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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2480/2017

ATAS/655/2018 du 23.07.2018 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

Recours TF déposé le 18.08.2022, rendu le 08.08.2023, IRRECEVABLE, 9C_367/2022
Recours TF déposé le 24.06.2021, rendu le 22.07.2021, IRRECEVABLE, 9C_351/2021, 9C_616/2018
Recours TF déposé le 18.09.2018, rendu le 10.10.2018, IRRECEVABLE, 9C_616/2018
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2480/2017 ATAS/655/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 23 juillet 2018

10ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael RUDERMANN

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______, née B______ le ______ 1958 (ci-après: la bénéficiaire), divorcée et bénéficiaire d'une rente de l’assurance-invalidité, a perçu dès 1991 des prestations complémentaires versées par l'office cantonal des personnes âgées (ci-après : l’OCPA), devenu entretemps le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC). La décision rendue en 1991, à l’instar des décisions rendues subséquemment, ne tenait compte d’aucune fortune immobilière.

2.        Chaque année, la bénéficiaire a reçu des décisions destinées à adapter le montant des prestations qui lui étaient versées ainsi qu’un document intitulé « communication importante ». Ce document attirait son attention sur son obligation d'annoncer à l’administration tout changement dans sa situation financière et de contrôler les montants figurant dans les décisions pour s’assurer qu’ils correspondaient bien à sa situation actuelle.

3.        Le 15 novembre 1996, un enquêteur de l’OCPA a établi un rapport après avoir auditionné la bénéficiaire. Selon ses dires, la bénéficiaire était cotitulaire du bail et domiciliée à la même adresse que sa cousine – route de C______ ______ à Genève –, mais sa cousine n’était pratiquement jamais chez elle et ne participait pas au loyer. La bénéficiaire avait recueilli sa nièce originaire d’ex-Yougoslavie, dont la mère avait disparu. S’agissant de ses ressources, elle avait indiqué travailler à titre bénévole comme traductrice pour le Conseil pour la protection des droits humanitaires des réfugiés politiques yougoslaves, organisme sans but lucratif sis aux États-Unis. Elle envoyait environ CHF 2'000.- par an à sa mère, domiciliée en Serbie. L’enquêteur a indiqué que la bénéficiaire disposait de trois comptes bancaires, dont deux – l’un ouvert en 1993 à la Société de Banque Suisse (ci-après : SBS) et l’autre à l’UBS – n’avaient pas été déclarés. Pour l’année 1993, trois versements avaient été effectués sur le compte SBS à concurrence de CHF 15'000.- au total, dont la bénéficiaire s’était déclarée incapable d’indiquer la provenance. Un versement de CHF 17'485.80 avait également été effectué et correspondait selon la bénéficiaire au remboursement par une assurance de sa voiture, qui avait été volée. Un retrait subséquent de CHF 10'400.- avait été effectué, selon la bénéficiaire, pour racheter une voiture. Le solde du compte avait diminué de CHF 45'973.80 au 31 décembre 1994 à CHF 8'380.- au jour de l’entretien. La bénéficiaire avait refusé de s’expliquer sur la provenance des fonds et les raisons pour lesquelles le capital avait diminué, rétorquant qu’il s’agissait de sa vie privée.

4.        Par courrier du 22 août 1997, l’OCPA a indiqué à la bénéficiaire qu’il lui avait indûment versé CHF 1'957.- en tenant compte de ses comptes non déclarés, montant dont il renonçait à lui réclamer la restitution.

5.        L’OCPA a établi un second rapport d’enquête le 19 avril 2002 après avoir entendu la bénéficiaire à deux reprises en décembre 2001 et avril 2002. La bénéficiaire n’avait déclaré aucun bien immobilier. Elle disait faire du bénévolat pour le compte d’une organisation d’aide aux Serbes à l’étranger, dont le siège était aux États-Unis. Ses ressources étaient constituées d’une rente de l’assurance-invalidité, des prestations complémentaires et d’une rente d’incapacité de gain versée par Allianz. La bénéficiaire indiquait résider avec sa nièce et avoir déposé une demande d’adoption. Elle expliquait, mais sans pièce à l’appui, que si le solde de l’un de ses comptes à l’UBS (NDR : ouvert jadis à la SBS et non déclaré selon le rapport d’enquête de 1996) avait diminué entre 1998 et 1999, c’était parce que cette somme appartenait au Conseil pour la protection des droits humanitaires des réfugiés politiques yougoslaves ; elle avait reçu l’argent de main à main et l’avait reversé à ses destinataires.

6.        Par décisions du 23 juillet 2002, l’OCPA a recalculé le droit aux prestations complémentaires en tenant compte notamment de ce que la bénéficiaire partageait son appartement avec son frère, sa nièce et sa cousine, selon les données inscrites au contrôle des habitants, et lui a réclamé la restitution de CHF 28'247.-. Sur réclamation, l’OCPA a réduit le montant réclamé à CHF 5'046.- par décisions du 9 décembre 2002.

7.        Le 4 janvier 2016, le SPC a reçu la dénonciation anonyme suivante :

« [la bénéficiaire] a un appartement en location […] à Genève. Elle déclare cet appartement comme résidence principale, alors qu’en réalité, c’est sa fille qui l’occupe ! Cette personne vit en réalité depuis plus de vingt ans en permanence en France, à Cranves-Sales […] et elle possède deux voitures avec des plaques suisses, dans une grande villa avec piscine, qu’elle a déclarée en résidence secondaire ! Cette dame, en parfaite santé, qui ne travaille pas depuis des années, qui habite officieusement à Genève et qui mène grand train de vie, réside en réalité depuis longtemps en France et, pire encore, perçoit une rente de l’assurance-invalidité et une aide de l’OCPA ! On peut se poser quelques questions : d’où viennent tous ces revenus ? Je ne connais personne vivant seulement de l’AI et de l’aide de l’OCPA qui puisse vivre dans un tel luxe ! A-t-elle d’autres revenus non déclarés ? Depuis combien de temps ? Ne devrait-elle pas être imposée en France plutôt qu’en Suisse ? À l’heure où Genève, en période de crise, contrôle et réduit les prestations sociales, il serait logique que les personnes qui n’y ont pas droit soient justement sanctionnées et remboursent les prestations versées illégalement […] ».

8.        En février 2016, Le SPC a reçu les décisions de taxation rendues par l’administration fiscale genevoise pour la bénéficiaire de 2009 à 2014, dont il ressortait une fortune nulle.

9.        Le 12 février 2016, le SPC a invité la bénéficiaire à remplir une déclaration de biens mobiliers et immobiliers, ainsi qu’à lui transmettre divers renseignements, notamment le nombre de personnes partageant son logement, une estimation officielle de la valeur vénale de son immeuble en France et ses extraits de comptes bancaires.

