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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2496/2006

ATAS/509/2015 du 30.06.2015 ( AVS ) , RENVOI

Recours TF déposé le 15.09.2015, rendu le 22.10.2015, IRRECEVABLE, 9C_637/2015, 9C_657/2015
Recours TF déposé le 28.09.2015, rendu le 19.01.2016, REJETE, 9C_657/2015, 9C_637/2015
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2496/2006 ATAS/509/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 30 juin 2015

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à MONT-SUR-ROLLE

Monsieur B______ C______, domicilié à LA ROCHE-SUR-FORON, France

Monsieur D______ C______, domicilié à ETEAUX, France

recourants

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, sise rue des Gares 12, GENÈVE

intimée

 


 

EN FAIT

 

1.        La société E______ Sàrl (ci-après : la société), fondée en juillet 1999, avait pour but le nettoyage et le revêtement de sols, ainsi que toutes opérations en relation. La société - qui a occupé du personnel jusqu’en juillet 2004 - était affiliée en tant qu’employeur auprès de la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse).

2.        Etaient inscrits au Registre du commerce (RC) :

-          Monsieur A______, en qualité d’associé-gérant avec signature individuelle, pour une part de CHF 20'000.-,

-          Monsieur D______ C______, en qualité d’associé, pour une part de
CHF 3'000.-

-          et Monsieur B______ C______, en qualité d’associé, pour une part de CHF 7'000.-.

3.        Au cours des années 2001 à 2003, la société a réglé ses cotisations par le biais d’acomptes mensuels.

4.        Les attestations de salaires 2001 et 2002, parvenues tardivement à la caisse (elles n’ont été établies qu’en juillet 2003), ont révélé que les acomptes étaient insuffisants au vu des salaires effectivement versés, de sorte que des compléments de cotisations ont dû être réclamés à la société (CHF 27'596.25 pour 2001 et CHF 32'595.60 pour 2002).

5.        Le 4 décembre 2003, le montant des cotisations dues au 31 décembre 2002 s’élevait à CHF 60'191.85. A la demande de la société, la caisse lui a alors accordé un plan de paiement pour s’acquitter de sa dette. Ledit plan n’a cependant pas été honoré.

6.        L’attestation 2003 a été reçue le 4 mai 2005 et, comme pour les années précédentes, un important complément de cotisations a dû être réclamé.

7.        En 2004, la société n’a effectué qu’un seul versement, si bien que plusieurs sommations lui ont été adressées par la caisse (en dates des 23 février, 23 mars, 22 avril, 24 mai, 23 juin, 21 juillet, 23 août, 22 septembre et 21 octobre 2004). Le seul acompte versé a été insuffisant pour couvrir la dette de cotisations des sept mois encore travaillés cette année-là, de sorte que CHF 20'803.85 ont dû être réclamés à la société.

8.        Le 23 août 2004, M. A______ a déposé une plainte pénale contre ses associés. Il y alléguait notamment que son propre rôle dans la société s’était limité à superviser le soutien administratif assumé par F______ Sàrl et que cela avait laissé aux sieurs C______ une latitude considérable, qu’ils avaient mise à profit pour se rendre coupables de malversations (appropriation illégitime, abus de confiance, vol, escroquerie et gestion déloyale, selon les termes de la plainte).

9.        Le 5 octobre 2004, la faillite de la société a été prononcée par le Tribunal de première instance.

Interrogé par la caisse, M. A______ a répondu en date du 10 février 2005 en alléguant que la société avait en réalité été créée sous l’impulsion de M. B______ C______, spécialiste en revêtements de sols, qui désirait se mettre à son compte, en association avec son fils. Dans un premier temps, l’association s’était exercée sous forme de société simple, avant d’être convertie en société à responsabilité limitée (Sàrl). Il avait fallu pour cela trouver un troisième associé qui soit domicilié en Suisse. C’était dans ce contexte que les sieurs C______ s’étaient adressés à M. A______, courtier en assurances au sein de la société F______ Sàrl.

M. A______ avait accepté, espérant ainsi réaliser, en accueillant la société dans les locaux de son agence, un investissement lui permettant de rentabiliser la structure administrative de ladite agence en louant sa capacité excédentaire à un tiers.

M. A______ a ajouté que les sieurs C______ avaient de tout temps assumé la gestion opérationnelle de la société et la véritable direction : ils étaient responsables de la prospection de la clientèle, de la négociation des contrats, de l’organisation des chantiers, des achats, de la gestion de la trésorerie et des ressources humaines.

Il a expliqué que les résultats 2001 ayant été excellents, il avait été conforté dans l’idée que l’entreprise était entre de bonnes mains. Ce n’était qu’à la fin de l’année 2003 qu’il avait été informé par la nouvelle responsable des comptes de la société que le paiement à échéance des créanciers devenait difficile, voire impossible, et qu’il avait décidé d’examiner de plus près la situation de la société. Ses découvertes l’avaient alors conduit à déposer une plainte pénale contre ses associés, d’une part, à requérir la faillite de la société en date du 10 septembre 2004, d’autre part.

10.    Le 8 mars 2005, la caisse a produit sa créance, soit CHF 120'580.05 (CHF 110'341.45 [cotisations et frais] + CHF 10'238.60 [taxes de sommation, amendes et intérêts moratoires]) dans la procédure de faillite.

11.    L’état de collocation, déposé le 14 septembre 2005, a révélé l’absence de dividende prévisible.

12.    Par décision du 18 janvier 2006, la caisse a réclamé à M. A______, en sa qualité d’associé gérant et d’organe formel de la société faillie, la réparation de son dommage, soit CHF 120'204.05, représentant les cotisations paritaires dues par la société au 31 juillet 2004.

13.    L’intéressé s’y est opposé le 20 février 2006.

14.    Par décision du 7 juin 2006, la caisse a confirmé sa décision en réparation.

Elle a reproché à M. A______ de n’avoir pas respecté ses obligations d’employeur vis-à-vis d’elle, d’avoir fait preuve de passivité en attendant la fin de l’année 2003 pour examiner de plus près la situation de la société et fait observer que, si les agissements des sieurs C______ pouvaient expliquer la faillite survenue en 2004, ils ne justifiaient pas le retard accusé dans le paiement des cotisations depuis 2001.

15.    Par écriture du 7 juillet 2006, M. A______ a interjeté recours auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales (remplacé depuis lors par la Cour de céans). Une procédure a été ouverte sous le numéro A/2496/2006.

Le recourant concluait préalablement à la suspension de la cause jusqu’à droit jugé dans la procédure pénale No. P/1______/2004 ouverte contre les sieurs C______, à l’apport de ladite procédure pénale et, quant au fond, à l’annulation de la décision en réparation.

En substance, M. A______ reprend les explications déjà fournies dans son courrier du 5 octobre 2014.

Il répète qu’en réalité, ce sont les sieurs C______, père et fils, qui ont toujours assuré la gestion opérationnelle de la société. En particulier, ils répartissaient les ressources humaines sur les différents chantiers de la société et instruisaient les employés en relation avec les tâches à réaliser. C’étaient également eux qui établissaient chaque mois la liste des salaires à verser ; ils additionnaient les montants et soumettaient à M. A______ un chèque tiré sur le compte de la société. Cela correspondait au montant des salaires bruts, dont les cotisations sociales devaient être ensuite déduites.

M. A______ assure qu’il signait en toute confiance, puisqu’il n’avait aucun moyen de vérifier la présence effective des employés sur les chantiers et partait du principe que, s’agissant de leur propre exploitation, les sieurs C______ exerceraient toute la diligence voulue. Après avoir encaissé les chèques, c’étaient les sieurs C______, père ou fils, qui avaient pour charge de distribuer à chaque employé, en espèces, le salaire qui lui revenait et de verser à la caisse les charges sociales. Les comptes de la société étaient établis sur la base des éléments communiqués par la société à une fiduciaire, la société G______ Sàrl.

M. A______ ajoute que, jusqu’en 2001, les résultats de la société ont été excellents. En 2002, les comptes avaient révélé une explosion des charges salariales, obérant les comptes, mais des explications rassurantes avaient été fournies à M. A______ par les sieurs C______.

