Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4934/2017

ATAS/678/2019 du 30.07.2019 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4934/2017 ATAS/678/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d'expertise

du 30 juillet 2019

3ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à Veyrier, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Emilie CONTI MOREL

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        En juin 2015, Madame A______ (ci-après : l'assurée), née le ______ 1963, divorcée, mère de trois enfants, exerçant depuis 1990 la profession d'enseignante en rythmique et musique à l'école primaire à un taux de 60,7%, a fait l'objet d'un signalement pour détection précoce auprès de l'Office cantonal de l'assurance-invalidité (OAI).

2.        Entendue par un collaborateur de l'OAI, le 18 août 2015, l'assurée a indiqué être en incapacité de travail depuis le 10 juin 2014, après des absences de courtes durées s'étant égrainées entre janvier et juin 2014.

Elle s'est plainte de douleurs aux mains l'empêchant de jouer du piano, de douleurs aux pieds et au dos l'entravant dans son activité de rythmique et a indiqué souffrir, au plan psychique, d'un épisode dépressif et d'un trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité (TDAH).

L'assurée a relaté avoir été l'objet de pressions psychologiques de la part de la directrice de son établissement depuis 2008-2009 et s'être trouvée en situation de stress et de doutes constante. Elle a ajouté avoir, à la rentrée 2013, envisagé une augmentation de son taux d'activité, ses enfants étant désormais grands, et avoir verbalisé et explicité ce souhait en décembre 2013 lorsque la directrice avait demandé aux enseignants leurs voeux pour l'année scolaire suivante. Au lieu de cela, en juin 2014, elle a été affectée à un autre établissement, à son taux habituel, ce qu'elle a très mal vécu.

Elle a ajouté avoir été reçue, le 12 juillet 2017, par les ressources humaines et le service de santé de l'état, qui ont estimé qu'au vu de son état physique et psychique, aucune reprise ne pouvait être envisagée.

3.        En août 2015, une demande formelle de prestations - remplie en juin - a été déposée, dans laquelle l'assurée a invoqué un « burn-out » et des problèmes articulaires touchant ses mains, ses pieds, son dos et ses cervicales.

L'instruction du dossier par l'OAI a permis de recueillir, notamment, les éléments suivants :

-          un rapport du docteur B______, spécialiste FMH en radiologie, du 17 novembre 2011, constatant, à l'imagerie par résonance magnétique (IRM) cervicale réalisée après une cure de hernie discale cervicale, un status post-opératoire en C5-C6 sans anomalie significative, des phénomènes disco-dégénératifs adjacents sous forme de discopathies C4-C5 avec éléments de hernie discale sans réel conflit, mais entrant en contact avec la moelle, une uncarthrose n'entraînant pas de rétrécissement significatif des neuroforamen et, au niveau C6-C7, une discopathie avec débord discal circonférentiel latéralisé à droite entrant en contact avec la racine sous-jacente et entraînant un rétrécissement neuro-foraminal non significatif ;

-          un courrier rédigé le 27 avril 2015 par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie (maladies vasculaires), consulté pour des douleurs dans les jambes, disant avoir constaté à l'examen des membres symétriques, une discrète cyanose périphérique bilatérale, quelques varicosités diffuses non systématisées, des axes veineux superficiels et profonds fonctionnant tout à fait normalement à l'échographie et des flux artériels symétriques au niveau fémoral et du poplité ;

-          un rapport docteur D______, radiologue, du 9 mai 2015, concluant à l'absence d'anomalie évolutive significative au niveau du rachis cervical en comparaison à des imageries par résonnance magnétique (IRM) effectuées en 2011 et 2015, à un status post-opératoire normal et à une discrète majoration de la discarthrose C6-C7; aucune contrainte radiculaire significative n'était objectivée ; au niveau du rachis lombaire, étaient notées des discopathies dégénératives étagées et globalement peu ou pas évolutives par rapport aux bilans effectués en 2011 et 2014 ;

-          un rapport du docteur E______, spécialiste FMH en médecine nucléaire, du 31 mai 2015, concluant à l'absence d'hyperfixation significative au niveau du rachis lombaire et à l'absence d'anomalie pouvant faire suspecter la présence d'une lyse isthmique L5 ;

-          un rapport de la doctoresse F______, spécialiste FMH en neurologie, du 11 août 2015 qui, après une électroneuromyographie (ENMG) des membres supérieurs, a relaté que l'assurée se plaignait de dysesthésie douloureuse de la main droite prédominant dans les trois premiers doigts, d'une lourdeur des bras et de cervicalgies chroniques ; l'interprétation des résultats de l'ENMG était délicate, compte tenu d'un status après opération des deux nerfs médians de longue date ; les anomalies constatées pouvaient évoquer un ralentissement post-opératoire, mais prédominaient du côté gauche, symptomatique, ce qui ne permettait pas d'exclure une récidive du syndrome du tunnel carpien ; quant à la symptomatologie douloureuse du membre supérieur gauche, elle pouvait être d'origine multifactorielle (tendinite, ténosynovite, irritation au niveau cervical) ; en revanche, aucune atteinte radiculaire déficitaire dans les myotomes C5-D1 n'avait été constatée ;

-          un rapport du Dr D______ du 31 août 2015, constatant l'absence de signes dégénératifs ou inflammatoires évolutifs sur les articulations coxofémorales après examens du bassin et des hanches ;

-          un rapport du docteur G______, spécialiste FMH en médecine générale et médecin traitant de l'assurée, du 21 septembre 2015, retenant comme diagnostics : une affection psychiatrique - pour laquelle il renvoyait au psychiatre traitant -, une discopathie lombaire étagée sans image de hernie discale mais avec d'importantes douleurs intermittentes, une cervico-brachialgie gauche sur discopathie C6-C7 avec contact radiculaire, des douleurs du membre supérieur gauche d'origine multifactorielle (tendinite, ténosynovite), un pouce à ressaut à gauche et des douleurs de l'avant-pied droit sur névralgie de Morton ; le médecin précisait que sa patiente souffrait d'une affection psychiatrique depuis son adolescence, diagnostiquée comme un trouble de l'attention de l'adulte se manifestant par une logorrhée et un contact difficile avec toutes les personnes entrant en relation avec elle ; à cette affection psychiatrique s'ajoutaient de multiples atteintes somatiques se caractérisant par des douleurs dont l'intensité était ressentie de manière plus importante en raison de l'affection psychiatrique ; le médecin émettait l'avis que sa patiente était incapable de fonctionner de manière adéquate dans le monde professionnel actuel et soulignait ses importantes difficultés à gérer son quotidien à la maison ; la symptomatologie douloureuse diffuse dont elle souffrait aux niveaux de la nuque, du dos, du bassin, des membres inférieurs et des mains rendait difficile l'exercice de sa profession de professeur de rythmique et/ou de piano ;

-          un bref courrier rédigé le 22 septembre 2015 par le docteur H______, spécialiste FMH en chirurgie de la main, indiquant que l'examen pratiqué par le Dr F______ montrait des valeurs tout à fait typiques d'un status après opération et ne témoignaient pas d'une récidive, les amplitudes étant bien conservées du côté gauche ; le médecin émettait l'avis que, de manière générale, la situation sociale, professionnelle et familiale de la patiente était en première ligne dans la symptomatologie, qualifiée d'à la fois bruyante et anodine, fortement subjective de troubles somatoformes ;

-          un rapport d'évaluation psychiatrique rendu le 30 septembre 2015 par le docteur  I______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, à la demande du docteur M______, médecin associé en santé du travail ; ce rapport se basait sur deux entretiens réalisés en septembre 2015 et le dossier médical de l'assuré ; de l'anamnèse, il ressortait que l'assurée avait découvert en 2004 que ses difficultés chroniques (distractibilité et inattention, agitation psychique incessante et désordonnée, difficultés à canaliser sa pensée, impulsivité, problèmes relationnels, etc.) relevaient d'un TDAH ; elle avait alors pris un traitement qu'elle avait dû augmenter en 2009, époque où la symptomatologie s'était aggravée dans un contexte de problèmes de santé physiques ; l'intéressée disait souffrir d'un état dépressif depuis septembre 2013 et était suivie par un psychiatre traitant ; le Dr I______ s'est fait l'écho des plaintes de l'intéressée, avant de relater ses observations objectives : il a constaté que la symptomatologie dépressive s'était atténuée au fil des mois et qu'elle n'était plus désormais que légère, avec une anxiété marquée ; selon lui, l'assurée était trop fragile pour reprendre son métier d'enseignante en milieu scolaire : ses ressources psychiques étaient durablement amoindries et elle n'était plus en état de supporter les pressions psychologiques et charges inhérentes à une telle activité ; le Dr I______ préconisait dès lors un bilan de compétences et une réorientation professionnelle dans une activité devant prendre en compte les limitations (risque de désorganisation en situation de stress, déficit attentionnel et difficultés à maintenir sa concentration dans la durée, fragilité affective et instabilité émotionnelle, etc.) ;

-          un bref préavis rédigé le 21 octobre 2015 par le Dr M______, indiquant que l'état de santé de l'assurée ne permettait plus une reprise de son métier d'enseignante en milieu scolaire et que, sauf avis contraire, cette inaptitude était définitive ;

