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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3456/2019

ATAS/386/2020 du 14.05.2020 ( AVS ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3456/2019 ATAS/386/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 14 mai 2020

4ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, GENÈVE

Monsieur B______, domicilié ______, GRAND-LANCY

 

recourants

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER-CIAM 106.1, sise rue de Saint-Jean 67, GENÈVE

 

intimée

 


EN FAIT

1.        L'Institut C______ SA (ci-après la société) a été inscrite au registre du commerce le 2 décembre 2010. Son but était l'exploitation d'un salon de coiffure ainsi que d'un institut de beauté et de bien-être et le commerce de produits cosmétiques. Dès sa fondation, Monsieur A______ (ci-après l'administrateur-président) a été inscrit comme administrateur-président de la société et Monsieur B______ (ci-après l'administrateur) comme administrateur, tous deux avec signature individuelle.

2.        La société a été affiliée auprès de la caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes FER-CIAM 106.1 (ci-après la caisse) dès sa fondation. Elle a eu sept employés en 2011, neuf en 2012 et 2013, sept en 2014 et six en 2015.

3.        Le 9 mars 2015, la fiduciaire de la société a informé la caisse que la société se trouvait dans l'impossibilité de solder sa créance. Il lui était toutefois possible de régler le solde dû par mensualités de CHF 600.-, dès le 25 mai 2015. Ce montant était fixé de manière à permettre à la société de faire face à ses obligations courantes.

4.        Le 10 mars 2015, la caisse a répondu à la fiduciaire de la société qu'il ne lui était pas possible d'accepter le plan de paiement proposé, celui-ci portant sur une durée trop longue. Elle acceptait en revanche le paiement du solde par versements mensuels de CHF 1'210.- dès le 31 mars 2015.

5.        Le 31 juillet 2015, l'administrateur-président de la société s'est excusé auprès de la caisse du retard de paiement de la facture relative au décompte de cotisations pour le mois de mai 2015, mais la société passait depuis plusieurs mois par des moments extrêmement difficiles et rencontrait de grandes difficultés de trésorerie. Il demandait à la caisse de bien vouloir lui accorder un délai ou un arrangement de paiement.

6.        Par courriel du 4 août 2015, l'administrateur-président a transmis à la caisse un « paiement » effectué le même jour concernant l'acompte mensuel de CHF 1'210.- (décompte de cotisations mai 2015).

7.        Par courriel du 2 octobre 2015, l'administrateur-président a informé la caisse que le montant de CHF 1'425.- serait réglé le 15 suivant au plus tard.

8.        Le 7 novembre 2015, la société a informé la caisse qu'elle venait de recevoir les sommations pour les décomptes de cotisations des mois d'août et septembre 2015 lui octroyant un délai de paiement au 17 novembre 2015. Elle avait toujours de très grandes difficultés financières malgré une réorganisation stricte, passant par une baisse des charges et une réduction du personnel depuis presque deux ans. Vu la dégradation de la situation économique en 2015, elle n'avait pas pu trouver d'optimisation supplémentaire de son chiffre d'affaires. Le chiffre d'affaires 2015 avait également fortement baissé par rapport à 2014, bien que de nombreuses actions additionnelles aient été entreprises. Consciente des sommes dues à la caisse, la société souhaitait trouver un arrangement et des solutions afin de satisfaire toutes les parties et pérenniser l'entreprise, ce qui permettrait de sauver des emplois.

9.        Le 13 novembre 2015, l'administrateur-président a proposé à la caisse de lui verser CHF 1'000.- (semaines 48 et 49), CHF 1'500.- (semaines 50 et 51) et le solde de CHF 1'578.80 (semaine 52). La société était confrontée à de terribles difficultés et essayait de faire le maximum pour pérenniser l'entreprise et trouver des solutions pour régler les factures en souffrance.

10.    Le 13 novembre 2015, la caisse a informé l'administrateur-président qu'il ne lui était pas possible d'octroyer deux sursis au paiement simultanément. Toutefois, à titre exceptionnel, elle lui accordait un délai au 31 décembre 2015 pour le règlement des cotisations des mois d'août à novembre 2015.

11.    Le 19 janvier 2016, la caisse a constaté qu'à ce jour, la société n'avait pas effectué le versement des cotisations pour les mois d'août à novembre, qui devaient être réglées au 31 décembre 2015. Les termes de l'arrangement n'avaient pas été respectés. Le plan de paiement allait en conséquence être annulé et la caisse procéderait au recouvrement par voie légale des montants en souffrance. Afin que le plan de paiement soit maintenu, la caisse recommandait à la société de s'acquitter d'ici au 29 janvier 2016 des mensualités du plan de paiement échues au 15 et 31 décembre 2015 (CHF 2'850.-) et des cotisations courantes des mois d'août à décembre 2015 (CHF 16'018.15).

