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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2021/2015

ATAS/454/2016 du 08.06.2016 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2021/2015 ATAS/454/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 juin 2016

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée au GRAND-SACONNEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), ressortissante étrangère née le ______1970, mariée depuis 1991 et mère de trois enfants, nés en 1991, 1996 et 2000, vit à Genève depuis le 28 mai 1999.

Elle s’est vue reconnaître le statut de réfugiée en 2001 et est au bénéfice d’un permis C depuis 2004.

2 Le 27 mars 2007, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI), indiquant qu’elle était atteinte dans sa santé psychique depuis 1999. Par décision du 1er octobre 2008, l’OAI a retenu un taux d’invalidité de 100% de septembre 1999 à décembre 2005, de 50% de janvier à novembre 2006 et de 30% dès décembre 2006. L’OAI a rejeté la demande et refusé toute prestation, compte tenu du fait que l’assurée ne présentait, lors de la survenance de l’invalidité en 1999, ni une année de cotisation, ni dix ans de résidence en Suisse.

3. La décision n’a pas été reçue par l’assurée qui en a pris connaissance en mars 2009. Elle a alors indiqué à l’OAI qu’elle contestait le taux d’invalidité retenu mais qu’elle renonçait à recourir contre la décision de refus dès lors qu’elle n’était pas en mesure de démontrer que la condition du nombre d’années de cotisation était réalisée.

4. Le 1er avril 2009, l’assurée a sollicité du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) l’octroi de prestations complémentaires.

5. Par décision du 21 avril 2009, le SPC a refusé d’entrer en matière sur la demande.

6. Par décision sur opposition du 11 novembre 2009, le SPC a confirmé sa décision du 21 avril 2009 par substitution de motifs, retenant que lors de la prise d’effet de la demande de prestations complémentaires, soit au plus tôt le 1er mars 2007, le degré d’invalidité de l’assurée était de 30%, ce qui n’ouvrait pas de droit à une rente AI et, par conséquent, la privait aussi de tout droit à des prestations complémentaires.

7. Le 14 décembre 2009, l’assurée a formé recours contre la décision du 11 novembre 2009, concluant à son annulation et à l’octroi de prestations complémentaires dès le 1er mars 2007.

8. Par arrêt du 31 janvier 2012 (ATAS/58/2012), la chambre de céans a admis le recours, annulé la décision du 11 novembre 2009 et constaté que l’assurée aurait droit à une rente entière d’invalidité depuis le 1er mars 2006 si elle remplissait les conditions de durée de cotisation, de sorte qu’elle pouvait prétendre à des prestations complémentaires fédérales dès le 1er mars 2006 et à des prestations complémentaires cantonales dès le 1er mai 2009, sous réserve de l’examen des conditions de dépenses et de revenus. Aussi a-t-elle renvoyé la cause au SPC pour calcul des prestations dues et nouvelle décision.

9. Saisi d’un recours du SPC à l’encontre de l’arrêt du 31 janvier 2012 en tant qu’il concernait les prestations complémentaires de droit fédéral, le Tribunal fédéral a débouté le SPC de toutes ses conclusions par arrêt 9C_195/2012 du 5 décembre 2012.

10. Le 29 avril 2013, le SPC a rendu deux décisions de prestations complémentaires, la première pour la période du 1er mars 2006 au 30 avril 2009, la seconde pour la période postérieure au 1er mai 2009. Du 1er mars 2006 au 30 avril 2009, l’assurée avait droit uniquement aux prestations complémentaires fédérales. D’un montant de CHF 57'005.-, les arriérés dus à ce titre revenaient entièrement à l’Hospice général. Sur la période courant du 1er mai 2009 au 30 avril 2013, l’assurée avait droit à CHF 189'766.-, prestations fédérales (PCF) et cantonales (PCC) confondues. Après le versement de CHF 146'240.90 à l’Hospice général, le solde de CHF 43'535.10 lui revenait. Dès le 1er mai 2013, son droit aux prestations s’élevait à CHF 1'488.- pour les PCF et CHF 1'570.- pour les PCC, soit CHF 3'058.- par mois au total.

11. Le 3 juin 2013, l’assurée, agissant par l’entremise de son conseil, a formé opposition à ces décisions en contestant le gain potentiel retenu pour son époux, Monsieur A______. Celui-ci avait toujours cherché très activement un emploi et il avait toujours accepté les offres d’emploi sur appel qui lui avaient été proposées. Preuve en était que le SPC avait retenu un gain d’activité lucrative à son endroit durant plusieurs périodes.

12. Le 18 juin 2013, le SPC a invité l’assurée à compléter son opposition du 3 juin 2013 en y joignant toute pièce utile.

13. Le 3 juillet 2013, l’assurée a transmis au SPC un courrier que l’assistante sociale de son mari, Madame B______, avait adressé à l’Hospice général en date du 25 juin 2013. Mme B______ attestait que M. A______ travaillait sur appel en tant que chauffeur-livreur, ajoutant que ses revenus étaient fluctuants et qu’il était à la recherche d’un emploi. Pour appuyer ces dires, l’assurée a annexé à son envoi une copie des justificatifs de recherches d’emploi que son mari avait effectuées depuis octobre 2011 dans le cadre du RMCAS. D’autres justificatifs étaient disponibles auprès de Mme B______ pour la période du 1er janvier au 30 septembre 2011. Pour la période antérieure au 1er janvier 2011, M. A______ était inscrit au chômage.

Au bénéfice de ces explications, l’assurée a invité le SPC à revoir sa décision de prestations complémentaires pour la période s’étendant du 1er mai 2009 au 30 avril 2013 et pour l’avenir.

14. Par décision sur opposition du 28 août 2013, le SPC a accepté de supprimer le gain potentiel qu’il avait retenu pour le mari de l’assurée. En conséquence, celle-ci avait droit à des arriérés de prestations complémentaires à hauteur de CHF 68'042.-. Ce montant correspondait à la différence entre les prestations que le SPC lui avait déjà versées du 1er mai 2009 au 31 août 2013 (CHF 202'008.-) et celles auxquelles elle avait droit pour cette même période (CHF 270'050.-). Le SPC a également procédé à la fixation du droit à venir en indiquant qu’à partir du 1er septembre 2013, les prestations complémentaires fédérales et cantonales s’élèveraient à CHF 3'833.-, respectivement CHF 1'463.-, soit CHF 5'296.- par mois en tout et pour tout. Cette décision est entrée en force.