-          l'avis émis le 19 novembre 2015 par le Service médical régional de l'OAI (SMR) retenant que, d'un point de vue somatique, l'assurée souffrait de cervicobrachialgies gauches en lien avec une discopathie C6-C7 sans conflit radiculaire et avec une arthrose cervicale étagée stable depuis 2011 ; qu'elle avait été opérée d'une hernie discale C5-C6 en 2005 sans complication ; qu'il existait également des douleurs lombaires sur une discopathie dégénérative L5-S1 traitée conservativement, mais aussi des douleurs des membres supérieurs avec, du côté gauche, des signes de ténosynovite du poignet et d'épicondylite du coude associés à un pouce à ressaut opéré en février 2015 et, à droite, une épicondylite du coude et un pouce à ressaut opéré en juin 2015 ; que la pathologie des pouces avait évolué favorablement des deux côtés, mais que les douleurs aux coudes avaient persisté ; que l'assurée se plaignait également de douleurs aux membres inférieurs en lien avec des névromes de Morton des deux côtés et de douleurs à la cheville gauche en rapport avec un kyste arthrosynovial ; que d'un point de vue psychiatrique, l'assurée souffrait d'un TDAH évoluant depuis 2004 ; le médecin du SMR a émis l'avis que l'exigibilité d'une activité adaptée devait être évaluée en tenant compte des limitations fonctionnelles psychiques bien détaillées dans l'expertise du Dr I______ (difficultés dans les interactions avec l'entourage, désorganisation psychique en situation de stress, déficit attentionnel, difficultés à maintenir la concentration sur la durée, fragilité affective avec instabilité émotionnelle) ; les limitations somatiques, elles, n'avaient en revanche été que peu détaillées par le médecin traitant ; qui plus est, certaines atteintes somatiques étaient encore susceptibles d'évoluer, notamment au niveau des coudes, raisons pour lesquelles le SMR a préconisé de réinterroger le médecin traitant pour lui demander d'expliciter les limitations fonctionnelles en lien avec toutes les atteintes rhumatologiques ;

-          la réponse du Dr G______ du 27 novembre 2015, qualifiant l'état de sa patiente de stationnaire, la décrivant comme désorganisée dans toutes ses activités et totalement incapable d'être efficace dans toutes les activités quotidiennes ; le médecin traitant a évalué la capacité de travail de sa patiente en tant qu'enseignante à 0% et s'est déclaré incapable de se prononcer sur l'exigibilité dans une autre activité adaptée, suggérant sur ce point une évaluation par l'OAI ; sa patiente demeurait totalement dispersée, hyperactive, inefficace dans toutes les activités quotidiennes, y compris son ménage, avec un discours peu informatif, des passages du coq à l'âne et une véritable logorrhée ; s'y ajoutaient des douleurs multiples, probablement de nature somatoforme, mais occasionnant de très importantes et réelles souffrances ; ces troubles somatiques aigus étaient clairement influencés par la problématique psychiatrique ; en effet, les examens complémentaires réalisés les derniers mois montraient des troubles dégénératifs légers à modérés n'expliquant pas l'intensité des douleurs conduisant à une quasi paralysie ;

-          un rapport émis le 3 décembre 2015 par le docteur N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et psychiatre traitant de l'assurée, attestant d'une totale incapacité de travail, que ce soit dans l'activité habituelle ou dans une activité adaptée depuis septembre 2013 s'agissant de cet épisode ; le psychiatre a retenu à titre de diagnostics : un trouble dépressif récurrent épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques, une perturbation sévère de l'activité et de l'attention évoluant depuis l'enfance et une fibromyalgie ; il a expliqué que, sur le plan psychique, il observait un déficit attentionnel, une incapacité à maintenir le focus d'attention de façon durable, une distractibilité importante, une instabilité émotionnelle, des réactions et décisions impulsives, une désorganisation de base s'accentuant en situation de stress, une difficulté à établir et maintenir des priorités, une capacité de mémorisation réduite en situation de stress, une incapacité à synchroniser ses activités pour atteindre un but précis en un temps donné, une incapacité globale à faire face aux obligations et aux exigences de la vie quotidienne ; selon lui, la rareté des éléments anamnestiques était le reflet de l'importance des troubles de sa patiente ; le diagnostic de TDAH avait été posé en 2000 ; il avait pris la succession d'un confrère qui, lui, avait suivi l'assurée depuis le début de l'épisode dépressif, apparu en 2011 ; l'assurée suivait une thérapie cognitive et comportementale renforcée par un traitement psychotrope qui avait été progressivement augmenté et ajusté ; le médecin disait avoir observé une amélioration sur le plan de l'humeur correspondant désormais à une dépression légère, ajoutant qu'il existait toujours une hypersensibilité et une instabilité émotionnelle, ainsi qu'une hyperactivité, globalement mieux canalisée ; l'attention était plus soutenue ; le trouble sévère de l'attention avec hyperactivité évoluait depuis l'enfance et continuait à influencer la vie de la patiente sur les plans affectif, familial et professionnel ; au plan professionnel, l'assuré avait pu mettre en place, au prix d'efforts importants, des stratégies qui lui avaient permis de s'adapter jusqu'au moment où le niveau d'exigence et de tolérance de son employeur était devenu incompatible avec ses propres ressources ; des difficultés relationnelles avec certains collègues et sa directrice avaient contribué à lui faire perdre confiance en elle-même et à l'apparition d'un état dépressif sévère ; le traitement avait permis d'atténuer la symptomatologie dépressive, qui ne correspondait plus désormais qu'à une dépression légère, mais restait associée à une forte anxiété ; le traitement de Méthylphénidate rendait la patiente moins impulsive, moins dispersée, moins agitée, mais elle n'était désormais plus en mesure de faire face aux exigences liées à son poste et ce, de façon durable ; une capacité de travail serait en revanche envisageable dans un environnement peu exigeant sur le plan administratif et organisationnel, avec des activités en petits groupes de quelques élèves, des horaires de travail fractionnés et une place significative pour l'intuition, l'improvisation et la créativité ; la situation était compliquée par la résurgence de douleurs musculaires tendineuses et articulaires ; une évaluation détaillée des restrictions physiques paraissait indispensable ;