10.    La bénéficiaire a été auditionnée par le SPC le 22 mars 2016. Elle a déclaré que la maison de Cranves-Sales ne lui appartenait pas et que ses véritables propriétaires étaient des membres d’un parti politique au pouvoir, qui lui avaient demandé de « prêter son nom » pour l’achat de cet immeuble, ce qu’elle n’avait pas pu refuser car elle leur était redevable. Elle disait vivre avec sa fille et sa cousine à Genève et disposer d’une chambre dans la villa en France lorsque celle-ci était inoccupée. De l’avis de la collaboratrice du SPC, elle n’avait pas répondu clairement à la question de savoir si elle y passait au moins trois mois par an, mais elle avait précisé qu’elle y passait régulièrement quelques jours, notamment pour y effectuer des travaux d’entretien.

11.    Le 29 mars 2016, la bénéficiaire a transmis au SPC un formulaire de révision périodique, dans lequel elle a confirmé être domiciliée à Genève avec sa cousine et sa fille. Elle a joint une lettre, dans laquelle elle indiquait avoir été contrainte de jouer le rôle de prête-nom pour l’achat de la maison, car elle était redevable envers « des personnes d’un certain parti politique (toujours au pouvoir) » ayant sauvé une partie de sa famille en Bosnie. Elle ne pouvait pas expliquer les choses en détails, car cela pouvait mettre en péril sa famille et elle-même. À l’occasion de visites, certaines personnes lui laissaient les fonds nécessaires et elle acquittait les frais liés à la maison par le biais d’un compte en France.

12.    Le 4 avril 2016, la bénéficiaire a transmis au SPC diverses pièces, notamment :

-         la copie d’un acte de vente notarié établi le 13 octobre 1995 par Maître Thierry ANDRIER, dont il ressortait que sa cousine et elle-même avaient acquis, à concurrence de 50% chacune, une maison à usage d’habitation sise à Cranves-Sales, France. Le prix de vente était fixé à FF 800'000.-, comprenant FF 750'000.- pour la villa et FF 50'000.- pour les meubles ;

-         un courrier adressé à la bénéficiaire le 10 mars 2016 par l’entreprise D______ Sàrl, évaluant à € 320'000.- (± 5%) la valeur vénale de la villa sise à Cranves-Sales, sous réserve d’examens plus approfondis.

13.    Par trois décisions expédiées le 24 mai 2016, le SPC a recalculé le droit de la bénéficiaire aux prestations complémentaires et au subside de l’assurance-maladie depuis juin 2001 pour tenir compte de la valeur de l’immeuble dont elle était copropriétaire, et lui réclamé la restitution des prestations complémentaires (CHF 342'264.-), des subsides (CHF 75'185.80) et des remboursement de frais médicaux (CHF 20'404.25) qu’il lui avait accordés, soit CHF 437'854.05 au total. Dans le cadre des enquêtes ouvertes par le SPC, la bénéficiaire avait déclaré ne posséder aucun bien immobilier, la dernière fois en 2002. Son comportement excédait la simple violation du devoir d’annonce et justifiait l’application du délai de prescription de quinze ans prévu par le droit pénal.

14.    Par pli du 21 juin 2016, la bénéficiaire a formé opposition à ces décisions. Elle n’était pas l’ayant droit économique du bien immobilier, car sa cousine et elle-même n’avaient agi que comme « prête-noms » dans un but humanitaire, alors que l’ex-Yougoslavie était en proie à la guerre entre 1993 et 1999. Elle n’avait aucune obligation d’annoncer ce bien dont elle n’était pas la « propriétaire économique », ni n’avait commis d’infraction pénale. Les décisions querellées ne tenaient pas compte des explications qu’elle avait données lorsqu’elle s’était rendue au SPC et l’administration n’avait procédé à aucune instruction. À l’appui de son opposition, l’assurée a joint une traduction certifiée conforme d’une déclaration en langue serbe émanant de Monsieur E______, domicilié en Serbie :

«  Je soussigné […] atteste par la présente : que je connais personnellement et que j’ai pris part personnellement dans le transfert des moyens financiers à [la bénéficiaire] et [sa cousine], qui étaient collectés au nom de la société humanitaire d’alors F______ de Beograd durant la période de guerre, de 1993 jusqu’à 1999 aux fins d’achat d’une maison en France, à Cranves-Sales ; que ces moyens financiers dérivent des bienfaiteurs tant du pays que de l’étranger ;que le but du fonds humanitaire, dont je suis l’un des fondateurs et coordinateur, était de venir en aide aux personnes exilées des régions en proie à la guerre. Je [re]connais également qu’au courant de l’année 1995, nous avons remis à [la bénéficiaire] et [sa cousine], pour les besoins de la société humanitaire précitée, [un] montant d’environ CHF 215'000.- pour qu’elles puissent acheter à leurs noms et pour nos besoins d’alors une maison à Cranves-Sales en France […]. La maison n’appartient donc économiquement ni à [la bénéficiaire], ni à [sa cousine], elles avaient seulement prêté leurs noms […] Ainsi notre fonds humanitaire a permis d’accueillir et d’héberger à Cranves-Sales des familles exilées par la guerre et les atrocités commises en ex-Yougoslavie à cette époque. Oui, après la guerre et jusqu’à aujourd’hui, la maison à Cranves-Sales sert toujours aux buts humanitaires de la société F______ en y accueillant, par exemple, des familles dans le besoin pour les vacances ».

15.    Par décision du 4 mai 2017, reçue le lendemain, le SPC a rejeté l’opposition. Il n’existait pas de document officiel propre à démontrer que les prérogatives de la bénéficiaire sur l’immeuble étaient restreintes. La bénéficiaire n’avait pas déclaré cet immeuble, que ce soit lorsqu’elle l’avait acquis en 1995 ou ultérieurement, malgré les communications qu’elle avait reçues à la fin de chaque année, l’invitant à informer le SPC de toute fortune non prise en compte dans ses décisions. Auditionnée par le SPC, la dernière fois en 2002, elle avait déclaré ne pas être propriétaire d’un bien immobilier, de sorte que son comportement ne relevait pas d’une simple violation de son obligation de renseigner mais d’une escroquerie. Elle n’avait pas annoncé l’achat du bien immobilier, alors qu’elle s’était engagée à le faire en signant sa demande et alors même que son obligation de renseigner lui avait été rappelée par des courriers annuels du SPC. Suite à ses entretiens avec le secteur des enquêtes du SPC, elle savait que tout immeuble ou avoir bancaire était pris en compte pour le calcul des prestations et devait être annoncé, même si l’argent reçu était destiné à être redistribué aux personnes désignées par une organisation. Elle avait vraisemblablement entendu tirer parti de la difficulté qu’avait l’administration à vérifier minutieusement la situation de ses bénéficiaires. Afin de tenir compte de la moitié de la valeur vénale et locative de l’immeuble, le SPC avait recalculé les prestations et réclamé la restitution des prestations versées dès le 1er juin 2001, soit dans le délai de prescription pénal.

16.    Par acte du 6 juin 2017, la bénéficiaire a saisi la chambre de céans d’un recours contre cette décision, concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au renvoi de la cause à l’administration pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Elle a répété ne pas être la propriétaire économique de l’immeuble et s’être limitée à jouer le rôle de prête-nom pour l’organisation humanitaire F______. Comme en témoignait la déclaration de M. E______, sa cousine et elle-même avaient reçu environ CHF 215'000.- afin qu’elles achètent, pour F______, une maison en France destinée à héberger des personnes ayant fui la guerre en ex-Yougoslavie. Cette maison était toujours utilisée à des fins humanitaires et accueillait, par exemple, des familles dans le besoin pour les vacances. L’administration avait enfreint son obligation d’instruire en ne cherchant pas à clarifier les circonstances dans lesquelles elle avait acheté cette maison. Or, à son sens, il convenait de faire abstraction de cet immeuble dans le calcul des prestations complémentaires, s’il était établi qu’elle n’avait joué qu’un rôle de prête-nom. Elle requérait l’audition de divers témoins.

17.    Dans sa réponse du 26 juillet 2017, le SPC a conclu au rejet du recours, en rétorquant que les faits sur lesquels il se fondait étaient attestés par acte authentique et que la bénéficiaire supportait les conséquences d’un échec de preuve portant sur des faits contraires.

18.    Dans sa réplique du 28 juillet 2017, la recourante a fait valoir qu’en vertu de la maxime d’office, on ne pouvait lui opposer une absence de preuve que si les investigations effectuées ne permettaient pas de rendre vraisemblable les faits dont elle entendait se prévaloir. Or, l’administration n’avait pas investigué les faits invoqués.

19.    Le 16 octobre 2017, la chambre de céans a entendu les parties en audience ainsi que la cousine de la recourante, en qualité de témoin.

La recourante a déclaré être venue en Suisse en 1982 pour avoir une vie meilleure. Elle était jeune, sans travail et avait décidé d’y rejoindre sa cousine. Elle s’était ensuite mariée avec Monsieur A______, qu’elle avait connu dans un café où elle travaillait. Par ailleurs, elle avait adopté en Serbie sa nièce, qui était ainsi devenue sa fille. Le Conseil pour la protection des droits humanitaires des réfugiés politiques yougoslaves, dont elle avait fait état lors de son audition par le SPC en 1996, était composé de gens qui s’entraidaient partout dans le monde. La plupart d’entre eux étaient des émigrés issus de l’ancienne Serbie (avant le régime de Tito), dont elle avait fait la connaissance à Genève et qui lui demandaient de rendre service aux exilés ayant fui pendant la guerre. C’était ainsi qu’elle avait fait les traductions bénévoles évoquées durant son audition en 1996. Elle aidait les personnes qui arrivaient à Genève et ne connaissaient pas la langue et les conduisait chez le médecin, dans les églises ou les administrations. Compte tenu des problèmes qu’elle avait rencontrés avec le SPC, elle avait invité ceux qui lui demandaient ces services à ne plus faire appel à elle s’agissant notamment des fonds qui lui étaient remis, qu’elle créditait sur son compte et restituait ensuite aux destinataires. Sur question, elle précisait disposer d’un véhicule, lequel appartenait en fait à sa cousine, avec laquelle elle partageait son logement.

La recourante contestait avoir acheté la maison de Cranves-Sales meublée. À la question de savoir pourquoi l’acte de vente contenait une liste de meubles acquis pour FF 50'000.-, elle répondait qu’il s’agissait seulement des meubles de la cuisine et que sinon, la maison était vide. Le but de l’acquisition de cette maison par F______ était de venir en aide aux compatriotes qui fuyaient le pays en guerre. À défaut de papiers, l’association ne pouvait rien acheter et c’était pour cela qu’il avait été fait appel à elle. La première fois qu’elle avait entendu parler de F______, c’était vers 1994 ; sa mère lui avait expliqué que cette organisation avait porté secours à une partie de sa famille. Elle avait alors rencontré M. E______, qui lui avait indiqué que dans le cadre de l’entraide aux compatriotes exilés, il conviendrait de disposer d’une maison dans la région où elle vivait. Elle n’avait pas pu dire non et avait donc pris contact avec une agence immobilière en France voisine qui lui avait proposé la maison. Celle-ci comprenait quatre chambres à coucher un living et une cuisine, mais pas de sous-sol habitable. La maison avait été consacrée aux familles des donateurs et à leurs enfants, qui venaient y passer des vacances, ainsi qu’à des familles pauvres, qui arrivaient par un service de petits bus. Elle les accueillait à leur arrivée et nettoyait après leur départ. Elle n’avait jamais à proprement parler habité sur place, mais sa cousine et elle-même y passaient de temps en temps les week-ends. Elle ne savait pas pourquoi deux personnes avaient dû jouer le rôle de prête-noms, mais c’était M. E______ qui l’avait demandé. Elle n’avait pas pu expliquer aux membres de l’organisation qu’elle ne pouvait pas faire cela en raison de ses prestations sociales et de ses obligations à l’égard du SPC. Comme elle avait déjà été impliquée dans des organisations d’aide aux compatriotes et qu’elle leur était de surcroît redevable pour sa famille, ils avaient estimé qu’elle était la bonne personne. S’agissant du financement, elle avait reçu l’argent en espèces en plusieurs tranches, plus ou moins par les mêmes personnes, dont M. E______. Sur question, elle indiquait avoir vendu la maison en mai 2017 ; elle avait demandé à en être libérée en raison des problèmes qu’elle avait rencontrés. Elle avait reçu une partie du produit de la vente sur un compte en France qu’elle avait ouvert pour acheter la maison, tandis qu’une autre partie avait été créditée sur un compte de sa cousine en Serbie.

Interrogée à son tour, la cousine de la recourante a confirmé vivre avec cette dernière et connaître l’organisation F______. La recourante avait pris contact avec cette organisation, car dans les années nonante, sa mère vivait en Serbie mais avait encore une famille nombreuse en Bosnie. La recourante avait ensuite été chargée par l’organisation de chercher une maison pour aider les familles en danger dans son pays. La cousine de la recourante indiquait n’avoir pas rencontré beaucoup de personnes de cette organisation hormis M. E______ ; elle avait vu des gens apporter de l’argent pour acheter la maison, dont M. E______ et deux ou trois autres personnes ; elle ignorait qui avait donné quoi. Bien qu’elle était allée avec la recourante chez le notaire, elle ne se souvenait pas comment la maison avait été financée, ni comment elle avait été trouvée. Des personnes de l’organisation avaient cherché une maison à acquérir et elle s’y était aussi intéressée de son côté, en se renseignant auprès de ses collègues de travail à Genève. Suite à l’acquisition de la maison, la recourante et elle-même s’étaient occupées d’accueillir les gens. La maison n’était pas occupée toutes les semaines, car les gens travaillaient et venaient pendant les vacances. Elles nettoyaient la maison, mais n’y étaient pas souvent. Il leur arrivait cependant d’y passer la journée ou le weekend. Lorsqu’elle était seule, elle y allait en bus, et sinon, en voiture avec la recourante. Elle n’avait pas de permis mais avait acheté une voiture (Nissan Juke), que la recourante conduisait. Sur question, elle précisait qu’à l’époque où la maison avait été achetée, elle était beaucoup plus fréquentée. Depuis quelques mois, la maison avait été vendue et les personnes qui l’avaient financée avaient récupéré le produit de la vente. Elle ignorait pourquoi ces derniers n’avaient pas acheté la villa eux-mêmes. La maison avait été vendue € 350'000.- ou € 360'000.- et le notaire avait versé € 200'000.- sur un compte à Belgrade. Là-bas, elle était allée à la banque avec deux personnes ainsi que M. E______ et avait remis l’argent à ce dernier. Par ailleurs, M. E______ avait demandé à la recourante de remettre le solde à des gens qui passeraient à Genève.

La recourante a rétorqué que contrairement à ce qu’avait indiqué sa cousine, aucune opération n’avait eu lieu à Genève, tout s’étant passé en France. Sur question, elle a précisé que si elle ne s’était pas adressée au SPC pour leur expliquer la situation au moment de l’acquisition, c’était parce que personne ne l’aurait crue et que les prestations lui auraient immédiatement été suspendues. D’ailleurs, lorsque le SPC avait reçu la dénonciation, elle avait dû faire des pieds et des mains pour être reçue et leur expliquer. Depuis que les prestations lui avaient été supprimées, elle vivait d’aides de sa fille, de sa cousine et aussi un peu de F______.

Enfin, la cousine de la recourante précisait spontanément qu’à la suite de la suppression des prestations, la bénéficiaire avait voulu se suicider.

À l’issue de l’audience, la chambre de céans a invité la recourante à produire l’acte de revente de la maison, les décomptes du notaire et les extraits de comptes bancaires concernant sa cousine et elle-même.

20.    Le 30 octobre 2017, la recourante a produit les pièces se rapportant à la vente de la maison, notamment l’acte de vente du 19 mai 2017 et les relevés de comptes bancaires.

La recourante a exposé que l’immeuble avait été vendu le 19 mai 2017 pour € 390'000.-. Elle avait perçu € 158'582.50, sa cousine € 200'000.- et le solde du prix de vente avait servi à régler des frais. Un compte ouvert par sa cousine à Belgrade avait servi à réceptionner le montant de € 200'000.-, lequel avait été retiré en espèces en septembre 2017, puis le compte avait été clôturé. Sur les montants qui lui avaient été crédités, la recourante avait retiré € 153'000.- en espèces en quatre opérations en juin et juillet 2017. Les motifs mentionnés sur ses relevés bancaires (« vacances » ; « dette impossibilité faire virement » et « remboursements dettes ») pour répondre à son obligation en France d’expliquer les raisons de ses retraits ne « [correspondaient] pas forcément à une réalité, dès lors qu’ils ne devaient servir qu’à contenter les exigences de la banque et que, comme expliqué en audience, ces retraits [avaient] servi à rembourser les donateurs conformément aux instructions reçues à Belgrade ». Certes, l’opération pouvait paraître singulière, mais elle s’expliquait, selon la recourante, par des circonstances susceptibles d’être prouvées par témoignages.

21.    La chambre de céans a mis en œuvre une nouvelle audience le 11 décembre 2017.

La recourante, hospitalisée, s’est excusée.

Interrogé en qualité de témoin, Monsieur G______, domicilié à Genève, a indiqué avoir fait la connaissance de la recourante et de sa cousine vers 1982-1983. Au début, ils se rencontraient dans le cadre de l’association yougoslave « H______ », qui comprenait notamment un club de football. Lorsque la guerre avait éclaté en ex-Yougoslavie, l’organisation s’était pratiquement dissoute. À Genève et ailleurs, plusieurs organisations s’étaient constituées pour venir en aide aux compatriotes restés au pays, notamment sur le plan financier. À Genève, il y avait plusieurs associations, dont l’une avait rendu service à la famille de la recourante en Bosnie. Pour rendre à son tour service, la recourante avait dû s’investir de façon importante à Genève. M. E______, originaire de Bosnie, était un membre très actif de l’association ; il était venu quelque fois dans la région de Genève et avait notamment accompagné des personnes venues habiter dans la maison en France. Ils n’avaient pas personnellement reçu ces personnes dans la maison, sauf une jeune fille bosniaque résidant officiellement à Puplinge dans une ancienne ferme où des réfugiés avaient été accueillis. En revanche, ils avaient apporté plusieurs fois des vivres aux réfugiés logeant dans cette ferme. Il était au courant du fait que la recourante ainsi que sa cousine étaient les « propriétaires » de la maison ; il fallait bien que quelqu’un apparaisse comme propriétaire, mais au fond, c’était cette fameuse association qui en était la véritable propriétaire. Dépourvue de structure en Suisse et aussi vraisemblablement en France, l’association avait décidé d’acquérir une propriété, conçue comme un pied-à-terre où les familles bosniaques évacuées pourraient s’arrêter jusqu’à ce qu’elles trouvent une destination stable où elles pourraient se déclarer réfugiées. M. E______ avait accompagné l’une de ces familles dans la maison et celle-ci y était restée un mois environ, avant de repartir. Sur place, il avait aussi rencontré d’autres familles. M. E______ avait apporté l’argent à Genève pour l’acquisition de la villa et d’autres membres de l’organisation avaient participé au financement, notamment un londonien, ce qu’il ne pouvait cependant pas certifier. De son côté, il avait beaucoup participé financièrement pour aider des familles ayant fui la Bosnie pour se réfugier en Serbie. Il ne s’était rendu que ponctuellement dans la maison de Cranves-Sales pour y réparer certains dégâts. Il y avait croisé parfois la recourante ou sa cousine, parfois aucune des deux. À sa connaissance, elles résidaient à Genève, car lorsqu’elles l’avaient invité, c’était toujours à Genève. Enfin, sur question, il indiquait que M. E______ lui avait parlé de l’acquisition de la maison et du fait qu’il cherchait des prête-noms. Il lui avait suggéré la recourante, mais M. E______ avait déjà songé à elle. Au fond, la recourante n’avait pas le choix, car ce genre de service était présenté de telle manière que l’on ne pouvait pas refuser, par rapport à une pression manifestement sous-jacente.

22.    À l’issue de l’audience, la chambre de céans a gardé la cause à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPC du 6 octobre 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2008, a remplacé la LPC du 19 mars 1965 (aLPC). Pour les prestations complémentaires cantonales, la novelle du 13 décembre 2007 est également entrée en vigueur le 1er janvier 2008. Dès lors que du point de vue temporel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits, le droit aux prestations complémentaires s'analyse selon les dispositions en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 pour le droit aux prestations jusqu'à cette date et selon le nouveau droit dès le 1er janvier 2008 (ATF 132 V 215 consid. 3.1.1; ATF 127 V 466 consid.1).

Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        Les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans le délai de trente jours suivant la notification auprès du tribunal des assurances compétent (art. 60 et 61 let. b LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC ; J 4 20] ; art. 43 LPCC). Lorsque le délai échoit un samedi, un dimanche ou un jour férié selon le droit fédéral ou cantonal, son terme est reporté au premier jour ouvrable qui suit (art. 38 al. 3 LPGA ; art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

En l’espèce, la décision sur opposition a été notifiée le 5 mai 2017, de sorte que le délai de recours échoyait en principe le 4 juin 2017. Toutefois, comme les 4 et 5 juin 2017 (dimanche et lundi de Pentecôte) étaient légalement fériés, le terme du délai de recours a été reporté au 6 juin 2017 (art. 1 al. 1 let. e de la loi sur les jours fériés du 3 novembre 1951 - J 1 45). Déposé à la date précitée, le recours a été interjeté en temps utile. Satisfaisant par ailleurs aux exigences formelles prescrites par la loi, il est recevable (art. 89B LPA).

4.        Le litige porte sur la restitution des prestations complémentaires, des subsides de l’assurance-maladie et des remboursements de frais médicaux que la recourante aurait perçus à tort depuis le 1er juin 2001, singulièrement sur la prise en considération d’une fortune immobilière dans le calcul des prestations servies par le SPC.

5.        Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit aux prestations complémentaires. Y ont notamment droit les personnes qui perçoivent une rente de l’assurance-invalidité (art. 4 al. 1 let. c LPC).

Selon l’art. 3 LPC, les prestations complémentaires se composent de la prestation complémentaire annuelle, versée mensuellement (let. a) et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (let. b). Selon l'art. 9 al. 1 LPC (jusqu’au 31 décembre 2007 : art. 3a al. 1 aLPC), le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Selon l’art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. b), un quinzième de la fortune nette, ainsi que les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d).

La fortune prise en compte doit être évaluée selon les règles de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton du domicile. Lorsque des immeubles ne servent pas d'habitation au requérant ou à une personne comprise dans le calcul de la prestation complémentaire, ils seront pris en compte à la valeur vénale (art. 17 al. 1 et 4 de l’ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 [OPC-AVS/AI - RS 831.301]).

La valeur locative du logement occupé par le propriétaire ou l'usufruitier ainsi que le revenu provenant de la sous-location sont estimés selon les critères de la législation sur l'impôt cantonal direct du canton de domicile (art. 12 OPC-AVS/AI). Toutefois, lorsqu’un immeuble n’est pas situé dans le canton de Genève, l’administration fiscale peut faire recours à un taux forfaitaire de 4.5% de la valeur du bien pour fixer la valeur locative, et ce dans la mesure où les conditions locales ne peuvent pas être déterminées aisément, contrairement aux immeubles situés dans le canton (ATAS/43/2010, ATAS/732/2009, ATAS/399/07, ATAS 1040/05).

6.        S’agissant des prestations complémentaires cantonales, y ont droit les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le montant de la prestation complémentaire correspondant à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

Aux termes de l’art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, notamment le fait que les prestations complémentaires fédérales sont ajoutées au revenu déterminant (let. a).

7.        Selon l'art. 25 al. 1 1ère phrase LPGA, en relation avec l'art. 2 al. 1 let. a de l'Ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA ; RS 830.11), les prestations complémentaires fédérales indûment touchées doivent être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers. Au niveau cantonal, l'art. 24 al. 1 1ère phrase LPCC prévoit que les prestations indûment touchées doivent être restituées.

Selon la jurisprudence, cela implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1er LPGA) de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations ont été accordées (ATF 130 V 318 consid. 5.2). La modification de décisions d'octroi de prestations complémentaires peut avoir un effet ex tunc - et, partant, justifier la répétition de prestations déjà perçues - lorsque sont réalisées les conditions qui président à la révocation, par son auteur, d'une décision administrative.

À cet égard, la jurisprudence constante distingue la révision d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'administration est tenue de procéder lorsque sont découverts des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve susceptibles de conduire à une appréciation juridique différente (ATF 122 V 19 consid. 3a; ATF 121 V 1 consid. 6), de la reconsidération d'une décision formellement passée en force de chose décidée sur laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant que la décision soit sans nul doute erronée et que sa rectification revête une importance notable (ATF 122 V 19 consid. 3a; ATF 122 V 169 consid. 4a; ATF 121 V 1 consid. 6).

Lorsque le versement indu résulte d'une violation de l'obligation de renseigner au sens des art. 31 LPGA, 31 LPC et 11 LPCC et que cette violation est en relation de causalité avec la perception indue de prestations d'assurance, la modification de la prestation a un effet rétroactif (ex tunc), qui entraîne - sous réserve des autres conditions mises à la restitution - une obligation de restituer (ATF 119 V 431 consid. 2; SVR 1995 IV n° 58 p. 165).

8.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2; VSI 1994 p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

Par ailleurs, si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b; ATF 124 V 90 consid. 4b et 122 V 157 consid. 1d).

9.        En l’espèce, l’intimé a découvert en 2016 – à la suite d’une dénonciation – que la recourante était copropriétaire d’une villa en France.

L’on est en présence d’un fait important susceptible de modifier le calcul des prestations complémentaires, qui existait déjà au moment où les décisions initiales d’octroi de prestations ont été rendues, mais a été découvert subséquemment. Il s’agit donc d’un possible motif de révision procédurale au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA, susceptible d’entrainer la restitution des prestations indûment versées aux conditions précédemment énumérées (cf. consid 7).

10.    Il sied d’examiner si la recourante était copropriétaire de la villa, le cas échéant de déterminer si l’intimé était fondé à en tenir compte dans son calcul du droit aux prestations complémentaires.

a. Selon l’art. 9 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC; RS 210), les registres publics et les titres authentiques font foi des faits qu'ils constatent et dont l'inexactitude n'est pas prouvée. En droit suisse, la propriété foncière s'acquière en règle générale moyennant inscription au registre foncier (cf. art. 656 al. 1 CC). L'acquisition d'un immeuble suppose un titre d'acquisition (tel qu'un contrat de vente par exemple) et une opération d'acquisition, soit la réquisition au conservateur du registre foncier d'inscrire l'acquéreur comme nouveau propriétaire, suivie de l'inscription proprement dite (STEINAUER, Les droits réels, vol. II, 3ème éd., n. 1539).

En droit français, la propriété est définie comme le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu que l’on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements (art. 544 du Code civil français). Une vente est parfaite entre les parties et la propriété acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’il a été convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé (art. 1583 du Code civil français). L'acte authentique est celui qui a été reçu, avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter. Il fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté (art. 1369 et 1371 du Code civil français).

En matière de prestations complémentaires, l'origine des fonds constituant le capital de l'assuré est sans importance s'agissant de leur prise en compte à titre de fortune dans les revenus déterminants (Directives de l'office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires [DPC], état au 1er janvier 2008, ch. 3443.01; Alexandra RUMO-JUNGO, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungs-recht, Bundesgesetz über Ergänzungsleistungen zur Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung, Zurich 1994, p. 22). Cependant, il n'y a lieu de tenir compte dans le cadre des revenus déterminants que des actifs que l'assuré a effectivement reçus et dont il peut disposer sans restriction (ATF 127 V 248, consid. 4a; ATF 122 V 19, consid. 5a et les références). Ne sont notamment pas pris en considération dans la fortune les éléments de fortune se trouvant à l'étranger et ne pouvant être transférés en Suisse ou réalisés pour une raison quelconque (DPC, ch. 3443.06 ; Urs MÜLLER, Bundesgesetz über Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Murer/Stauffer [éd.], Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, 2ème éd. 2006, p. 112, nn. 352-356).

Comme le démontre la directive précitée, reprise par la doctrine, le seul critère de la propriété - au sens civil du terme - ne suffit pas pour qu'un bien soit retenu à titre de fortune dans les calculs du droit aux prestations complémentaires, sous réserve des cas de dessaisissement. Encore faut-il que la personne qui prétend des prestations complémentaires puisse librement disposer des biens dont elle est propriétaire pour assurer la couverture de ses besoins vitaux (ATAS/191/2011 du 17 février 2011 consid. 7).

b. Dans le cas particulier, il convient préalablement de rappeler que la bénéficiaire et sa cousine ont conclu, le 13 octobre 1995, un contrat de vente en la forme authentique portant sur une villa d’habitation sise en France. Cette vente a été publiée au service de la publicité foncière d’Annecy le 6 décembre 1995.

Dans le cadre des enquêtes ouvertes par le SPC en 1996 et en 2002, la bénéficiaire n’a pas mentionné l’existence de cet immeuble. Ce n’est qu’en mars 2016, après avoir été invitée par le SPC – à la suite d’une dénonciation – à lui transmettre une estimation de la valeur vénale de l’immeuble, que la bénéficiaire a cherché à justifier l’achat de la villa avec sa cousine, en expliquant qu’elles avaient agi en qualité de « prête-noms » pour le compte d’une organisation humanitaire.

Après s’être vue réclamer, par décisions des 24 mai 2016 et 4 mai 2017, la restitution des prestations complémentaires et des subsides qui lui avaient été accordés, respectivement des frais médicaux qui lui avaient été remboursés, la recourante a, conjointement avec sa cousine, vendu la villa devant notaire le 19 mai 2017. Déduction faite des frais inhérents à la vente, le notaire a versé sur leurs comptes bancaires respectifs les sommes de € 158'582.50 et € 200'000.-. La recourante a retiré en espèces € 153'000.- en juin et juillet 2017 et indique avoir utilisé ce montant pour rembourser des donateurs de l’organisation, dont elle ne précise pas l’identité. Quant à sa cousine, elle a reçu la somme de € 200'000.- sur un compte en Serbie, puis l’a également retirée en espèces.

c. Comme cela vient d’être exposé, la recourante et sa cousine ont conclu un contrat de vente en la forme authentique portant sur une villa en France. Dès lors que les actes officiels et registres publics font foi en la matière, il convient d’admettre que la recourante et sa cousine étaient copropriétaires de cet immeuble de 1995 jusqu’en 2017, et qu’elles l’étaient encore lorsque l’intimé a statué sur la restitution. L’immeuble n’appartenait pas à l’organisation humanitaire évoquée dans le recours, puisque celle-ci était dénuée d’existence légale et donc de personnalité juridique, selon les explications données par la recourante. Par ailleurs, la recourante et sa cousine pouvaient de toute évidence librement disposer de l’immeuble, puisqu’elles l’ont précisément vendu peu de temps après que l’administration a rendu ses décisions en restitution. La bénéficiaire étant copropriétaire de cet immeuble à 50% et pouvant librement en disposer, l’intimé était fondé à en tenir compte dans le calcul des prestations indûment versées.

Certes, la recourante affirme avoir acheté la villa pour le compte d’une organisation humanitaire au moyen de dons et affecté le produit de la vente au remboursement des « donateurs ». Il convient toutefois de rappeler que l'origine des fonds constituant le capital d’un assuré qui requiert des prestations complémentaires est en principe sans importance s'agissant de leur prise en compte à titre de fortune (cf. supra consid. 10a). Par ailleurs, si tant est qu’il soit pertinent dans la mesure où la copropriété de la recourante paraît prouvée par acte authentique, le fait que la villa pourrait avoir été utilisée à des fins humanitaires n’est pas démontré à satisfaction de droit, en l’absence de document propre à établir, notamment, combien de personnes y auraient séjourné et à quelles périodes.

De même, il n’est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que la recourante aurait acquis l’immeuble en exécution d’un contrat de mandat, faute de document établi à l’époque qui en attesterait, et de renseignements précis quant à l’identité des éventuels mandants, la recourante se limitant à alléguer qu’elle aurait agi pour le compte « de personnes d’un certain parti politique toujours au pouvoir ». En l’absence de preuve suffisante, ce dont la recourante supporte les conséquences (cf. supra consid. 8), la présente cause se distingue sensiblement d’un autre dossier qu’avait tranché le plenum de la juridiction de céans en 2011 (ATAS/191/2011 du 17 février 2011), où il avait été dûment prouvé et documenté qu’un bénéficiaire de prestations complémentaires avait acquis un bien immobilier pour le compte et au moyen des fonds d’une association dont il était le président (inscrit au registre du commerce), ce qui entraînait pour lui l’obligation de restituer toute chose reçue dans le cadre du mandat (art. 400 al. 1 du Code des obligations [CO ; RS 220]) et excluait par conséquent de prendre en compte l’immeuble dans le calcul des prestations complémentaires. Dans l’arrêt cité et contrairement à la présente cause, l’instruction avait notamment permis d’établir que l’association distribuait effectivement des repas aux personnes nécessiteuses et organisait annuellement un camp de vacances, que l’immeuble – un chalet et des terrains attenants – figurait dans l’avis de taxation 2006 de cette association ainsi que dans sa comptabilité à titre d’actif, que des résidents y avaient été accueillis en 2006 et enfin, que selon un tableau de distribution dressé par les autorités de poursuite, le produit de réalisation des parcelles devait être versé à l’association (et non au bénéficiaire) après désintéressement des créanciers. Dans le cas d’espèce, il n’existe pas de preuve comparable d’une acquisition à titre fiduciaire.