Ce n’est qu’à la fin de l’année 2003 que M. A______ avait été informé par la responsable des comptes de la société que le paiement à leur échéance des dettes de la société devenait de plus en plus difficile, voire impossible. Il avait alors examiné de plus près la situation financière de la société et réalisé que la confiance qu’il avait placée dans ses associés avait été trahie.

M. A______ fait valoir qu’il a requis la mise en faillite dès qu’il a constaté que la société se trouvait dans une situation financière obérée. Il en tire la conclusion qu’on ne saurait lui reprocher des manquements « d’une certaine gravité ».

16.    Le 18 janvier 2006, la caisse a également notifié une décision en réparation du même dommage à M. D______ C______, lequel s’y est opposé le 14 février 2006.

17.    La caisse a confirmé sa décision le 7 juin 2006, reprochant à M. D______ C______ d’avoir été un organe de fait de la société.

18.    Le 7 juillet 2006, M. D______ C______ a interjeté recours contre cette décision et une procédure a été ouverte sous le numéro A/2520/2006.

Le recourant a conclu à ce qu’il soit constaté que sa responsabilité n’est pas engagée.

En substance, il fait valoir qu’il n’a été qu’un simple responsable parqueteur du
1er août 1999 au 5 juin 2004 et que son activité a essentiellement consisté en prospection de la clientèle, négociation de contrats et organisation des chantiers.

Il affirme n’avoir eu connaissance des comptes de la société qu’en août 2004.

19.    Le 18 janvier 2006, la caisse a également notifié une décision en réparation du même dommage à M. B______ C______, lequel s’y est opposé le 9 février 2006.

20.    La caisse a confirmé sa décision le 7 juin 2006, reprochant à M. B______ C______ d’avoir été un organe de fait de la société.

21.    Le 7 juillet 2006, M. B______ C______ a interjeté recours contre cette décision et une procédure a été ouverte sous le numéro A/2518/2006.

Le recourant a conclu à ce qu’il soit constaté que sa responsabilité n’est pas engagée.

En substance, il nie avoir agi en tant qu’organe de fait et soutient que son activité a essentiellement consisté en prospection de la clientèle, négociation de contrats et organisation des chantiers.

Il affirme n’avoir eu connaissance des comptes de la société qu’en août 2004.

22.    Par écriture du 14 août 2006, l’intimée a adhéré à la demande de suspension de la procédure jusqu’à droit jugé en matière pénale. En conséquence de quoi, la procédure a été suspendue par ordonnance du 31 août 2006.

23.    Cette suspension a été prolongée par ordonnance du 4 octobre 2007, puis par arrêt incident du 23 octobre 2008 (ATAS/1104/2008) - les causes A/2496/2006, A/2518/2006 et A/2520/2006 étant à cette occasion jointes sous le numéro de cause A/2496/2006 -, puis le 30 septembre 2010 (ATAS/991/2010), puis le 3 novembre 2011 (ATAS/1064/2011), puis, une dernière fois, le 7 février 2013 (ATAS/144/2013).

24.    Le Tribunal de police a rendu son jugement en date du 11 juillet 2013. Ce jugement est entré en force le 30 octobre 2013.

25.    Une audience de comparution personnelle s’est tenue en date du 30 janvier 2014, à l’issue de laquelle l’apport de la procédure pénale P/1______/2004 a été ordonné et un délai a été accordé aux parties pour se déterminer.

26.    L’essentiel est résumé infra, les autres éléments établis au pénal étant repris, pour autant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt :

Le Tribunal de police (ci-après : TP) a reconnu M. B______ C______ coupable de gestion déloyale aggravée et l’a condamné. En revanche, il a acquitté son fils, M. D______ C______, des chefs d’infraction retenus à son encontre.

En substance, le TP a retenu que M. D______ C______ n’avait pas l’autonomie suffisante et le pouvoir décisionnel liés à la qualité de gérant au sens du droit pénal pour qu’un pouvoir de gestion au sein de la société puisse être retenu le concernant. En outre, rien ne permettait d’établir qu’il était au courant de la gestion menée par son père.

M. B______ C______, en revanche, et contrairement à son fils, avait occupé une position de gérant au sein de la société. En effet, il ressortait du dossier, des déclarations des divers témoins entendus, des prévenus et de la partie plaignante, que M. B______ C______ s’occupait de la marche opérationnelle de l’entreprise (contracter et démarcher les clients, établir les devis, réaliser les travaux et les facturer). Il ne s’occupait pas directement de l’aspect financier de la société, mais les factures étaient libellées sur la base de ses seules instructions et les salaires payés sur la base des seules indications qu’il donnait à M. A______ au moyen d’un chèque qu’il encaissait, se chargeant ensuite de distribuer l’argent, en espèces, aux employés. Il disposait donc d’une autonomie suffisante, tant sur une part du patrimoine que sur les moyens de production et sur le personnel de l’entreprise, pour que sa qualité de gérant soit reconnue et sa responsabilité engagée.

M. B______ C______ avait frustré la société de l’entier du bénéfice réalisé sur un chantier et l’en avait appauvrie d’autant, ce qui représentait un montant d’environ CHF 55'000.- au maximum.

Il avait en outre sciemment fait établir un chèque soi-disant destiné à un sous-traitant, d’un montant de CHF 10'000.-, alors que ce chèque avait en réalité servi à éteindre une dette personnelle, sans que la contrepartie ne soit ni portée au passif de son compte d’associé, ni déduite de l’un de ses salaires.

Le TP a également acquis la conviction que M. B______ C______ avait détourné à son profit, de juillet à décembre 2001, le montant des salaires facturés pour un employé, M. G______, lequel avait pourtant cessé de travailler pour la société, ce qui représentait, au total, une somme de CHF 19'000.-.

En revanche, les points suivants, retenus dans l’acte d’accusation du Ministère public, n’ont pas été confirmés :

-          encaissement à son profit, le 10 octobre 2001, d’un chèque de CHF 18'000.- établi à sa demande par la société ;

-          soustraction, entre les 15 mai et 14 décembre 2001, d’un montant total de CHF 129'171.10, correspondant à des factures payées par la société H______ pour des travaux attribués à la société ;

 

27.    Le 21 mars 2014, M. D______ C______ s’est déterminé.

Il se défend d’avoir été organe de fait de la société et nie toute implication dans la gestion de la société, faisant remarquer que c’est d’ailleurs ce que le juge pénal a retenu. Avant tout parqueteur-poseur, il croisait régulièrement son père et il lui arrivait d’avoir des instructions de sa part, mais il n’avait ni les moyens, ni les capacités pour gérer l’entreprise de manière autonome. Il affirme ne s’être jamais occupé de la gestion administrative et comptable de la société et souligne n’avoir jamais participé à une séance du conseil d’administration. Les seules responsabilités qu’il a assumées portaient sur la conduite de travaux et, parfois, le versement des salaires. Cela ne suffit pas pour admettre qu’il aurait eu la compétence durable de prendre des décisions excédant l’accomplissement des tâches quotidiennes, qu’il aurait eu un pouvoir de décision propre et indépendant ou aurait été en situation d’empêcher la survenance du dommage.

28.    M. B______ C______ s’est déterminé le même jour.

Il soutient qu’il ne saurait être considéré comme un organe de fait de la société dans la mesure où M. A______ était le seul à disposer d’une signature auprès de la banque, le seul en relation avec toutes les assurances, sociales et privées, et le seul à procéder aux paiements.

Il rappelle n’avoir pas été inscrit comme associé-gérant inscrit au RC et assure n’avoir jamais été informé de la tenue des comptes et de la bonne marche de la structure, M. A______ n’ayant jamais convoqué d’assemblée générale ni fait valider les comptes.

Selon lui, seul M. A______ était en mesure de prendre les décisions financières importantes et d’assumer toutes les démarches administratives de la société.

Lui n’était en revanche chargé que de la gestion des chantiers ; il ne s’est jamais occupé de l’administration de la société ; jamais non plus il n’a pris de décision susceptible d’influencer son résultat.