12.    Par courrier du 19 janvier 2016, la société a informé la caisse qu'elle avait décidé, le 23 décembre 2015, de cesser totalement son activité à compter du 31 décembre suivant. Compte tenu de la situation économique catastrophique, du recul conséquent du chiffre d'affaires depuis le début de l'année et d'une trésorerie sans réserve, elle était contrainte de cesser toute activité, malgré les nombreuses mesures de restructuration prises.

13.    Le 27 janvier 2016, l'administrateur-président a informé la caisse qu'il était en train de contacter toutes les institutions concernées pour essayer de trouver des solutions à la situation catastrophique de la société.

14.    Le 27 janvier 2016, la caisse a informé la société qu'après analyse de son dossier, il ressortait de l'extrait de compte joint à son courrier que celle-ci lui devait, à ce jour, CHF 28'952.90, sous réserve des frais et intérêts moratoires, le décompte final ayant déjà été établi et porté en déduction des montants en souffrance. La société bénéficiait également d'un arrangement de paiement dont les échéances et les conditions de versement des cotisations courantes n'avaient pas été respectées, ce qui plaidait pour l'annulation de celui-ci. Néanmoins, compte tenu de la cessation d'activité de la société, cette dernière était priée de lui adresser, d'ici le 10 février 2016, une nouvelle proposition concrète d'amortissement de l'arriéré susmentionné et de s'acquitter des échéances des 15 et 31 décembre 2015 du plan de paiement, pour un total de CHF 2'850.-. En l'absence de réception de ce montant et d'une proposition dans ce délai, la caisse n'aurait d'autre choix que de procéder au recouvrement de sa créance par la voie légale. L'attention de la société était attirée sur le fait qu'un arrangement de paiement ne suspendait pas le cours des intérêts moratoires et qu'afin de réduire le montant de ceux-ci un paiement rapide des sommes dues lui était conseillé.

À teneur de l'extrait de compte du 1er janvier 2015 au 27 janvier 2016 établi par la caisse le 27 janvier 2016 annexé au courrier précité, le montant en sa faveur à cette dernière date était de CHF 28'952.90.

15.    Par décision de sursis du 23 avril 2015, la caisse a informé la société qu'un plan de recouvrement avait été initié pour son compte avec une première échéance au 30 avril 2015.

16.    Par décision de sursis au paiement du 5 août 2015, la caisse a informé la société qu'un plan de recouvrement avait été initié pour son compte avec une première échéance au 31 août 2015.

17.    Le 10 février 2016, l'administrateur-président a informé la caisse que suite à la cessation d'activité de la société due à l'effondrement de son chiffre d'affaires, à une conjoncture économique catastrophique, au non-renouvellement de son bail et à une trésorerie à CHF 0.-, la société était malheureusement contrainte de déposer le bilan, ce qui allait la conduire à la faillite. Dans ce contexte, il lui était impossible, à l'heure actuelle, de proposer quoi que ce soit à la caisse.

18.    Le 11 février 2016, la caisse a informé la société qu'elle comprenait bien sa situation financière difficile, mais que, malheureusement, elle était dans l'obligation d'annuler le plan de paiement qui lui avait été octroyé le 5 août 2015, car les conditions nécessaires à l'octroi et au maintien d'un tel arrangement n'étaient plus remplies. Par conséquent, les procédures de recouvrement suivraient leur cours.

19.    Le 18 février 2016, la caisse a transmis à la société un relevé de comptes, précisant que la somme n'incluait pas les intérêts moratoires qui seraient calculés, s'il y avait lieu, au moment où le capital serait payé.

À teneur du relevé de comptes précité, la société devait à la caisse CHF 28'952.90 (décompte de cotisations de février, mai à décembre 2015, plus un décompte d'intérêts moratoires de janvier 2015). Le montant de la part pénale pouvant faire l'objet d'une dénonciation pour les périodes de février 2015 et mai à novembre 2015 s'élevait à CHF 14'723.20.

20.    La caisse a accusé réception, le 11 mars 2016, de CHF 14'723.20 payés par la société, représentant la part pénale pour les périodes de cotisations de février et mai à novembre 2015.

21.    Selon une publication dans la FAO, la date de l'ouverture de la faillite était le 7 avril 2016.

22.    Le 11 mai 2016, la caisse a informé l'office des faillites qu'elle possédait contre la société faillie :

-      une créance totale de CHF 15'367.85, dont CHF 12'229.25 de créances privilégiées en deuxième classe (cotisations AVS/AI/APG/AC sur salaires versés de CHF 11'775.-, cotisations assurance-maternité CHF 77.50 et frais administratifs CHF 376.75) ;

-      CHF 3'138.60 de créances à colloquer en troisième classe (cotisations pour la formation professionnelle CHF 174.-, taxes et amendes CHF 1'800.-, cotisations membre individuel FER CHF 200.-, intérêts moratoires calculés à la date de la réception du paiement tardif des cotisations CHF 117.55 et intérêts moratoires calculés au taux de 5% l'an jusqu'au jour de la faillite CHF 847.05).

23.    Selon un avis FAO, la faillite de la société a été suspendue le 28 avril 2016. La faillite serait clôturée si, au 20 mai 2016, les créanciers n'en requéraient pas la liquidation et ne fournissaient pas la sûreté exigée pour les frais qui ne seraient pas couverts par la masse.