15. Le 13 décembre 2013, le SPC a adressé un plan de calcul des prestations complémentaires pour la période s’ouvrant le 1er janvier 2014. Il en ressortait que la différence entre le total des dépenses reconnues (CHF 63'885.- pour les PCF ; CHF 82'700.- pour les PCC) et le total du revenu déterminant (CHF 17'895.- pour les PCF ; CHF 65'171.- pour les PCC) donnait toujours droit à des prestations mensuelles de CHF 3'833.- (PCF), respectivement CHF 1'463.- (PCC). Le total du revenu déterminant s’expliquait notamment par la prise en considération de l’épargne à hauteur de CHF 112'047.70. Ainsi, la part excédant les deniers de nécessité (CHF 90'000.-) s’élevait à CHF 22'047.70. Ce dernier montant était pris en compte à concurrence d’un quinzième pour les PCF (= CHF 1'469.85) et d’un huitième pour les PCC (= CHF 2'755.95).

16. Par décision du 20 décembre 2013, le SPC a recalculé le droit aux prestations complémentaires de l’assurée. Cette opération avait mis en évidence un trop-versé du 1er juin au 31 décembre 2013. Sur la somme de CHF 37'810.- allouée sur cette période, seul un montant de CHF 36'624.- était dû. Ainsi, l’assurée était invitée à restituer la différence de CHF 1'186.-. Pour la période s’ouvrant le 1er janvier 2014, les prestations s’élevaient désormais à CHF 3'514.- pour les PCF et CHF 1'649.- pour les PCC, soit un total mensuel de CHF 5'163.-.

17. Le 17 janvier 2014, l’assurée a fait savoir au SPC qu’elle s’opposait au plan de calcul qui lui avait été adressé le 13 décembre 2013. Le montant qui avait été retenu au titre de la fortune était erroné. Pour étayer cette affirmation, elle a produit un extrait de son compte postal, faisant état d’un solde positif de CHF 6'211.85 au 13 janvier 2014. C’était sur ce compte qu’avaient été versés les arriérés de prestations complémentaires qui lui étaient dus et qui avaient formé l’essentiel de sa fortune.

Indiquant que sa famille avait vécu modestement de très nombreuses années durant avec l’aide unique de l’Hospice général et que cette situation avait contraint chacun à réduire considérablement son train de vie, l’assurée a expliqué qu’une fois les arriérés de prestations complémentaires versés, l’argent avait été utilisé pour l’acquisition de divers biens – appareils électroménagers et électroniques, habits et jeux pour ses enfants. Sa famille avait aussi voyagé dans divers pays d’Europe et son fils aîné s’était rendu à Berlin pour le Nouvel-An. Enfin, une somme d’argent avait été récemment retirée et provisionnée en vue du remplacement de la voiture actuelle et du règlement de la note d’honoraires finale de son avocate. En effet, au vu du montant des prestations complémentaires obtenues, il était presque certain que l’assistance juridique serait révoquée.

18. Par décision non notifiée du 28 janvier 2014, le SPC a recalculé le droit aux prestations complémentaires de l’assurée. Il résultait de cette opération que les prestations allouées du 1er décembre 2013 au 31 janvier 2014 étaient trop importantes. Sur la somme de CHF 10’326.- versée sur cette période, seul un montant de CHF 9'786.- était dû, de sorte que l’assurée était invitée à restituer la différence de CHF 540.-. À partir du 1er février 2014, les prestations s’élevaient à CHF 3'248.- pour les PCF et CHF 1'650.- pour les PCC, soit un total de CHF 4’898.- par mois. Les plans de calculs annexés à la décision prenaient en compte une épargne de CHF 113'088.60 du 1er au 31 décembre 2013 et des biens dessaisis à concurrence de CHF 109'237.35 pour la période s’ouvrant le 1er janvier 2014.

19. Le 11 février 2014, le SPC s’est référé au courrier de l’assurée du 17 janvier 2014, précisant à titre liminaire que le plan de calcul dressé le 13 décembre 2013 n’était pas une décision et qu’il n’était donc pas sujet à opposition.

Toutefois, les faits portés à la connaissance du SPC avaient nécessité un nouveau calcul des prestations complémentaires de l’assurée, motivé par :

-          la mise à jour de sa fortune au 1er janvier 2014 ;

-          le dessaisissement résultant de la diminution de son épargne ;

-          la mise à jour du gain d’activité de son mari au 1er décembre 2013.

Selon ce calcul, qui portait sur la période du 1er décembre 2013 au 31 janvier 2014, l’assurée avait perçu un excédent de prestations à concurrence de CHF 540.- qu’il convenait de restituer sous trente jours. À partir du 1er février 2014, son droit s’élevait à CHF 4'898.- par mois, prestations fédérales et cantonales confondues.

20. Le 14 février 2014, l’assurée a informé le SPC que les décisions qui réduisaient rétroactivement les prestations complémentaires allouées du 1er décembre 2013 au 31 janvier 2014 n’avaient pas été annexées à l’envoi du 11 février 2014. En tant que de besoin, elle indiquait d’ores et déjà former opposition auxdites décisions.

21. Par courrier du 17 février 2014, le SPC a transmis la décision du 28 janvier 2014 à l’assurée, reconnaissant que cet acte ne lui avait pas été notifié précédemment et qu’il n’avait pas non plus été annexé au pli du 11 février 2014. Étant donné qu’elle n’avait pas eu la possibilité de consulter cette décision avant de former opposition, le SPC l’a invitée à faire savoir si elle maintenait cette dernière et, le cas échéant, à motiver son désaccord.

22. Par décision du 1er avril 2014, le SPC a recalculé le droit aux prestations complémentaires de l’assurée. Cette opération avait laissé apparaître un solde de CHF 54.- en faveur de cette dernière pour la période du 1er février au 30 avril
2014. En effet, sur la somme de CHF 14'694.- allouée à l’assurée sur cette période, un montant de CHF 14’748.- lui était dû en réalité. À partir du 1er mai 2014, les prestations s’élevaient à CHF 3'267.- pour les PCF et CHF 1'649.- pour les PCC, soit un total mensuel de CHF 4'916.-. Pour leur part, les plans de calculs annexés à la décision continuaient à prendre en compte des biens dessaisis à hauteur de CHF 109'237.35.

23. Le 29 avril 2014, l’assurée a formé opposition à la décision du 1er avril 2014 et confirmé, en tant que de besoin, son opposition à la décision du 28 janvier 2014, motif pris qu’il ne pouvait être tenu compte d’un dessaisissement. Aussi a-t-elle renouvelé en substance ses explications du 17 janvier 2014 sur l’utilisation des arriérés de prestations complémentaires alloués, ajoutant que sa famille avait reçu une contreprestation pour chaque dépense engagée et que des quittances seraient produites dans les meilleurs délais.