L’intéressé considère qu’il est impossible d’établir un rapport de causalité naturelle et adéquate entre ses actes illicites et la faillite de la société, entre les actes de gestion déloyale et le passif de la société. Il en tire la conclusion qu’il ne saurait être tenu pour responsable des montants non versés à la caisse.

Il allègue qu’il en irait différemment de M. A______, qu’il accuse d’avoir emprunté plus de CHF 150'000.- en deux ans à la société.

Subsidiairement, M. B______ C______ fait valoir qu’il a quitté définitivement la société le 29 février 2004 et que si une responsabilité devait lui être imputée, elle ne pourrait perdurer au-delà de cette date.

29.    La caisse s’est exprimée en date du 31 mars 2014.

Elle persiste dans les termes de ses décisions en réparation du dommage à l’encontre de MM. A______, B______ C______ et D______ C______.

La caisse fait valoir que les agissements de M. B______ C______ n’ont pas eu d’impact sur le paiement des cotisations sociales. Certes, ses actes ont provoqué des pertes financières pour la société, mais ils n’ont aucun lien de causalité avec son dommage.

Quant à M. A______, la caisse rappelle qu’il était inscrit au RC en tant qu’associé gérant et qu’il bénéficiait de la signature individuelle. En cette qualité, il lui incombait de veiller personnellement au paiement ponctuel des cotisations et contributions paritaires, en mettant en œuvre toute mesure ou vérification utile afin que la société soit à même de remplir ses obligations d’employeur. Or, s’agissant du paiement des salaires, M. A______ se contentait de rédiger un chèque global en faveur de M. B______ C______, sur la base des décomptes que ce dernier lui préparait, puis B______ C______ s’occupait de distribuer l’argent. Or, il incombait à M. A______ de veiller au versement des cotisations sur ces salaires. En signant les chèques, il ne pouvait ignorer qu’il devait s’acquitter de cotisations sociales sur les salaires versés.

Concernant M. B______ C______, la caisse soutient qu’il peut être considéré comme un organe de fait, puisqu’il prenait des décisions normalement réservées aux organes formels. En effet, il ressort de ses déclarations qu’il s’occupait d’engager le personnel, de gérer les chantiers, les clients, les devis et les offres. Pour le paiement des salaires, c’est lui qui indiquait à M. A______ le montant pour le mois en cours et se chargeait de payer les employés. Divers témoins ont d’ailleurs confirmé que seul M. B______ C______ dirigeait la société et donnait les ordres.

Quant à M. D______ C______, la caisse considère qu’il doit être également considéré comme organe de fait, dans la mesure où il prenait des décisions normalement réservées aux organes formels. Certes, il ne s’occupait pas des salaires, c’était son père qui s’occupait de distribuer l’argent la majeure partie du temps, cependant, un employé au moins a déclaré avoir été engagé par lui, précisant qu’il dirigeait la société de manière égale avec son père. La caisse en tire la conclusion que, dans la mesure où il a remplacé son père pour la distribution des salaires à diverses reprises, il doit se voir reconnaître la même responsabilité que lui.

S’agissant du montant de la réparation du dommage, la caisse reconnaît qu’il y a lieu de revoir ses décomptes puisqu’il ressort du jugement du TP que M. B______ C______ a continué d’encaisser le salaire de l’employé G______ pour les mois de juillet à décembre 2001 - soit pendant six mois - alors que ce dernier ne travaillait plus pour la société. Il convient de ne pas tenir compte des salaires détournés. L’attestation des salaires payés durant l’année 2001 indiquant pour cet employé un salaire total brut de CHF 41'196.80 pour un emploi de janvier à décembre, il convient de soustraire six mois, puisqu’il a en réalité cessé de travailler dès juillet 2001. Cela conduit au calcul suivant :

CHF 41'196.80 de janvier à décembre 2001 = CHF 3'433.- CHF/mois,

CHF 3'433.- x 6 mois = CHF 20'598.40,

ce qui correspond à :

-          CHF 2'080.45 à titre de cotisations AVS/AI/APG (10,1% de CHF 20'598.40),

-          CHF 617.95 à titre de cotisations AC (3% de CHF 20'598.40),

-          CHF 49.45 de frais administratifs (0,24% de CHF 20'598.40),

-          CHF 158.- d’intérêts moratoires,

soit un montant total de CHF 2'905.80, ce qui conduit à un dommage de CHF 117'374.20.

Il convient de faire la même démarche pour le dommage en termes d’allocations familiales et d’en soustraire CHF 350.15 (1,7% de CHF 20'598.40) et CHF 20.15 d’intérêts moratoires, soit un total de CHF 370.30, réduisant le dommage à CHF 16'198.75 au lieu de CHF 16'569.05.

30.    Par écriture du 8 avril 2014, M. A______ est revenu sur un certain nombre d’éléments ayant déjà fait l’objet de la procédure pénale, alléguant que les faits de la cause devant la Cour de céans ne devant être appréciés qu’en fonction du principe de la vraisemblance prépondérante, il conviendrait de tenir compte de quantité d’autres malversations au détriment de la société qui se sont produites, pour un montant devant être évalué, pour les seules années 2001 à 2002, à plus de CHF 400'000.-. M.  A______ argue que le juge pénal s’est prononcé en fonction des éléments constitutifs des infractions pénales reconnues, d’une part, du principe de la présomption d’innocence, d’autre part, et qu’il importe d’apprécier l’éventuelle négligence, subsidiairement le rapport de causalité entre son comportement et le dommage de la caisse, à l’aune du principe de la vraisemblance prépondérante. Il conviendrait selon lui de déterminer la cause la plus probable et la plus immédiate dans la survenance du préjudice, étant précisé que les éléments devant être pris en considération ne sont pas nécessairement pénalement relevants.

31.    Par écritures du 28 mai 2014, les sieurs C______ ont persisté dans leurs conclusions en faisant valoir que M. A______ était seul à tenir la comptabilité de la société et à la gérer administrativement (réception des courriers, établissement des déclarations d’impôts, établissement des fiches de salaires, paiement des cotisations sociales, de la LPP, des impôts et de la TVA et décisions financières). Ils font valoir que les montants prélevés par M. A______ entre 2002 et 2003 auraient permis dans une large mesure de payer les cotisations sociales et de réduire, voire d’empêcher, le surendettement de la société.

32.    Par écriture du 12 mai 2014, M. A______ a également persisté dans ses conclusions.

Il soutient que, sans les détournements auxquels se sont livrés ses associés « félons », la société aurait certainement pu s’acquitter des cotisations sociales et ne serait selon toute vraisemblance pas tombée en faillite puisque le total des détournements est trois fois plus élevé que celui des cotisations réclamées.

Quant aux accusations émises par ses anciens associés, il explique qu’elles ont fait l’objet d’une plainte pénale de la part de M. B______ C______, plainte qui a été purement et simplement classée en date du 9 août 2006 par le Procureur, qui a jugé qu’il ressortait de la procédure que la plainte formée envers M. A______ était dépourvue de tout fondement. Le recourant produit à cet égard l’ordonnance de classement dont il ressort que l’enquête de police menée dans le cadre de la procédure a démontré que c’étaient bel et bien les sieurs C______ qui assuraient la gestion effective de la société et en assumaient l’administration quotidienne, que les griefs invoqués par les plaignants relatifs à la tenue de la comptabilité ne résistaient pas à l’examen sommaire de l’ensemble des éléments du dossier pénal, que les griefs d’abus de confiance n’étaient pas plus consistants, qu’en particulier, il ressortait clairement du rapport de la Brigade financière que si M. A______ avait utilisé la carte de crédit de la société pour effectuer divers achats, ces achats privés avaient été dûment débités de son compte-courant dans la société et ne sauraient être qualifiés d’abus de confiance. Quant aux autres allégations en lien avec ces soi-disant abus de confiance, le Procureur a constaté qu’elles n’étaient étayées par aucune pièce et qu’elles reposaient principalement sur des affirmations non vérifiées des plaignants. Le Procureur ajoutait que l’instruction avait permis d’établir que c’était en raison des agissements reprochés aux sieurs C______ que M. A______ avait connu des problèmes de trésorerie et de liquidités et que le rôle de M. A______ dans la société était manifestement moindre que celui de MM. C______, étant rappelé que la gestion de la société était, dans les faits, assumée par les plaignants (cf. ordonnance de classement du 9 août 2006).