-          le rapport d'expertise bi-disciplinaire, rhumatologique et psychiatrique rendu les 12 et 23 mai 2017 par les docteurs docteur O______, spécialiste FMH en rhumatologie et médecine interne, et P______, spécialiste FMH en psychiatrie ; le Dr O______, après s'être livré à une anamnèse, s'être fait le relais des plaintes de l'assurée, avoir décrit son quotidien et la situation socio-familiale, professionnelle et assécurologique, a indiqué quels étaient ses constats objectifs; il a noté la présence d'un syndrome cervicobrachial et lombo-vertébral, sans signes radiculaires irritatifs ou déficitaires ; l'examen des différents groupes articulaires a été qualifié de rassurant, sans signe de synovite ou de ténosynovite, et avec des amplitudes articulaires conservées ; au niveau des épaules, il n'y avait pas de signe de conflit ou de tendinopathie et l'examen des genoux n'a mis en évidence aucun problème méniscal ou tendineux ; d'un point de vue paraclinique, le bilan radiologique a mis en évidence un status post pose d'une cage C5-C6 stable et une discopathie L5-S1 connue depuis 2011 et ne s'étant pas péjorée depuis lors ; l'ultrasonographie des épaules s'est révélée dans la norme, sans signe de rupture ou de tendinopathie, ni collection liquidienne intra-articulaire ; l'expert a considéré que la diminution des capacités fonctionnelles dues à la santé résidait essentiellement dans le vécu douloureux chronique ; il n'y avait pas de signe inflammatoire ; l'expert a retenu les limitations fonctionnelles suivantes : pas de port répétitif de charges de plus de 5 kg en porte-à-faux avec long bras de levier et limitation des positions debout ou assise statiques à une heure ; ont été mentionnés comme motifs d'exclusion : la présence de douleurs poly et péri-articulaires imputables à un syndrome fibromyalgiforme diminuant le seuil de déclenchement à la douleur correspondant à 80% de la symptomatologie douloureuse ; les ressources personnelles de l'assurée étaient limitées par le TDAH s'exacerbant au moindre stress ; d'un point de vue rhumatologique, une certaine discordance était relevée entre les plaintes de l'assurée et l'impotence fonctionnelle décrite dans les activités de la vie quotidienne et professionnelle, d'une part, et les examens cliniques et paracliniques, d'autre part ; selon l'expert, c'étaient essentiellement les douleurs, facteur subjectif - imputables à une diminution du seuil de tolérance à la douleur, cristallisées et exacerbées dans le contexte d'un TDAH - qui entraînaient l'impotence fonctionnelle ; la coopération de l'assurée au cours des thérapies a été qualifiée de bonne ; aucune contre-indication à des mesures de réadaptation n'a été relevée ; l'assurée disposait d'une intelligence plus que normale et maîtrisait plusieurs langues, ainsi que la musique, ce qui constituaient des facteurs de bon pronostic ; les répercussions médico-théoriques ont été évaluées à 20% au niveau professionnel, 20% au niveau ménager, 10% dans les loisirs et 10% dans les activités sociales ; l'activité habituelle a été jugée exigible à 80% d'un point de vue purement rhumatologique, la réduction de 20% étant motivée par le fait que l'assurée devait parfois porter des charges en porte-à-faux ; d'un point de vue bi-disciplinaire, en tenant compte également de l'aspect psychiatrique, la capacité de travail dans l'activité habituelle a été évaluée à 80% ; en effet, l'expert psychiatre a considéré pour sa part que s'il y avait eu, en 2014, décompensation de la personnalité borderline avec incapacité de travail, depuis début 2015, grâce à la prise en charge psychiatrique et médicamenteuse, l'assurée avait récupéré une pleine capacité dans l'activité exercée jusqu'alors ; la capacité de travail dans une activité adaptée a été évaluée à 100%, que ce soit d'un point de vue purement rhumatologique ou d'un point de vue bi-disciplinaire ; dans son rapport, le Dr P______ a noté une attention légèrement altérée, mais sans signe d'une maladie psychiatrique au sens strict de la CIM-10 ; l'expert a fondé son évaluation un entretien avec l'assurée, un questionnaire adressé au psychiatre traitant et un examen neuropsychologique effectué par Madame Q______, ainsi que le dossier de l'AI ; l'évaluation neuropsychologique montrait une légère perturbation de l'attention avec des déficits modérés de l'inhibition de la flexibilité et de l'organisation, ainsi que des difficultés de compréhension pour les propos nécessitant des facultés métacognitives complexes, traits qui suggérant la présence d'un TDAH ; la neuropsychologue avait signalé que les troubles cognitivo-comportementaux en lien avec le fonctionnement psychique de l'assurée faisaient penser à un probable fonctionnement de type psychotique, ce que l'expert a dit n'avoir pu objectiver durant l'entretien ; il a en revanche noté des traits de personnalité émotionnellement labile de type impulsif se caractérisant par une instabilité émotionnelle et un manque de contrôle des impulsions, ainsi que des capacités anticipatoires très réduites ; l'expert a expliqué que, du point de vue clinique, il était souvent difficile de distinguer une personnalité émotionnellement labile d'un TDAH mais il a relevé que l'assurée présentait ce type de traits depuis son enfance et que cela ne l'avait pas empêchée de travailler ; les limitations fonctionnelles étaient liées à un déficit de l'attention et à l'impulsivité de l'assurée mais ces traits avaient toujours été présents et ne devaient pas l'empêcher d'exercer une activité professionnelle ; n'étaient finalement retenus par l'expert à titre de diagnostics que des traits de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif et un TDAH ; au point de vue psychiatrique, il n'y avait aucune contre-indication à des mesures de réadaptation ; l'expert a indiqué s'écarter des limitations fonctionnelles retenues par le psychiatre traitant et le Dr I______ en expliquant que, s'il pouvait concevoir qu'en 2014, il y avait eu décompensation de la personnalité émotionnellement labile, l'assurée avait, depuis qu'elle prenait la Fluctine et le Méthylphénidate, retrouvé une stabilité induisant une capacité de travail ; qui plus est, il n'avait pu objectiver les limitations fonctionnelles évoquées par le psychiatre de l'assurée durant l'entretien et, selon la description des activités quotidiennes décrites par l'intéressée, cette dernière pouvait mener une vie pratiquement normale ; l'expert a répété que les traits de personnalité borderline et le TDAH étaient présents depuis l'enfance et l'adolescence et n'avaient pas empêché l'assurée de travailler - hormis la décompensation de 2014 de laquelle elle avait bien récupéré grâce au traitement psychiatrique et à la prise de médicaments ; l'assurée, intelligente, disposait de ressources personnelles, notamment au niveau de la création, qu'elle avait toujours mises en pratique, raison pour laquelle l'expert l'a jugée apte à exercer à 100% depuis 2015, que ce soit son activité habituelle ou une activité adaptée ;

-          la réponse rédigée le 24 juin 2017 par le Dr N______, indiquant que les diagnostics désormais retenus étaient ceux de trouble dépressif récurrent épisode léger et de déficit de l'attention avec hyperactivité ; selon le psychiatre traitant, le déficit attentionnel renforçait la symptomatologie anxieuse et dépressive et entravait la modulation des réponses émotionnelles ; le moindre stress se traduisait par une agitation psychomotrice peu maîtrisable, une logorrhée, une capacité réduite à contenir son hyperémotivité et son impulsivité et une nette tendance à la dispersion et à la désorganisation ; sur le plan professionnel, une reprise de l'activité d'enseignante dans l'instruction publique n'était pas envisageable, sa patiente n'étant en mesure d'en assumer ni la charge psychologique, ni la charge administrative.

-          l'avis émis par le SMR le 27 juin 2017, se rangeant aux conclusions des experts et retenant une capacité de travail de 80% dans toute activité en raison de la symptomatologie douloureuse chronique.

4.        Le 24 juillet 2017, l'OAI a adressé à l'assurée un projet de décision dont il ressortait qu'il se proposait de lui nier le droit à toute prestation.

L'OAI a expliqué renoncer à la mise sur pied d'une enquête au domicile de l'assurée s'agissant de la sphère ménagère au vu de la capacité de 80% retenue et du taux consacré aux travaux habituels (39,3%).

Il a conclu à un degré d'invalidité de 0% (0% de 61,7% dans la sphère professionnelle = 0% + 0% de 39,3% = 0%).

L'OAI a constaté que la demande de prestations ayant été déposée le 19 août 2015, une rente ne pourrait être versée qu'à compter du 1er février 2016, date à laquelle l'assurée avait recouvré une pleine capacité de travail.

5.        Le 9 août 2017, l'assurée a contesté ce projet par téléphone.

6.        Le 14 septembre 2017, l'OAI a rendu une décision formelle aux termes de laquelle il a nié à l'assurée le droit à toute prestation.

7.        Le même jour, l'assurée a contesté formellement le projet de décision par écrit par le biais d'un mandataire.

Dans son opposition au projet, l'assurée a contesté en premier lieu le taux d'activité retenu par l'OAI (à savoir 60,7%), en alléguant avoir, avant son arrêt de travail émis le souhait auprès de son employeur d'augmenter son taux d'activité à 100%. Elle l'avait d'ailleurs mentionné à l'OAI lors de l'entretien pour la détection précoce. En effet, sa situation financière est modeste, elle est divorcée et mère de trois enfants ; dès lors, quand le Département de l'instruction publique (DIP) a indiqué aux professeurs de musique qu'ils avaient la possibilité d'augmenter leur taux d'activité, elle a répondu par l'affirmative, d'autant plus que ses enfants étaient devenus autonomes (22, 19 et 13 ans). Le DIP n'a pas accédé à sa demande et son nombre d'heures d'enseignement est demeuré inchangé. Elle a été affectée à un nouvel établissement scolaire, ce qui a conduit à l'incapacité de travail. Elle en tire la conclusion que si elle avait été en bonne santé, elle aurait travaillé à plein temps comme elle en a émis le souhait en 2013 - 2014. D'ailleurs, même lorsqu'elle travaillait au DIP à temps partiel, elle avait régulièrement des activités accessoires lui permettant de compléter ses revenus (cours de piano, centre aéré durant les vacances scolaires, chorale, etc.). Elle en tire la conclusion que la part professionnelle devrait quoi qu'il en soit être supérieure aux 60,7% retenus, qui ne correspondent qu'à son taux d'activité auprès du DIP.

L'assurée a également contesté les conclusions des experts, qu'elle considère en contradiction flagrante avec les autres éléments médicaux au dossier. Selon elle, c'est de manière totalement arbitraire que le Dr P______ a mis fin à son incapacité de travail début 2015, sans préciser, d'ailleurs, à partir de quel mois exactement elle aurait recouvré cette capacité de travail.

A l'appui de sa position, l'assurée a notamment produit des fiches de salaires établies par l'ensemble vocal de AA______ (AB______) de CHF 1'601.05 d'avril à juin 2016, de CHF 899.85 pour septembre et octobre 2016, de CHF 704,37 pour novembre et décembre 2016 et de CHF 754.27 pour janvier et février 2017.

8.        Le 18 septembre 2017, l'OAI a sollicité de la recourante la production de tous ses contrats de travail et certificats, d'une attestation fiscale pour les années 2012 à 2016, des éventuels justificatifs prouvant son souhait d'augmenter son taux d'activité au sein du DIP, des éventuelles recherches d'activités lucratives, etc.

9.        Par pli du 29 septembre 2017, l'OAI lui a en outre expliqué que sa décision du 14 septembre 2017 s'était croisée avec son courrier d'opposition, qu'il ne maintenait pas la décision en question et qu'une nouvelle décision sujette à recours serait rendue plus tard.

10.    Le 5 octobre 2017, l'assurée a produit, notamment :

-          un courrier adressé le 9 février 2000 à la direction de l'enseignement primaire indiquant qu'elle souhaiterait augmenter son taux d'activité à 65% ;

-          ses voeux pour la rentrée scolaire 2002, émis le 10 janvier 2002, indiquant qu'elle souhaiterait une augmentation de son taux d'activité de 15h (sur 26h) à 18h (sur 26h) ;

-          un document intitulé « historique des contrats » indiquant que son taux d'activité s'était élevé à 69,2% entre 2002 et 2006, date à laquelle il avait diminué à 57,7% avant de revenir à 60,7% en 2014 ;

-          un document intitulé " notes prises en séance du 6 septembre 2017, tenue au bureau de Monsieur R______, responsable RH, en présence de Monsieur S______, du syndicat de la SPG", dans lequel l'intéressée rappelle que, durant l'automne 2013, sachant que la possibilité serait donnée aux enseignants d'augmenter leur taux d'activité, elle a transmis des voeux en ce sens, confirmés à Pâques 2014.