24. Par courrier du 15 mai 2014, Madame C______ a attesté que la famille de l’assurée, dont elle se déclarait « très proche », avait acheté le mobilier garnissant leur appartement (canapé et bureau), les appareils électroménagers (lave-linge, lave-vaisselle, mixer, etc.) ainsi que la décoration d’intérieur (rideaux, tapis, moquette, etc.) de juin 2013 à ce jour, ajoutant que l’assurée n’avait hélas pas conservé les factures correspondantes, ne pensant pas qu’elles lui seraient utiles.

25. Les 5 et 12 juin 2014, l’assurée a produit des quittances d’achat de biens de consommation divers achetés entre 2013 et 2014 ainsi qu’une déclaration écrite de sa belle-sœur, Mme D______ (-A______) certifiant que l’assurée, son mari et leurs enfants lui avaient rendu visite à la clinique de Wels-Grieskirchen (Autriche) au cours de l’année 2013, alors qu’elle y était hospitalisée pour le traitement d’un cancer.

26. Par décision du 1er septembre 2014, le SPC a recalculé le droit aux prestations complémentaires de l’assurée. Cette opération avait laissé apparaître un trop-versé du 1er février 2014 au 30 septembre 2014. Sur la somme de CHF 39’328.- allouée sur cette période, seul un montant de CHF 30'619.- était dû, de sorte que l’assurée était invitée à restituer la différence de CHF 8’709.-. Pour la période s’ouvrant le 1er octobre 2014, les prestations s’élevaient désormais à CHF 1'630.- pour les PCF et CHF 1'649.- pour les PCC, soit un total de CHF 3’279.- par mois. Les plans de calculs annexés prenaient toujours en compte des biens dessaisis d’un montant de CHF 109'237.35.

27. Dans un courrier manuscrit non daté, reçu le 16 septembre 2014 par le SPC, l’assurée et son mari ont demandé à pouvoir échelonner le remboursement du montant de CHF 8'709.-.

28. Le 2 octobre 2014, l’assurée, représentée par son conseil, a indiqué qu’elle formait opposition à la décision du 1er septembre 2014 pour les mêmes motifs que ceux invoqués à l'appui de son opposition du 29 avril 2014 à la précédente décision.

29. Par décision du 4 novembre 2014, le SPC a recalculé le droit aux prestations complémentaires de l’assurée. Il résultait de cette opération que les prestations octroyées du 1er septembre 2014 au 30 novembre 2014 étaient trop importantes. Sur la somme de CHF 9’837.- qui avait été allouée sur cette période, seul un montant
de CHF 9’279.- était dû, de sorte que l’assurée était invitée à restituer la différence de CHF 558.-. À compter du 1er décembre 2014, les prestations s’élevaient à CHF 1'630.- pour les PCF et CHF 1'463.- pour les PCC, soit un total de CHF 3’093.- par mois. À l’instar des décisions du 28 janvier, 1er avril et du 1er septembre 2014, celle du 4 novembre 2014 retenait un montant de CHF 109'237.35 à titre de biens dessaisis.

30. Le 3 décembre 2014, l’assurée a indiqué qu’elle formait opposition à la décision du 4 novembre 2014 pour les motifs déjà développés précédemment en lien avec le dessaisissement retenu par le SPC.

31. Par décision du 12 mai 2015, le SPC a partiellement admis les oppositions formées les 14 février, 29 avril, 2 octobre et 3 décembre 2014 à l’encontre des décisions rendues respectivement les 28 janvier, 1er avril, 1er septembre et 4 novembre 2014 et pris en considération un montant de CHF 101'555.- à titre de dessaisissement en lieu et place du montant de CHF 109'237.35 retenu précédemment.

Selon le SPC, l’assurée ne contestait pas que les deux montants rétroactifs de prestations complémentaires perçus en mai 2013 (CHF 43'535.10) et en septembre 2013 (CHF 68'042.-), qui représentaient CHF 111'577.10 au total, faisaient partie de son revenu déterminant.

Il ressortait d’un tableau de diminution de l’épargne annexé à la décision entreprise que les ressources annuelles en 2013 se composaient des prestations du SPC à hauteur de CHF 64'104.-, d’un « salaire réel » de CHF 21'190.- et d’un « autre revenu » de CHF 10'400.-, ce qui représentait un total de CHF 95'694.-. En déduisant le « loyer réel », à hauteur de CHF 23'916.-, les revenus nets s’élevaient à CHF 71'778.-. Étant donné qu’en 2013, les besoins de base s’élevaient à CHF 76'155.- pour un couple marié composé d’un bénéficiaire invalide à 70% ou plus et ayant trois enfants à charge, les besoins annuels se montaient à CHF 4'377.-
(= 76'155 – 71'778). Dans la mesure où la fortune s’élevait à CHF 111'577.-, la diminution de celle-ci s’expliquait par la déduction des besoins annuels précités (CHF 4'377.-) et des dépenses que l’assurée avait été en mesure de justifier. Puisque ces dernières totalisaient la somme de CHF 1'794.43, l’avoir en compte aurait dû s’élever à CHF 105'405.57 (= 111'577 – 4'377 – 1'794.43) au 31 décembre 2013, mais en tenant compte d’un solde de fortune de CHF 3'850.- à cette même date, le dessaisissement s’élevait finalement à CHF 101'555.57.

Sur le plan des dépenses, il n’était pas possible de tenir compte d’un montant supérieur à CHF 1'794.43. Celui-ci se décomposait comme suit sur la base de frais déclarés :

Nature des frais déclarés

Montant

Prise en compte

Voyage Londres (quittance pour montant de CHF 300.-)

 

300.00

Reflex Canon

 

349.00

Sephora (parfum)

Euros 74.50

90.13

Samsung Galaxy S3 + S4

 

668.30

Swarovski

 

117.00

Office cantonal des véhicules

 

270.00

Total :

 

1'794.43

Pour le surplus, il n’était pas possible de tenir compte des factures datées de 2014, celles-ci ne permettant pas de justifier des dépenses effectuées en 2013. Quant à l’attestation rédigée par la sœur du mari de l’assurée concernant les visites que le couple et leurs enfants lui auraient rendues en Autriche durant son hospitalisation, elle ne permettait pas de chiffrer le coût de ces voyages. Il en allait de même de l’attestation de l’amie de l’assurée, confirmant que la famille aurait acheté du mobilier, de l’électro-ménager et de la décoration d’intérieur depuis le mois de juin 2013.

Quant aux montants que l’assurée déclarait avoir retirés pour provisionner l’achat d’un véhicule – lequel ne semblait au demeurant pas avoir été acquis à ce jour – et pour régler les frais d’avocat, ils ne pouvaient pas non plus être retenus dans la mesure où aucun montant concret n’était articulé et qu’il n’était pas indiqué où ces sommes avaient été déposées en attendant le paiement définitif.

À la lumière de ces considérations, le bien dessaisi pris en compte au 1er janvier 2014, évalué à CHF 109'237.35, était ramené à CHF 101'555.- en fonction des justificatifs produits, qui étaient admis à concurrence de CHF 1'794.43.