24.    L'office des faillites a informé la caisse, le 15 juin 2016, que par jugement du 9 juin 2016, le Tribunal de première instance avait clôturé par défaut d'actifs la liquidation de la faillite de la société. Les poursuites engagées avant l'ouverture de la faillite renaissaient après la suspension de celle-ci.

25.    Le 27 décembre 2017, la caisse a adressé à l'administrateur-président une décision en réparation de dommage, au sens de l'art. 5 de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), pour un montant de CHF 13'236.50. Les montants de CHF 14'723.20 et de CHF 1'308.90 versés les 11 mars et 14 avril 2016 en règlement de la part dite « pénale » des cotisations avaient été déduits du solde réclamé. Celui-ci comprenait les cotisations AVS/AI/APG/AC et assurance-maternité ainsi que les frais administratifs, les intérêts moratoires et les taxes de sommation.

26.    La même décision a été adressée à l'administrateur.

27.    Le 22 janvier 2018, l'administrateur-président et l'administrateur ont fait part à la caisse de leur étonnement. En effet, ils avaient toujours eu de bons contacts avec celle-ci et elle connaissait les difficultés qu'ils rencontraient dans la gestion du salon de coiffure. La caisse avait, à plusieurs reprises, accepté d'échelonner les paiements et les avait judicieusement accompagnés et conseillés sur les mesures à prendre, plus particulièrement lorsqu'ils avaient annoncé la faillite de la société. Elle les avait informés, à l'époque, qu'il y avait une part pénale en leur indiquant que c'était leur seule responsabilité. Ils avaient suivi son conseil et réglé le montant dû, à ce titre, sur leurs deniers personnels. La société avait cessé toutes ses activités le 31 décembre 2015. Ils avaient également réglé sur leur argent personnel le salaire des employés afin que ces derniers ne subissent pas de perte. Ils avaient subi chacun des pertes considérables, soit des dizaines de milliers de francs et tous leurs investissements, et étaient actuellement en insolvabilité. Ils n'avaient jamais eu l'intention de porter préjudice à qui que ce soit, ni de causer un dommage à la caisse.

28.    Le 25 mai 2018, la caisse a informé l'administrateur-président et l'administrateur avoir bien reçu leur courrier du 22 janvier 2018 et avoir pris note qu'ils formaient opposition à la décision. Ils avaient effectivement réglé la part pénale des cotisations par deux versements de CHF 14'723.20 et de CHF 1'308.90 les 11 mars et 14 avril 2016. Ces versements leur avaient permis d'éviter une procédure pénale. La caisse était bien consciente de l'effort financier que cela avait impliqué pour eux. La faillite de la société, prononcée le 7 avril 2016, avait été clôturée faute d'actifs le 9 juin 2016. La caisse avait produit dans la faillite le solde de la créance due par la société, soit la part employeur des cotisations AVS, chômage et assurance-maternité, les frais administratifs, les frais de sommation et les intérêts moratoires. Ce montant représentait le dommage réclamé par leur décision du 27 décembre 2017 et correspondait à la perte de la caisse. Le fait qu'ils avaient subi des pertes considérables suite à la faillite de la société, qu'ils étaient rentiers AVS et en état d'insolvabilité ne pouvait être pris en compte dans l'examen de leur opposition, celui-ci se limitant à évaluer leur responsabilité dans le dommage causé et non pas leur capacité financière à s'acquitter du dommage. Leur solvabilité serait examinée dans le cadre du recouvrement de la créance, s'il y avait lieu. Au vu de ces explications, ils étaient invités à lui faire savoir s'ils maintenaient leur opposition à la décision ou s'ils la retiraient.

29.    Par courrier du 14 juin 2018, l'administrateur-président et l'administrateur ont confirmé leur opposition. La caisse leur demandait réparation, mais c'était la société en faillite qui était débitrice du montant réclamé.

30.    Par décision sur opposition du 27 août 2019, la caisse a rejeté les oppositions formées contre ses décisions. Elle avait tenté d'obtenir le remboursement de sa créance de cotisation de la part de la société avant de s'adresser aux opposants. Elle n'avait pas pu être dédommagée dans le cadre de la faillite de la société. C'était la raison pour laquelle, elle les avait actionnés en responsabilité de son dommage, conformément à ce que la LAVS prévoyait. Le dommage équivalait aux cotisations qui ne pouvaient plus être recouvrées et devait être réclamé aux responsables de la société, à savoir à ses organes, même si celle-ci était en faillite. Le dommage s'élevait à CHF 13'236.50 au total et comprenait CHF 9'379.25 de cotisations AVS/AI/APG, CHF 2'003.- de cotisations chômage En tant qu'administrateur-président et administrateur de la société inscrits au registre du commerce, ils revêtaient la qualité d'organes formels de la société. Ils avaient la responsabilité de verser à la caisse les cotisations paritaires dues sur la rémunération de leurs salariés, ce qui n'avait pas été fait pour les périodes litigieuses en 2015. Ils avaient déduit la part « employés » du salaire des personnes concernées sans la reverser à la caisse avec la part « employeur » de ces cotisations. Cette part pénale lui avait finalement été versée ultérieurement, dans le but d'éviter le dépôt d'une plainte pénale. Le règlement de cette part pénale ne mettait cependant pas un terme à leur responsabilité, puisque l'équivalent de la part « employeur » ne lui avait toujours pas été versée. Ils étaient tous deux solidairement responsables du paiement du dommage.