Enfin, on relèvera que si la recourante soutient que le produit de la vente de la villa aurait servi à rembourser des donateurs; elle ne précise toutefois ni l’identité de ces derniers, ni leurs créances respectives, et les relevés bancaires qu’elle produit sont muets à cet égard. Elle concède au demeurant que les explications qu’elle a données à la banque pour justifier ses retraits en espèces de € 153'000.- après la vente ne correspondent « pas forcément à une réalité ». Ce faisant, elle échoue à rendre hautement vraisemblable qu’elle aurait affecté le produit de la vente à des remboursements. Dans la mesure où les relevés bancaires qu’elle produit attestent de retraits en espèces, ils ne permettent pas de déterminer les destinataires de l'argent et les montants dont elle leur serait individuellement redevable. Or, dans le domaine des prestations complémentaires, un assuré qui ne peut prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut se prévaloir d'une baisse correspondante de sa fortune; il doit accepter que l'administration s'enquière des motifs de cette baisse et qu’à défaut de preuve, elle tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral 9C_124/2014 du 4 août 2014 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 4/05 du 29 août 2005 consid. 5.3.2). De surcroît et toujours selon la jurisprudence, il ne suffit pas d’émettre l’hypothèse qu’une fraction de la fortune correspondrait à des prêts ou appartiendrait à un tiers, sans produire des éléments concrets en attestant (contrat de prêt, relevé de compte bancaire attestant d’un transfert de fonds, etc ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_846/2010 du 12 août 2011 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 57/05 du 29 août 2006).

11.    Il reste à examiner si l’intimé a respecté les délais de péremption légaux.

a. En vertu de l'art. 25 al. 2 LPGA, le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant.

S’agissant en l’occurrence du délai relatif d’une année, il appert que l’intimé a reçu en janvier 2016 une dénonciation stipulant que la bénéficiaire disposait d’un immeuble en France. Après avoir requis, notamment, la production d’une estimation officielle de la valeur vénale de cet immeuble, l’intimé a rendu en mai 2016 trois décisions par lesquelles il a réclamé la restitution des prestations versées depuis le 1er juin 2001. Il a donc agi dans le délai d’un an dès la connaissance des faits justifiant la restitution.

b. Quant au délai absolu, il sied d’examiner si l’intimé est en droit de réclamer les prestations indûment versées dans les quinze ans ayant précédé ses décisions de restitution, en application d’un délai plus long prévu par le droit pénal. À cet égard, l’intimé invoque que la bénéficiaire se serait rendue coupable d’escroquerie en déclarant n’être propriétaire d’aucun bien immobilier lorsqu’elle a été entendue par un enquêteur de l’OCPA en 2002. Il relève en outre que la bénéficiaire n’aurait pas réagi aux communications annuelles du SPC, l’enjoignant à annoncer tout changement dans sa situation économique. De son côté, la recourante se défend d’avoir commis la moindre infraction pénale.

c. Pour que le délai de plus longue durée prévu par le droit pénal s'applique, on doit être en présence d'un acte punissable. En l'absence d'un jugement pénal, comme c'est le cas ici, il appartient au juge administratif d'examiner à titre préjudiciel si les circonstances correspondant à une infraction pénale étaient réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que ceux prévus à l'art. 25 al. 2, 1ère phrase, LPGA s’applique en l'espèce (ATF 138 V 74 consid. 6.1; ATF 122 III 225 consid. 4; 118 V 193 consid. 4a).

En matière de prestations complémentaires, ce sont principalement les art. 31 LPC (art. 16 aLPC) et 146 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP; RS 311.0) qui entrent en considération lorsqu’il y a lieu de déterminer si le délai de prescription pénal doit trouver application.

Jusqu’au 30 septembre 2002, le délai de prescription de l’action pénale était de cinq ans pour l’infraction décrite à l’art. 31 LPC et de dix ans pour celle visée à l’art. 146 CP (art. 70 aCP). Depuis le 1er octobre 2002, l’action pénale se prescrit par sept ans pour l’infraction décrite à l’art. 31 LPC et quinze ans pour celle visée à l’art. 146 CP (art. 97 al. 1 CP). En cas de modification des délais de prescription de l'action pénale, le code pénal prévoit l'application de la lex mitior : les nouveaux délais de prescription ne sont applicables aux infractions commises avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle que s'ils sont plus favorables à l'auteur de l'infraction. À défaut, les anciens délais demeurent applicables (art. 389 al. 1 CP; ATF 134 IV 82 consid. 6.2.1). En renvoyant, à l'art. 25 al. 2 LPGA, au délai de prescription plus long prévu par le droit pénal, le législateur avait pour but d'éviter la péremption d'une créance en restitution de prestations indûment versées, en raison d'un acte punissable, aussi longtemps que l'auteur de l'infraction reste exposé à une poursuite pénale, généralement plus lourde de conséquences. Il est conforme à cet objectif d'appliquer dans ce contexte les règles de droit transitoire prévues par le droit pénal (ATF 132 III 661 consid. 4.3). Le point de départ du délai au sens de l'art. 25 al. 2, 2ème phrase LPGA se détermine selon les critères établis à l'art. 98 CP, de sorte que le délai commence à courir dès le jour où l'auteur a exercé son activité coupable (let. a) et dès le jour du dernier acte si cette activité s'est exercée à plusieurs reprises (let. b). En cas de délit par omission, le début de la prescription coïncide avec le moment où l'auteur aurait dû agir (ATF 138 V 74 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_213 du 4 novembre 2016 consid. 5.3.2).

L’art. 146 CP (escroquerie) punit d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers. L'escroquerie suppose notamment, sur le plan objectif, que l'auteur ait usé de tromperie. La tromperie peut être réalisée non seulement par l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dissimulation d'un fait vrai. A cet égard, on distingue la dissimulation d'un fait vrai par commission de celle par omission (improprement dite), laquelle ne peut constituer une tromperie que si l'auteur se trouve dans une position de garant, à savoir s'il a, en vertu de la loi, d'un contrat ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation qualifiée de renseigner. Les devoirs légaux et contractuels du bénéficiaire de prestations d’assurance d’annoncer les modifications de sa situation personnelles susceptibles d’influencer son droit aux prestations ne fondent pas une position de garant (ATF 140 IV 11 consid. 2.3.2 et 2.4).

L'assuré qui, en vertu de l'art. 31 LPGA, a l'obligation de communiquer toute modification importante des circonstances déterminantes pour l'octroi d'une prestation, ne respecte pas cette obligation et continue à percevoir les prestations allouées initialement à juste titre, n'adopte pas un comportement actif de tromperie. Le fait de continuer à percevoir les prestations allouées ne saurait être interprété comme la manifestation positive - par acte concluant - du caractère inchangé de la situation. Il convient en revanche d'analyser la situation de façon différente lorsque la perception de prestations est accompagnée d'autres actions permettant objectivement d'interpréter le comportement de l'assuré comme étant l'expression du caractère inchangé de la situation. Tel sera le cas lorsque l'assuré ne répond pas ou pas de manière conforme à la vérité aux questions explicites de l'assureur destinées à établir l'existence de modifications de la situation personnelle, médicale ou économique; il n'est en effet plus question alors d'une escroquerie par omission, mais d'une tromperie active (ATF 140 IV 206 consid. 6.3.1.3 ; ATF 140 IV 11 consid. 2.4.1 et 2.4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_791/2013 du 3 mars 2014 consid. 3.1.1).