33.    Des audiences d’enquêtes se sont tenues en date du 23 octobre 2014.

34.    Madame I______ a expliqué avoir fait la connaissance de MM. C______ à F______ et avoir même, à un moment, partagé le bureau de M. D______ C______.

Elle était chargée d’établir les factures et devis, ainsi que de verser les salaires et d’effectuer les paiements. Elle disposait pour cela de la signature électronique et de l’accès aux comptes bancaires, étant précisé que l’accès officiel appartenait à M. A______.

C’était M. J______ qui s’occupait des décomptes AVS et du reste de la comptabilité. Il ne partageait pas les locaux. Il établissait la comptabilité sur la base des classeurs de banque qui lui étaient communiqués. L’intégralité des opérations comptables ressortait des écritures bancaires.

MM. C______ n’avaient pas accès aux comptes mais établissaient un tableau des factures indiquant l’ordre et lesquelles devaient être payées. M. A______ pouvait consulter ce tableau, mais il ne lui était pas systématiquement communiqué.

En 2004, la société a rencontré des difficultés financières, dont le témoin a indiqué ignorer l’origine. Le fait était qu’il n’y avait plus suffisamment de trésorerie pour payer les factures.

Fin décembre 2003, la trésorerie s’établissait à environ CHF 68'000.-, ce qui était insuffisant pour payer l’intégralité, juste les salaires et quelques factures. Il restait encore de nombreux « en cours » à payer, au nombre desquels de nombreux fournisseurs.

En 2004, il n’y avait plus de rentrées car seuls quelques chantiers restaient en cours. Il a donc été procédé à des licenciements. S’agissant des paiements, la priorité était donnée aux charges sociales. Des délais ont été sollicités auprès de la caisse.

Pour tout ce qui touchait à la relation entre la société et les clients, c’étaient MM. C______ qui étaient compétents : prospection des marchés, établissement des devis, organisation des chantiers, instructions pour établir les factures, instructions pour les salaires et relances des clients.

S’agissant du suivi administratif (paiement des factures), c’était le témoin qui s’en chargeait, sur la base des instructions que lui donnaient les sieurs C______. Elle dépendait pour cela des informations qu’ils lui dispensaient. A titre d’exemple, pour l’établissement d’un devis, elle se contentait de retranscrire le brouillon qu’ils lui avaient confié.

S’agissant des salaires, c’étaient également eux qui lui indiquaient le nombre d’heures effectuées par les employés, le nombre de jours d’absence ou de vacances. Il en allait de même des montants à facturer.

Le témoin a encore précisé que M. A______ « ne mettait pas le nez » dans les factures.

C’étaient les C______ qui lui donnaient des indications s’agissant des salaires bruts. Elle calculait ensuite les salaires nets au moyen d’un tableau Excel. Les cotisations sociales étaient prélevées et versées mensuellement. Quant à savoir si les acomptes étaient suffisants au vu de la masse salariale, le témoin a dit n’en avoir aucune idée parce que venant de France et n’ayant pas l’habitude de la législation suisse.

Le témoin a précisé que c’était d’abord M. B______ C______ qui lui avait donné des instructions, puis M. D______ C______ avait pris le relais lorsque le premier avait quitté l’entreprise.

Le témoin a indiqué qu’à son souvenir, les attestations de salaires annuelles à la caisse étaient établies par M. J______.

35.    Monsieur K______, entendu à son tour, a indiqué connaître les sieurs C______, mais non M. A______.

Il a expliqué que feu Me DREHER, conseil de MM. C______, lui avait demandé de l’assister. Dans ce but, il s’était rendu à une occasion dans les locaux de la société pour consulter les pièces mais n’avait pu en emporter aucune. Par la suite, on lui avait communiqué quelques documents, mais cela n’avait pas été suffisant pour lui permettre de répondre à ses questions de façon précise. Il n’avait pas effectué d’autre travail pour Me DREHER et n’était pas intervenu dans l’établissement de la plainte pénale.

36.    Monsieur L_____, comptable de formation, a indiqué s’être occupé de la comptabilité de la société, d’abord en tant que salarié de F______, de 1991 à 2001, puis en tant que fiduciaire indépendant. C’est lui qui s’est occupé de toute la comptabilité jusqu’aux derniers comptes. Il se basait pour cela sur les pièces comptables (documents bancaires, factures fournisseurs et débiteurs), étant précisé qu’il a partagé les bureaux de la société jusqu’en 2002.

Une fois la comptabilité établie, des réunions se tenaient, dont le témoin a soutenu ne pas se souvenir qui y participait. Il ne s’est pas souvenu non plus à qui il remettait la comptabilité de la société.

C’est à l’établissement des comptes 2003 qu’il a eu connaissance des difficultés rencontrées par la société, consécutives à de nombreux et importants encaissements en souffrance, d’une part, à la diminution du nombre de chantiers, d’autre part.

Selon le témoin, c’étaient MM. C______ qui se chargeaient de la partie opérationnelle (relations avec les clients, établissement de devis et factures). C’était en effet M. C______ père qui était à l’origine du développement de la société. M. A______, quant à lui, se chargeait plutôt de la partie administrative, à savoir les listes de factures à payer, déléguées ensuite à Mme I______ ou à une autre secrétaire.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles seuls CHF 25'000.- de charges sociales avaient été versés pour un volume de salaires de CHF 400'000.-, sans qu’il soit fait de provision pour cotisations AVS, le témoin s’est dit dans l’incapacité de répondre sans consulter le grand livre.

Le témoin a expliqué que MM. C______ étant sur le terrain, c’étaient eux qui fournissaient les indications utiles à l’établissement des devis et des factures. Chargé de l’exploitation, M. B______ C______ établissait la liste des personnes à payer. Un chèque était ensuite émis à son nom, il l’encaissait et payait les ouvriers.

Le témoin a encore indiqué avoir établi les attestations de salaire en tout cas jusqu’en 2001. Elles étaient signées par M. A______.

Quant à savoir pourquoi les attestations de 2001 et 2002 n’ont été adressées à la caisse qu’en juillet 2003, il a émis l’hypothèse que c’était parce que manquaient des informations, telles que des dates de naissance, par exemple.

S’il ne s’est pas inquiété du décalage entre acomptes de cotisations et masse salariale, c’est qu’il savait que des montants importants devaient rentrer.

37.    Par courrier du 6 novembre 2014, M. J______ a allégué n’avoir pu retrouver les grands livres de la société pour les années 1999 à 2003 sur papier, ajoutant que le programme informatique alors utilisé avait quant à lui été abandonné depuis plusieurs années et qu’aucune des machines actuelles ne permettait de lire les anciennes bases de données.

38.    Par écriture du 28 novembre 2014, la caisse a persisté dans ses conclusions.

Elle a fait remarquer que les attestations de salaire étaient signées par M. A______ de sorte qu’il ne pouvait ignorer que les montants d’acomptes qu’il versait à la caisse étaient insuffisants.

39.    Dans ses conclusions après enquêtes du 12 décembre 2014, M. D______C______ a également persisté dans ses conclusions.

Il maintient n’avoir été qu’un simple exécutant, sans vision d’ensemble de la façon dont était gérée la société puisque son activité consistait principalement à assister son père et à verser les salaires aux ouvriers en l’absence de ce dernier.

40.    Dans ses conclusions après enquêtes du 12 décembre 2014, M. B______ C______ a, tout comme son fils, persisté dans ses conclusions et précisé que si sa responsabilité devait être admise, elle ne devrait l’être que jusqu’au 29 février 2004.

Selon lui, il conviendrait encore de procéder à une nouvelle comparution personnelle des parties afin de faire la lumière sur les « zones d’ombre figurant dans la comptabilité ainsi que sur les nombreux prélèvements effectués par M.  A______ au titre soi-disant de frais et de gestion ».