31.    Le 18 septembre 2019, l'administrateur-président et l'administrateur ont formé recours contre les décisions de la caisse du 27 août 2019 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice faisant valoir qu'ils avaient réglé la part pénale pour clore le dossier, les 11 mars et 14 avril 2016, que la société avait été déclarée en faillite, puis clôturée pour défaut d'actifs le 9 juin 2016 et qu'ils n'avaient donc plus aucune responsabilité. Cela faisait plus de trois ans que la société avait été déclarée en faillite et personne ne leur avait reproché jusque-là une mauvaise gestion.

32.    Par réponse du 10 octobre 2019, la caisse a informé la chambre de céans qu'elle maintenait les termes de ses décisions sur opposition, relevant que le paiement de la part pénale n'avait pas pour conséquence de clore le dossier, mais seulement d'éviter le dépôt d'une plainte pénale pour détournement de cotisations sociales. Il ressortait, notamment de leur pièce 31, que le total dû hors intérêts était de CHF 28'952.90 et que la part pénale pouvant faire l'objet d'une dénonciation pénale était de CHF 14'723.20. Cela démontrait qu'un solde était encore dû après acquittement de la part pénale. La caisse l'avait d'ailleurs rappelé dans sa lettre du 27 décembre 2017, précisant que la part pénale avait été déduite du solde réclamé. Les recourants ne pouvaient donc pas considérer que l'affaire était close, ce qui leur avait encore été rappelé le 25 mai 2018. Les résumés des entretiens téléphoniques produits en pièce 12 démontraient également que l'intimée avait dûment fait la distinction entre la part pénale et l'éventuel dommage en donnant des explications à l'administrateur-président.

La mise en faillite de la société, respectivement sa clôture pour défaut d'actifs, ne signifiait pas que la caisse ne pouvait pas se retourner contre les organes de la société. C'était précisément ce que permettait l'art. 52 LAVS, qui enjoignait les caisses AVS à agir contre les personnes responsables de la société. Ce n'était pas parce que personne n'avait reproché aux recourants une mauvaise gestion dans le cadre de la faillite qu'ils n'étaient pas responsables, au sens de l'art. 52 LAVS.

33.    Le 28 octobre 2019, les recourants ont fait encore valoir qu'ils avaient toujours, dès l'apparition de leurs difficultés financières à fin 2014, informé l'intimée de leur situation. Ils avaient sollicité un arrangement afin de respecter leurs obligations tout en prenant en considération la situation économique de la société. Malgré de nombreuses mesures de restructuration et d'assainissement, ils avaient été contraints de cesser toute activité au 31 décembre 2015, notamment pour réduire le préjudice subi par l'intimée. Toujours dans cette optique, ils s'étaient acquittés, sur leurs deniers personnels, de la part pénale et avaient tout fait pour éviter de causer un quelconque préjudice à l'intimée.

Ils avaient fait preuve de toute la diligence que l'on pouvait attendre d'une personne raisonnable placée dans la même situation. Tout ce qu'ils avaient entrepris l'avait été dans l'espoir de sauver la société. Il ne s'agissait en aucun cas de négligence de leur part et il n'avait jamais eu l'intention de causer un dommage à l'intimée. Les montants réclamés en frais administratifs, intérêts moratoires et taxes de sommation leur paraissaient disproportionnés et ne pouvaient être justifiés par rapport à ceux liés aux cotisations, ce d'autant plus que la caisse était au courant de leurs difficultés financières et de leur état de quasi-insolvabilité.

34.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10).

Sa compétence ratione materiae pour juger du cas d'espèce est ainsi établie

b. Selon l'art. 52 al. 5 LAVS, en dérogation à l'art. 58 al. 1 LPGA, le tribunal des assurances du canton dans lequel l'employeur est domicilié est compétent pour traiter le recours. Cette disposition est également applicable lorsque la caisse recherche un organe de l'employeur en réparation du dommage, et ce quel que soit le domicile dudit organe (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 184/06 du 25 avril 2007 consid. 2.3).

c. La société ayant été domiciliée dans le canton de Genève, la chambre de céans est également compétente ratione loci.

À teneur de l'art. 1 al. 1 LAVS, les dispositions de la LPGA s'appliquent aux art. 1 à 97 LAVS, à moins que la loi n'y déroge expressément.

2.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPG; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans les formes et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 38 et 56 à 61 LPGA).

3.        Le litige porte sur la responsabilité des recourants dans le préjudice causé à l'intimée par le défaut de paiement des cotisations entre février et décembre 2015.