L’actuel art. 31 al. 1 let. a et d LPC – qui correspond à l’ancien art. 16 al. 1 aLPC en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 –, punit d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes celui qui, par des indications fausses ou incomplètes ou de toute autre manière, obtient pour lui-même ou pour autrui l’octroi indu d’une prestation au sens de la loi sur les prestations complémentaires (let. a) ou manque à son obligation de communiquer (let. d). Le but de la norme est l’exécution conforme au droit, la plus efficiente et équitable possible, de la branche d’assurance des prestations complémentaires ainsi que la bonne foi dans les rapports entre les autorités et les personnes demandant des prestations. La norme constitue une infraction de résultat, laquelle est consommée du point de vue formel dès le premier versement de prestations complémentaires. À ce moment-là, tous les éléments constitutifs objectifs et subjectifs sont réalisés. Il ne s’agit pas d’un délit continu, même si, après l’admission d’une demande de prestations complémentaires, les versements sont effectués mensuellement et ainsi étalés dans le temps et que le demandeur de prestations a, pendant toute la durée des prestations, le devoir, en vertu de l’art. 24 OPC-AVS/AI, d’informer les autorités de toutes les circonstances qui pourraient avoir une influence sur le versement ou le montant des prestations. Celui qui commet une infraction au sens de l’art. 16 aLPC ne crée pas un état de fait contraire au droit mais provoque uniquement le résultat de l’infraction qui consiste en l’obtention indue de prestations. Le résultat de l’infraction ne dure pas mais est accompli à nouveau à chaque versement (ATF 131 IV 83 consid. 2.1.1 ss, in JdT 2007 IV 83).

L’art. 24 OPC-AVS/AI, qui règle l’obligation de renseigner, prévoit que les ayants droit, leur représentant légal ou, le cas échéant, les tiers ou les autorités à qui la prestation complémentaire est versée, doivent communiquer sans retard à l’organe cantonal compétent tout changement dans la situation personnelle et toute modification sensible dans la situation matérielle du bénéficiaire de la prestation. Cette obligation de renseigner vaut aussi pour les modifications concernant les membres de la famille de l’ayant droit.

d. En l’espèce, la bénéficiaire semble certes s’être rendue coupable d’escroquerie en avril 2002 lorsqu’elle a déclaré à l’enquêteur de l’OCPA, qui l’interrogeait sur ses ressources et son patrimoine, n’être propriétaire d’aucun bien immobilier. En effet, elle a adopté à ce moment-là un comportement actif de tromperie visant à cacher une information décisive pour le calcul des prestations. Cela étant, il semble avoir échappé à l’intimé qu’à l’époque où les faits ont été commis, le délai de prescription de l’action pénale pour l’infraction visée à l’art. 146 CP était de dix ans (art. 70 aCP). Contrairement à ce que l’intimé semble avoir considéré, le nouveau délai de quinze ans entré en vigueur au 1er octobre 2002 ne s’appliquait pas, puisqu’il ne consacrait pas un régime plus favorable que l’ancien délai en vigueur lors de la commission de l’infraction (art. 389 al. 1 CP).

Comme l’infraction dont la bénéficiaire pourrait s’être rendue coupable en avril 2002 était prescrite de longue date lorsque l’intimé a statué en 2016 – et ne pouvait donc plus donner lieu à une procédure pénale –, l’intimé ne pouvait s’en prévaloir pour réclamer la restitution des prestations versées rétroactivement depuis juin 2001. En effet, l’art. 25 al. 2, 2ème phrase LPGA ne permet à l’administration de demander une restitution qu’aussi longtemps que l’acte punissable peut donner lieu à une poursuite pénale (mais pas au-delà), le but de la loi étant que l’auteur d’une infraction en assume les conséquences patrimoniales tant qu’il peut être poursuivi pénalement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_213 du 4 novembre 2016 consid. 5.3.2 ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 132 ad art. 21).

e. Cela étant, il sied de relever que par la suite, la recourante a continué à taire l’existence de l’immeuble dont elle était copropriétaire, alors qu’elle recevait chaque année les décisions du SPC adaptant le montant des prestations et en parallèle les communications lui rappelant son obligation de déclarer tout modification de sa situation financière et de contrôler les montants figurant dans les décisions. En ne réagissant pas à ces décisions et communications annuelles, la bénéficiaire a exprimé tacitement mais de façon mensongère que sa fortune immobilière était nulle et ce faisant, elle a maintenu l’intimé dans son erreur. Par ailleurs, elle ne pouvait ignorer que l’immeuble dont elle était copropriétaire n’avait pas été pris en considération par l’intimé, ce qui ressortait de manière évidente des plans de calculs annexés aux décisions qui lui étaient notifiées chaque année. Elle ne méconnaissait pas davantage que sa situation patrimoniale avait une incidence sur le calcul des prestations et que des renseignements incomplets à cet égard étaient propres à l’exposer à une restitution, dont elle avait du reste déjà fait l’objet en 1997 en raison de comptes bancaires non déclarés. Ainsi, par son silence qualifié, la recourante a réalisé les conditions objectives et subjectives de l'infraction réprimée à l'art. 31 al. 1 let. d LPC (art. 16 al.1 aLPC jusqu’en 2007) chaque année de 1995 à 2015. Le délai de péremption de plus longue durée prévu par le droit pénal en matière d’infraction à l’art. 31 al 1 LPC, soit en l'occurrence sept ans conformément à l’art. 97 CP, est par conséquent applicable (ATF 131 IV 83 consid. 2.1.1 ss ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_171/2014 du 17 septembre 2014 consid. 6.4 s ; ATAS/1078/2012 du 30 août 2012 consid. 11c).

Il résulte de l’application du délai de sept ans que l’intimé pouvait seulement exiger la restitution des prestations versées depuis le 1er juin 2009 – et non depuis le 1er juin 2001 –, dès lors que les infractions commises antérieurement étaient déjà prescrites au moment où l’intimé a rendu ses décisions de restitution, en mai 2016. En ce sens, le recours est partiellement admis. La cause est renvoyée à l’intimé afin qu’il recalcule puis rende une nouvelle décision fixant le montant des prestations à restituer depuis le 1er juin 2009. Pour le reste, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant les plans de calculs de l’intimé, que la recourante ne critique pas en tant que tels.

12.    Le dossier permettant déjà à la chambre de céans de statuer en connaissance de cause sur le principe de l’obligation de restituer et sur la question de la péremption, il ne sera pas donné suite à la réquisition de preuve tendant à l’audition de deux témoins domiciliés en Serbie - dont l’un s’est au demeurant déjà prononcé par écrit -, par appréciation anticipée.

13.    La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

14.    La procédure est gratuite (art. 89H al. 4 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision sur opposition du 4 mai 2017.

3.        Renvoie la cause au SPC pour nouvelle décision, dans le sens des considérants.

4.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le