L'assurée a rappelé qu'elle vit avec ses deux filles et qu'en 2013, sa fille aînée était âgée de 20 ans et la cadette de 13 ans, de sorte qu'aucune mesure d'encadrement n'était plus nécessaire.

11.    Le 31 octobre 2017, la recourante a divers autres documents, au nombre desquels, notamment :

-          ses voeux émis fin 2013 par l'assurée pour augmenter son taux d'activité à 76,9% (20 heures) ;

-          ses voeux émis en 2014 d'augmenter son taux à 100% ;

-          la décision du DIP de ne lui attribuer que 17 périodes correspondant à un taux de 60,7% pour la rentrée scolaire 2014 - 2016 ;

-          différents documents concernant sa participation à différents camps de musique, centres aérés, concerts etc. ;

-          un document établi le 15 janvier 2015 par le docteur T______, spécialiste FMH en médecine générale, à l'intention des médecins consultants en santé ; ce médecin y explique qu'en tant que médecin-conseil mandaté par le SPE, il a reçu l'assurée le 15 janvier 2015 pour une évaluation médicale ; le médecin se fait le relais des difficultés que l'assurée a rencontrées dans son travail depuis 2014 ; il explique qu'elle a fini par décompenser et qu'elle est prise en charge par un psychiatre traitant qu'elle voit régulièrement, qu'elle est connue pour un trouble d'hyperactivité traité, qu'en novembre 2014, elle a dû faire le deuil de sa mère, que dans le courant de l'automne son état psychique a évolué favorablement, mais de façon fluctuante ; dans ses brèves conclusions, le médecin retient que l'assurée présente un état de santé physique et psychique encore incompatible avec une reprise du travail à court terme (étant rappelé qu'elle a été victime d'un accident le 2 septembre 2014 qui lui a occasionné une blessure dans la région du talon d'Achille) ; il exprime l'avis que la prise en charge médicale est adéquate et qu'à plus longue échéance, une évolution suffisamment favorable pour envisager un retour à la capacité de travail peut être espérée ; il préconise une réévaluation deux mois plus tard ;

-          le courrier adressé le 11 février 2015 au Dr T______ par le Dr N______, expliquant qu'il suit l'assurée depuis août 2014, qu'il retient les diagnostics d'épisode dépressif sévère en voie d'amélioration et de TDAH ; il mentionne une forte sensibilité et une modulation émotionnelles entravées par plusieurs facteurs (dépression, anxiété, déficit attentionnel) ; l'épisode dépressif est apparu de façon progressive depuis l'automne 2013 dans un contexte de surmenage et de difficultés relationnelles avec la hiérarchie et de difficultés familiales exacerbées au cours des derniers mois ; le pronostic est favorable pour l'épisode dépressif, bien que la rémission ne soit pas encore atteinte ; il existe une composante anxieuse importante, de même qu'une sérieuse atteinte de la confiance en soi ; le TDAH renforce la symptomatologie anxieuse et dépressive et entrave la modulation des réponses émotionnelles ; l'ajustement du traitement psychotrope va dans le sens d'une amélioration et permet d'aménager une organisation plus efficiente de la vie familiale ; le retour à l'activité professionnelle se fera de façon progressive et sera envisageable probablement au courant du printemps.

12.    Le 9 novembre 2017, le SMR, auquel ces différentes pièces ont été soumises, a considéré que les éléments apportés par les Drs T______ et N______ étaient déjà connus des experts et qu'ils ne constituaient qu'une appréciation différente d'un même état de faits.

13.    Par décision du 13 novembre 2017 - annulant et remplaçant celle du 14 septembre 2017 - l'OAI a nié à l'assurée le droit à toute prestation.

14.    Par écriture du 14 décembre 2017, l'assurée a interjeté recours auprès de la Cour de céans en concluant principalement à l'octroi d'une rente entière d'invalidité à compter du 1er février 2016 avec intérêts à 5% l'an sur les arriérés de rente, avec suite de frais et dépens.

En substance, la recourante conteste toute valeur probante à l'expertise bi-disciplinaire, en particulier à son volet psychiatrique. Selon elle, la conclusion du Dr P______ selon laquelle elle serait pleinement capable d'exercer son activité habituelle d'enseignante de musique/rythmique à l'école primaire depuis janvier 2015 est en décalage total avec la réalité, insuffisamment motivée et non convaincante, d'autant moins que cette appréciation porte sur une période antérieure à l'expertise. La recourante reproche au Dr P______ d'avoir ignoré les constatations de la neuropsychologue consultée, laquelle a pourtant mis en évidence des limitations fonctionnelles importantes. Elle dément l'allégation selon laquelle la prise d'antidépresseurs lui aurait permis de retrouver une stabilité lui permettant de travailler et se réfère, à cet égard, à l'avis de ses médecins traitants, mais également à celui du Dr M______, de Mme U______, du Dr T______ et du Dr I______, dont elle souligne qu'aucun mandat thérapeutique ne les lie à elle.

La recourante allègue qu'au fil de l'année 2015, sa situation s'est détériorée : certes, une reprise à la rentrée d'août 2015 était prévue, mais elle s'est finalement révélée impossible compte tenu de son état.

Quant à l'expertise du Dr O______, la recourante la conteste également en tant qu'elle ne retient qu'une diminution de sa capacité de travail de 20% en lien avec les atteintes somatiques.

S'estimant pour sa part incapable d'exercer la moindre activité depuis le 10 juin 2014, la recourante sollicite l'octroi d'une rente d'invalidité à compter du 1er février 2016, soit six mois après le dépôt de sa demande.

A l'appui de son recours, l'assurée a notamment produit :

-          un rapport du docteur T______ du 7 mai 2011, indiquant qu'il l'avait déjà reçue en 2006 et en 2010 en raison d'arrêts de travail prolongés pour cause de maladie et que l'assurée lui avait fait part du stress occasionné par les difficultés rencontrées avec la directrice de l'une des écoles où elle travaillait ; le médecin indiquait que les difficultés relationnelles persistantes commençaient à porter atteinte à la santé de l'assurée à laquelle il avait vivement conseillé d'entreprendre une thérapie chez un psychologue pour pouvoir mieux faire face à ce genre de situation ;

-          un bref préavis médical du 25 février 2015 du Dr M______ indiquant qu'une reprise du poste habituel était envisagée à la rentrée scolaire d'août 2015, accompagnée d'un stage thérapeutique qui permettrait d'apprécier l'adéquation entre la stabilisation de l'état de santé et la fonction ;

-          un courrier adressé le 30 juillet 2015 par le Dr M______ au Dr I______, expliquant que si, en début d'année, une reprise du travail paraissait encore possible, l'état de santé de l'assurée semblait évoluer défavorablement ; du point de vue professionnel, il avait été informé de multiples problématiques en relation avec des problèmes de comportement et plusieurs transferts d'école.

15.    Invité à se déterminer, l'intimé, dans sa réponse du 25 janvier 2018, a conclu au rejet du recours.

L'intimé soutient que l'expertise du Dr P______ doit se voir reconnaître pleine valeur probante et souligne que l'expert retient le même diagnostic que le psychiatre traitant et que le médecin ayant réalisé une expertise pour le service de santé. Seules les limitations fonctionnelles retenues diffèrent. Répondant à un reproche formulé par la recourante, il fait remarquer qu'il appartient précisément à l'expert de se prononcer sur l'état de santé préexistant au jour de l'examen.

Pour le surplus, l'intimé relève une divergence importante entre l'impossibilité alléguée de reprendre une activité professionnelle et le fait que la recourante mène une vie pratiquement normale. Il considère que l'intéressée dispose de ressources personnelles non négligeables.

Il produit à l'appui de sa position un avis émis le 8 janvier 2018 par le SMR, qui relève que les documents produits par la recourante sont antérieurs, pour la plupart, au dépôt de la demande et n'apportent rien de nouveau quant à une potentielle aggravation, pas plus que d'éléments objectifs qui n'auraient pas été pris en compte par les experts.

16.    Par écriture du 19 février 2018, la recourante a persisté dans ses conclusions.

La recourante conteste mener une vie quasiment normale et allègue à cet égard que les difficultés qu'elle rencontre au quotidien peuvent être attestées par son assistant social auprès de l'Hospice général qui l'a récemment invitée à envisager le dépôt d'une demande de mise sous curatelle volontaire.

Pour le surplus, elle relève que les exigences du monde professionnel ne sont pas comparables avec celles requises par la gestion d'un foyer.

Elle maintient que l'argumentation du Dr P______ pour se distancier des conclusions de ses médecins quant à ses limitations fonctionnelles est insuffisante.

Enfin, elle rappelle que l'État de Genève, par le biais du service de santé du personnel, a systématiquement validé la prolongation de son incapacité de travail et finalement reconnu son inaptitude définitive à exercer une quelconque activité professionnelle.