4.        L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les art. 34 et ss RAVS, prescrit l'obligation pour l'employeur de déduire sur chaque salaire la cotisation du salarié et de verser celle-ci à la caisse de compensation avec sa propre cotisation. Les employeurs doivent envoyer aux caisses, périodiquement, les pièces comptables concernant les salaires versés à leurs salariés, de manière à ce que les cotisations paritaires puissent être calculées et faire l'objet de décisions.

À teneur de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des prescriptions et cause ainsi un dommage à l'assurance est tenu à réparation (al. 1). Si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage (al. 2). Le droit à réparation est prescrit deux ans après que la caisse de compensation compétente a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, cinq ans après la survenance du dommage. Ces délais peuvent être interrompus. L'employeur peut renoncer à invoquer la prescription. Si le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est applicable (al. 3). La caisse de compensation fait valoir sa créance en réparation du dommage par voie de décision (al. 4).

5.        À titre liminaire, il convient d'examiner si la prétention de la caisse est prescrite.

a. Le 1er janvier 2020 est entrée en vigueur la révision du droit de la prescription de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), entraînant la modification de l'art. 52 al. 3 LAVS. Eu égard au principe de droit intertemporel selon lequel les dispositions légales applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 130 V 445 consid. 1), c'est la teneur de cette disposition en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019 qui est applicable au cas d'espèce.

Les délais prévus par l'art. 52 al. 3 LAVS doivent être qualifiés de délais de prescription et non de péremption comme cela ressort du texte légal et des travaux préparatoires de la LPGA (SVR 2005 AHV n° 15 p. 49 consid. 5.1.2; FF 1994 V 964 ; FF 1999 p. 4422). Alors que le délai de prescription de deux ans commence à courir dès la connaissance du dommage, celui de cinq ans débute dès la survenance du dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Cela signifie qu'ils ne sont plus sauvegardés une fois pour toutes avec la décision relative aux dommages-intérêts; le droit à la réparation du dommage au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS peut donc aussi se prescrire durant la procédure d'opposition ou la procédure de recours qui s'ensuit (ATF 135 V 74 consid. 4.2).

Le dommage survient dès que l'on doit admettre que les cotisations dues ne peuvent plus être recouvrées, pour des motifs juridiques ou de fait (ATF 129 V 193 consid. 2.2; ATF 126 V 443 consid. 3a). Ainsi, en matière de cotisations, un dommage se produit au sens de l'art. 52 LAVS lorsque l'employeur ne déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse à ses employés et que, notamment, les cotisations correspondantes se trouvent ultérieurement frappées de péremption selon l'art. 16 al. 1 LAVS. Dans un tel cas, le dommage est réputé survenu au moment de l'avènement de la péremption (ATF 112 V 156 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 35/06 du 4 octobre 2006 consid. 6). Ce jour marque également celui de la naissance de la créance en réparation et la date à partir de laquelle court le délai de 5 ans (ATF 129 V 193 consid. 2.2 ; ATF 123 V 12 consid. 5c).

Un dommage se produit également en cas de faillite, en raison de l'impossibilité pour la caisse de récupérer les cotisations dans la procédure ordinaire de recouvrement. Le dommage subi par la caisse est réputé être survenu le jour de la faillite (ATF 129 V 193 consid. 2.2).

Selon la jurisprudence rendue à propos de l'ancien art. 82 al. 1 RAVS et valable sous l'empire de l'art. 52 al. 3 LAVS (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 18/06 du 8 mai 2006 consid. 4.2), il faut entendre par moment de la « connaissance du dommage », en règle générale, le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement exigible, que les circonstances effectives ne permettaient plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF 129 V 193 consid. 2.1).

En cas de faillite, le moment de la connaissance du dommage correspond en règle générale à celui du dépôt de l'état de collocation ou celui de la publication de la suspension de la liquidation de la faillite faute d'actifs (ATF 129 V 193 consid. 2.3).

Tandis que le juge ne peut interrompre la prescription que par une ordonnance ou une décision, « chaque acte judiciaire des parties » suffit à produire cet effet (art. 138 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO, Code des obligations; RS 220). Cette notion d'acte judiciaire des parties doit être interprétée largement tout en ayant égard à la ratio legis de la disposition citée, qui est de sanctionner l'inaction du créancier. Il faut donc considérer comme acte judiciaire d'une partie tout acte de procédure relatif au droit invoqué en justice et susceptible de faire progresser l'instance (ATF 130 III 202 consid. 3.2). Par ailleurs, tant la décision que l'opposition interrompent le délai de prescription de deux ans et font courir un nouveau délai de même durée (ATF 135 V 74 consid. 4.2.2).

b. En l'espèce, l'intimée a eu connaissance du dommage par l'information qui lui a été donnée par l'office des faillites le 15 juin 2016 du fait que par jugement du 9 juin précédent, le Tribunal de première instance avait clôturé par défaut d'actifs la liquidation de la faillite de la société. En adressant aux recourants le 27 décembre 2017 une décision en réparation du dommage, l'intimée a agi dans le délai de prescription de deux ans et a ainsi valablement interrompu la prescription. Le nouveau délai qui a commencé à courir à cette date a été interrompu avant son expiration par la décision du 27 août 2019, laquelle a également eu pour effet de faire débuter un nouveau délai, non échu à ce jour. Le délai de prescription de cinq ans a débuté lorsqu'a été rendu le jugement du Tribunal de première instance le 9 juin 2016 et il n'est pas encore échu.

6.        Il convient à présent d'examiner si les autres conditions de la responsabilité de l'art. 52 LAVS sont réalisées.

a. À teneur de l'art. 52 al. 2 LAVS, si l'employeur est une personne morale, les membres de l'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion ou de la liquidation répondent à titre subsidiaire du dommage. Lorsque plusieurs personnes sont responsables d'un même dommage, elles répondent solidairement de la totalité du dommage.

Selon la jurisprudence, si l'employeur est une personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom, notamment quand la personne morale n'existe plus au moment où la responsabilité est engagée (ATF 123 V 12 consid. 5b; ATF 122 V 65 consid. 4a). Le caractère subsidiaire de la responsabilité des organes d'une personne morale signifie que la caisse de compensation ne peut agir contre ces derniers que si le débiteur des cotisations (la personne morale) est devenu insolvable (ATF 123 V 12 consid. 5b).

L'art. 52 LAVS ne permet ainsi pas de déclarer l'organe d'une personne morale directement débiteur de cotisations d'assurances sociales. En revanche, il le rend responsable du dommage qu'il a causé aux différentes assurances sociales fédérales, intentionnellement ou par négligence grave, en ne veillant pas au paiement des cotisations sociales contrairement à ses obligations (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/05 du 5 décembre 2005 consid. 4.1).

La notion d'organe selon l'art. 52 LAVS est en principe identique à celle qui se dégage de l'art. 754 al. 1 CO. En matière de responsabilité des organes d'une société anonyme, l'art. 52 LAVS vise en première ligne les organes statutaires ou légaux de celle-ci, soit les administrateurs, l'organe de révision ou les liquidateurs (ATF 128 III 29 consid. 3a; Thomas Nussbaumer, Les caisses de compensation en tant que parties à une procédure de réparation d'un dommage selon l'art. 52 LAVS, in RCC 1991 p. 403).

b. En l'espèce, les recourants ont tous deux la qualité d'organe formel de la société à teneur du registre du commerce, ils répondent donc à titre subsidiaire du dommage.

7.        Il convient maintenant de déterminer s'ils ont commis une faute qualifiée ou une négligence grave au sens de l'art. 52 al. 1 LAVS.

a. L'obligation légale de réparer le dommage ne doit être reconnue que dans les cas où le dommage est dû à une violation intentionnelle ou par négligence grave, par l'employeur, des prescriptions régissant l'assurance-vieillesse et survivants (RCC 1978 p. 259; RCC 1972 p. 687). Il faut donc un manquement d'une certaine gravité. Pour savoir si tel est le cas, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret (ATF 121 V 243 consid. 4b).

La caisse de compensation qui constate qu'elle a subi un dommage par suite de la non-observation de prescriptions peut admettre que l'employeur a violé celles-ci intentionnellement ou du moins par négligence grave, dans la mesure où il n'existe pas d'indice faisant croire à la légitimité de son comportement ou à l'absence d'une faute (RCC 1983 p. 101).

Selon la jurisprudence constante, se rend coupable d'une négligence grave l'employeur qui manque de l'attention qu'un homme raisonnable aurait observée dans la même situation et dans les mêmes circonstances. La mesure de la diligence requise s'apprécie d'après le devoir de diligence que l'on peut et doit en général attendre, en matière de gestion, d'un employeur de la même catégorie que celle de l'intéressé. En présence d'une société anonyme, il y a en principe lieu de poser des exigences sévères en ce qui concerne l'attention qu'elle doit accorder au respect des prescriptions. Une différenciation semblable s'impose également lorsqu'il s'agit d'apprécier la responsabilité subsidiaire des organes de l'employeur (ATF 108 V 189). Les faits reprochés à une entreprise ne sont pas nécessairement imputables à chacun des organes de celle-ci. Il convient bien plutôt d'examiner si et dans quelle mesure ces faits peuvent être attribués à un organe déterminé, compte tenu de la situation juridique et de fait de ce dernier au sein de l'entreprise. Savoir si un organe a commis une faute dépend des responsabilités et des compétences qui lui ont été confiées par l'entreprise (ATF 108 V 199 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 4.3.2). La négligence grave mentionnée à l'art. 52 LAVS est admise très largement par la jurisprudence (ATF 132 III 523 consid. 4.6).

Commet notamment une faute grave, l'organe qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5; voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). Commet également une faute grave celui qui ne démissionne pas de ses fonctions alors qu'il se trouvait, en raison de l'attitude du tiers, dans l'incapacité de prendre les mesures qui s'imposaient s'agissant du paiement des cotisations ou qui se trouvait dans l'incapacité d'exercer son devoir de surveillance (voir par exemple : arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2011 du 3 février 2012 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral 9C_289/2009 du 19 mai 2010 consid. 6.2). Enfin, commet une faute au sens de l'art. 52 LAVS l'organe qui investit de manière répétée des fonds dans une entreprise sans faire en sorte qu'ils servent en priorité à payer les cotisations sociales en souffrance (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 305/00 du 6 septembre 2001 consid. 4b).

Dans les entreprises de petite taille et de grandeur moyenne, le devoir de surveillance concernant l'accomplissement de l'obligation légale de payer des cotisations ne saurait être abandonné à des tiers (arrêt du Tribunal fédéral 9C_437/2009 du 16 avril 2010 consid. 2.2).

Celui qui appartient au conseil d'administration d'une société et qui ne veille pas au versement des cotisations courantes et à l'acquittement des cotisations arriérées est réputé manquer à ses devoirs (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 96/03 du 30 novembre 2004 consid. 7.3.1, in SJ 2005 I 272 consid. 7.3.1). Commettent ainsi une négligence grave au sens de l'art. 52 LAVS les administrateurs d'une société qui se trouve dans une situation financière désastreuse, qui parent au plus pressé, en réglant les dettes les plus urgentes à l'exception des dettes de cotisations sociales, dont l'existence et l'importance leur sont connues, sans qu'ils ne puissent guère espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2; SVR 1996 AHV n°98 p. 299 consid. 3).

Dans certaines circonstances, un employeur peut causer intentionnellement un préjudice sans être dans l'obligation de le réparer, lorsqu'il retarde le paiement des cotisations pour maintenir son entreprise en vie, lors d'une passe de trésorerie difficile. Mais il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'employeur avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). À cet égard, la seule expectative que la société retrouve un équilibre financier ne suffit pas ; il faut des éléments concrets et objectifs selon lesquels on peut admettre que la situation économique de la société se stabilisera dans un laps de temps déterminé et que celle-ci recouvrera sa capacité financière (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 163/06 du 11 juin 2007 consid. 4.4). Ce qui est déterminant, ce n'est pas de savoir si l'employeur croyait réellement que l'entreprise pouvait être sauvée et que les cotisations seraient payées dans un proche avenir, il s'agit bien plutôt d'examiner si une telle attitude était alors défendable, objectivement, aux yeux d'un tiers responsable (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 19/07 du 10 décembre 2007 consid. 4.1).

b. En l'espèce, les recourants ont manqué à leurs devoirs en ne veillant pas au versement des cotisations courantes et arriérées alors qu'ils appartenaient au conseil d'administration d'une petite société anonyme. Ils ont maintenu les activités de la société, malgré le fait qu'elle se trouvait dans une situation financière très difficile et sans pouvoir espérer, au regard de la gravité de la situation, que la société puisse s'acquitter des cotisations en souffrance dans un délai raisonnable. Il ne peut pas être considéré que la société se trouvait dans une passe difficile seulement passagère, dès lors que ses difficultés financières ont duré sur une période relativement longue, soit à tout le moins dès la fin de l'année 2014, voire la fin de l'année 2013, à janvier 2016, selon ce qui ressort du courrier adressé par les recourants à l'intimée le 7 novembre 2015 et de leur réplique. Ils n'avaient aucune raison sérieuse et objective de penser qu'ils pourraient s'acquitter des cotisations dans un délai raisonnable, ce d'autant plus que le chiffre d'affaires de la société a fortement baissé depuis 2014. Le fait que les recourants aient sans doute réellement cru que l'entreprise pourrait être sauvée et que les cotisations pourraient être payées dans un proche avenir n'est pas déterminant. Une négligence grave, au sens de l'art. 52 LAVS, peut ainsi leur être reprochée

En payant la part pénale du dommage, ils ne se sont pas acquittés de l'ensemble de celui-ci, ce qu'ils ne pouvaient ignorer à teneur des relevés de compte adressés à la société le 18 février 2016. À aucun moment, l'intimée ne leur a fait entendre que ce paiement soldait les comptes de la société ou les exonérait de toute responsabilité en tant qu'organes de la société.

Le fait que personne n'ait reproché aux recourants une mauvaise gestion avant la demande en réparation de la caisse est sans incidence sur leur responsabilité dans le dommage causé à l'intimée. À teneur du dossier, celle-ci les a soutenus autant que possible dans leur tentative de maintenir l'activité de leur entreprise et n'avait pas, jusqu'au moment de la faillite et l'action en responsabilité, à établir une faute de leur part. En tant qu'administrateurs d'une société anonyme, les recourants devaient connaître leurs obligations, en particulier celle essentielle de verser les cotisations sociales à l'intimée.

8.        a. La responsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS suppose enfin un rapport de causalité (naturelle et) adéquate entre la violation intentionnelle ou par négligence grave des prescriptions et la survenance du dommage. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2).

Le lien de causalité adéquate entre le comportement fautif - soit la rétention des cotisations alors même que les salaires sont versés - et le dommage survenu ne peut pas être contesté avec succès lorsque les salaires versés sont tels que les créances de cotisations qui en découlent directement ex lege ne sont plus couvertes (SVR 1995 AHV n° 70 p. 214 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 167/05 du 21 juin 2006 consid. 8; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 74/05 du 8 novembre 2005 consid. 4).

La causalité adéquate peut être exclue, c'est-à-dire interrompue, l'enchaînement des faits perdant alors sa portée juridique, lorsqu'une autre cause concomitante - la force majeure, la faute ou le fait d'un tiers, la faute ou le fait de la victime - constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l'on ne pouvait pas s'y attendre. L'imprévisibilité de l'acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le rapport de causalité adéquate; il faut encore que cet acte ait une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l'événement considéré, reléguant à l'arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à l'amener, en particulier le comportement de l'auteur (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 95/05 du 10 janvier 2007 consid. 4).

b. En l'espèce, le maintien de l'activité de l'entreprise malgré d'importants problèmes de trésorerie était propre à entraîner la faillite de la société et le non-paiement de la totalité des cotisations dues à l'intimée, de sorte que la condition du rapport de causalité adéquate est réalisée. Les recourants ne peuvent se prévaloir de circonstances particulières qui auraient interrompu ce lien.

9.        a. S'agissant du montant du dommage, ils ont fait valoir que les montants réclamés en frais administratifs, intérêts moratoires et taxes de sommation leur paraissaient disproportionnés et qu'ils ne pouvaient être justifiés par rapport à ceux liés aux cotisations, ce d'autant plus que l'intimée était au courant de leurs difficultés financières et de leur état de quasi-insolvabilité.

b. Le montant du dommage correspond à celui pour lequel la caisse de compensation subit une perte. Appartiennent à ce montant les cotisations paritaires (cotisations patronales et d'employés ou ouvriers) dues par l'employeur selon la LAVS, la loi fédérale sur l'assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20) (dont l'art. 66 LAI renvoie à l'art. 52 LAVS), la loi fédérale du 25 septembre 1952 sur les allocations pour perte de gain en cas de service et de maternité (LAPG - RS 834.1) (dont l'art. 21 al. 2 renvoie à l'art. 52 LAVS), la loi fédérale du 20 juin 1952 sur les allocations familiales dans l'agriculture (LFA - RS 836.1) (dont l'art. 25 al. 3 renvoie à l'art. 52 LAVS), la loi fédérale du 24 mars 2006 sur les allocations familiales (LAFam - RS 836.2) (dont l'art. 25 let. c renvoie à l'art. 52 LAVS), et la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0) (dont l'art. 6 renvoie à la LAVS).

Par arrêt du 30 janvier 2020 (ATAS/79/2020), la chambre de céans a jugé qu'il n'existe pas de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement des cotisations dues en vertu de la loi instituant une assurance en cas de maternité et d'adoption du 21 avril 2005 (LAMat - J 5 07). Cet arrêt fait l'objet d'un recours pendant auprès du Tribunal fédéral.

Le dommage comprend également les intérêts moratoires dus en vertu de l'art. 26 al. 1 LPGA en lien avec l'art. 41bis RAVS jusqu'à la délivrance d'un acte de défaut de biens en cas de poursuite par voie de saisie, les contributions aux frais d'administration des caisses de compensation (art. 69 al. 1 LAVS), les frais de sommation (art. 34a al. 2 RAVS) et les frais de poursuite (Mélanie FRETZ, La responsabilité selon l'art. 52 LAVS : une comparaison avec les art. 78 LPGA et 52 LPP, REAS 2009 p. 240).

c. En l'espèce, l'intimée a détaillé le dommage dans ses décomptes, qui ont été établis conformément aux dispositions précitées. Le fait que l'intimée était au courant des difficultés financières de la société est sans incidence sur le montant du dommage. Il n'appelle donc pas la critique, sous réserve des cotisations dues en vertu de la LAMat, faute de base légale suffisante pour rechercher les employeurs ou leurs organes pour le dommage résultant du défaut de paiement de ces cotisations. Le recours doit en conséquence être très partiellement admis et la cause renvoyée à l'intimée pour nouveaux calculs du dommage excluant les cotisations impayées découlant de la LAMat ainsi que les intérêts moratoires et frais administratifs afférents à ces montants, et nouvelles décisions.

10.    Les recourants obtenant très partiellement gain de cause et ayant agi en personne, il ne se justifie pas de leur octroyer des dépens (art. 61 let. g LPGA, art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

11.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet très partiellement.

3.        Annule les décisions rendues le 27 août 2019.

4.        Renvoie la cause à l'intimée pour nouvelles décisions au sens des considérants.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon l'art. 85 LTF, s'agissant de contestations pécuniaires, le recours est irrecevable si la valeur litigieuse est inférieure à 30'000 francs (al. 1 let. a). Même lorsque la valeur litigieuse n'atteint pas le montant déterminant, le recours est recevable si la contestation soulève une question juridique de principe (al. 2). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le