien allouée selon l'art. 151 ou l'art. 152 CC, notamment si celle-ci ne permettait pas de compenser le préjudice concernant la perte d'expectatives découlant des assurances sociales. S'il s'agissait d'une hypothèse contentieuse, les considérants du jugement expliqueraient dans le détail la fixation de la contribution et, ensuite, les motifs du partage et surtout, la proportion nécessaire pour combler la lacune de prévoyance de l'époux concerné. Si, contre toute attente, le jugement avait alors omis de préciser la part des avoirs à transférer, seul le juge du divorce serait compétent pour compléter le jugement sur ce point. Telle n'est pas la situation en l'espèce, puisque le juge n'a pas eu à trancher des positions antagonistes concernant les effets accessoires du divorce, ni à fixer la proportion du partage en fonction de la contribution d'entretien, les parties lui ayant soumis un accord complet.

Il convient donc de déterminer s'il est possible d'établir quelle était la réelle et commune volonté objective des parties au moment de la signature de la convention, et non pas de faire examiner par le juge du divorce quelle proportion de partage il aurait fixée en 1995. En conséquence, le Cour de céans est compétente pour procéder à cette interprétation de la convention et, partant, pour trancher le litige. Cette solution est d'ailleurs conforme au nouveau droit, dès lors que la loi et la jurisprudence exigent que le juge du divorce fixe la proportion du partage, en l'absence de convention (art. 142 a CC et 281 CPC), et que, dans cette hypothèse, le juge des assurances sociales est lié par celle-ci. La Cour appliquera donc la proportion du partage qui a été convenue entre les parties et qui aurait été celle que le juge du divorce aurait précisée dans son jugement s'il n'avait pas omis de le faire.

9.        a) Il est établi que les parties n'ont pas précisé la proportion du partage dans la convention. Les procédures ne sont archivées que durant 15 ans, de sorte qu'il n'est pas possible d'obtenir du juge du divorce une copie du procès- verbal de l'audience et les parties n'ont pas conservé ces pièces, semble-t-il. Il ressort toutefois clairement de la lettre de la convention que les parties n'entendaient pas réserver la fixation de cette proportion à une date ultérieure, ce qui serait au demeurant en contradiction avec cet accord formant un tout.

b) Lors de la signature de la convention, la LFLP était adoptée depuis un an et le message du Conseil fédéral – annonçant déjà le principe du partage par moitié dans le cadre du nouveau droit du divorce - était connu depuis plus de deux ans. Les avocats pratiquant fréquemment le droit du divorce et des assurances sociales, à l'instar des conseils des parties lors du divorce, savaient donc que le principe du partage par moitié était imminent. Telle a été la pratique des parties et du Tribunal de première instance dès le 1er janvier 1995, en cas de procédure de divorce d'accord. Il est donc établi au degré de la vraisemblance prépondérante que le principe du partage par moitié était d'ores et déjà admis et largement pratiqué à Genève dès 1995.

c) Chaque époux – et son conseil - connaissait la situation financière détaillée de son conjoint, et c'est sur cette base qu'un accord complet a été conclu. L'ensemble des effets accessoires du divorce est réglé par jugement, soit contribution d'entretien pour les enfants, y compris après 18 ans, pension alimentaire pour l'épouse et réduction au gré de l'augmentation des revenus de celle-ci. Au surplus, la dette entre époux a fait l'objet d'une reconnaissance de dette signée le même jour que la convention de divorce et le régime matrimonial étant celui de la séparation de biens, il n'était pas litigieux. Le défendeur ne prétend pas qu'il ignorait alors les expectatives successorales de son épouse, avec laquelle il avait été marié 12 ans. Ainsi, si ces expectatives successorales avaient été un motif de déroger au principe du partage par moitié, les parties auraient expressément mentionné une proportion du partage différente.

d) Corolairement, la situation de la demanderesse au moment du divorce était typiquement celle de l'épouse pouvant prétendre au transfert de la moitié de l'avoir de prévoyance de son époux : elle n'avait pas travaillé, ni cotisé durant le mariage, elle était âgée de 36 ans et envisageait de travailler à temps partiel plusieurs années encore pour s'occuper d'enfants encore jeunes.

d) Le fait que, en 1997, le nouveau conseil du défendeur ait affirmé que la proportion du partage était inconnue, dans le cadre d'un conflit et peu avant l'ouverture d'une procédure contentieuse, n'est pas déterminant s'agissant d'établir la volonté objective des parties en 1994, ce d'autant que le nouveau conseil de la demanderesse en 1997 affirme, comme étant une évidence et bien que la disposition légale citée ne soit pas pertinente, que la proportion de 50%-50% avait été précisée "dans la procédure".

La situation actuelle du défendeur, qui a dû partager une partie de son avoir avec sa seconde épouse et s'est remarié, tout en ayant encore un très jeune enfant à charge, n'est pas déterminante non plus, dès lors que ces éléments n'entraient pas en ligne de compte lors de la conclusion de l'accord en 1994.

e) L'ensemble de ces circonstances permet à la Cour de céans de retenir que le sens objectif de la convention voulue par les parties était de partager les avoirs de prévoyance des époux par moitié, par une application anticipée du nouveau droit du divorce, à l'instar de ce qu'a retenu le Tribunal fédéral dans le cas d'un divorce prononcé en 1999. C'est ainsi la proportion prévue par la convention que la Cour doit appliquer à l'occasion de l'exécution du partage. Ce faisant, elle ne se substitue pas au juge du divorce, qui en aurait décidé de même s'il avait été saisi par les parties d'une demande de complément de jugement de divorce avant la création du Tribunal des assurances, afin de déterminer la somme que l'institution doit transférer. La Cour étant compétente, la demande est recevable.

Ainsi, la prestation à transférer du compte de défendeur à celui de la demanderesse s'élève, y compris les intérêts courus du 3 mai 1995 au 30 juin 2013, à 87'272 fr.

10.    Le défendeur n'expose pas en quoi l'exécution d'une convention ratifiée par un juge serait contraire aux règles de la bonne foi, la question du délai relevant exclusivement de la prescription ou de la péremption. Les explications de la demanderesse, qui croyait que le partage se faisait automatiquement lors de la retraite, comme c'est d'ailleurs le cas de l'AVS, ne sont pas invraisemblables et cette idée a été entretenue par l'absence de demande reconventionnelle de son nouveau conseil lors de la procédure initiée par le défendeur en 1997.

11.    a) Finalement, l'exception de prescription a été soulevée par le défendeur dans son mémoire de réponse. La créance de la demanderesse ne concerne pas une prestation périodique et elle était donc au minimum de 10 ans en 1995, sous l'empire de l'art. 41 LPP. Le jugement de divorce était au plus tôt exécutable le 2 mai 1995. En tous les cas, lors de l'entrée en vigueur du nouvel art. 41 LPP le 1er janvier 2005, la créance n'était pas prescrite et elle l'aurait été, au plus tôt, le 2 mai 2005, de sorte qu'elle est soumise au nouveau droit.

b) L'imprescriptibilité des actions prévues par l'art. 41 LPP dans sa teneur dès le 1er janvier 2005 ne concerne que le droit d'un assuré aux prestations de vieillesse, d'invalidité ou de survivant à l'encontre de sa propre institution de prévoyance et n'est pas applicable au cas d'espèce.

c) Contrairement à ce que soutient la demanderesse, celle-ci dispose d'une créance à l'encontre de la caisse et il ne s'agit pas seulement "d'exécuter" une créance. Pour autant que ce soit le sens de ce terme, tel serait le cas si le jugement de divorce avait été notifié à la caisse. Dans le cas d'espèce, la créance était exigible le 2 mai 1995, car la demanderesse pouvait alors, au besoin au moyen d'un complément de jugement de divorce, chiffrant la créance et notifié par le tribunal de première instance à la caisse, obtenir le transfert de la part de prestation de libre passage à laquelle elle avait droit.

Dans l'hypothèse où, à défaut d'obtenir les coordonnées de l'institution de prévoyance de la demanderesse ou de domicile connu de celle-ci, la caisse n'avait pas exécuté le jugement notifié et conservé la somme due, au lieu de la transférer sur un compte de libre passage, alors se poserait la question de savoir si le droit à cette part de la prestation du défendeur n'est soumise à aucun délai de prescription, par analogie avec l'ATF 127 V 315. Tel n'étant pas le cas, cette question pourra rester ouverte.

Aussi, la créance de la demanderesse est soumise au délai de prescription de 10 ans et était donc prescrite le 3 mai 2005, la demanderesse n'ayant pas interrompu la prescription par un acte de poursuite ou une action judiciaire.

d) Finalement, la prescription est une exception que le juge ne saurait écarter au motif que l'issue de la procédure paraît injuste ou inéquitable. Encore faut-il que le fait d'invoquer la prescription constitue clairement un abus de droit, ce qui n'est pas le cas, le défendeur n'a pas usé de manœuvres déloyales pour dissuader la demanderesse d'agir ou l'induire en erreur et il appartenait donc à celle-ci, conseillée par un mandataire en 1995 et en 1997, de déposer une demande de complément du jugement de divorce devant le Tribunal de première instance, alors seul compétent.

12.    Le demande de mesures provisionnelles est dès lors sans objet, étant précisé que, malgré la retraite anticipée prise par le défendeur au 31 août 2013, le partage et le transfert de la part de la prestation par la caisse à la demanderesse resterait exécutable, dès lors qu'au moment du jugement de divorce, aucun cas de prévoyance n'était intervenu.

13.    Ainsi, la créance de la demanderesse est prescrite à l'égard de l'institution de prévoyance de son ex-époux, de sorte que la demande est rejetée. Au surplus, aucun émolument ne sera perçu, la procédure étant gratuite (art. 73 al. 2 LPP et 89H al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985) et il ne sera pas alloué de dépens.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        La rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Compense les dépens.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Sabina MASCOTTO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le