17.    Le 8 juin 2018, a été versé à la procédure le rapport d'examen neuropsychologique établi par Madame Q______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP en avril 2017 ayant pour objectif l'évaluation des attitudes cognitives de l'assurée dans le cadre de l'expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique des Drs O______ et P______.

Ce document comporte une anamnèse, la relation des faits tels que rapportés par l'assurée, une description clinique, les résultats des tests et les conclusions de la neuropsychologue.

L'évaluation neuropsychologique met en évidence, sur le plan psychométrique, une légère perturbation de l'attention et des signes d'impulsivité, des déficits modérés de l'inhibition, de la flexibilité et de l'organisation, ainsi que des difficultés de compréhension des propos nécessitant des facultés métacognitives complexes. Cliniquement, ont été constatées une importante dispersion avec incapacité à fournir un message verbal concis et organisé ainsi qu'à identifier des priorités et des difficultés à gérer les rendez-vous. En revanche, l'orientation, les fonctions langagières - hormis les discrètes difficultés de compréhension -, les praxies, les gnosies et la cognition sociale ont été qualifiées de globalement préservées et les aptitudes de raisonnement de parfaitement normales.

La neuropsychologue a confirmé que certains traits suggéraient la présence d'un TDAH (troubles de l'attention, de l'organisation et de l'inhibition), mais la bonne efficacité de la prise de Méthylphénidate a été notée.

Elle a estimé que cette hypothèse étiologique (TDAH) ne permettait cependant pas d'expliquer l'ensemble des difficultés observées et que les troubles cognitivo-comportementaux observés devaient aussi être interprétés en lien avec le fonctionnement psychique de l'assurée. Un fonctionnement de type psychotique lui semblait sous-jacent à l'importante difficulté de structuration de la pensée, point sur lequel la neuropsychologue a renvoyé à l'avis de l'expert psychiatre.

18.    Le 9 septembre 2018, l'assurée a encore produit :

-          un courrier de la maison de retraite du Petit-Saconnex du 5 septembre 2018 lui indiquant qu'elle mettait fin à sa collaboration dans la chorale dont elle avait été cheffe de choeur jusqu'au 30 août 2018 ;

-          l'arrêt rendu par la Chambre administrative de la Cour de justice (CJCA) le 21 août 2018 (ATA/838/2018) - suite au recours interjeté par l'assurée contre la décision du Conseiller d'État en charge du DIP du 14 septembre 2017 de mettre fin à ses rapports de service pour le 31 décembre 2017 - admettant partiellement le recours et ordonnant la réintégration de l'intéressée au sein de l'administration cantonale ; la CJCA a relevé les contradictions ressortant des différents éléments au dossier concernant la capacité de travail de l'intéressée au moment de la décision litigieuse, le fait qu'aucun reclassement n'avait été effectué par l'autorité intimée, que l'avis du SPE ne faisait état que d'une inaptitude en qualité d'enseignante, qu'une - +/- réintégration professionnelle n'était pas exclue - bien que conditionnée à plusieurs éléments - et que l'intéressée, âgée de 55 ans, était au service de l'État depuis 1998 ; il a été demandé à l'État de Genève de lui trouver un nouveau poste ou d'entreprendre les démarches nécessaires, notamment auprès du SPE, s'il devait s'avérer qu'elle n'était pas apte à travailler.

19.    Des audiences d'enquêtes se sont tenues en date du 13 septembre 2018 et plusieurs médecins ont été entendus à la demande de la recourante.

20.    Interrogé par la Cour, le docteur G______, spécialiste FMH en médecine générale, qui suit l'assurée depuis 2007 de manière ponctuelle en tant que médecin traitant, a répondu que, n'étant pas psychiatre, il ne pouvait indiquer si les reproches faits par son employeur à la recourante étaient à mettre en lien avec l'atteinte psychique dont elle souffre.

Le témoin a expliqué avoir, en septembre 2015, conclu à une totale incapacité de travail dans l'activité habituelle ou toute autre en se basant, d'une part, sur les douleurs de sa patiente au dos et aux mains, qui peuvent se révéler sévèrement handicapantes suivant leur intensité, d'autre part, sur ses propres constatations au niveau psychique en tant qu'individu : vu la difficulté à interagir avec elle et à la canaliser, il s'est interrogé sur sa capacité à intégrer le monde professionnel, expliquant qu'elle lui paraît incapable de fonctionner correctement. Selon le témoin, ce trait de caractère a toujours été présent chez l'assurée mais semble s'être aggravé au fil du temps.

Le témoin, après avoir pris connaissance des conclusions du Dr O______, les a qualifiées de trop optimistes au vu des souffrances qu'il a pu observer à certaines occasions chez sa patiente. Selon le médecin, si sa patiente est totalement incapable de travailler dans le monde professionnel normal, c'est avant tout dû au trouble de l'attention qui la handicape tant au quotidien que dans la sphère professionnelle. Il lui est impossible de se concentrer.

Questionné sur le fait que ce trouble ne l'a pourtant pas empêchée d'étudier puis de travailler, le témoin a répété que le trouble en question s'était notablement aggravé, ce qui s'est d'ailleurs traduit également par une perte de poids importante. L'assurée, qu'il a connue au départ enthousiaste et optimiste, a vu sa thymie se dégrader au fil du temps et des difficultés.

Selon le médecin, il faudrait des exigences professionnelles moindres, afin de permettre à sa patiente de se reposer et se recentrer. Même une activité dans le privé ne pourrait selon lui être exercée qu'à titre accessoire au vu de l'état de santé de la recourante, envisagé dans sa globalité : les troubles psychiques influent sur le physique et réciproquement.

21.    Le docteur V______, spécialiste FMH en chirurgie, a indiqué n'avoir rencontré l'assurée qu'à deux occasions, la première pour une intervention chirurgicale pratiquée il y a neuf ans, sans conséquences, ni séquelles, la seconde l'an passé, pour des douleurs périnéales irradiant dans la fesse droite, pour lesquelles il lui a simplement prescrit un traitement pour améliorer son transit.

22.    Le docteur N______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, suit l'assurée depuis août 2014. Il a pris la suite d'un collègue qui la suivait précédemment et l'avait déjà mise en arrêt de travail depuis quelques mois.

Selon ce témoin, les reproches formulés par l'employeur de la recourante à son encontre lui paraissent tout à fait en lien avec le trouble dont elle souffre. Comme l'a relaté le Dr P______ dans son rapport, l'assurée rencontre ces difficultés depuis son enfance. Cela a longtemps fonctionné, jusqu'en 2008-2009, date à laquelle le cahier des charges des enseignants a été modifié et s'est vu amplifié d'exigences administratives. Toutes les stratégies adaptatives que sa patiente avait mises en place au fil des ans ont alors été mises à mal et cela a eu pour conséquences une désorganisation, des difficultés relationnelles et une amplification des problèmes. S'y est ajouté le fait qu'elle s'est sentie dévalorisée, discréditée par les reproches qui lui ont alors été faits. S'en est suivie une perte de confiance dans le peu de moyens qu'elle avait à disposition.

En février 2015, la recourante était passablement déprimée ; à cette dépression s'ajoutaient des traits de personnalité borderline et impulsive ainsi que le prouve le déficit de l'attention. Il y a eu amélioration depuis lors : l'humeur est désormais, depuis le début de l'année 2018, quasiment normale et le trouble de l'humeur peut être qualifié de léger. L'hyperactivité s'est également légèrement améliorée. En revanche, il n'y a pas eu d'évolution quant au déficit de l'attention.

Le témoin, qui a eu connaissance du rapport du Dr P______ et de ses conclusions, s'est déclaré choqué que l'expert confirme les diagnostics retenus par le Dr I______ et lui-même, tout en concluant à l'absence d'impact sur la capacité de travail, faisant ainsi fi de leurs descriptions cliniques. L'expert semble baser son appréciation sur le seul fait que les troubles étaient déjà présents depuis l'enfance et qu'ils n'ont pas handicapé l'intéressée jusqu'alors. Le témoin dit n'avoir pour sa part pas reconnu sa patiente dans le status psychiatrique décrit par l'expert. Il a également reproché à l'expert de ne pas tenir compte, dans sa description d'une journée type, de la manière dont la recourante s'acquitte des différentes tâches. En réalité, elle a besoin, depuis deux ans, d'une assistante à domicile pour l'aider à ranger son logement et pour palier à son manque d'efficacité. De la même manière, elle doit être aidée une demi-journée par semaine sur le plan administratif. Le médecin a ajouté à cet égard qu'il était en train de remplir une demande de curatelle de gestion.

Comme le retient le Dr P______, sa patiente dispose certes de ressources, mais elle est incapable d'en tirer profit.

Le témoin a émis l'avis que si la neuropsychologue a évoqué un fonctionnement de type psychotique, c'est en raison de la discrépance constatée entre le tableau clinique décrit et les résultats des tests neuropsychologiques, qui, eux, aboutissaient à un trouble de l'attention léger à moyen. Il ne s'agit en aucun cas d'évoquer un diagnostic de psychose, mais plutôt de trouble émotionnel labile qui peut relever soit du diagnostic de trait de personnalité borderline, soit de celui de trouble de déficit de l'attention. Dans les deux cas, on retrouve cette forte instabilité émotionnelle.