Enfin, il était précisé qu’en tenant compte de la diminution du dessaisissement ainsi calculée et des remboursements – par l’assurée – des montants de CHF 540.- le 31 mars 2014 et de CHF 558.- le 16 décembre 2014, le solde en faveur du SPC s’élevait désormais à CHF 7'790.- pour les périodes litigieuses du 1er décembre 2013 au 30 novembre 2014. Toutefois, étant donné que les prestations dues pour la période postérieure aux périodes litigieuses, soit du 1er décembre 2014 au 31 mai 2015, s’élevaient à CHF 19'701.- en lieu et place des CHF 19'208.- déjà versés, la différence (CHF 493.-) avait été affectée au remboursement partiel du montant de CHF 7'790.- soumis à restitution, si bien que la somme restant due au SPC s’élevait à CHF 7'297.-.

32. Le 12 juin 2015, l’assurée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 12 mai 2015, concluant, sous suite de dépens, à son annulation et à la suppression de tout bien dessaisi au titre de ressources « dès le 1er décembre 2013 ».

33. Le 13 juillet 2015, la recourante a complété son recours en abordant la question du gain potentiel de son mari. Elle avait produit les justificatifs de recherches effectuées par son époux depuis le mois d’octobre 2011 et offert d’interroger Mme B______ a sujet des recherches faites entre le 1er janvier 2011 et le 30 septembre 2011, rappelant que pour la période encore antérieure, son mari était au chômage et dans l’obligation de fournir des preuves de ses recherches d’emploi. Bien qu’elle eût formé opposition sur ce point et démontré qu’aucun gain potentiel ne pouvait être retenu pour son mari dès le 1er mai 2009, l’intimé ne s’était pas prononcé à ce sujet pour la période antérieure au 1er décembre 2013. Aussi convenait-il de supprimer le gain potentiel du mari dès le 1er mai 2009.

Évoquant la question du dessaisissement, la recourante a souligné qu’elle avait allégué, sans être contredite, qu’elle avait obtenu une contreprestation pour toutes les dépenses qu’elle avait effectuées. En outre, dans la mesure où les montants dépensés correspondaient à des prestations rétroactives qui auraient dû – si elles avaient été perçues au moment de la naissance du droit – permettre à sa famille d’améliorer son quotidien, il était choquant qu’elle et sa famille soient pénalisés pour avoir dépensé un rétroactif passé qui avait précisément pour but de compenser un découvert passé. En suivant le raisonnement mis en œuvre par l’intimé, les prestations qui avaient été allouées pour couvrir des dépenses passées reconnues étaient encore prises en compte pour couvrir des dépenses courantes reconnues.

Étant donné que le législateur ne prévoyait aucun contrôle de l’utilisation réelle qui était faite des prestations complémentaires courantes, il était injuste qu’un contrôle existe sur les prestations perçues à titre rétroactif.

Au vu de ces considérations, des pièces produites et des témoignages écrits versés au dossier, il y avait lieu de supprimer tout bien dessaisi.

Subsidiairement, il convenait de diminuer le dessaisissement :

-          d’un montant de EUR 1'200.- correspondant aux voyages en Autriche ;

-          de la totalité des quittances produites, y compris celles datant de 2014, vu que les retraits effectués en 2013 correspondaient à des dépenses faites en 2014 ;

-          d’un montant de CHF 18'000.- conservé en liquide pour l’achat d’une voiture ;

-          d’un montant forfaitaire de CHF 10'000.- pour les voyages effectués en famille en Allemagne et en Croatie.

34. Le 6 août 2015, l’intimé a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée.

En tant que la recourante demandait que le gain hypothétique fût supprimé avec effet au 1er mai 2009, elle soulevait une prétention qui ne relevait pas de l’objet de la décision entreprise, dont le seul élément en litige consistait dans la prise en compte d’un bien dessaisi. De plus, la question du gain hypothétique du mari avait déjà été traitée par le passé – et même dans le sens souhaité par la recourante – puisque l’intimé, par décision du 28 août 2013, avait admis l’opposition formée le 3 juin 2013 et supprimé le revenu hypothétique du mari de la recourante avec effet au 1er mai 2009, ce qui avait donné lieu à un versement d’arriérés de prestations complémentaires à hauteur de CHF 68'042.- en septembre 2013 correspondant à la différence entre les prestations déjà versées du 1er mai 2009 au 31 août 2013 (CHF 202'008.-) et celles auxquelles elle avait droit pour cette même période (CHF 270'050.-).

Quant au dessaisissement litigieux, il obéissait au principe suivant lequel un assuré, qui n’était pas en mesure de prouver que ses dépenses avaient été effectuées moyennant contreprestation adéquate, ne pouvait pas se prévaloir d’une diminution correspondante de sa fortune mais devait accepter que l’on s’enquière des motifs de cette diminution et que l’on tienne compte d’une fortune hypothétique si la preuve requise n’était pas rapportée.

En l’espèce, la décision entreprise tenait compte des justificatifs produits à concurrence de CHF 1'794.43 mais il n’était pas possible d’aller au-delà. En effet, les frais vestimentaires n’avaient pas été pris en considération puisque ce type de dépenses figurait déjà dans le poste « besoins vitaux » du calcul de la fortune dessaisie, selon le tableau annexé à la décision querellée. Quant aux factures datées de 2014, elles n’avaient bien évidemment pas été prises en considération dans le cadre de la justification des dépenses effectuées en 2013, année du dessaisissement.

35. Le 28 août 2015, la recourante a répliqué en soutenant que toutes les diminutions de fortune avaient été expliquées en détail et pouvaient être confirmées et chiffrées par des témoins dont l’audition était requise par la recourante. Dans la mesure où les règles sur l’imposition des personnes physiques exonéraient d’impôt les prestations complémentaires lorsque celles-ci étaient servies en temps et en heure comme revenu mensuel, il était manifeste que l’intention du législateur était de ne pas grever d’impôts les prestations servies à ce titre, vu leur nature d’aide à la couverture des besoins élémentaires. Mais vu que les atermoiements de l’intimé – pour rendre une décision – avaient transformé ces prestations d’ordinaire exemptées d’impôt en fortune imposable, celles-ci étaient aussi prises en compte dans le calcul des prestations courantes dues.

L’intérêt de l’intimé à tarder à rendre une décision, en présence d’arriérés importants en jeu, était ainsi manifeste : plus la décision tardait, plus le rétroactif était important. Plus le rétroactif était important, plus la fortune (ou le bien dessaisi) augmentait. Plus la fortune (ou le bien dessaisi) augmentait, plus les prestations dues mensuellement par l’intimé diminuaient.