41.    Par écriture du 12 décembre 2014, M. A______ a persisté à son tour dans ses conclusions.

En substance, il maintient que les détournements réalisés par ses associés ont empêché la société de disposer d’entrées financières suffisantes pour s’acquitter des charges sociales qui étaient dues.

Pour le reste, il soutient que les salaires n’ont pas évolué de manière suffisante entre 2002 et 2003 pour entraîner l’obligation de solliciter une adaptation des acomptes.

Enfin, il allègue que ce n’est qu’à l’occasion de l’établissement des comptes en fin d’année qu’il était en position d’apprécier l’évolution de la masse salariale. En cours d’exercice, seuls les sieurs C______ pouvaient avoir une vision d’ensemble, puisqu’ils établissaient la liste des salaires à payer.

 

 

 

 

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 en vigueur jusqu’au 31 décembre 2010 (aLOJ - E 2 05), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaissait, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Depuis le 1er janvier 2011, cette compétence est revenue à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, laquelle reprend la procédure pendante devant le Tribunal cantonal des assurances sociales (art. 143 al. 6 de la LOJ du 26 septembre 2010).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA; 830.1) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant de nombreuses modifications dans le domaine de l’assurance-vieillesse, notamment en ce qui concerne l’art. 52 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS). Désormais, la responsabilité de l’employeur est réglée de manière plus détaillée qu’auparavant à l’art. 52 LAVS et les art. 81 et 82 du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS) ont été abrogés.

La procédure applicable auparavant (décision administrative suivie, en cas d'opposition, d'une action de la caisse en réparation du dommage [ancien art. 81 RAVS]) a été modifiée (décision puis décision sur opposition de la caisse de compensation, suivies d’un recours de droit administratif  [art. 52 al. 2 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003, et 56 LPGA]). En l’occurrence, c’est la nouvelle procédure qui s’applique, dès lors que la LPGA était en vigueur au moment où la caisse a rendu sa décision en réparation du dommage (cf. ATF 130 V 1).

Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 230 consid. 1.1; 335 consid. 1.2 et références).

3.        Interjetés dans les forme et délai prévus par la loi, les recours sont recevables (cf. art. 56ss LPGA).

4.        Le litige porte sur l'obligation des recourants de verser à l'intimée, à titre de réparation, le montant correspondant au dommage subi par cette dernière suite au non-paiement des cotisations AVS/AI/APG/AC.

5.        Selon l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation, est tenu à réparation.

D'après l'ancien art. 82 al. 1 RAVS, en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, le droit de demander la réparation du dommage se prescrivait lorsque la caisse de compensation ne le faisait pas valoir par une décision de réparation dans l'année après qu'elle a eu connaissance du dommage, et, en tout cas, à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait dommageable. En tant qu'il s'agissait de délais de péremption, la caisse de compensation était déchue du droit d'exiger la réparation du dommage si elle n'avait pas agi dans les délais requis (cf. ATF 128 V 12 consid. 5a, 17 consid. 2a, 126 V 451 consid. 2a, 121 III 388 consid. 3b et les références; cf. également Andrea BRACONI, Prescription et péremption dans l'assurance sociale, in : Droit privé et assurances sociales, Fribourg 1990, p. 223 et 227 ss). En revanche, si elle avait rendu une décision de réparation du dommage dans ces délais et, en cas d'opposition, ouvert une action dans les 30 jours à compter du moment où elle avait eu connaissance de l'opposition (ancien art. 81 al. 3 RAVS), ses droits étaient sauvegardés pour toute la durée de la procédure, jusqu'à ce que la décision entre en force ou qu'un jugement définitif soit rendu (cf. consid. 5.1.1 de l'arrêt F. du 30 novembre 2004, H 96/03, publié in SVR 2005 AHV n° 15 p. 49; RCC 1991 p. 136 consid. 2c; arrêt non publié B. du 8 janvier 1990 [H 102/88] consid. 2c).

Avec l'entrée en vigueur de la LPGA, au 1er janvier 2003, l'art. 82 RAVS a été abrogé. Depuis lors, le nouvel art. 52 LAVS (introduit par le ch. 7 de l'annexe à la LPGA) prévoit en son al. 3 que le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus et l'employeur peut renoncer à s'en prévaloir. Il s'agit de délais de prescription, non de péremption, comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (cf. SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2; FF 1994 V 964 sv., 1999 p. 4422).

6.        a. Par "moment de la connaissance du dommage", il faut entendre, en règle générale, le moment où la caisse aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances ne lui permettaient plus de recouvrer les cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (VSI 2001 consid. 3a p. 195; VSI 2001 consid. 2a p. 98; VSI 1996 consid. 3b p. 172; VSI 1995 consid. 2 p. 169s; ATF 119 V 92 consid. 3 = VSI 1993 p. 110; ATF 118 V 195 consid. 3a et réf. cit. = VSI 1993 p. 83; VSI 1993 consid 3a p. 84; RCC 1992 consid. 5b p. 265; ATF 116 V 75 consid. 3b = RCC 1990 p. 415; ATF 113 V 181 consid. 2 = RCC 1987 p. 607; ATF 112 V 8 consid. 4d = RCC 1986 p. 493; ATF 112 V 158 = RCC 1987 p. 217). Le fait déterminant est donc de constater qu'il n'y a "rien dont on puisse tirer profit, rien à distribuer " (cf. FRITSCHE, "Schuldbetreibung und Konkurs" II , 2ème éd., p. 112), d'où la perte de la caisse.

Dans le cas d'une faillite ou d'un concordat par abandon d'actifs, le moment de la connaissance du dommage ne coïncide pas forcément avec celui où la caisse peut consulter le tableau de distribution et le compte final du liquidateur ou reçoit un acte de défaut de biens; la jurisprudence considère en effet que le créancier qui entend demander la réparation d'une perte qu'il subit dans une faillite ou un concordat par abandon d'actifs connaît suffisamment son préjudice, en règle ordinaire, lorsqu'il est informé de sa collocation dans la liquidation, c'est-à-dire lorsque l'état de collocation (et l'inventaire) ont été déposés et peuvent être consultés; il connaît ou peut connaître à ce moment-là le montant de l'inventaire, sa propre collocation dans la liquidation, ainsi que le dividende prévisible (VSI 2002 p. 145 consid. 2a ; ATF 126 V 444 consid. 3a = VSI 2001 p. 195 ; ATF 121 V 236 = VSI 1996 p. 173 ; VSI 1995 consid. 2 p. 170; ATF 119 V 92 consid. 3 = VSI 1993 consid 3 p. 112; ATF 118 V 96 consid. 3a et réf. citées = VSI 1993 p. 84s. consid. 3a; RCC 1992 consid. 5b p. 265; ATF 116 II 161 consid. 4a; RCC 1991 consid. 6a p. 384; ATF 116 V 75 consid. 3b = RCC 1990 consid. 3b p. 417; ATF 114 V 82 consid. 3b = RCC 1989 consid. 3b p. 221; ATF 113 V 182 consid. 2 = RCC 1987 p. 217; ATF 112 V 9 consid. 4d = RCC 1986 p. 493; ATF 112 V 161 = RCC 1987 p. 217; ATF 112 V 161 = RCC 1987 p. 260; ATF 112 V 9 consid. 4d = RCC 1986 p. 495).

b. En l'espèce, l'état de collocation a été déposé le 14 septembre 2005. Au regard des principes jurisprudentiels qui viennent d'être rappelés, il faut considérer que c'est ce jour-là que la caisse de compensation a eu connaissance de son dommage.

En notifiant ses décisions en réparation du dommage en janvier 2006, la caisse de compensation a donc respecté le délai de prescription de deux ans instauré par le nouvel art. 52 al. 3 LAVS et a donc agi en temps utile.

7.        Selon l'art. 52 LAVS, tel qu'en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de compensation, est tenu à réparation. Si l'organe est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF 123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 consid. 2 et les références).

Ainsi que cela a déjà été dit plus haut, ces principes demeurent applicables en l'espèce, dès lors que selon la jurisprudence, en cas de changement de règles de droit et en l'absence de réglementation transitoire, le droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits est pertinent (ATF 127 V 467 consid. 1). Au demeurant, l'art. 52 al. 1 LAVS en vigueur depuis le 1er janvier 2003 reprend l'ancien art. 52 LAVS quasiment sans modification. Les termes «caisse de compensation» sont remplacés par «assurance» (en allemand : remplacement de «Ausgleichkasse» par «Versicherung»; en italien : suppression de «cassa di compensazione»), sans que cela n'entraîne un changement quant aux conditions de la responsabilité de l'employeur (cf. ATF 129 V 13 sv. consid. 3.5).

8.        Les prescriptions que doit respecter l'employeur sont tout d'abord celles de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants et de ses dispositions d'exécution, notamment celles concernant l'obligation de déduire, à chaque paiement de salaire, la cotisation du salarié, puis de la verser à la caisse de compensation en même temps que sa propre cotisation, ainsi que l'obligation de remettre périodiquement à la caisse les pièces comptables concernant les salaires versés aux employés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions (RCC 1985 p. 607 consid. 5; RCC 1985 p. 646 consid. 3a).

L'obligation de percevoir les cotisations et de régler les comptes est, pour l'employeur, une tâche de droit public prescrite par la loi. Celui qui néglige de l'accomplir enfreint les prescriptions au sens de l'art. 52 LAVS et doit, par conséquent, réparer la totalité du dommage ainsi occasionné (VSI 1993 p. 83 ss consid. 2a; ATF 111 V 173 consid. 2 = RCC 1985 p. 649; ATF 108 V 186 consid. 1a; ATF 108 V 192 consid. 2a = RCC 1983 p. 100; RCC 1985 p. 646 consid. 3a).

Bien entendu, la violation de prescriptions doit avoir un rapport de causalité avec la survenance du dommage (RCC 1985 607s.consid. 5). Si l'employeur agit entièrement comme organe en ce qui concerne les décomptes, la perception et le paiement des cotisations paritaires, il doit exercer cette fonction – selon un principe d'ordre général – avec tout le soin dicté par les circonstances objectives et par sa situation personnelle. Cela implique – même s'il n'y a pas, sur ce point, de prescriptions spéciales et expresses dans la législation AVS – qu'il se préoccupe, avec toute l'attention nécessaire, des cotisations paritaires dont il doit assumer la perception et la transmission. Donc, s'il cause sa propre insolvabilité envers la caisse (par exemple en commettant un délit de faillite au sens du code pénal) en négligeant de faire preuve du soin nécessaire, cela peut également engager sa responsabilité selon l’art. 52 LAVS, même s'il n'a pas violé de prescriptions AVS spécifiquement et expressément formulées. Certes, dans la plupart des cas de ce genre, on peut admettre qu'il y a eu aussi une violation de prescriptions sur l'AVS; mais cela ne doit pas être nécessairement le cas, surtout lorsqu'il s'agit de cotisations pour une période de paiement encore inachevée ou du paiement de cotisations déjà arrivées à échéance, mais pas encore échues. Cela signifie, en l'espèce, que le comportement des administrateurs engageant leur responsabilité ne consiste pas dans le fait qu'ils ne pouvaient plus payer les cotisations par suite de la suppression – résultant de l'ouverture de la faillite – de leur pouvoir de disposer de leur fortune; il consiste bien plutôt dans le fait qu'ils ont causé, en négligeant leur devoir de prendre soin de leurs affaires d'une manière tout à fait générale, l'insolvabilité qui existait depuis quelque temps déjà.

9.        En l'espèce, le dommage consiste en la perte de la créance de cotisations subie par la caisse en raison de la faillite de la société.

Ce montant, tel qu’établi par l’intimée et corrigée par elle ultérieurement pour tenir compte du fait que six mois de salaire d’un employé avaient été détournés, n’est pas contesté par les recourants. Au demeurant, aucun document n'a été produit ou aucune allégation formulée qui pourrait permettre d'émettre des doutes quant à son exactitude.

Il convient maintenant d'examiner la responsabilité des trois recourants selon leurs qualités respectives.

10.    a. Lorsque l'employeur est une personne morale, ses organes répondent solidairement, à titre subsidiaire, du dommage causé par celui-ci. En cas d'insolvabilité de l'employeur, ils peuvent donc être directement poursuivis (ATF 114 V 79 consid. 3; ATF 113 V 256 consid. 3c; RCC 1988 p. 136 consid. 3c).

Pour juger si une personne peut être rendue responsable en tant qu'organe d'une personne morale, il ne suffit pas d'appliquer des critères formels (droit de signer ou inscription au RC). Il y a également lieu d'examiner si la personne en question a pris des décisions qui relevaient des organes ou si elle a assumé la gestion proprement dite, influençant ainsi d'une manière déterminante la formation de la volonté au sein de la société.

En d’autres termes, ni l'inscription au RC ni le droit de signature ne sont décisifs pour établir le statut d'organe. Ce qui est déterminant, pour apprécier le statut d'organe de personnes qui ne sont pas membres du conseil d'administration, c'est de savoir si elles exercent effectivement la fonction d'organes en prenant des décisions relevant des organes ou en assumant la gestion proprement dite et en influençant ainsi de manière déterminante la volonté de la société (RCC 1989 consid. 4, p. 177ss, particulièrement consid. 4e, p. 180s.).

Par exemple, le simple fait d'avoir accompli des travaux de bureau ne permet aucunement d'admettre un statut d'organe, ceux-ci étant limités à des actes qui n'influencent pas la formation de la volonté de la société d'une manière déterminante. Selon le droit suisse, même un actionnaire principal, voire unique, ne doit être considéré comme un organe que du moment où il prend une part prépondérante à la formation de la volonté de la société et qu'il en assume en toute indépendance des tâches corporatives (RCC 1989 consid. 5 p. 181).

La jurisprudence prévoit que les organes de fait sont les personnes qui s’occupent de la gestion ou de la liquidation de la société, à savoir celles qui prennent en fait les décisions normalement réservées aux organes, ou qui pourvoient à la gestion, concourant ainsi à la formation de la volonté sociale d’une manière déterminante (ATF 132 III 523 consid. 4.5 p. 528). Conformément à la jurisprudence, revêt une position d’organe de fait, la personne qui assume sous sa propre responsabilité la compétence durable – et non seulement isolée – de prendre des décisions qui dépassent le cadre des affaires quotidiennes et ont une influence sur le résultat de l’entreprise (ATF 128 III 29 consid. 3c p. 33 et arrêt 9c 428/2013 du 13 octobre 2013, consid. 4.2).

b. Dans le cas des sociétés anonymes, le TFA s'est toujours référé à l'art. 754 al. 1 du Code des obligations (CO; RS 220), en corrélation avec l'art. 759 al. 1 CO. Conformément à ces dispositions, toutes les personnes chargées de l'administration, de la gestion ou du contrôle répondent à l'égard de la société, de même qu'envers chaque actionnaire ou créancier social, du dommage qu'elles leur causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leurs devoirs. Les personnes qui répondent d'un même dommage en sont tenues solidairement. Sont réputés chargés de l'administration ou de la gestion au sens de l'article 756 CO non seulement les organes de décision désignés expressément comme tels (organes formels), mais également les personnes qui prennent effectivement des décisions relevant des organes ou qui assument la gestion proprement dite et ont ainsi une part prépondérante à la formation de la volonté au sein de la société (organes de fait; cf. notamment RCC 1988 p. 632 consid. 3).

Il se justifie d'appliquer les mêmes principes dans le cadre de l'article 52 LAVS car la responsabilité subsidiaire des organes d'une personne morale, dans le domaine de l'assurance-vieillesse et survivants, découle indirectement des articles 55 alinéa 3 du code civil (CC; RS 210) et 754 CO, considérés comme l'expression de règles générales (ATF 96 V 125 = RCC 1971 p. 478). Au demeurant, les motifs qui sont à la base d'une extension de la notion d'organe en droit civil et qui procèdent de la volonté d'accorder une protection efficace aux créanciers sociaux sont tout aussi valables s'agissant de la responsabilité de droit public instituée par l'article 52 LAVS. Enfin, sous l'angle du principe de l'égalité de traitement entre les justiciables, il serait inéquitable, le cas échéant, de ne rechercher que les personnes inscrites au RC, lesquelles, précisément, n'avaient peut-être aucun pouvoir réel de décision (RCC 1988 p. 633 consid. 3).

c. La responsabilité de l'employeur érigée à l'art. 52 LAVS et la responsabilité d'organe qui lui est liée ne diffèrent pas selon la forme juridique que revêt l'employeur (voir à ce sujet également ATF 114 V 220 = RCC 1989 p. 116, selon lequel l'obligation de droit public de déclarer et de payer les cotisations n'est pas seulement une tâche de la personne morale, mais autant et directement des personnes physiques qui agissent de manière déterminante pour elle et qui influent de manière déterminante sur la formation de sa volonté). Le Tribunal fédéral des assurances a du reste déjà jugé que les Sàrl et les fondations sont aussi soumises à la responsabilité d'organes selon l'art. 52 LAVS (VSI 2002 consid. 3c p. 54).

Les principes de la responsabilité dans la SA ne sauraient être appliqués tels quels à la Sàrl. Selon l’art. 716 al. 2 CO, le conseil d’administration gère les affaires de la SA dans la mesure où il n’en a pas délégué la gestion. Des tâches essentielles, énumérées à l’art. 716a CO restent toutefois inaliénables. Selon la réglementation légale, la responsabilité du conseil d’administration se situe au premier plan dans la SA. En revanche, les associés d’une Sàrl peuvent déléguer de par la loi toute la gestion (organes tiers selon l’art. 812 CO). Les dispositions sur la responsabilité des associés gérants sont applicables aux gérants engagés de cette manière (art. 812 al. 2 CO). Dès lors, les gérants d’une SA, qui ne sont pas en même temps administrateurs, ne peuvent pas être comparés avec ceux qui, dans la Sàrl, n’ont pas la qualité d’associés. La responsabilité des gérants est plus étendue dans la Sàrl, raison pour laquelle il se justifie de la soumettre également à la responsabilité formelle des organes (VSI 2002 p. 177s. consid. 3c).

Le simple associé d'une Sàrl n'est pas responsable du contrôle ou de la surveillance de la direction. Il en résulte qu'il ne saurait être tenu responsable d'un comportement fautif de la société.

Dans le cas d'une Sàrl, la position d'associé simple, n'entraîne pas à elle seule des obligations de contrôle ou de surveillance. Ceci résulte de l'art. 819 al. 1 CO qui ne prévoit pour l'associé non gérant qu'un droit de regard (ATF 9C_344/11 consid. 3.3 ; VSI 2002 p. 176s. consid. 3b ; ATF 126 V 238 = VSI 2000 p. 227s consid 4 et références citées).

Si le législateur avait voulu imposer aux simples associés des tâches de contrôle et de surveillance de la gestion, cela aurait indubitablement trouvé son reflet dans la loi. Tel n'est pas le cas. L'art. 827 CO ne prévoit de norme en matière de responsabilité du fait de la violation que pour les personnes participant à la fondation de la société et chargées de la conduite des affaires et du contrôle, ainsi que pour les liquidateurs. En conséquence, si un associé non gérant ne contrôle pas le respect par l'entreprise de ses obligations de décompte et de paiement des cotisations relevant du droit des assurances sociales, il ne saurait être rendu responsable du dommage résultant du non-paiement des cotisations (VSI 2002 p. 177 consid. 3b ; ATF 126 V 238 = VSI 2000 p. 227s consid 4 et réf. citées).

Toutefois, si les statuts lui imposent de contrôler ou de surveiller l'activité des gérants de l'entreprise (ce qui ne doit pas être confondu av. l'intervention d'un organe de révision externe selon l’art. 819 al. 2 CO), il doit répondre de l’omission ou de l’insuffisance de contrôle comme dans le cas où il ne prendrait aucune mesure après avoir pris connaissance d’insuffisances de la part de la direction (VSI 2002 p. 177 consid. 3b ; ATF 126 V 238 = VSI 00 227s consid 4 et références citées).

En revanche, si l'associé occupe au sein de la Sàrl une position correspondant à celle d'un gérant, il est alors soumis à des obligations plus étendues dont le non-respect peut engager sa responsabilité (art. 827 et 754 CO ; ATF 9C_344/11, consid. 3.2). Sont assimilées aux gérants non seulement les personnes qui ont expressément été nommées en tant que tels (gérants formels) mais également les personnes qui assument de fait la fonction d'un gérant, soit en prenant des décisions réservées à un gérant, soit en assumant la direction effective de l'entreprise et en exerçant ainsi une influence déterminante sur la formation de la volonté de la société. En font typiquement partie les personnes qui, de par la force de leur position (associé majoritaire par exemple) donnent au gérant formel des instructions sur la conduite des affaires de la société (VSI 2002 p. 177 consid. 3b ; ATF 126 V 238 = VSI 2000 p. 228 consid 4 in fine).

11.    S’agissant de M. A______, il est indéniable qu’inscrit au RC en qualité d’associé-gérant titulaire de la signature individuelle, il avait la qualité d’organe formel de la société faillie.

En revanche, les sieurs C______ ne figuraient au RC qu’en qualité d’associés simples, ce qui ne suffit pas à engager leur responsabilité, à moins que la qualité d’organe de fait ne leur soit reconnue.

Tel doit être le cas de M. B______ C______, dont l’instruction, à la fois pénale et administrative, a permis d’établir, sur la base des déclarations de plusieurs témoins, de M. A______ mais également de ses propres déclarations que c’est lui qui s’occupait de la marche opérationnelle de l’entreprise, c’est-à-dire, notamment, de contracter et démarcher les clients, d’établir les devis, de réaliser les travaux et de les facturer. S’il ne s’occupait pas directement de l’aspect financier de la société, les factures étaient libellées sur la base de ses seules instructions et les salaires payés sur la base des seules indications qu’il donnait à M. A______, au moyen d’un chèque qu’il encaissait, se chargeant ensuite de distribuer l’argent, en espèces, aux employés (cf. notamment, audition de Mme I______). Il disposait donc d’une autonomie suffisante, tant sur une part du patrimoine que sur les moyens de production et sur le personnel de l’entreprise, pour qu’il soit considéré qu’il prenait une part prépondérante à la formation de la volonté de la société et qu'il en assumait en toute indépendance des tâches corporatives.

Il n’en va pas de même pour son fils. Certes, Mme I______ a indiqué que M. D______ C______ avait pris le relais de son père et un témoin, M. M_____, a indiqué que c’était lui qui l’avait engagé. Il est vrai également qu’il est arrivé à M. D______ C______ de remplacer son père pour la distribution des salaires aux ouvriers. Le témoin N_____, au juge pénal, a précisé que seul M. B______ C______ dirigeait la société. Le témoin O_____, s’il a désigné les sieurs C______ comme dirigeants, a précisé que le père se chargeait du côté administratif, alors que le fils assurait la gestion des chantiers. Au vu de l’ensemble des éléments ressortant de l’instruction, la Cour de céans considère ne pas avoir réuni suffisamment d’éléments pour admettre, au degré de vraisemblance prépondérante requis, que M. D_______ C______ aurait assumé le rôle d’un organe de fait, en particulier qu’il aurait pris une part prépondérante dans la formation de la volonté de la société et assumé en toute indépendance des tâches corporatives. En effet, s’il semble avoir participé activement à la direction des travaux, il n’a en revanche pas été aussi omniprésent que son père s’agissant de l’établissement des factures, des devis et, surtout, des listes des salaires.

Encore faut-il examiner si les recourants dont la responsabilité est susceptible d’être engagée, soit MM. B______ C______ et A______, se sont rendus coupables d'une violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions régissant l'AVS. En effet, l'obligation de réparer le dommage n'existe, dans le cas concret, que s'il n'y a pas de circonstances faisant apparaître comme justifié le comportement de l'employeur ou excluant qu'il ait commis une faute intentionnellement ou par négligence. Il est donc concevable qu'un employeur causant un dommage à une caisse de compensation en violant intentionnellement les prescriptions de l'AVS mais ne soit néanmoins pas tenu de la réparer, si des circonstances spéciales permettent de conclure que la non observation desdites prescriptions était permise ou ne représentait pas une faute (RCC 1985 p. 603 consid. 2 et réf. citées).

12.    De jurisprudence constante, il y a négligence grave lorsque l'employeur ne se conforme pas à ce qui peut être raisonnablement exigé de toute personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances. La mesure de ce que l'on est en droit d'exiger à cet égard doit être évaluée d'après ce que l'on peut ordinairement attendre, en matière de comptabilité, d'un employeur de la même catégorie que l'intéressé (RCC 1988 p. 634 consid. 5a; ATF 112 V 159 consid. 4 = RCC 1987 p. 217; RCC 1985 p. 51 consid. 2a; ATF 108 V 202 consid. 3a = RCC 1983 p. 106; RCC 1983 p. 377 ss).

Lorsqu'il s'agit d'une SA, on peut, par principe, poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qui doit être apportée au respect des prescriptions. Une différentiation analogue s'impose lorsqu'il faut déterminer la part des responsabilités des organes d'un employeur.

Selon les dispositions du code des obligations, l'administration est tenue en particulier de surveiller les personnes chargées de la gestion et de se faire renseigner régulièrement sur la marche des affaires. Elle doit s'acquitter de cette obligation avec "toute la diligence nécessaire", en tenant compte des circonstances spéciales du cas particulier. Cela implique notamment, pour le conseil d'administration, l'obligation de lire d'un œil critique les rapports qui lui sont soumis, de demander au besoin des renseignements complémentaires et d'intervenir lorsque des erreurs ou des irrégularités ont été constatées. Le seul fait de méconnaître ses devoirs de membre d'un conseil d'administration représente une grave violation du devoir de diligence (Revue à l'attention des caisses de compensation [RCC] 1992 consid. 7b p. 268s).

13.    En l'espèce, M. A______ se défend de toute responsabilité, arguant avoir fait toute confiance à ses associés et être parti du principe que, s’agissant de leur propre exploitation, les sieurs C______ exerceraient toute la diligence voulue.

Il ajoute que c’était aux sieurs C______ de verser à la caisse les charges sociales.

Certes, en 2002, les comptes avaient révélé une explosion des charges salariales, obérant les comptes, mais des explications rassurantes lui avaient été fournies.

En réalité, de son propre aveu, M. A______ s’est placé dans une situation comparable à celle d’un homme de paille et c’est précisément en cela que réside sa faute, car celui qui se déclare prêt à assumer ou conserver un mandat, tout en sachant qu’il ne pourra pas le remplir consciencieusement, viole son obligation de diligence (ATFA H 244/99 du 18 février 2000 consid. 2b ; ATF 122 III 200 consid. 3b). En n'exerçant aucune surveillance jusqu’à la fin de l’année 2003, alors même qu’il avait constaté, en 2002, une explosion des charges, le recourant a donc commis une négligence qui doit, sous l'angle de l'art. 52 LAVS, être qualifiée de grave (ATF 112 V 3 consid. 2b). Qu’il n'ait pas été en mesure d'exercer ses fonctions, parce que la société était dirigée en fait par son associé n'est pas un motif de suppression ou d'atténuation de la faute commise (ATFA 156/99 du 20 mars 2000 ; ATF 122 III 200 consid. 3b ; Jean-François EGLI, Aperçu de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral relative à la responsabilité des administrateurs de société anonyme, in Publication CEDIDAC 8, 1987, p. 32).

Sa passivité est, de surcroît, en relation de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par la caisse de compensation. En effet, si le recourant avait correctement exécuté son mandat, il aurait pu veiller au paiement des cotisations d'assurances sociales ou, à tout le moins, pu constater que des cotisations d'assurances sociales étaient impayées et exercer une pression sur ses associés afin que ces derniers s'en acquittent dans les meilleurs délais. Au lieu de cela, pour des raisons qui sont demeurées inexplicables, la société a pris un retard de près de deux ans dans l’établissement de ses déclarations de salaires à la caisse.

En l'état, on ne saurait considérer que le recourant a rempli son obligation d'assumer la haute surveillance de la gestion de la société. Le fait d’avoir reçu des explications « rassurantes » de la part de ses associés ne saurait être considérée comme une réponse satisfaisante au vu des circonstances.

Quant au fait que le recourant ait été trompé par ses associés, il n’est pas relevant. Au demeurant, s’il s’était intéressé un tant soit peu aux comptes de la société,
M. A______ aurait pu constater, comme l’a fait Mme I______, que la société rencontrait des problèmes de trésorerie. Qui plus est, sachant pertinemment quel était le montant des salaires versés, il aurait pu prendre directement contact avec la caisse de compensation, par exemple, pour s’assurer du paiement des cotisations sociales. En bref, il n'aurait pas dû se contenter des réponses reçues mais vérifier si les obligations légales de la société étaient remplies, car il s'agit là de l’une des obligations qui lui incombaient en tant qu’organe formel.

Eu égard aux considérations qui précèdent, M. A______ ne saurait être exonéré de sa responsabilité d'organe envers la caisse de compensation, car il s’est rendu coupable de négligence grave.

14.    Il en va de même de M. C______. La question n’est pas, comme semble le croire l’intéressé, de savoir s’il existe un rapport de causalité naturelle et adéquate entre ses actes illicites et la faillite de la société, mais bien de savoir s’il a failli aux devoirs qui lui incombaient envers la caisse en sa qualité d’organe de fait. Or, tel est le cas, puisqu’il ne pouvait ignorer que les cotisations sociales correspondant aux salaires qu’il calculait lui-même n’étaient pas réglées ou à tout le moins pas suffisantes.

C’est par ailleurs en vain que le recourant tente de mettre en cause son associé et les prélèvements que ce dernier se serait permis d’opérer sur les comptes. En premier lieu, parce que ces assertions ont d’ores et déjà été balayées par le Procureur saisi, qui a constaté qu’elles n’étaient en rien étayées. En second lieu, parce que, comme déjà dit, il n’en demeure pas moins que l’intéressé a violé ses obligations envers la caisse en ne versant pas les cotisations correspondant aux salaires distribués et en ne lui faisant pas parvenir les déclarations de salaires en temps utile, domaine dans lequel il a déployé une activité effective puisque les salaires étaient accordés sur la base de ses seules indications. Il convient de considérer que le recourant s’est rendu coupable de négligence grave envers l’intimée, envers laquelle sa responsabilité est engagée.

Subsidiairement, M. B______ C______ fait valoir qu’il a quitté définitivement la société le 29 février 2004, ce qui est corroboré par l’attestation de salaires 2004, où il ne figure que pour les mois de janvier et février, mais aussi par Mme I______, qui a évoqué son départ de l’entreprise. En revanche, M. B______ C______ est demeuré inscrit au RC en qualité d’associé jusqu’à la faillite de la société. Néanmoins, dans la mesure où ce n’est pas en sa qualité d’associé simple mais bien d’organe de fait que sa responsabilité a été engagée, il convient de considérer qu’elle a pris fin avec son départ de l’entreprise, fin février 2004 et de réduire en conséquence le montant de la réparation qui lui est réclamée. En ce sens, son recours est très partiellement admis.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Rejette le recours de M. A______ mais constate que le dommage dont réparation lui est demandée doit être réduit à CHF 117'374.20.

3.        Admet très partiellement le recours de M. B______ C______.

4.        Renvoie la cause à l’intimée pour calcul du montant dû par M. B______ C______ compte tenu du fait que sa responsabilité a pris fin le 29 février 2004 et nouvelle décision en ce sens.

5.        Rejette le recours de M. B______ C______ pour le surplus.

6.        Admet le recours de M. D______ C______.

7.        Annule la décision du 18 janvier 2006 rendue à son encontre par l’intimée.

8.        Condamne l’intimée à verser à M. D______ C______ la somme de CHF 3'500.- à titre de participation à ses frais et dépens.

9.        Dit que la procédure est gratuite.

10.    Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le