Le témoin a confirmé la survenance d'une amélioration durable, depuis le début de l'année 2018, tout en précisant que cela n'est pas suffisant pour admettre l'exigibilité d'une activité lucrative, puisque sa patiente n'est même pas capable d'effectuer ses tâches ménagères. L'exercice d'une activité serait cependant profitable à sa patiente, à condition que cela soit sans stress, sans exigences de productivité et sans tâches administratives. Mais même dans une activité telle que décrite et exercée à raison d'1,5 heure par semaine, l'assurée n'a pas donné satisfaction et a été licenciée.

23.    Le docteur W______, spécialiste FMH en médecine générale, suit la recourante depuis mars 2017 pour des douleurs chroniques aux niveaux cervical et lombaire, à raison d'une fois tous les quinze jours, environ.

Le témoin a expliqué que la recourante souffre de douleurs chroniques depuis longtemps, qu'elle a été opérée à plusieurs reprises et qu'elle est dotée d'une prothèse métallique au niveau des cervicales.

Le traitement consiste en physiothérapie, manipulations vertébrales douces, hydrothérapie, injections ponctuelles, prescriptions intermittentes d'anti-inflammatoires et port ponctuel d'une minerve.

Le témoin a marqué son désaccord avec les conclusions du Dr O______ (capacité de travail de 80% sur le plan somatique), expliquant que cela lui paraissait impossible, en tout cas à l'époque, d'une part pour les raisons physiques évoquées, mais également en raison de l'état psychique de la recourante, qui lui apparaît très désorganisée, avec des difficultés à se concentrer, un langage trop riche et, de manière générale, une difficulté à appréhender les difficultés de la vie et du quotidien.

Le témoin a cependant confirmé que, depuis mars 2017, l'état de sa patiente a évolué dans le bon sens. Selon lui, il se pourrait même qu'une réévaluation dans six mois conclue à une capacité résiduelle de travail.

24.    Dans ses conclusions après enquêtes du 9 octobre 2018, la recourante a persisté dans ses conclusions et produit :

-          un formulaire d'évaluation de l'aide pratique apportée à l'assurée établi par l'intervenante à domicile de l'Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD) ;

-          le contrat clientèle de l'IMAD établi le 15 mars 2018 ;

-          une note de l'IMAD établie le 5 octobre 2018 expliquant que l'assurée a des difficultés à se concentrer, à débuter et terminer une activité, qu'elle dispose toutefois de ressources personnelles, de bonnes capacités intellectuelles et d'une capacité à exprimer ses sentiments et que l'objectif est d'améliorer la gestion de son environnement et de ses tâches administratives (gestion des rendez-vous, tri administratif, limitation de l'entassement du logement) ;

-          les notes rédigées par l'intervenante à domicile de l'IMAD pour la période d'avril à septembre 2018 ; il ressort en substance qu'elle a aidé l'assurée à organiser ses besoins, l'a guidée et rassurée afin de prioriser ses objectifs, l'a aidée à descendre diverses affaires à la cave, à évacuer du papier, trier, ranger ses habits, faire le ménage, ranger et nettoyer salle de bains et cuisine, ranger, trier et évacuer ses papiers, laver son linge, etc.

25.    Par pli complémentaire du 13 novembre 2018, la recourante a produit un nouvel avis médical du Service de santé du personnel de l'État du 6 novembre 2018 dans lequel le Dr M______ indique qu'aucun élément médical ne laisse envisager une amélioration significative de son état de santé à moyen, voire long terme, et maintient ses conclusions d'inaptitude à la fonction.

Dans un bref avis émis le 6 novembre 2018, le Dr M______, indique qu'elle souffre de plusieurs affections médicales chroniques qui affectent profondément son état de santé et que son incapacité de travail perdure, qu'aucun élément médical ne laisse envisager une amélioration significative de l'état à moyen, voire long terme, et que l'inaptitude à la fonction d'enseignante en milieu scolaire telle que déterminée en 2015 est maintenue. Dans l'hypothèse où une capacité d'activité résiduelle devait être reconnue, le médecin précise qu'il faudrait tenir compte des limitations fonctionnelles suivantes : taux d'activité ne dépassant pas 50%, activité sans stress, sans exigences de productivité et sans tâches administratives.

26.    Dans ses écritures après enquêtes du 29 novembre 2018, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

Il invoque à l'appui de sa position l'avis émis le 29 novembre 2018 par le SMR. Celui-ci estime que les témoignages des médecins n'apportent pas de nouvel élément médical et qu'il s'agit simplement d'évaluations différentes d'un même état de fait. Quant aux documents émanant de l'IMAD, qui intervient au domicile de l'assurée depuis mars 2018, il admet que les faits qu'il relate peuvent être mis en relation avec une aggravation de l'atteinte psychique, dont il est relevé qu'elle serait alors postérieure à la décision de l'OAI du 14 septembre 2017.

27.    Par courrier du 29 mai 2019, la Cour de céans a informé les parties de son intention de mettre sur pied une expertise judiciaire, leur a communiqué les questions envisagées et le nom de l'expert (la doctoresse X______, vu l'indisponibilité du docteur Y______, qui avait été suggéré par le Dr N______), avec un délai pour se déterminer et faire valoir d'éventuels motifs de récusation.

28.    Les parties se sont exécutées par écritures des 13 et 17 juin 2019.

Il est alors apparu que la recourante avait déjà consulté l'experte pressentie par le passé.

29.    Dès lors, par courrier du 19 juin 2019, la Cour de céans a proposé aux parties un nouvel expert en la personne du docteur Z______, psychiatre.

30.    Par écritures des 18 et 23 juillet 2019, les parties ont indiqué ne pas avoir de motif de récusation à faire valoir.

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

2.        A teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA ; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA et 62ss LPA).

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l'assurance-invalidité, plus particulièrement sur sa capacité de travail depuis juin 2014.

5.        Aux termes de l'art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l'incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l'art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l'atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d'une incapacité de gain. De plus, il n'y a incapacité de gain que si celle-ci n'est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

6.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

Dans l'éventualité où des troubles psychiques ayant valeur de maladie sont admis, il y a alors lieu d'évaluer le caractère exigible de la reprise d'une activité lucrative par l'assuré, au besoin moyennant un traitement thérapeutique. A cet effet, il faut examiner quelle est l'activité que l'on peut raisonnablement exiger de lui. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 127 V 294 consid. 4c, ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références). Ces principes sont valables, selon la jurisprudence, pour les psychopathies, les altérations du développement psychique (psychische Fehlentwicklungen), l'alcoolisme, la pharmacomanie, la toxicomanie et pour les névroses (RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 237/04 du 30 novembre 2004 consid. 4.2).

7.        La reconnaissance de l'existence de troubles somatoformes douloureux persistants suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 396 consid. 5.3).

Le diagnostic d'un trouble douloureux somatoforme doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargés d'appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. En particulier, l'exigence d'une douleur persistante, intense et s'accompagnant d'un sentiment de détresse doit être remplie. Un tel diagnostic suppose l'existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d'exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 49 consid. 1.2).

Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et 5.3.2). Une telle appréciation psychiatrique n'est toutefois pas indispensable lorsque le dossier médical comprend suffisamment de renseignements pour exclure l'existence d'une composante psychique aux douleurs qui revêtirait une importance déterminante au regard de la limitation de la capacité de travail.

8.        Dans sa jurisprudence récente (ATF 143 V 409 consid. 4.5 et ATF 143 V 418 consid. 6 et 7), le Tribunal fédéral a modifié sa pratique lors de l'examen du droit à une rente d'invalidité en cas de troubles psychiques. La jurisprudence développée pour les troubles somatoformes douloureux, selon laquelle il y a lieu d'examiner la capacité de travail et la capacité fonctionnelle de la personne concernée dans le cadre d'une procédure structurée d'administration des preuves à l'aide d'indicateurs (ATF 141 V 281), s'applique dorénavant à toutes les maladies psychiques. En effet, celles-ci ne peuvent en principe être déterminées ou prouvées sur la base de critères objectifs que de manière limitée. La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

Même si un trouble psychique, pris séparément, n'est pas invalidant en application de la nouvelle jurisprudence, il doit être pris en considération dans l'appréciation globale de la capacité de travail, qui tient compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée d'un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources (ATF 143 V 418 consid. 8.1).

9.        L'évaluation des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique ne fait pas l'objet d'un consensus médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_619/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.1). Pour ces motifs, la jurisprudence a dégagé un certain nombre de principes et de critères normatifs pour permettre d'apprécier - sur les plans médical et juridique - le caractère invalidant de ce genre de syndromes. Selon la jurisprudence ayant cours jusqu'à récemment, ceux-ci n'entraînaient pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité (ATF 130 V 352 consid. 2.2.3). Il existait une présomption que de tels syndromes ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 131 V 49 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral a toutefois reconnu qu'il existait des facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendaient la personne incapable de fournir cet effort de volonté, et a établi des critères permettant d'apprécier le caractère invalidant de ces syndromes (cf. ATF 130 V 352 consid. 2.2. et ATF 131 V 49 consid. 1.2). Au premier plan figurait la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. D'autres critères pouvaient être déterminants, tels que des affections corporelles chroniques, un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie), l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée (ATF 132 V 65 consid. 4.2). En présence de tels syndromes, la mission d'expertise consistait surtout à porter une appréciation sur la vraisemblance de l'état douloureux et, le cas échéant, à déterminer si la personne expertisée disposait des ressources psychiques lui permettant de surmonter cet état. Eu égard à la mission confiée, les experts failliraient à celle-ci s'ils ne tenaient pas compte des différents critères mis en évidence par le Tribunal fédéral dans le cadre de leur appréciation médicale (ATF 132 V 65 consid. 4.2 et 4.3).