Dans le cas d’espèce, l’intimé avait injustement refusé de verser les prestations complémentaires cantonales dues pendant la procédure devant le Tribunal fédéral et ce, sans aucune raison valable. La recourante était donc doublement sanctionnée par l’attitude de l’intimé à son égard puisqu’elle avait été privée de longues années de son dû et contrainte de survivre à l’aide sociale en raison des atermoiements de l’intimé et qu’à présent, ses prestations mensuelles étaient réduites par la prise en compte des prestations qui auraient dû lui échoir antérieurement.

Ainsi, l’attitude de l’intimé était contraire à la bonne foi due à tout administré dans l’activité étatique.

36. Entendue à l’audience de comparution personnelle des parties du 7 octobre 2015, la recourante a expliqué qu’elle n’avait jamais eu de carte bancaire et qu’elle n’avait donc jamais pris l’habitude de recourir à ce moyen de paiement. Comme sa mémoire n’était pas bonne, elle avait écrit le code sur une feuille mais son mari l’avait rendue attentive aux risques qui découlaient d’une telle pratique. Elle était la seule titulaire du compte postal sur lequel les arriérés de prestations complémentaires avaient été versés en 2013. Cette année-là, elle et son mari avaient acheté des meubles et envisagé d’acheter une voiture. Ils avaient retiré l’argent à cet effet en 2013 mais avaient provisoirement renoncé à cet achat étant donné que leur fils était tombé gravement malade – maladie de Crohn. Aussi avaient-ils gardé à la maison les CHF 18'000.- destinés à la voiture. Cet achat s’était finalement concrétisé le 3 septembre 2015. À titre de preuve, la recourante a produit une copie d’un contrat du 3 septembre 2015 portant sur la vente d’une Volkswagen Golf GTI « Edition 35 » datant de 2012, cédée au prix de CHF 22'500.-.

Elle avait fait beaucoup d’achats en 2013 en acquérant notamment un téléviseur, un ordinateur, un frigo, un lave-linge, un lave-vaisselle, un salon et une salle à manger. Tout le mobilier avait été changé de même que les chambres des enfants.

Son mari était au chômage depuis deux mois, mais au bénéfice d’une promesse d’embauche censée se concrétiser d’ici un mois.

Elle s’était rendue en Autriche en famille pour rendre visite à sa belle-sœur malade. Les trajets avaient été effectués avec leur précédent véhicule et les frais de voyage étaient évalués à EUR 1'200.- pour cinq allers-retours (selon estimation du site viamichelin.ch).

L’intimé a déclaré admettre ces frais au vu des pièces produites. Il a également admis le montant de CHF 18'000.- que la recourante avait gardé à domicile pour acheter le véhicule évoqué.

La recourante a ajouté qu’en 2013, elle et sa famille avaient beaucoup voyagé en voiture pour se rendre en Croatie, en Albanie et au Monténégro. Les frais de carburant avaient été réglés en argent liquide.

Une fois les arriérés de prestations complémentaires versés par l’intimé, elle ne savait pas qu’elle ne pouvait pas dépenser l’argent reçu comme elle l’entendait. Si elle avait su dès le départ quelles conséquences un tel comportement pouvait entrainer, elle aurait conservé les justificatifs de ses dépenses. Lorsqu’elle et sa famille étaient parties rendre visite à leur parenté, ils avaient acheté des cadeaux, notamment des bijoux. Par le passé, de telles attentions n’étaient pas possibles.

Sur quoi, la chambre de céans a octroyé un délai au 30 octobre 2015 à la recourante pour produire d’éventuels justificatifs.

37. Le 3 novembre 2015, la chambre de céans a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA, en vigueur depuis le 1er janvier 2003, s’applique aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

3.        Déposé dans les forme et délai légaux (art. 60 al. 1 LPGA et 43 LPCC), le recours est recevable sous réserve de ce qui suit :

En tant que la recourante conclut à la suppression du gain potentiel imputé à son mari dès le 1er mai 2009, elle soulève une prétention qui ne relève pas de l’objet de la décision entreprise puisque cette dernière ne retient pas un tel gain. De plus, l’intimé a précisément supprimé le revenu hypothétique du mari dès le 1er mai 2009 par décision sur opposition du 28 août 2013. La recourante ne dispose ainsi d’aucun intérêt juridique actuel au recours sous cet angle, de sorte que ses conclusions relatives à la suppression du gain potentiel du mari sont irrecevables, à plus forte raison que la décision du 28 août 2013 était déjà en force à la date du recours.

4.        Le litige porte sur le calcul des prestations complémentaires du 1er décembre 2013 au 30 novembre 2014, plus particulièrement sur l’intégration, à ce calcul, de montants correspondant à des biens dessaisis du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2014.

5.        a. Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui auraient droit à une rente de l'AI si elles justifiaient de la durée de cotisation minimale requise à l'art. 36 al. 1 de la loi sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI – RS 831.20).

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC).

L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants.

L'art. 10 LPC énumère de manière exhaustive (arrêt 9C_822/2009 du 7 mai 2010 consid. 3.3 et la référence, in SVR 2011 EL n° 2 p. 5) les dépenses reconnues. Pour les personnes ne vivant pas en permanence ou pour une longue période dans
un home ou un hôpital, celles-ci comprennent en particulier un montant forfaitaire destiné à la couverture des besoins vitaux (al. 1 let. a). Ce montant inclut, entre autres, les frais de nourriture, d'habillement, de soins corporels de consommation d'énergie (électricité, gaz, etc.), de communication, de transport ou de loisirs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 5.1 et les références).

Quant aux revenus déterminants, ils sont fixés à l'art. 11 al. 1 LPC et comprennent notamment un quinzième – un dixième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse – de la fortune nette dans la mesure où elle dépasse les deniers de nécessité (let. c) ainsi que les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (let. g).

Par fortune au sens de cette disposition, il faut comprendre toutes les choses mobilières et immobilières ainsi que les droits personnels et réels qui sont la propriété de l’assuré et qui peuvent être transformés en espèces (par le biais d’une vente ou d’un nantissement par exemple) pour être utilisés (Urs MULLER, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum ELG, 3ème éd. 2015, n. 330 ad art. 11 LPC), Ralph JÖHL, Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in SBVR, 3ème éd. 2016, p. 1844 n. 163). Font ainsi notamment partie de la fortune : les gains à la loterie, la valeur de rachat d’une assurance-vie, l’épargne, les actions, les obligations, les successions, les versements en capital d’assurances, l’argent liquide, etc. (MULLER, op.cit, n. 330 ad art. 11 LPC), les créances (Ralph JÖHL, Patricia USINGER-EGGER, op. cit. p. 1844 n. 163) ou encore les prêts accordés (Erwin CARIGIET, Uwe KOCH, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV,
2ème éd. 2009 p. 163). L’origine des éléments de fortune n’importe pas (Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, état au 1er janvier 2015 [ci-après : DPC], ch. 3443.01).

b. Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC).

En droit cantonal, les dépenses reconnues sont les mêmes qu'en droit fédéral (art. 6 LPCC), à l'exclusion du montant destiné à la couverture des besoins vitaux, remplacé par le montant destiné à garantir le revenu minimum cantonal d'aide sociale défini à l'article 3.

Aux termes de l’art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations.

Conformément à l’art. 7 LPCC, la fortune comprend la fortune mobilière et immobilière définie par la LPC et ses dispositions d’exécution (al. 1), cette fortune devant être évaluée selon les règles de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP – D 3 08) à l'exception des règles concernant les diminutions de la valeur des immeubles et les déductions sociales sur la fortune, prévues aux articles 50, lettre e, et 58 de ladite loi, qui ne sont pas applicables. Les règles d'évaluation prévues par la loi fédérale et ses dispositions d'exécution sont réservées (al. 2).

En application de l’art. 9 al. 1 LPCC, pour la fixation de la prestation, sont déterminantes les rentes de l’année civile en cours (let. a) ; la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est demandée (let. b).

6.        Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 123 V 35 consid. 1; ATF 121 V 204 consid. 4a). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1). Il y a également dessaisissement lorsque le bénéficiaire a droit à certains éléments de revenu ou de fortune mais n'en fait pas usage ou s'abstient de faire valoir ses prétentions, ou encore lorsqu'il renonce à exercer une activité lucrative possible pour des raisons dont il est seul responsable (ATF 123 V 35 consid. 1).

Les conditions pour la prise en compte d'un dessaisissement de fortune sont alternatives. Pour qu'un dessaisissement de fortune puisse être pris en compte dans le calcul des prestations complémentaires, la jurisprudence soumet cet acte à la condition qu'il ait été fait « sans obligation juridique », respectivement « sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente ». Les deux conditions précitées ne sont pas cumulatives, mais alternatives. La question de savoir si la renonciation à un élément de fortune en accomplissement d'un devoir moral constitue un dessaisissement de fortune au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC, a été laissée ouverte (ATF 131 V 329 consid. 4.2 à 4.4).

Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420).

Une contreprestation peut être considérée comme adéquate lorsqu’elle n’entame pas la fortune ou au contraire l’augmente, mais également lorsqu’elle consiste en des dépenses destinées à l’acquisition de biens qui sont entièrement consommés après acquisition et ne font donc plus partie du patrimoine (voyages touristiques, sorties au restaurant, habits de luxe, etc. ; Ralph JÖHL, Patricia USINGER-EGGER, op. cit. p. 1861 n. 177). Le Tribunal fédéral a considéré qu'il n'y avait pas dessaisissement dans le cas d'une assurée ayant épuisé sa fortune après avoir vécu dans un certain luxe (ATF 115 V 352 consid. 5b). L'existence d'un dessaisissement de fortune ne peut être admise que si l'assuré renonce à des biens sans obligation légale ni contre-prestation adéquate. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la jurisprudence considère qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une fortune (hypothétique) dans le calcul de la prestation complémentaire, même si l'assuré a pu vivre au-dessus de ses moyens avant de requérir une telle prestation. En effet, il n'appartient pas aux organes compétents en matière de prestations complémentaires de procéder à un contrôle du mode de vie des assurés ni d'examiner si l'intéressé s'est écarté d'une ligne que l'on pourrait qualifier de « normale » et qu'il faudrait au demeurant préciser. Il convient bien plutôt de se fonder sur les circonstances concrètes, à savoir le fait que l'assuré ne dispose pas des moyens nécessaires pour subvenir à ses besoins vitaux, et – sous réserve des restrictions découlant de l'art. 11 al. 1 let. g LPC – de ne pas se préoccuper des raisons de cette situation (VSI 1994 p. 225 s. consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.1).

7.        À teneur de l'art. 17a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI -RS 831.301), la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g LPC) est réduite chaque année de CHF 10'000.- (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

On présume ainsi que l'ayant droit, à supposer qu'il ne se soit pas dessaisi de sa fortune, en aurait mis une partie à contribution pour subvenir à ses besoins; l'amortissement prévu par cette disposition n'est cependant admis que sous la forme d'un forfait indépendant du montant exact de la fortune dessaisie ou de celle dont dispose encore l'ayant droit (cf. ATF 118 V 150 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 5.2.). Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette disposition à la loi et à la constitution (ATF 118 V 150 consid. 3c/cc).

Conformément à cette disposition, il faut qu'une année civile entière au moins se soit écoulée entre le moment où l'assuré a renoncé à des parts de fortune et le premier amortissement de fortune (Ralph JÖHL, Patricia USINGER-EGGER, op. cit. p. 1869 n. 186).

La réduction de CHF 10'000.- ne peut être opérée qu’une fois par année. En présence de dessaisissements successifs d’une personne dans le courant d’une année, il n’y a pas lieu de réduire chacun des montants dessaisis (DPC, ch. 3483.07).

En outre, conformément à l’art. 11 al. 1 let. b LPC, il convient de tenir compte, dans le calcul des revenus déterminants, du produit hypothétique de la part de fortune dont l’assuré s’est dessaisi.

8.        Dans le domaine des assurances sociales notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références).

Dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2 ; VSI 1994 p. 227 consid. 4b). Mais avant de statuer en l'état du dossier, l'administration devra avertir la partie défaillante des conséquences de son attitude et lui impartir un délai raisonnable pour la modifier; de même devra-t-elle compléter elle-même l'instruction de la cause s'il lui est possible d'élucider les faits sans complications spéciales, malgré l'absence de collaboration d'une partie (cf. ATF 117 V 261 consid. 3b; ATF 108 V 229 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 59/02 du 28 août 2003 consid. 3.3 et les références).

Pour que l'on puisse admettre qu'une renonciation à des éléments de fortune ne constitue pas un dessaisissement, il faut que soit établie une corrélation directe entre cette renonciation et la contre-prestation considérée comme équivalente. Cela implique nécessairement un rapport de connexité temporelle étroit entre l'acte de dessaisissement proprement dit et l'acquisition de la contre-valeur correspondante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_945/2011 du 11 juillet 2012 consid. 6.2).

9.        En l’espèce, l’intimé a retenu l’existence d’un bien dessaisi au 1er janvier 2014 et en a fixé la valeur à CHF 101'555.- à cette date. Il fonde ses calculs sur les justificatifs des dépenses effectuées par la recourante en 2013 en tant que celles-ci ne sont pas déjà comprises dans le montant forfaitaire destiné à la couverture des besoins vitaux.

a.    La recourante conteste en substance de devoir fournir des justificatifs attestant de l’acquisition d’une contre-valeur correspondant à la diminution de sa fortune, motif pris qu’elle a allégué, sans être contredite, que l’intégralité des dépenses qu’elle avait effectuées, l’avaient été moyennant contreprestation (cf. complément de recours du 13 juillet 2015, p. 9). Elle soutient qu’il serait inéquitable de traiter différemment les prestations complémentaires courantes, qu’elle pourrait dépenser à sa guise, des arriérés de prestations complémentaires dus ; puisque ceux-ci entrent dans la fortune, ils la pénaliseraient doublement, non seulement en diminuant les prestations courantes qui lui sont dues mais aussi en l’obligeant à rendre compte de leur utilisation sous peine de se voir imputer un dessaisissement. En outre, l’intimé aurait favorisé cette situation en tardant sans raison à rendre une décision en matière de prestations cantonales alors que la procédure pendante devant le Tribunal fédéral avait uniquement pour objet les prestations complémentaires fédérales.

Sur le premier point, la recourante ne peut être suivie puisque la preuve que les dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate lui incombe (cf. ci-dessus : consid. 8). Sur le second, la chambre de céans constate que la recourante ne reproche pas à l’intimé d’avoir appliqué les dispositions légales pertinentes de manière erronée, elle s’en prend plutôt au choix du législateur, plus précisément à la solution consistant à tenir compte des arriérés de prestations complémentaires versés dans la fortune du bénéficiaire. Il n’en demeure pas moins que lorsque des prestations complémentaires sont perçues à titre rétroactif, elles viennent augmenter la fortune du bénéficiaire, de sorte qu’il est impossible de ne pas les prendre en compte dans le cadre de l’établissement du revenu déterminant (ATAS/581/2011 du 31 mai 2011 consid. 2c ; cf. également ci-dessus : consid. 5a) et donc, de les soustraire au régime légal prévu en cas de dessaisissement (art. 11 al. 1 let. g LPC).

Quant à la question de savoir si l’intimé aurait pu et dû rendre une décision en matière de prestations complémentaires cantonales sans attendre l’issue de la contestation – portant sur les seules prestations fédérales – devant le Tribunal fédéral, elle souffre de rester indécise puisque la recourante n’a plus d’intérêt juridique à faire constater un éventuel déni de justice eu égard précisément aux deux décisions rendues le 29 avril 2013, octroyant les arriérés de prestations complémentaires pour la période du 1er mars 2006 au 30 avril 2009, respectivement du 1er mai 2009 au 30 avril 2013. Par ailleurs, il convient d’avoir à l’esprit que même lorsqu’un déni de justice est admis, la réparation se limite à la constatation d’un retard inadmissible à statuer, ce qui exclut l’octroi d’une prestation positive de l’Etat sous la forme d’une prestation d’assurance sociale (ATF 129 V 411 consid. 3.4). On notera également au passage que dans l’hypothèse où il aurait été possible de rendre une décision limitée aux seules PCC aussitôt l’arrêt ATAS/58/2012 du 31 janvier 2012 rendu – hypothèse peu réaliste ne serait-ce qu’en raison du temps nécessaire pour rassembler les renseignements requis –, ouvrant ainsi la voie au versement de PCC courantes, cela n’aurait pas diminué notablement les arriérés de prestations qui ont été versés par la suite. En effet, en se référant au tableau reproduit dans la décision du 29 avril 2013 relative à la période du 1er mai 2009 au 30 avril 2013, il appert que les arriérés de PCC dus entre février 2012 et avril 2013 ne représentent qu’un montant de CHF 23’438.- par rapport à la somme des arriérés de PCF et PCC accumulés du 1er mai 2009 au 30 avril 2013 (CHF 189'776.-, dont CHF 43'535.10 ont été versés à la recourante en mai 2013 après remboursement
de l’Hospice général). Cela étant, la réduction des arriérés à verser n’aurait jamais atteint CHF 23'438.-, loin de là, puisque la prise en charge par l’Hospice général – et, par voie de conséquence, le montant à rembourser à celui-ci – aurait diminué sinon cessé pendant la durée du versement des seules PCC courantes. Quant aux arriérés qui ont été versés en septembre 2013, d’un montant de CHF 68'042.-, ils s’expliquent par le fait que l’intimé a accepté, sur opposition, de supprimer le gain potentiel que la décision du 29 avril 2013 avait retenu pour le conjoint de la recourante (cf. décision sur opposition du 28 août 2013). Comme on peut le constater, le litige sur ce point précis, qui n’est au demeurant plus d’actualité, était bien postérieur à la procédure qui était pendante devant le Tribunal fédéral, quoi qu’en dise la recourante. Compte tenu de ces éléments, les arriérés de prestations apparaissent, en l’espèce, comme la conséquence nécessaire d’une procédure au Tribunal fédéral puis d’une opposition à une décision subséquente à l’issue favorable à l’intéressée dans les deux cas. Ainsi, le grief fait à l’intimé – guère motivé au demeurant – d’une attitude contraire à la bonne foi se confond en définitive avec une critique de la loi en vigueur, plus particulièrement du sort qu’elle réserve aux arriérés de prestations complémentaires. Or, on l’a vu, dans la mesure où ceux-ci doivent être pris en compte dans la fortune du bénéficiaire, indépendamment de la date à laquelle ils rétroagissent, les motifs d’équité, invoqués au surplus par la recourante, ne permettent pas non plus de déroger à ce régime.

b. L’intimé a admis l’existence d’une contreprestation adéquate dans la mesure où les justificatifs produits par la recourante concernent des acquisitions effectuées en 2013, non couvertes par le montant forfaitaire destiné à la couverture des besoins vitaux. Étant donné que les frais engagés pour des vêtements, petits accessoires, produits de soins et d’entretien divers (magasins Celio, Coop, C&A, Manor et Migros ; cf. pièce 21 recourante) entrent dans ce montant, la décision de ne pas en tenir compte ne souffre aucune critique. Il en va de même de l’exclusion de biens qui, en soi, ne seraient pas compris dans ce montant mais qui ne peuvent pas être pris en considération dans la mesure où ils ont été achetés en 2014 et qu’ils ne sauraient donc justifier un dessaisissement survenu en 2013 (cf. en particulier le mobilier acheté chez Conforama ; cf. pièce 21 recourante). Sous cet angle, la situation de la voiture d’occasion est différente puisque la recourante allègue avoir retiré et mis de côté un montant de CHF 18'000.- en 2013 pour faire l’acquisition de ce véhicule en 2015. Compte tenu de son prix (CHF 22'500.-), on imagine difficilement les revenus modestes du ménage et les prestations complémentaires courantes versées en 2014 et 2015 permettre de financer davantage qu’un cinquième d’une telle acquisition (CHF 4'500.-). Ainsi, les déclarations de la recourante au sujet du retrait de CHF 18'000.- en 2013 et de l’utilisation de ce montant apparaissent tout à fait crédibles, de sorte qu’il existe une corrélation directe entre la « renonciation » à CHF 18'000.- en 2013 et la contre-prestation que constitue l’achat de cette voiture. De plus, il existe une connexité temporelle suffisamment étroite entre ces deux actes. Enfin, en tenant compte notamment de la déclaration écrite de la belle-sœur de la recourante (pièce 19 recourante) il n’apparaît pas contestable – et il n’est pas non plus contesté par l’intimé ; cf. procès-verbal d’audience du 17 octobre 2015 – que la recourante s’est rendue à cinq reprises en Autriche et que les frais de carburant découlant de ces déplacements s’élevaient à EUR 1'200.-, soit CHF 1'476.- en se référant au cours moyen de la devise européenne en 2013 (1.23) :

https://www.ictax.admin.ch/extern/fr.html#!/ratelist/2013.

Selon l'art. 53 al. 3 LPGA, l'assureur peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé jusqu'à l'envoi de son préavis à l'autorité de recours (reconsidération pendente lite). En l'espèce, les concessions faites par l'intimé sur les montants de EUR 1'200.- et CHF 18'000.- sont intervenues après le premier échange d'écritures. Ainsi, la voie de la reconsidération n'était plus ouverte et l’inflexion de la position de l’intimé sur ces deux montants, le 7 octobre 2015, doit être considérée comme une simple proposition faite au juge (ATF 109 V 234 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_159/2007 du 3 octobre 2007, consid. 2 ; Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 3ème éd. 2016, n. 77 ad art. 53). Dans le cas concret, il peut être donné favorablement suite à cette dernière, à la lumière des développements qui précèdent. Quant aux autres dépenses que la recourante aurait effectuées, elles reposent soit sur de simples allégations, soit sur des déclarations de tiers (cf. déclaration de Mme C______ du 15 mai 2014) ou des propositions de témoignage qui ne permettent pas de dater avec précision les achats qui auraient été effectués et encore moins d’en connaître le prix. On rappellera en dernier lieu qu’à l’audience du 7 octobre 2015, la chambre de céans a encore octroyé un délai au 30 octobre 2015 à la recourante pour produire d’éventuels justificatifs mais que celle-ci s’en est abstenue.

En conclusion : la décision querellée retient un dessaisissement de CHF 101'555.- sans tenir compte des montants de EUR 1'200.- (= CHF 1'476.-) et CHF 18'000.-, pour lesquels l’existence de contreprestations adéquates est établie au degré de la vraisemblance prépondérante. En conséquence, il conviendra de réduire ce dessaisissement à CHF 82'079.- du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2014.

10.    Par un ultime moyen, la recourante soutient que si elle avait su dès le départ
qu’elle serait appelée à justifier ses dépenses une fois les arriérés de prestations complémentaires versés, elle aurait gardé l’ensemble des factures.

Selon l’art. 9 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, ce principe protège la confiance légitime que le citoyen a placée dans les assurances reçues de l'autorité ou dans tout autre comportement adopté par celle-ci et suscitant une expectative déterminée (ATF 126 II 377 consid. 3a p. 387; 122 II 113 consid. 3b/cc p. 123; cf. aussi ATF 128 II 112 consid. 10b/aa p. 125).

L'art. 9 Cst. confère d'abord au citoyen le droit d'exiger de l'autorité qu'elle
se conforme aux assurances – promesses, renseignements, communications, recommandations ou autres déclarations – reçues, si les conditions cumulatives suivantes sont réunies (ATF 121 II 473 consid. 2c; 118 Ia 245 consid. 4b et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.466/2002 du 6 février 2003, consid. 5.1) :

a) l'autorité est intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées;

b) l'autorité a agi ou est censée avoir agi dans les limites de sa compétence;

c) l'administré a eu de sérieuses raisons de croire à la validité de l'acte suivant lequel il a réglé sa conduite;

d) l'administré s'est fondé sur l'acte en question pour prendre des dispositions qu'il ne saurait modifier sans subir un préjudice;

e) la loi n'a pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée.

Plus largement, la bonne foi est protégée lorsque l'administration crée certaines expectatives par son comportement, que celui-ci soit actif ou passif (déclarations par « actes concluants » (arrêt du Tribunal fédéral 2A.466/2002 du 6 février 2003 consid. 5.1.1 et les références citées). Il ne suffit pas pour cela que, pendant un certain temps, l’autorité tolère, c’est-à-dire n’intervienne pas à l’encontre d’un état de fait illégal, et encore moins que, par ignorance ou faute d’actualité du problème, elle soit en quelque sorte restée neutre (ATF 118 Ia 384 consid. 3a). Il faut qu’elle manifeste d’une manière ou d’une autre sa position. Il n’est pas nécessaire pour autant qu’elle le fasse par un acte explicite ; elle sera liée si l’administré, sachant qu’elle est au courant, peut de bonne foi conclure de son mutisme qu’elle considère la situation comme régulière ou qu’elle a renoncé à exiger l’exécution d’une prestation due par l’administré (Pierre MOOR, Alexandre FLÜCKIGER, Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, Les fondements, 3ème éd. 2012 p. 929).

En l’espèce, la recourante ne prétend pas que l’intimé lui aurait donné des assurances quant à une éventuelle dispense de devoir prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contreprestation adéquate. Une telle hypothèse ne ressort pas non plus des pièces du dossier. En outre, on ne saurait considérer que par le seul versement desdits arriérés, l’intimé aurait affiché d’une manière ou d’une autre sa position au sujet d’une telle dispense. Enfin, il ne ressort pas non plus du dossier que l’intimé savait, au cours de l’année 2013, que la recourante ne conservait pas les justificatifs prouvant ses dépenses extraordinaires – soit celles qui ne sont pas comprises dans le montant forfaitaire destiné à la couverture des besoins vitaux.

En conséquence, le dessaisissement ne peut pas être réduit dans des proportions supérieures à celles admises ci-dessus (consid. 9b in fine).

11.    Le recours est donc partiellement admis dans la mesure de sa recevabilité, la décision du 12 mai 2015 annulée et la cause renvoyée à l’intimé afin qu’il procède à un nouveau calcul et rende une nouvelle décision de prestations complémentaires conformément à ce qui précède.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable en tant qu’il porte sur le montant des biens dessaisis.

2.        Le déclare irrecevable pour le surplus.

Au fond :

3.        L’admet partiellement.

4.        Annule la décision du 12 mai 2015.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul et nouvelle décision au sens des considérants.

6.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 – LTF - RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le