Dans un arrêt récent (ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a abandonné la présomption qui prévalait jusqu'à ce jour, selon laquelle les syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées peuvent être surmontés en règle générale par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65; ATF 131 V 49; ATF 130 V 352). Désormais, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d'une part et les ressources de compensation de la personne d'autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d'analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie «  degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l'instrument de base de l'analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l'atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l'étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 F45.5, qu'il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid.  4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L'échec définitif d'un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d'espèce, on ne peut rien en déduire s'agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d'une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l'attitude de l'assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l'atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l'inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d'une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d'un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu'en fonction de son importance concrète dans le cas d'espèce, par exemple pour juger si elle prive l'assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l'influence du trouble somatoforme douloureux avec l'ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (cf. consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010, consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n'est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011, consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1) mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281 consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d'affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l'approche globale (ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.3).

Dans l'ATF 143 V 418, le Tribunal fédéral a examiné dans quelle mesure des troubles psychiques en tant que comorbidités d'un TSD, doivent être pris en considération pour examiner le caractère invalidant du TSD. Il a précisé que même si ces troubles psychiques, pris séparément, ne sont pas invalidants en application de la nouvelle jurisprudence publiée aux ATF 141 V 281, ils sont relevants dans l'appréciation globale de la capacité de travail d'une personne atteinte d'un TSD. En effet, cette appréciation doit tenir compte des effets réciproques des différentes atteintes. Ainsi, une dysthymie, prise séparément, n'est pas invalidante, mais peut l'être lorsqu'elle est accompagnée un trouble de la personnalité notable. Par conséquent, indépendamment de leurs diagnostics, les troubles psychiques entrent déjà en considération en tant que comorbidité importante du point de vue juridique si, dans le cas concret, on doit leur attribuer un effet limitatif sur les ressources.

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s'agit d'accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l'assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu'on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d'autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l'assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s'assurer qu'une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confond pas avec le chômage non assuré ou avec d'autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l'assuré. (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s'agit ici de se demander si l'atteinte à la santé limite l'assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l'exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu'ici doit désormais être interprété de telle sorte qu'il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l'assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d'activité sociale de l'assuré avant et après la survenance de l'atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d'options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d'évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n'est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l'absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d'une incapacité (inévitable) de l'assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s'appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d'autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l'expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l'atteinte à la santé et si son évaluation de l'exigibilité repose sur une base objective (consid. 5.2.2; ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

10.    La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d'assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1), au syndrome de fatigue chronique ou de neurasthénie (ATF 139 V 346; arrêt du Tribunal fédéral 9C_662/2009 du 17 août 2010 consid. 2.3 in SVR 2011 IV n° 26 p. 73), à l'anesthésie dissociative et aux atteintes sensorielles (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 9/07 du 9 février 2007 consid. 4 in SVR 2007 IV n° 45 p. 149), à l'hypersomnie (ATF 137 V 64 consid. 4) ainsi qu'en matière de troubles moteurs dissociatifs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_903/2007 du 30 avril 2008 consid. 3.4), de traumatisme du type « coup du lapin » (ATF 141 V 574 consid. 5.2 et ATF 136 V 279 consid. 3.2.3) et d'état de stress post-traumatique (ATF 142 V 342 consid. 5.2). En revanche, ils ne sont pas applicables par analogie à la fatigue liée au cancer (cancer-related Fatigue) (ATF 139 V 346 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_73/2013 du 2 septembre2013 consid. 5).

Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique, le seul diagnostic de troubles somatoformes douloureux ne suffit pas pour justifier un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration (et au juge) si et dans quelle mesure un assuré dispose de ressources psychiques qui - eu égard également aux critères pertinents - lui permettent de surmonter ses douleurs. Les prises de position médicales sur la santé psychique et sur les ressources dont dispose l'assuré constituent une base indispensable pour trancher la question (juridique) de savoir si et dans quelle mesure on peut exiger de celui-ci qu'il mette en oeuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail. Dans le cadre de la libre appréciation dont ils disposent, l'administration et le juge ne sauraient ni ignorer les constatations de fait des médecins, ni faire leur les estimations et conclusions médicales relatives à la capacité (résiduelle) de travail, sans procéder à un examen préalable de leur pertinence du point de vue du droit des assurances sociales. Cela s'impose en particulier lorsque l'expert atteste une limitation de la capacité de travail fondée uniquement sur le diagnostic de troubles somatoformes douloureux. Dans un tel cas, il appartient aux autorités administratives et judiciaires d'examiner avec tout le soin nécessaire si l'estimation médicale de l'incapacité de travail prend en considération également des éléments étrangers à l'invalidité (en particulier des facteurs psychosociaux et socio-culturels) qui ne sont pas pertinents du point de vue des assurances sociales, ou si la limitation (partielle ou totale) de la capacité de travail est justifiée par les critères juridiques déterminants (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.648/03 du 18 septembre 2004 consid. 5.1.3 et 5.1.4).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I.244/05 du 3 mai 2006 consid. 2.1). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

11.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en ce sens que lorsque les instances cantonales de recours constatent qu'une instruction est nécessaire parce que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise, elles sont en principe tenues de diligenter une expertise judiciaire si les expertises médicales ordonnées par l'OAI ne se révèlent pas probantes (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3). Cela étant, un renvoi à l'administration pour mise en oeuvre d'une nouvelle expertise reste possible, même sous l'empire de la nouvelle jurisprudence, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

12.    Les expertises mises en oeuvre selon les anciens standards de procédure ne perdent cependant pas d'emblée toute valeur probante. Il convient bien plutôt de se demander si, dans le cadre d''un examen global, et en tenant compte des spécificités du cas d'espèce et des griefs soulevés, le fait de se fonder définitivement sur les éléments de preuve existants est conforme au droit fédéral. Il y a lieu d'examiner dans chaque cas si les expertises administratives et/ou les expertises judiciaires recueillies - le cas échéant en les mettant en relation avec d'autres rapports médicaux - permettent ou non une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants. Selon l'étendue de l'instruction déjà mise en oeuvre, il peut s'avérer suffisant de requérir un complément d'instruction sur certains points précis (ATF 141 V 281 consid. 8; arrêt du Tribunal fédéral 9C_797/2017 du 22 mars 2018 consid. 4.2).

Lorsqu'une expertise ne permet pas une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs déterminants développés par la nouvelle jurisprudence en lien avec les troubles somatoformes douloureux et d'autres syndromes somatiques dont l'étiologie est incertaine, un renvoi à l'administration pour instruction complémentaire et nouvelle décision est possible (arrêt du Tribunal fédéral 8C_219/2015 du 12 octobre 2015 consid. 5.4).

13.    En l'espèce, dans sa décision du 13 novembre 2017, l'intimé, se rangeant à l'avis des Drs O______ et P______, a considéré qu'à compter du début de l'année 2015, l'assurée avait recouvré une capacité de travail de 80% dans son activité habituelle, ce que la recourante conteste, en invoquant les avis convergents de ses médecin et psychiatre traitants mais également ceux du Dr I______ et du SPE, qui l'a déclarée inapte à sa fonction. Elle allègue qu'au fil de l'année 2015, sa situation s'est en réalité détériorée : certes, une reprise à la rentrée d'août 2015 était prévue, mais elle s'est finalement révélée impossible compte tenu de son état. S'estimant pour sa part incapable d'exercer la moindre activité depuis le 10 juin 2014, la recourante sollicite l'octroi d'une rente d'invalidité à compter du 1er février 2016, soit six mois après le dépôt de sa demande.

Il convient en premier lieu d'examiner la valeur probante à accorder aux conclusions des Drs O______ et P______.

Leurs rapports sont détaillés et comportent une anamnèse, ainsi qu'un résumé des plaintes subjectives de la recourante.

Quoi qu'en dise la recourante, les conclusions du Dr O______ correspondent aux observations des différents praticiens somaticiens qui ont été amenés à se prononcer au fil du dossier. Le Dr O______ a constaté la présence d'un syndrome cervico-brchial et lombo-vertébral sans signes radiculaires irritatifs ou déficitaires et un status post opératoire en C5-C6 stable, ainsi qu'une discopathie L5-S1 n'ayant pas évolué depuis 2011. C'est d'ailleurs, les raisons pour lesquelles il a retenu un certain nombre de limitations fonctionnelles et une diminution de rendement de 20%. Sur le plan physique, la recourante ne démontre pas qu'aucun élément objectif aurait été ignoré par l'expert. Il n'y a dès lors pas lieu de s'écarter de l'avis de ce dernier. On relèvera que s'il évoque au passage - sans approfondir réellement la question - un "syndrome fibromyalgique", le Dr O______ semble en réalité faire référence à l'influence du TDAH et de l'état psychique de la recourante sur son seuil de tolérance à la douleur. A aucun moment il ne retient clairement le diagnostic de fibromyalgie, qui n'a d'ailleurs été évoqué par aucun autre médecin. A en revanche été mentionnée à plusieurs reprises l'éventualité d'un trouble somatoforme douloureux (par le Dr H______, en septembre 2015, le Dr G______, indirectement, en novembre 2015, lorsqu'il soulignait que les atteintes somatiques modérées révélées par les examens n'expliquaient pas l'intensité des douleurs ressenties, confinant parfois presque à une paralysie) dont la Cour de céans constate qu'il n'a pas été discuté par l'expert psychiatre.

Les conclusions de ce dernier apparaissent d'ailleurs, sur plusieurs aspects, bien moins convaincantes que celles de son collègue somaticien. Alors que ce dernier a convenu que les ressources personnelles de l'assurée étaient limitées par son atteinte psychique, l'expert psychiatre a, pour sa part, conclu à des ressources préservées et à l'absence d'influence sur la capacité de travail en fondant essentiellement cette appréciation sur le fait que les troubles étaient présents depuis l'enfance et n'avaient pas empêché l'assurée d'étudier puis de travailler. L'expert psychiatre a pourtant admis une décompensation psychique invalidante, tout en fixant le terme de cette invalidité au début de l'année 2015 - sans plus de précisions - et ce alors même que le psychiatre traitant a expliqué qu'elle avait perduré, malgré le traitement mis en place. Les propos du psychiatre traitant ont été corroborés par l'expert I______ en septembre 2015, qui concluait encore à une totale incapacité de travail. L'argumentation développée par le Dr P______ pour s'écarter des conclusions convergentes du psychiatre traitant et de l'expert I______ se limite à relever que, pour sa part, il a eu le sentiment, à entendre la description de ses activités quotidiennes, que l'assurée menait une vie presque normale. Cette motivation apparaît cependant un peu maigre, dans la mesure où, si l'on peut concevoir que les troubles décrits handicapent la recourante d'une manière moindre dans son quotidien, cela semble nettement moins convaincant s'agissant de l'exercice de sa profession, impliquant une interaction avec des enfants, activité dans laquelle il paraît évident qu'un comportement totalement adéquat est constamment exigé. Le Dr P______ ne revient pas non plus sur l'examen neuropsychologique d'avril 2017, qui a pourtant mis en exergue d'importantes difficultés de structuration de la pensée, des perturbations de l'attention et des signes d'impulsivité. Il ne s'est pas non plus prononcé sur l'existence d'un trouble somatoforme douloureux, pas plus que sur le trouble anxieux important pourtant évoqué à plusieurs reprises par le Dr N______, qui a souligné son importance.

Enfin, le prétendu retour à une pleine capacité de travail fixé par le Dr P______ début 2015, outre qu'il est infirmé tant par le psychiatre traitant que par l'expert I______, repose sur une amélioration dont on constate, à la lecture des documents médicaux, qu'elle concernait surtout la symptomatologie dépressive, mais non les troubles de l'attention, de la mémoire et l'instabilité émotionnelle, toujours présents. Compte tenu des diagnostics retenus par l'expert (traits de la personnalité émotionnellement labile de type impulsif - caractérisés selon lui par une instabilité émotionnelle, un manque de contrôle des impulsions et des capacités anticipatoires très réduites - et TDAH), il eut été souhaitable que l'expert motive davantage ses conclusions quant à la capacité de la recourante à enseigner à l'école primaire.

Eu égard à ces éléments, il apparaît nécessaire à la Cour de céans de se livrer à des investigations complémentaires, à tout le moins sur le plan psychique et de mettre sur pied une expertise judiciaire, laquelle sera confiée au docteur Z______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

 

 


 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

1.             Ordonne une expertise psychiatrique.

2.             Commet à ces fins le docteur Z______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

3.             Dit que la mission d'expertise sera la suivante :

a)        prendre connaissance du dossier de la cause ;

b)        si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité l'assurée ;

c)        examiner et entendre l'assurée, après s'être entourée de tous les éléments utiles, au besoin  d'avis d'autres spécialistes, ou encore de l'expert O______;

d)       si nécessaire, ordonner d'autres examens.

4.             Charge l'expert d'établir un rapport détaillé et de répondre aux questions suivantes:

1.        Anamnèse détaillée.

2.        Plaintes et données subjectives de la personne.

3.        Status clinique et constatations objectives.

4.        Diagnostics selon la classification internationale.

Précisez quels critères de classification sont remplis et de quelle manière (notamment l'étiologie et la pathogénèse).

5.        Depuis quand les différentes atteintes sont-elles présentes ?

6.        Les plaintes sont-elles objectivées ?

7.        Dans quelle mesure les atteintes diagnostiquées limitent-elles les fonctions nécessaires à la gestion du quotidien ? (N'inclure que les déficits fonctionnels émanant des observations qui ont été déterminantes pour le diagnostic de l'atteinte à la santé, en confirmant ou en rejetant des limitations fonctionnelles alléguées par l'assurée).

8.        Y a-t-il exagération des symptômes ou constellation semblable (discordance substantielle entre les douleurs décrites et le comportement observé ou l'anamnèse, allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, absence de demande de soins médicaux, plaintes très démonstratives laissant insensible l'expert, allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact) ?

9.        Dans l'affirmative, considérez-vous que cela suffise à exclure une atteinte à la santé significative ?

10.    Quels ont été les traitements entrepris et avec quel succès (évolution et résultats des thérapies) ?

11.    L'assurée a-t-elle fait preuve de résistance à l'égard des traitements proposés ? La compliance est-elle bonne ?

12.    Dans quelle mesure les traitements ont-ils été mis à profit ou négligés ?

13.    Les limitations du niveau d'activité sont-elles uniformes dans tous les domaines (professionnel mais aussi personnel) ? Quel est le niveau d'activité sociale et comment a-t-il évolué depuis la survenance de l'atteinte à la santé ?

14.    Mentionner, pour chaque diagnostic posé, les limitations fonctionnelles qu'il entraîne,

a)        dans l'activité habituelle (impliquant une interaction avec de jeunes enfants et la gestion de plusieurs classes d'une vingtaine d'élèves chacune, avec les exigences administratives y relatives et l'organisation d'évènements ponctuels)

b)        dans une activité adaptée (cas échéant, spécifier quelles activités seraient adaptées aux limitations fonctionnelles de l'assurée)

15.    Mentionner globalement les conséquences des divers diagnostics retenus sur la capacité de travail de l'assurée, en pourcent,

a)      dans l'activité habituelle

b)      dans une activité adaptée.

16.    Dater la survenance de l'incapacité de travail durable, le cas échéant, indiquer l'évolution de son taux et décrire son évolution.

17.    Évaluer l'exigibilité, en pourcent, d'une activité lucrative adaptée, indiquer depuis quand une telle activité est exigible et quel est le domaine d'activité adapté.

18.    Dire s'il y a une diminution de rendement et la chiffrer.

19.    Évaluer la possibilité d'améliorer la capacité de travail par des mesures médicales. Indiquer quelles seraient les propositions thérapeutiques et leur influence sur la capacité de travail.

20.    Commenter et discuter les avis médicaux du SMR, des experts s'étant déjà prononcés (notamment le service de santé du personnel de l'état, en particulier le Dr M______, ainsi le Dr I______), ainsi que des médecins traitants et indiquer - cas échéant - pour quelles raisons ces avis sont confirmés ou écartés.

5.             S'agissant plus particulièrement des troubles psychiques :

a) Quel est le degré de gravité de chacun des troubles diagnostiqués (faible, moyen, grave) ?

b) Les troubles psychiques constatés nécessitent-ils une prise en charge spécialisée ?

c) Existe-t-il un trouble de la personnalité ou une altération des capacités inhérentes à la personnalité ?

Quelles sont ses répercussions fonctionnelles (conscience de soi et de l'autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité, motivation, notamment) sur la capacité à gérer le quotidien, à travailler et/ou en termes d'adaptation ? Motiver votre position.

d) De quelles ressources mobilisables l'assurée dispose-t-elle ?

e) Quel est le contexte social ? L'intéressée peut-elle compter sur le soutien de ses proches ?

f) Pour le cas où il y aurait refus ou mauvaise acceptation d'une thérapie recommandée et accessible : cette attitude doit-elle être attribuée à une incapacité de l'assurée à reconnaître sa maladie ?

g) Dans l'ensemble, le comportement de l'expertisée vous semble-t-il cohérent ? Pourquoi ?

h) Cas échéant, comment expliquer que les troubles psychiques présents depuis l'enfance - qui n'ont empêché l'assurée ni d'étudier, ni de travailler plusieurs années - soient désormais invalidants ?

6.             Formuler un pronostic global.

7.             Toute remarque utile et proposition.

8.             Invite l'expert à déposer à sa meilleure convenance un rapport en trois exemplaires à la Cour de céans.

9.             Réserve le fond.

 

 

La greffière

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

Karine STECK

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties le