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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/812/2016

ATAS/337/2017 (3) du 27.04.2017 ( LPP ) , ADMIS PARTIEL

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : PRÉVOYANCE PROFESSIONNELLE ; INDEMNITÉ DE DÉPART ; AVOIR DE VIEILLESSE ; SILENCE QUALIFIÉ ; LACUNE(LÉGISLATION)
Normes : LFLP.1; LFLP15; LFLP.17; LTRCE.8; LPP.15
Résumé : Selon le chapitre II de la loi concernant le traitement et la retraite des conseillers d'État et du chancelier d'État (LTRCE) intitulé « Pensions de retraite et d'invalidité et prestations aux veuves et aux orphelins », le conseiller d'État qui ne bénéficie pas d'une pension annuelle lorsqu'il quitte sa charge a droit à une indemnité égale à 3 mois de traitement par année accomplie (art. 8). En application de cette disposition, quittant sa charge après un mandat de 4 ans, la demanderesse a reçu de la défenderesse une indemnité de CHF 312'716.- à titre de prime de départ. En tant que salarié au sens de l'art. 2 al. 1 LPP, notion correspondant aux critères déterminants en matière d'AVS, le conseiller d'État est soumis à l'obligation d'assurance en matière LPP. La loi sur le libre passage s'appliquant aux régimes de prévoyance de la LPP, il est également assujetti à la LFLP. Comme cela ressort des travaux préparatoires de la LTRCE, l'indemnité prévue à son art. 8 vise à atténuer les conséquences financières de la fin des rapports de fonction. Elle est ainsi assimilable à l'indemnité de départ que peuvent prévoir les contrats de travail soumis au droit privé, et n'a pas le caractère d'une prestation de prévoyance. Le principe de subsidiarité de la prestation de libre passage par rapport aux prestations d'assurance ne s'applique pas s'agissant de prestations versées par des institutions de prévoyance en cas de non-réélection non fautive, qui ne relèvent pas de prestations de prévoyance au sens étroit, de sorte que l'indemnité de l'art. 8 LTRCE ne saurait se substituer à une prestation de libre passage ou en exclure le versement. L'absence de réglementation au plan cantonal, en tant que la LTRCE ne prévoit pas le versement d'une prestation de libre passage, ne permet pas de retenir l'existence d'un silence qualifié dès lors que certaines dispositions de la LTRCE sont contraires au droit fédéral et auraient exigé une intervention du législateur pour adapter le droit cantonal aux nouvelles exigences du droit fédéral et que la législation cantonale est antérieure à l'entrée en vigueur de la LFLP. Elle ne constitue pas davantage une véritable lacune proprement dite qu'il y aurait lieu de combler, car les dispositions impératives de la législation fédérale s'appliquent et l'assuré peut prétendre aux prestations minimales selon la LPP et la LFLP. La demanderesse a ainsi droit, en sus de l'indemnité de l'art. 8 LTRCE, à une prestation de libre passage correspondant aux prestations minimales selon la loi, soit au montant résultant des calculs comparatifs des art. 15 et 17 LFLP et de l'art. 15 LPP qui lui est le plus favorable.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/812/2016 ATAS/337/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 avril 2017

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à VERNIER, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Éric MAUGUÉ

 

demanderesse

contre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DES CONSEILLERS D'ÉTAT ET DU CHANCELIER D'ÉTAT, sise rue du Stand 26, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Anne TROILLET MAXWELL

et

ÉTAT DE GENÈVE, soit pour lui le Conseil d’État, p.a. chancellerie d’État, rue de l’Hôtel-de-Ville 2, GENEVE

 

défenderesse

 

 


appelé en cause

 

 

EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après la demanderesse), née le ______ 1961, a été élue conseillère d’État de la République et Canton de Genève pour la législature 2009 – 2013.

2.        La Caisse de prévoyance des conseillers d’État et du chancelier d’État(ci-après la défenderesse) a adressé les fiches de prévoyance suivantes à la demanderesse :

a.       fiche du 1er mars 2010 mentionnant un traitement assuré de CHF 249'670.- à cette date et une cotisation annuelle de la demanderesse de 4.5 %, soit CHF 11'235.15 ;

b.      fiche du 31 mars 2011 mentionnant un traitement assuré de CHF 250'173.- à cette date et une cotisation annuelle de la demanderesse de 4.5 %, soit CHF 11'257.80 ;

c.       fiche du 1er mars 2012 mentionnant un traitement assuré de CHF 250'173.- à cette date et une cotisation annuelle de la demanderesse de CHF 17'512.10.

Ces documents mentionnaient les montants des rentes de retraite et d’invalidité assurées et l’indemnité due si le droit à une pension de retraite ou d’invalidité n’était pas ouvert.

3.        Par courrier du 25 novembre 2013, la défenderesse a indiqué à la demanderesse qu’à l’issue de l’exercice de sa charge de conseillère d’État au 31 décembre 2013, elle bénéficierait de 1’indemnité prévue par la loi concernant le traitement et la retraite des conseillers d’État et du chancelier d’État (LTRCE – B 1 20). Cette indemnité était égale à trois mois de traitement par année accomplie, calculée sur la base du traitement déterminant de CHF 250'173.-. Partant, elle s’élevait à CHF 312'716.- et serait versée soit à une nouvelle institution de prévoyance, soit sur un compte bloqué destiné à la prévoyance professionnelle, soit à la demanderesse en cas d’exercice d’une activité indépendante. La défenderesse a invité la demanderesse à lui transmettre les instructions nécessaires au versement, en précisant que l’indemnité était soumise aux charges sociales.

4.        Par courriel du 20 décembre 2013 à un administrateur de la défenderesse, la demanderesse a indiqué que son courrier était inexact et qu’elle attendait une autre correspondance de cette institution. Pour simplifier les démarches, elle confirmait qu’elle optait pour un versement unique, à opérer sur son compte courant en janvier 2014.

5.        Par courriel adressé à la demanderesse à la même date, l’administrateur de la défenderesse lui a répondu que le courrier du 25 novembre 2013 était conforme à la LTRCE et lui a remis un exemplaire de cette loi.

6.        Selon le décompte de salaire de janvier 2014, la défenderesse a perçu un montant de CHF 312'716.- à titre de prime de départ, sur lequel des cotisations sociales AVS, chômage et maternité à hauteur de CHF 17'859.75 ont été prélevées.

7.        Le 15 septembre 2014, la défenderesse a adressé à l’Administration fiscale fédérale le formulaire 563 relatif à la déclaration de prestations en capital du 2ème pilier concernant la demanderesse. Elle a précisé que le montant de CHF 312'716.- consistait en une indemnité de conseillère d’État quittant sa charge après l’exercice d’un seul mandat.

8.        Par courrier du 27 octobre 2014 au Conseil d’État, la demanderesse a sollicité le versement d’une prestation de libre passage liée aux cotisations prélevées sur son salaire de conseillère d’État, dont la LTRCE fixait le taux à 7.3 %. Dite prestation devait être calculée en s’inspirant du projet de loi de juin 2013 concernant le traitement et la retraite des conseillers d'État et du chancelier d'État modifiant la LTRCE (PL 11225).

9.        Par décision du 11 décembre 2014, faisant suite à la réclamation de la demanderesse relative à l’imposition sur les prestations en capital pour l’année 2014, l’Administration fiscale cantonale (AFC) a annulé les impositions notifiées le 21 octobre 2014, considérant que la prestation versée correspondait en fait à une indemnité taxable dans le cadre de la déclaration fiscale 2014.

10.    Par courrier du 19 janvier 2015, l’AFC a indiqué à la demanderesse que son courrier (sic) du 11 décembre 2014 devait être considéré comme « nul et non avenu ».

11.    Par courrier du 4 mars 2015, le Conseil d’État a rappelé que la demanderesse était affiliée auprès de la défenderesse, laquelle avait pour but d’assurer les conseillers d’État et le chancelier d’État contre les risques de la vieillesse, de l’invalidité et de la mort et mettait en œuvre les dispositions impératives de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP - RS 831.40). La LTRCE ne prévoyait pas que les magistrats soient assurés auprès d’une autre institution de prévoyance. La demanderesse avait perçu l’indemnité prévue par la LTRCE lorsqu’elle avait quitté ses fonctions de conseillère d’État. La défenderesse s’était ainsi acquittée de toutes ses obligations. Le projet de loi invoqué par la demanderesse n’était pas applicable et avait d’ailleurs été retiré.

12.    Le 17 avril 2015, la demanderesse a proposé au Conseil d’État de soumettre la question de son droit à une prestation de libre passage à l’avis de l’Autorité cantonale de surveillance des Fondations et des Institutions de prévoyance (ASFIP).

13.    Par courrier du 13 mai 2015, le Conseil d’État a refusé de s’associer à la démarche proposée par la demanderesse, au motif que la consultation de l’ASFIP n’était pas la voie appropriée pour trancher sa contestation.

14.    Dans son avis de taxation du 19 janvier 2016, l’AFC a qualifié le versement de CHF 312'716.- perçu par la demanderesse de prestation de la prévoyance professionnelle.

15.    En date du 10 mars 2016, la demanderesse a déposé auprès de la chambre de céans une demande en paiement à l’encontre de la défenderesse.

Elle a conclu, sous suite de dépens, à ce que la défenderesse soit condamnée à calculer le montant de la prestation de sortie qui lui était due et à lui verser cette somme sur un compte de libre passage, avec intérêts à un taux d’au moins 1.75 % à compter du 1er janvier 2014 et d’au moins 1.25 % à compter du 1er janvier 2016.

La demanderesse a notamment allégué que l’AFC avait considéré que le taux applicable à l’indemnité qui lui avait été versée était celui applicable aux avoirs de prévoyance. Après avoir rappelé la teneur de la LTRCE, la demanderesse a souligné que la défenderesse mettait en œuvre le régime légal de prévoyance professionnelle dans le cadre d’un plan enveloppant. Le droit genevois ne prévoyait pas d’exemption à l’assujettissement des conseillers d’État à la prévoyance professionnelle, contrairement à ce qui prévalait par exemple pour les juges fédéraux. Il serait d’ailleurs douteux qu’une telle exemption soit conforme au droit fédéral. De nouvelles dispositions fédérales étaient en outre entrées en vigueur le 1er janvier 2012, relatives au financement des institutions de prévoyance de corporations de droit public. La défenderesse était directement concernée par cette modification législative. De plus, l’art. 1i de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2 - RS 831.441.1) prévoyait que les règlements des institutions de prévoyance ne pouvaient, sauf exceptions, prévoir d’âge de retraite inférieur à 58 ans, la période transitoire relative à cette disposition s’achevant le 31 décembre 2010. Le droit genevois, en tant qu’il prévoyait une pension viagère pour les conseillers d’État ayant accompli au moins huit ans de magistrature, y était contraire. La demanderesse s’est référée au projet de loi du Conseil d'État concernant le traitement et la retraite des conseillers d'État et du chancelier d'État, visant à modifier la LTRCE (ci-après le PL 11225), dont elle a affirmé qu’il tendait à mettre en conformité la législation cantonale avec les nouvelles exigences du droit fédéral, et qui prévoyait notamment l’affiliation des conseillers d’État à la défenderesse selon le plan appliqué aux employés de l’État. Ce projet avait toutefois été retiré, sans que l’on connaisse les motifs du retrait, et aucun nouveau projet de loi n’avait été déposé depuis. Il fallait en conclure que depuis l’entrée en vigueur des dispositions fédérales précitées, la loi genevoise relative au traitement et à la retraite des conseillers d’État n’était plus conforme au droit fédéral. C’était également ce qui ressortait de la note de service de l’AFC du 16 juillet 2014.

Les conseillers d’État étaient soumis à la prévoyance professionnelle. Le champ d’application matériel de la LPP englobait toutes les institutions de prévoyance de droit privé ou de droit public actives dans le domaine de la prévoyance obligatoire. Les institutions de prévoyance enveloppantes devaient également observer les prescriptions sur la prévoyance obligatoire. S’agissant des membres d’une autorité, leur fonction ne reposait en règle générale pas sur un contrat de travail. Les jetons de présence versés à ces membres étaient néanmoins également considérés comme provenant d’une activité dépendante en vertu des dispositions réglementaires sur l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et étaient donc soumis à cotisation. Le Tribunal fédéral avait également considéré que la notion de salarié selon la LPP devait être interprétée conformément aux critères juridiques établis en matière d’AVS, afin d’éviter des situations boiteuses. Certaines dispositions en matière de prévoyance professionnelle se référaient au salaire déterminant selon la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS - RS 831.10). Ainsi, en matière de prévoyance professionnelle obligatoire, la notion de salarié correspondait à celle prévalant dans la partie générale des assurances. La notion d’employeur selon la prévoyance professionnelle devait également être interprétée selon les critères de l’AVS. Selon les dispositions réglementaires en matière d’AVS, le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprenait notamment le revenu des membres d’autorités de la Confédération, des cantons et des communes. Le traitement mensuel de la demanderesse avait été soumis à l’AVS. Il était donc également soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire. La demanderesse avait d’ailleurs cotisé à un taux de 7.3 % auprès de la défenderesse. Partant, elle pouvait prétendre à une prestation de sortie en lien avec le traitement perçu durant sa charge de conseillère d’État. L’indemnité de départ qui lui avait été versée ne saurait remplacer ses expectatives de vieillesse. Si cette indemnité constituait de la prévoyance, elle n’aurait pas dû être soumise à des charges sociales, ni imposée au même titre que les revenus ordinaires. Elle aurait par ailleurs dû être versée sur un compte de libre passage, et non pas sur le compte bancaire privé de la demanderesse. Cette indemnité ne pouvait donc qu’être qualifiée d’indemnité de départ, comme l’avait fait l’AFC.

Compte tenu de l’applicabilité de la LPP et de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LFLP - RS 831.42), la demanderesse avait droit à une prestation de libre passage créditée d’intérêts. Le taux d’intérêt minimal pour l’avoir de vieillesse était de 1.75 % à partir du 1er janvier 2014 et de 1.25% à partir du 1er janvier 2016.

La défenderesse appliquait le principe de la primauté des prestations, dès lors que les pensions versées aux magistrats ayant accompli huit ans de charge étaient calculées en pourcentage du salaire assuré. Le calcul de la prestation de sortie devait ainsi s’opérer conformément à l’art. 16 LFLP. S’agissant du taux des cotisations de l’employeur, la législation cantonale était muette. Il s’agissait d’une lacune de la loi que le juge pouvait être amené à combler. Il paraissait approprié de s’inspirer des termes de l’art. 9 du PL 11225, dont l’objectif était précisément de mettre en œuvre une solution conforme au droit fédéral. Le droit à la prestation de libre passage de la demanderesse devrait être calculé rétroactivement selon le barème des prestations de sortie de l’ancienne Caisse de prévoyance du personnel enseignant de l’instruction publique et des fonctionnaires de l’administration du canton de Genève (ex-CIA), sur la base des années de fonction accomplies et du dernier traitement déterminant. Si l’on se référait à ce qui prévalait dans le système de la CIA, qui assurait tous les employés de l’État de Genève à l’époque où la défenderesse était conseillère d’État, l’État de Genève versait deux tiers des cotisations et les employés un tiers, conformément à l’art. 54 al. 2 des statuts de la CIA. Il fallait donc partir du principe que les cotisations de l’État de Genève auraient dû s’élever à 14.6 % du traitement de la demanderesse, elle-même ayant cotisé à hauteur de 7.3 % conformément à l’art. 11. Il incombait donc à la défenderesse de calculer la prestation de sortie de la demanderesse sur la base de ces principes et de la verser sur un compte de libre passage, avec intérêts à un taux d’au moins 1.75 % dès la sortie de la défenderesse, soit dès le 1er janvier 2014, respectivement d’au moins 1.25 % dès le 1er janvier 2016.

À l’appui de sa demande, la demanderesse a notamment produit la note de service du 16 juillet 2014 de l’AFC, laquelle retenait que le système actuel de retraite prévu dans la LTRCE n’était pas conforme à la LPP, dès lors qu’il ne prévoyait pas d’âge minimum de la retraite, et que le mode de financement ainsi que l’organisation de la défenderesse ne correspondaient pas aux exigences de la LPP et de la LFLP ; il n’y avait en l’espèce pas de prestations de libre passage, ni de maintien de la prévoyance avant la réalisation des risques vieillesse, invalidité et décès. Par ailleurs, le système actuel avait un caractère mixte prévoyant tant des prestations relevant de la prévoyance professionnelle que des prestations ayant un caractère d’indemnisation à l’occasion de la fin des rapports de fonction. Dans ces circonstances, l’autorité de surveillance pouvait intervenir pour demander la mise en conformité du système de retraite aux exigences du droit fédéral en matière de prévoyance professionnelle. Outre ces problèmes de prévoyance, le système actuel pouvait avoir des conséquences fiscales désavantageuses pour le conseiller d’État lorsqu’il recevait une indemnité en capital en vertu de l’art. 8 LTRCE. Cette indemnité correspondait à une indemnisation de la fin des rapports de fonction et non pas à une prestation relevant de la prévoyance professionnelle telle que définie par le droit fédéral. Il en découlait en particulier qu’il n’était pas possible de la transférer dans un établissement de libre passage. Elle était en principe imposable à 100 % au taux plein avec les autres revenus du contribuable selon le droit fiscal. La pension versée au conseiller d’État quittant sa charge après huit ans de magistrature était imposée à 100 %, sauf exception.

16.    Dans sa réponse du 21 juin 2016, la défenderesse a conclu, sous suite de frais, à la forme, à ce qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle s’en rapportait à justice s’agissant de la recevabilité de la demande, et sur le fond, à son rejet.

Elle a précisé que l’indemnité payée à la demanderesse en janvier 2014 était exempte de cotisations prélevées pour la retraite des conseillers d’État. De décembre 2009 à décembre 2013, la somme de CHF 58'453.40 avait été retenue sur le traitement de la demanderesse, à titre de cotisations dues à la défenderesse.

Selon le règlement concernant la retraite des conseillers d’État et du chancelier d’État (RTRCE - B 1 20.01), la défenderesse appliquait les dispositions impératives de la LPP. Ce règlement ne se référait en revanche nullement à la LFLP.

La demanderesse prétendait au paiement d’une prestation de libre passage qui n’était prévue ni dans la LTRCE, ni dans le RTRCE. Une telle prétention ne pouvait être admise que si l’on considérait que le droit cantonal contenait une lacune que la chambre de céans devait combler en faisant acte de législateur, ou si l’on considérait le droit cantonal comme contraire au droit fédéral. Or, aucune de ces hypothèses n’était réalisée. Il était en principe interdit de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d’invoquer le sens réputé déterminé de la norme ne soit constitutif d’un abus de droit, voire d’une violation de la Constitution (Cst – RS 101). La défenderesse avait un caractère mixte. Elle prévoyait tant des prestations relevant de la prévoyance professionnelle au sens étroit que des prestations dépassant ce cadre et ayant un caractère d’indemnisation de la fin des rapports de fonction. Ces prestations relevaient de la prévoyance professionnelle au sens large, mais n’étaient pas soumises à la LPP et à la LFLP. La pension de retraite prévue par la LTRCE relevait de la prévoyance au sens large, et non au sens étroit. Elle était due sans condition d’âge, de sorte qu’elle pouvait être perçue par un conseiller d’État avant l’âge de 58 ans, soit avant l’âge minimal de la retraite selon l’art. 1i OPP2. L’indemnité versée était calculée en fonction du traitement et de la durée de la fonction, et non selon les cotisations perçues. Le législateur avait voulu ce régime mixte, qui relevait à la fois de la prévoyance au sens étroit et de la prévoyance étendue. Il avait voulu que les rentes soient payées aux conseillers d’État sortants quel que soit leur âge, à la condition qu’ils aient effectué huit années de fonction. Il avait également voulu que les conseillers d’État perçoivent une indemnité dont ils pouvaient disposer, et non une prestation de libre passage, lorsque le droit à une rente n’était pas ouvert. Il ne s’agissait pas d’un oubli que le législateur aurait comblé en prévoyant une prestation de libre passage en sus de l’indemnité s’il en avait été conscient. L’absence de prestation de libre passage résultait d’un silence qualifié du législateur, à qui la question ne pouvait avoir échappé. Preuve en était que la LTRCE prévoyait spécifiquement qu’en cas de réélection, le conseiller d’État qui avait touché une indemnité devait la rembourser s’il voulait bénéficier d’une pension calculée sur la totalité de ses années de magistrature. Cela reflétait bien le fait que le législateur avait conçu cette indemnité comme relevant de la prévoyance au sens large et qu’elle participait à la constitution de la pension de retraite en cas de réélection. Il ne s’agissait en aucun cas d’une indemnité de départ ou d’un parachute doré relevant uniquement de la fin des rapports de service, sans lien aucun avec la prévoyance. Le RTRCE ne faisait pas référence à la LFLP. Or, une prestation de libre passage relevait de cette dernière. Cela démontrait que l’absence d’une telle prestation ne résultait en aucun cas d’un oubli du législateur, mais d’une volonté claire. De plus, l’application de la LTRCE, excluant le paiement d’une prestation de libre passage en sus de l’indemnité de l’art. 8 LTRCE, n’aboutissait pas à des résultats contraires à la systématique et aux objectifs de la loi. Le législateur avait voulu mettre en œuvre un régime mixte, relevant de la prévoyance au sens large. Il n’était aucunement contraire aux objectifs de la loi de prévoir le paiement d’une indemnité et non d’une prestation de libre passage dans un tel système. La demanderesse n’avait du reste pas démontré l’existence d’une lacune dans le cas d’espèce. Il n’y avait pas non plus de lacune improprement dite, puisque la solution apportée par la loi était satisfaisante dans le contexte d’un régime mixte de prévoyance. Ce régime mixte n’entraînait pas d’injustice pour la demanderesse, seule hypothèse dans laquelle le juge serait légitimé à combler une lacune improprement dite. En outre, le fait que la défenderesse se prévale d’une application stricte de la loi cantonale n’était en aucun cas constitutif d’abus de droit, voire de violation constitutionnelle. De plus, pour quatre années de fonction, la demanderesse avait perçu une indemnité équivalant à environ 1.27 fois son traitement annuel. Les prélèvements sur son traitement s’étaient élevés à CHF 58'453.40. La demanderesse s’était vu verser cette indemnité sur son compte bancaire, alors même que l’on ignorait si elle remplissait la condition précisée dans la lettre de la défenderesse du 25 novembre 2013 pour un versement direct. Cette indemnité avait bénéficié du traitement fiscal réservé aux prestations de prévoyance, bien plus avantageux que le régime applicable aux indemnités de départ découlant de la fin des rapports de fonction, taxées comme du revenu. Elle était supérieure au montant d’une prestation de libre passage calculée selon les principes de la LFLP. Ainsi, la demanderesse avait bénéficié des avantages liés au versement d’une indemnité de fin des rapports de service payée par l’employeur sans bénéficier des désavantages fiscaux liés à un tel versement. En conséquence, la demanderesse ne pouvait en aucune façon se prévaloir d’une action du juge faisant acte de législateur pour combler une lacune. En tout état de cause, la situation n’entraînait pas d’injustice pour la demanderesse.

S’agissant de l’existence d’un conflit entre une règle fédérale et une règle cantonale, il convenait dans la mesure du possible d’établir une concordance entre les deux normes selon les méthodes et les principes d’interprétation traditionnels afin d’éviter le conflit. Les deux normes pouvaient coexister et le principe de la primauté du droit fédéral ne s’appliquait alors pas. Selon le principe de la force dérogatoire du droit fédéral, il n’était pas loisible au législateur cantonal d’intervenir dans les matières que le législateur fédéral avait entendu réglementer de façon exhaustive, d’éluder le droit fédéral ou d’en contredire le sens ou l’esprit.

La défenderesse a allégué que la doctrine était partagée au sujet de la notion de salarié au sens de la LPP et de celle de personne exerçant une activité lucrative dépendante selon l’AVS. Les conseillers d’État étaient élus et n’étaient pas au bénéfice d’un contrat de travail avec l’État. Ils pouvaient certes être considérés comme exerçant une activité dépendante au sens de l’AVS, et leur traitement être assujetti à des cotisations sociales. Ils ne devaient toutefois pas pour autant être considérés comme des salariés selon la prévoyance professionnelle, d’autant plus qu’ils bénéficiaient en l’espèce d’un système de prévoyance au sens large, bien plus favorable que le régime légal. À titre comparatif, les magistrats fédéraux – dont les conseillers fédéraux et les juges fédéraux – n’étaient pas soumis à la LPP. La situation des conseillers d’État était tout à fait comparable à celle des magistrats fédéraux. Il fallait en conclure que les conseillers d’État, à l’instar des magistrats fédéraux, n’étaient pas soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire. Une différence de traitement entre les magistrats cantonaux et fédéraux n’était en aucun cas imposée par le droit fédéral. Il serait contraire à l’égalité de traitement de conclure que les magistrats cantonaux exerçaient une activité salariée soumise à la LPP, alors que les magistrats fédéraux n’y étaient pas soumis parce qu’ils n’exerçaient pas une activité salariée. Ainsi, le principe ancré dans le règlement, selon lequel la défenderesse appliquait les dispositions impératives de la LPP, était un engagement volontaire du législateur cantonal et non une obligation découlant du droit fédéral. En conséquence, la LPP ne s’appliquait pas à titre obligatoire aux conseillers d’État. Partant, la LFLP ne s’appliquait pas non plus au cas d’espèce. Lorsqu’une institution de prévoyance instituait le droit à une rente lors de la résiliation des rapports de service, sans lien avec une condition d’âge, comme en l’espèce cela ne relevait pas d’un cas de prévoyance au sens étroit. Or, le champ d’application de la LFLP ne comprenait que les rapports de prévoyance au sens étroit. Le système mis en œuvre par la défenderesse n’était dès lors pas non plus soumis à la LFLP. Cette loi s’appliquait par analogie aux régimes de retraite où l’assuré avait droit à des prestations fournies non pas par une institution de prévoyance mais directement par l’employeur. Elle était ainsi prévue pour les régimes de retraite assumés par l’employeur, et non pas pour ceux dont les prestations étaient versées par une institution de prévoyance, comme en l’espèce. En effet, les prestations étaient assurées non pas par l’État mais par la défenderesse. La défenderesse n’était pas tenue de mettre en œuvre la LFLP. Le régime mis en place pour les magistrats fédéraux ne prévoyait pas non plus de prestation de libre passage, ce qui démontrait que la LFLP ne s’appliquait pas. Cette précision n’avait même pas été nécessaire pour le législateur fédéral. La LFLP n’étant pas applicable, le principe de la force dérogatoire du droit fédéral n’était pas violé.

En tout état de cause, le système mis en place par la LTRCE n’avait pas pour effet d’éluder le droit fédéral, l’indemnité de départ prévue ayant bien comme but de se substituer à une prestation de libre passage, comme cela ressortait de son remboursement en cas d’élection et des modalités de son versement. Elle avait d’ailleurs été taxée selon le régime favorable applicable à la prévoyance professionnelle. Partant, elle remplaçait avantageusement la prestation de libre passage.

Si la chambre de céans devait décider que la LFLP était applicable, la prestation de libre passage devait correspondre à la garantie de la prévoyance obligatoire, soit comprendre l’avoir de vieillesse et les bonifications de vieillesse minimales calculées sur le salaire coordonné. L’indemnité versée à la demanderesse était largement supérieure à cette prestation. Il y avait une concordance entre la loi cantonale et la LFLP, qui pouvaient coexister sans violer le principe de la primauté du droit fédéral.Enfin, la demanderesse ne pouvait tirer argument du PL 11225. D’une part, ses prétentions devaient se fonder sur le droit en vigueur. De plus, la demanderesse relevait elle-même que si la législation cantonale actuelle ne devait pas être conforme au droit fédéral, il ne s’agirait que de points relevant du financement de la défenderesse et de l’âge minimal de la retraite à 58 ans.

17.    La demanderesse a répliqué le 30 août 2016. Elle a conclu, sous suite de dépens, préalablement, à ce qu’une expertise actuarielle soit ordonnée afin de calculer le droit à la prestation de sortie et, sur le fond, au versement de la prestation de libre passage due en raison de son mandat de conseillère d’État durant la législature 2009 à 2013 sur un compte de libre passage, avec intérêts à un taux d’au moins 1.75% à compter du 1er janvier 2014 et d’au moins 1.25% à compter du 1er janvier 2016.

Elle a allégué que l’imposition favorable du montant perçu ne modifiait pas son caractère d’indemnisation en lien avec la fin des rapports de fonction. La défenderesse était une institution enregistrée et faisait l’objet d’une surveillance par l’ASFIP, ce qui découlait d’une obligation puisqu’elle prévoyait un plan enveloppant en primauté de prestations. Il était donc inexact d’affirmer que les conseillers d’État et le chancelier d’État n’étaient pas soumis à la LPP. Le raisonnement par analogie avec le régime prévu pour les magistrats et les conseillers fédéraux ne résistait pas non plus à l’examen, au vu du principe de la hiérarchie des normes. En effet, ce régime dérogatoire était prévu par une loi fédérale de même niveau que la LPP. Le législateur fédéral en était parfaitement conscient. Dans le message à l’appui du projet de loi relatif à la prévoyance professionnelle des membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral, le Conseil fédéral se proposait de modifier l’art. 1 OPP 2 afin que les cantons et les communes aient également la possibilité d’assujettir leurs magistrats à des régimes particuliers de prévoyance professionnelle. Or, cette modification n’était jamais intervenue. Le législateur genevois avait pris le parti de soumettre les conseillers d’État et le chancelier d’État à la prévoyance professionnelle. De plus, les conseillers fédéraux bénéficiaient d’une rente entière viagère après quatre ans d’activité. Le système mis en place n’avait donc rien à voir avec le régime prévu par la LTRCE. L’objectif de la LFLP était de favoriser la mobilité et de faire en sorte que l’assuré qui change d’institution de prévoyance conserve l’ensemble de la protection acquise tant en matière de prévoyance obligatoire que plus étendue. La LFLP s’appliquait à tous les rapports de prévoyance. Il en résultait que dans la mesure où le régime de retraite prévu pour les conseillers d’État visait à mettre en œuvre la prévoyance professionnelle, il était soumis à la LFLP. La LPP prévoyait d’ailleurs l’applicabilité de la LFLP à la prestation de libre passage. Il ne pouvait du reste en aller autrement car, dans le cas contraire, l’absence de prestation de libre passage entraverait la mise en œuvre non seulement des règles en matière de libre passage, mais également des dispositions en matière de partage de la prévoyance en cas de divorce et de celles sur l’encouragement à la propriété du logement. Au surplus, le RTRCE n’avait jamais été modifié depuis 1988. Aussi, l’argument de la défenderesse, consistant à soutenir que la LFLP ne s’appliquait pas dans la mesure où il n’y était pas fait référence, ne résistait pas à l’examen. En tout état de cause, une hypothétique volonté du législateur cantonal, telle qu’un prétendu silence qualifié, ne saurait aller à l’encontre du principe de la force dérogatoire du droit fédéral. La demanderesse ne contestait pas la nature mixte du régime prévu pour les membres de l’exécutif genevois. L’indemnité reçue par la demanderesse s’inscrivait en lien avec la fin des rapports de fonction. Cette indemnité était soumise aux charges sociales et il s’agissait en conséquence d’un élément de revenu. Elle ne pouvait pas être versée à une institution de prévoyance car elle ne répondait pas à la notion de prestation de sortie au sens de la loi. Une telle indemnité serait prise en compte par l’assurance-chômage en ce sens qu’elle différerait le début du délai cadre d’indemnisation. Elle poursuivait d’autres objectifs que celui de la prévoyance professionnelle. Il s’agissait de tenir compte de la spécificité de la fonction de conseiller d’État et de pallier en partie les difficultés qu’un conseiller d’État pouvait rencontrer pour se reconvertir dans une nouvelle carrière professionnelle. Cette intention du législateur ressortait du PL 11225, dans lequel il était question de maintenir des prestations de fin des rapports de fonction parallèlement à une mise en conformité avec le droit fédéral du volet relatif à la prévoyance. De plus, une indemnité substantielle de départ permettait de contribuer à une certaine indépendance de l’élu durant l’exercice de son mandat, celui-ci étant moins tenté de prendre des dispositions en cours de fonction pour s’assurer par la suite des postes dits de « pantouflage ». Le fait que cette indemnité doive être remboursée dans l’hypothèse où le conseiller d’État était réélu et voulait bénéficier d’une pension calculée sur la totalité de ses années de magistrature n’en modifiait pas la nature. Il s’agissait tout d’abord d’une faculté, et pas d’une obligation. De plus, cette faculté tenait compte du fait que le versement d’une indemnité ne se justifiait plus dans la mesure où l’intéressé bénéficierait du droit à une pension viagère qui visait à tenir compte d’éventuelles difficultés de réinsertion sur le marché du travail mais avait également une dimension de prévoyance. Aussi, les arguments de la défenderesse en matière d’interprétation conforme au droit fédéral ne résistaient pas à l’examen.

En l’espèce, le législateur cantonal s’était abstenu de régler un point qu’il aurait dû régler, et aucune solution ne se dégageait du texte ou de l’interprétation de la loi. Il était en effet tenu par le droit fédéral de régler la question du libre passage du conseiller d’État quittant sa fonction avant huit années de magistrature. Le comblement de cette lacune devait intervenir dans le respect du droit fédéral. Le plan de prévoyance prévu par la LTRCE était enveloppant, en primauté de prestations. Par ailleurs, la retenue de 7.3 % à titre de contribution à la constitution des pensions, respectivement de 6.8 % en 2011 et de 7 % en 2012, ressortait clairement du texte légal et devait être mise en lien avec les prestations de prévoyance professionnelle prévues par celle-ci. Une interprétation systématique le confirmait. La LTRCE distinguait entre pensions et indemnités. La demanderesse suggérait de confier un mandat à un actuaire-conseil familier des institutions de prévoyance de droit public pour réaliser le calcul de sa prestation de libre passage en fonction des règles actuarielles reconnues.

18.    Dans sa duplique du 25 novembre 2016, la défenderesse a persisté dans les conclusions de sa réponse.

Elle a souligné que la demanderesse basait son argumentation sur le PL 11225. Elle ne pouvait cependant tirer argument d’un projet de loi retiré. Seul le droit cantonal actuellement en vigueur s’appliquait. Le PL 11225 ne permettait pas de conclure que la législation cantonale en vigueur était contraire au droit et qu’une prestation de libre passage devrait être payée en plus de l’indemnité prévue par la LTRCE. L’exposé des motifs à l’appui du PL 11225 relevait que la défenderesse avait un caractère mixte, en tant qu’elle prévoyait des prestations relevant de la prévoyance professionnelle au sens étroit, ainsi que des prestations ayant un caractère d’indemnisation de la fin des rapports de travail. Ce PL ne soutenait en revanche pas que le régime de la LTRCE concernant les conseillers d’État quittant leur charge avant d’avoir effectué deux mandats fût contraire au droit.

La demanderesse ne saurait pas non plus tirer argument du message relatif au projet de loi sur la prévoyance professionnelle des membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral, datant pour le surplus de 1988. De plus, les ordonnances d’application de la loi ne faisaient que concrétiser les règles figurant dans la loi et devaient rester dans le cadre tracé par celle-ci. Le Conseil fédéral n’avait certes pas donné suite à son intention de modifier l’art. 1 OPP 2. Toutefois, la mention même de cette éventualité démontrait qu’elle était possible selon la loi. Il fallait donc en déduire que la LPP était une base légale suffisante pour permettre aux cantons et aux communes de prévoir des régimes particuliers de prévoyance professionnelle en faveur de leurs magistrats. Force était ainsi d’admettre que la LPP ne s’appliquait pas à titre obligatoire aux magistrats cantonaux. En conséquence, le droit cantonal pouvait mettre en œuvre en faveur des magistrats cantonaux un régime de prévoyance différant de celui imposé par la LPP sans violer le principe de primauté du droit fédéral. En tout état de cause, seule cette conclusion permettait de respecter le principe de l’égalité de traitement. Par ailleurs, la demanderesse ne saurait tirer aucun argument en faveur de la soumission des conseillers d’État à la LPP du fait que la défenderesse était enregistrée auprès de l’ASFIP.

S’agissant de l’assujettissement des conseillers d’État à la LFLP et son application aux régimes dans lesquels l’employeur était l’auteur de la promesse de prévoyance, les prestations n’étaient en l’espèce pas assurées et fournies par l’employeur, mais bien par une institution de prévoyance. En conséquence, cette disposition ne s’appliquait pas. L’application du droit fédéral ne saurait interdire au législateur cantonal d’adopter un régime en faveur des magistrats cantonaux comparable à celui mis en œuvre en faveur de magistrats fédéraux. Soutenir le contraire reviendrait à consacrer une inégalité de traitement. La défenderesse n’était donc en aucun cas tenue de mettre en œuvre les prescriptions de la LFLP. Selon la systématique de la loi, l’indemnité de l’art. 8 LTRCE relevait bien de la prévoyance et non de la rémunération des conseillers d’État. En effet, cette disposition figurait dans le chapitre II de la loi, intitulé « Pensions de retraite et d’invalidité et prestations aux veuves et orphelins » et non dans le chapitre I, qui concernait le traitement des conseillers d’État. Par ailleurs, si l’art. 8 al. 1 LTRCE prévoyait expressément que l’indemnité n’était due que si le conseiller d’État ne bénéficiait pas d’une pension de retraite ou d’une pension d’invalidité, c’était bien qu’elle faisait partie des mesures de prévoyance de la LTRCE. Si l’indemnité avait un caractère d’indemnisation des rapports de fonction, elle ne serait pas soumise à remboursement dans l’optique de pouvoir permettre au conseiller d’État de bénéficier d’une pension de retraite calculée en fonction de ce remboursement. En outre, les modalités de paiement de cette indemnité démontraient son caractère de prévoyance. C’était pour cette raison que l’indemnité avait été qualifiée de prestation du 2ème pilier dans la déclaration à l’attention de l’administration fiscale. Elle avait été taxée en tant que prestation provenant de la prévoyance professionnelle. Le montant de cette indemnité était par ailleurs bien supérieur au montant d’une prestation de libre passage calculée selon l’art. 18 LFLP. Ainsi, même si la LFLP s’appliquait, le montant payé à la demanderesse en vertu de l’art. 8 LTRCE serait conforme aux exigences de cette loi. Pour le surplus, l’indemnité prévue par l’art. 8 LTRCE n’avait pas pour but de garantir une certaine indépendance de l’élu. La demanderesse prétendait qu’il existait dans le cas d’espèce une lacune proprement dite, sans argument à l’appui de son affirmation, et sans expliquer en quoi le paiement d’une prestation de libre passage en sus de l’indemnité prévue par l’art. 8 LTRCE s’imposait en vertu de la systématique et des objectifs de la loi. C’était en toute connaissance de cause que le législateur n’avait pas prévu le paiement d’une prestation de libre passage en sus du paiement de l’indemnité. En choisissant de prévoir le paiement d’une indemnité équivalente à une prestation de libre passage, le législateur cantonal s’était conformé aux exigences de l’art. 2 RTRCE, qui précisait que la défenderesse offrait des prestations équivalentes à celles prévues par la LPP. La LTRCE ne contenait pas de lacune proprement dite.

S’agissant de la demande d’expertise, elle n’avait pas pour objet d’établir les faits de la cause, mais de calculer le montant d’une éventuelle prestation de libre passage. Or, la demanderesse n’y avait pas droit, de sorte que sa conclusion était sans objet. D’autre part, une telle expertise ne serait en aucun cas un moyen de preuve. La chambre de céans n’avait pas pour vocation d’assister la demanderesse dans l’articulation de ses conclusions. Il revenait au contraire à la demanderesse, dans sa demande en paiement, de chiffrer le montant de la prestation de libre passage à laquelle elle prétendait. Si les conclusions de la demanderesse devaient tendre à voir la chambre de céans statuer sur le principe et la nature des prestations dues par la défenderesse à ses assurés, mais également au versement d’un montant précis, la chambre de céans devrait non pas ordonner une expertise, mais impartir à la demanderesse un délai convenable pour compléter sa demande, conformément à la procédure administrative. Dès lors, la requête d’expertise devait être rejetée.

19.    Par ordonnance du 16 janvier 2017, la chambre de céans a appelé en cause l’État de Genève et lui a imparti un délai pour se déterminer. Elle a retenu que ce dernier était intéressé par l’issue de la procédure dès lors qu’il garantissait le paiement des prestations de la défenderesse.

20.    Par écriture du 8 février 2017, l’État de Genève, soit pour lui le Conseil d’État, a déclaré « confirmer intégralement » les conclusions prises par la défenderesse et s’est référé à l’argumentation développée par cette dernière.

21.    La chambre de céans a transmis copie de cette écriture aux parties en date du 9 février 2017.

22.    Par courrier du 3 avril 2017, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 LPP; art. 142 du Code civil [CC - RS 210]).

Selon l’art. 73 al. 3 LPP, le for est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l'exploitation dans laquelle l'assuré a été engagé.

En l’espèce, la demanderesse a exercé ses fonctions à Genève et la défenderesse y a son siège, conformément à l’art. 2 al. 1 RTRCE. La demande tend en outre au versement d’une prestation de libre passage, de sorte que la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie tant à raison du lieu que de la matière.

2.        L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, Recueil de jurisprudence neuchâteloise, 1984).

La demande, qui respecte en outre la forme prévue à l'art. 89B de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), est ainsi recevable. On précisera en particulier que les conclusions tendant à l’allocation de prestations de la LPP ne doivent pas nécessairement être chiffrées (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_651/2015 du 11 février 2016 consid. 8).

3.        Le litige porte sur le droit de la demanderesse au versement d’une prestation de libre passage.

4.        L’art. 1 LPP définit le but et le champ d’application de la loi.

Selon cette disposition, la prévoyance professionnelle comprend l'ensemble des mesures prises sur une base collective pour permettre aux personnes âgées, aux survivants et aux invalides, ensemble avec les prestations de l'assurance vieillesse, survivants et invalidité fédérale (AVS/AI), de maintenir leur niveau de vie de manière appropriée, lors de la réalisation d'un cas d'assurance vieillesse, décès ou invalidité (al. 1). Le salaire assuré dans la prévoyance professionnelle ou le revenu assuré des travailleurs indépendants ne doit pas dépasser le revenu soumis à la cotisation AVS (al. 2). Le Conseil fédéral précise les notions d'adéquation, de collectivité, d'égalité de traitement, de planification et le principe d'assurance. Il peut fixer un âge minimal pour la retraite anticipée (al. 3).

Conformément à l’art. 2 al. 1 LPP, sont soumis à l'assurance obligatoire les salariés qui ont plus de 17 ans et reçoivent d'un même employeur un salaire annuel supérieur à 21 150 francs (art. 7 LPP). L’art. 2 al. 4 LPP prévoit que le Conseil fédéral règle l'assujettissement à l'assurance des salariés qui exercent des professions où les engagements changent fréquemment ou sont temporaires. Il définit les catégories de salariés qui, pour des motifs particuliers, ne sont pas soumis à l'assurance obligatoire.

L’art. 48 al. 1 LPP prévoit que les institutions de prévoyance qui entendent participer à l'application du régime de l'assurance obligatoire se feront inscrire dans le registre de la prévoyance professionnelle auprès de l'autorité de surveillance dont elles relèvent (art. 61).

5.        L’art. 5 LPP précise que la [loi] ne s'applique qu'aux personnes qui sont assurées à l'assurance-vieillesse et survivants fédérale (AVS) (al. 1). Elle s'applique aux institutions de prévoyance enregistrées au sens de l'art. 48 (al. 2 1ère phrase).

Conformément à l’art. 7 LPP, les salariés auxquels un même employeur verse un salaire annuel supérieur à 21 150 francs sont soumis à l'assurance obligatoire pour les risques de décès et d'invalidité dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 17 ans et, pour la vieillesse, dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 24 ans (al. 1). Est pris en considération le salaire déterminant au sens de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS). Le Conseil fédéral peut admettre des dérogations (al. 2).

L’art. 1j al. 1 OPP 2, fondé sur la délégation de compétence contenue à l’art. 2 al. 4 LPP, énumère les catégories de salariés non soumises à l'assurance obligatoire. Il s’agit des salariés dont l'employeur n'est pas soumis à l'obligation de payer des cotisations à l'AVS (let. a); des salariés engagés pour une durée limitée ne dépassant pas trois mois; l'art. 1k est réservé (let. b); des salariés exerçant une activité accessoire, s'ils sont déjà assujettis à l'assurance obligatoire pour une activité lucrative exercée à titre principal ou s'ils exercent une activité lucrative indépendante à titre principal (let. c); des personnes invalides au sens de l'AI à raison de 70 % au moins, ainsi que des personnes qui restent assurées à titre provisoire au sens de l'art. 26a LPP (let. d); et de certains membres de la famille d'un exploitant agricole, qui travaillent dans son entreprise (cf. let. e).

6.        a) Du point de vue du champ d’application personnel, la notion de salarié au sens des art. 2 et 7 LPP, à laquelle est liée l’obligation d’assurance, n’est pas définie dans la loi. Cette notion doit être comprise selon les critères déterminants en matière d’AVS, sans que le statut du point de vue de l’AVS soit contraignant pour la prévoyance professionnelle. Cela vaut également dans la prévoyance surobligatoire, pour autant que le règlement s’y réfère (arrêt du Tribunal fédéral 9C_395/2009 du 16 mars 2010 consid. 2.2). La notion de salarié au sens de la LPP est ainsi identique à celle de travailleur exerçant une activité dépendante au sens de la LAVS (Marc HÜRZELER / Jürg BRÜHWILER, Obligatorische berufliche Vorsorge in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, p. 2092 n. 85).

Le point de savoir si l'on a affaire à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d'après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Les circonstances économiques sont déterminantes. Les rapports de droit civil peuvent certes éventuellement fournir quelques indices pour la qualification en matière d'AVS, mais ils ne sont pas déterminants. Est réputé salarié, d'une manière générale, celui qui dépend d'un employeur quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise, et ne supporte pas le risque économique encouru par l'entrepreneur. Ces principes ne conduisent cependant pas à eux seuls à des solutions uniformes applicables schématiquement, et il faut décider dans chaque cas particulier si l'on est en présence d'une activité dépendante ou d'une activité indépendante en considérant toutes les circonstances particulières. Il est fréquent qu’un cas présente des caractéristiques de ces deux genres d'activité, on tranchera alors la question en déterminant quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 123 V 161 consid. 1). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l'organisation du travail et du point de vue de l'économie de l'entreprise sont le droit de l'employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l'égard de celui-ci, et l'obligation de ce dernier d'exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 188/02 du 14 novembre 2002 consid. 4.1). Un autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu'il s'agit d'une collaboration régulière, autrement dit que l'employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 334/03 du 10 janvier 2005 consid. 6.2.1). Le rapport social de dépendance économique, respectivement dans l’organisation du travail du salarié, se manifeste notamment par l’existence d’un droit de donner des instructions au salarié, d’un rapport de subordination, de l’obligation de remplir la tâche personnellement, d’une prohibition de faire concurrence et d’un devoir de présence (Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG [DSD] en vigueur dès le 1er janvier 2013, ch. 1015). Le risque économique de l'entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d'évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l'entreprise. Constituent notamment des indices révélant l'existence d'un risque économique d'entrepreneur le fait que l'assuré opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d'encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (arrêt du Tribunal fédéral des assurances H 188/02 du 14 novembre 2002 consid. 5.2). Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a retenu qu’un contrat de mandat n’exclut pas la qualification du mandataire en tant que non indépendant (ATF 122 V 169 consid. 6a/aa). S’agissant de l’indemnité équitable due en cas de contribution extraordinaire d’un époux à la profession ou à l'entreprise de son conjoint au sens de l’art. 165 du code civil (CC – RS 210), elle doit également être assimilée à un salaire du point de vue des assurances sociales et entraîne l’obligation d’assurance selon la LPP (ATF 115 Ib 37 consid. 5c).

b) L’assimilation de la notion de salarié au sens de la LPP à celle de la personne exerçant une activité dépendante au sens de la LAVS a fait l’objet de certaines critiques doctrinales. Pour certains auteurs, il existe des situations dans lesquelles l’activité est qualifiée de dépendante au sens de l’AVS malgré l’absence de rapports de travail, et où l’assujettissement à la LPP est discutable. Tel est par exemple le cas des membres du conseil d’administration de sociétés anonymes percevant des tantièmes, des indemnités fixes et des jetons de présence, ces éléments faisant partie du salaire déterminant dans l’AVS selon l’art. 7 let. h du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants (RAVS - RS 831.101) et entraînant une obligation d’assurance dans la LPP. Or, si la prévoyance professionnelle doit s’appliquer aux salariés, un assujettissement à cette assurance ne pourrait en principe découler de la perception des éléments précités que si la personne intéressée se trouve, parallèlement à son activité de membre du conseil d’administration, dans un rapport de travail. La même conclusion s’impose pour les membres d’autorités, dont l’activité ne repose en règle générale pas sur un contrat de travail. Malgré cela, le versement de jetons de présence entraîne une obligation de cotiser au vu de l’art. 7 let. i RAVS (Hans-Ulrich STAUFFER, Berufliche Vorsorge, 2ème éd. 2012, pp. 190-191 nn. 531-532 et les références). S’agissant de l’assujettissement de membres du conseil d’administration exerçant cette activité à titre principal sans être lié par un contrat de travail, un autre auteur considère que leur situation n’est pas réglée de manière claire, mais qu’ils ne sont en règle générale pas soumis à l’assurance obligatoire (Carl HELBLING, Personalvorsorge und BVG, 8ème éd. 2006, Bern/Stuttgart/Wien 2006, p. 119). Le Tribunal fédéral a quant à lui rappelé que les directeurs de sociétés de capitaux sont en règle générale considérés comme exerçant une activité dépendante (arrêt du Tribunal fédéral 2A.461/2006 du 2 mars 2007 consid. 4.3).

7.        La LFLP est entrée en vigueur le 1er janvier 1995.

Aux termes de son article premier, la [loi] réglemente les prétentions des assurés en cas de libre passage dans le cadre de la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (al. 1). Elle s'applique à tous les rapports de prévoyance où une institution de prévoyance de droit privé ou de droit public accorde, sur la base de ses prescriptions (règlement), un droit à des prestations lors de l'atteinte de la limite d'âge, ou en cas de décès ou d'invalidité (cas de prévoyance) (al. 2). Elle s'applique par analogie aux régimes de retraite où l'assuré a droit à des prestations lors de la survenance d'un cas de prévoyance (al. 3).

Le critère déterminant pour l’applicabilité de la LFLP est de savoir si les intéressés ont un droit ferme et exigible en justice de prestations de prévoyance à l’encontre des institutions de prévoyance. La notion de règlement selon l’art. 1 al. 2 LFLP est définie de manière large, dans la mesure où elle englobe toutes les dispositions dont les assurés peuvent déduire un droit aux prestations (status, règlements, lois, ordonnances, arrêtés de conseils de fondation etc.). Les institutions de prévoyance sur-, sous- ou préobligatoire sont ainsi soumises à cette loi. Elle est également applicable lorsque l’employeur octroie directement des prestations de prévoyance, comme c’est le cas pour l’État en faveur de certains groupes de personnel, comme les magistrats, les juges ou les professeurs. En revanche, la LFLP n’est pas applicable aux fondations de financement et de bienfaisance dont les prestations sont discrétionnaires (Isabelle VETTER-SCHREIBER, Kommentar zur beruflichen Vorsorge, 3ème éd. 2013, nn. 1 à 3 ad art. 1 LFLP). Les dispositions sur la prestation de libre passage minimale dans la prévoyance obligatoire sont applicables à tous les rapports de service de droit privé et public assurés obligatoirement et priment sur des dispositions cantonales. Il n’en va pas autrement lorsque la prétention de l’assuré sortant à une prestation de libre passage se fonde sur la prévoyance plus étendue (ATF 119 V 135 consid. 4a). La transposition des dispositions sur le libre passage dans la LFLP a non seulement eu pour effet de rendre la situation juridique plus homogène, mais a également passablement étendu le champ d’application des dispositions en cause. En effet, elles s’appliquent non seulement à la prévoyance obligatoire et aux institutions enregistrées, mais également à tous les rapports de prévoyance pour lesquels une institution de prévoyance prévoit l’octroi de prestations lors d’un cas de prévoyance (Thomas GEISER / Christophe SENTI in Jacques-André SCHNEIDER/ Thomas GEISER / Thomas GÄCHTER [édit.], Commentaire LPP et LFLP, n. 3 ad art. 27 LPP). La définition légale des rapports de prévoyance permet d’éviter la distinction entre prévoyance obligatoire et étendue enveloppante, ainsi qu’entre les institutions de prévoyance enregistrées et non enregistrées (Jacques-André SCHNEIDER, Commentaire LPP et LFLP, n. 10 ad art. 1 LFLP).

Les régimes de retraite mentionnés à l’art. 1er al. 3 LFLP visent les prestations de prévoyance promises par l’employeur et fournies non pas par une institution de prévoyance, mais directement par l'employeur (STAUFFER, op. cit., p. 448 n. 1218). Selon le Conseil fédéral, de tels régimes de retraites sont prévus par la Confédération, et par quelques cantons et communes pour certains groupes de personnes, en particulier pour les magistrats, les juges et les professeurs. Les personnes concernées par ces régimes doivent également pouvoir bénéficier du maintien d'une partie de la prévoyance prévue dès lors qu’au cas où elles quitteraient leur poste ou ne seraient pas confirmées dans leurs fonctions indépendamment de la survenance d'un cas de prévoyance, elles se retrouveraient dans la même situation qu'un salarié qui est soumis à l'assurance et qui quitte son poste de travail. Dans le cadre de leurs rapports de travail ou de service, ces travailleurs se sont vu promettre une prestation en vue de la survenance d'un cas de prévoyance. L'employeur leur a fait cette promesse en relation avec le rapport de travail ou de service, mais a décidé de supporter lui-même ce risque de prévoyance au lieu de le financer dans le cadre d'une institution de prévoyance. Par conséquent, on ne peut refuser la prestation de sortie à ce groupe de personnes pour la seule raison que les prestations prévues ne sont pas financées par une institution de prévoyance (Message concernant le projet de loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 26 février 1992, FF 1992 III 567ss).

On notera que dans le projet de loi présenté par le Conseil fédéral, l’alinéa 3 de l’art. 1er LFLP prévoyait l’application par analogie de cette loi non seulement aux régimes de retraite, mais également aux autres réglementations analogues en vertu desquelles l'assuré avait droit à des prestations lors de la survenance d'un cas de prévoyance. Le Conseil fédéral avait en effet considéré que des réglementations semblables aux régimes de retraites dans le régime surobligatoire de la prévoyance professionnelle étaient également concevables. Ainsi, une rente de vieillesse financée uniquement par des cotisations patronales pouvait être envisagée pour le travailleur, lequel aurait droit aux prestations prévues dès l'âge de la retraite. Il serait injuste qu'il ne puisse avoir droit à ces prestations au cas où il quitterait l'entreprise. Cette prestation convenue lors de la conclusion du contrat de travail constituait une partie du salaire et donc des prestations promises par l'employeur (Message du 26 février 1992, FF 1992 III 635). Cet alinéa a cependant été amendé par le parlement, en ce sens que l’application par analogie de la LFLP aux autres réglementations analogues n’a pas été admise. Cette suppression faisait suite à une proposition de la Commission de la santé et de sécurité sociale (CSSS), qui considérait qu’une telle extension du champ d’application restreindrait drastiquement les possibilités d’un employeur de récompenser la fidélité de ses employés par des dispositions contractuelles (rapporteur SCHOCH, BO 1993 CE 560).

8.        Le but de la LFLP est de permettre à l'assuré qui change d'emploi de maintenir, tant du point de vue de la substance que de celui de la qualité, la prévoyance acquise auprès de l'ancienne institution de prévoyance. L'assuré doit pouvoir acquérir auprès de la nouvelle institution de prévoyance une prévoyance équivalente à celle qu'il avait auparavant, et ce, sans prestations de rachat supplémentaires, c'est-à-dire seulement avec la prestation de sortie apportée. Pour ce faire, la loi doit réglementer la sortie de l'ancienne institution de prévoyance ainsi que l'entrée dans la nouvelle institution (Message du 26 février 1992, FF 1992 III 567).

Avant l’entrée en vigueur de cette loi, les dispositions relatives à la prestation de libre passage – et notamment l’obligation de la transférer à la nouvelle institution de prévoyance – étaient ancrées aux art. 27ss a LPP.

Selon l’art. 2 LFLP, si l'assuré quitte l'institution de prévoyance avant la survenance d'un cas de prévoyance (cas de libre passage), il a droit à une prestation de sortie (al. 1). L'assuré a également droit à une prestation de sortie s'il quitte l'institution de prévoyance entre l'âge où le règlement lui ouvre au plus tôt le droit à une retraite anticipée et l'âge réglementaire ordinaire de la retraite, et s'il continue d'exercer une activité lucrative ou s'annonce à l'assurance-chômage. Si le règlement ne fixe pas d'âge ordinaire de la retraite, l'art. 13, al. 1, de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) s'applique pour la détermination de cet âge (al. 1bis). De même, l'assuré dont la rente de l'assurance-invalidité est réduite ou supprimée en raison de l'abaissement de son taux d'invalidité a droit à une prestation de sortie au terme du maintien provisoire de l'assurance et du droit aux prestations prévu à l'art. 26a, al. 1 et 2, LPP (al. 1ter). L'institution de prévoyance fixe le montant de la prestation de sortie dans son règlement; cette prestation de sortie doit être au moins égale à la prestation de sortie calculée selon les dispositions de la section 4 (al. 2). La prestation de sortie est exigible lorsque l'assuré quitte l'institution de prévoyance. Elle est créditée à partir de ce moment des intérêts prévus à l'art. 15, al. 2, LPP (al. 3). Si l'institution de prévoyance ne transfère pas la prestation échue dans les trente jours après avoir reçu toutes les informations nécessaires, elle est tenue de verser l'intérêt moratoire prévu à l'art. 26, al. 2, à partir de ce moment-là (al. 4).

L’art. 3 al. 1 LFLP dispose que si l'assuré entre dans une nouvelle institution de prévoyance, l'ancienne institution de prévoyance doit verser la prestation de sortie à cette nouvelle institution.

En vertu de l’art. 5 al. 1 LPP, l'assuré peut exiger le paiement en espèces de la prestation de sortie lorsqu'il quitte définitivement la Suisse; l'art. 25f est réservé (let. a); lorsqu'il s'établit à son compte et qu'il n'est plus soumis à la prévoyance professionnelle obligatoire (let. b); lorsque le montant de la prestation de sortie est inférieur au montant annuel des cotisations de l'assuré (let. c). Si l'assuré est marié ou lié par un partenariat enregistré, le paiement en espèces ne peut intervenir qu'avec le consentement écrit de son conjoint ou de son partenaire (art. 5 al. 2 LPP).

9.        Pour déterminer à quelle prestation de sortie (ou prestation de libre passage) un assuré quittant l’institution de prévoyance a droit, trois calculs comparatifs doivent être opérés par l’institution de prévoyance : la valeur réglementaire, le montant minimum et l’avoir de vieillesse LPP. C’est le montant le plus élevé des trois qui sera versé à l’assuré. La valeur réglementaire se détermine en fonction du système (primauté des cotisations ou primauté des prestations prévues respectivement aux art. 15 et 16 LFLP), le montant minimum conformément à l’art. 17 LFLP, et l’avoir de vieillesse en fonction de l’art. 15 LPP (Francine OBERSON, La pratique du droit, La prévoyance professionnelle, 2013, pp. 55-58).

Aux termes de l’art. 5 de l’ordonnance sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OLP - RS 831.425), l’institution de prévoyance est tenue de fixer dans son règlement si elle calcule le montant de la prestation de sortie selon le système de la primauté des cotisations au sens de l'art. 15 LFLP ou selon celui de la primauté des prestations au sens de l'art. 16 LFLP.

Aux termes de l’art. 17 LFLP, lorsqu’il quitte l'institution de prévoyance, l'assuré a droit au moins aux prestations d'entrée qu'il a apportées, y compris les intérêts; s'y ajoutent les cotisations qu'il a versées pendant la période de cotisation, majorées de 4 % par année d'âge suivant la 20ème année, jusqu'à 100 pour cent au maximum. L'âge est déterminé par la différence entre l'année civile en cours et l'année de naissance (al. 1). Les cotisations destinées à financer les prestations et la couverture des coûts ne peuvent être déduites des cotisations de l'assuré que si le règlement fixe le taux respectif des différentes cotisations et si leur nécessité est démontrée dans les comptes annuels ou dans leur annexe. Les cotisations suivantes peuvent être déduites: cotisation destinée à financer les droits à des prestations d'invalidité jusqu'à l'âge ordinaire de la retraite (let. a); cotisation destinée à financer les droits à des prestations de survivants à faire valoir avant l'âge ordinaire de la retraite (let. b); cotisation destinée à financer des rentes transitoires jusqu'à l'âge ordinaire de la retraite. Le Conseil fédéral fixe les conditions détaillées de cette éventuelle déduction (let. c); cotisation pour frais d'administration (let. d); cotisation destinée à la couverture des coûts du fonds de garantie (let. e); cotisation destinée à la résorption d'un découvert (let. f) (al. 2). Si le règlement établit cette déduction en pour-cent des cotisations, les sommes prévues par le règlement pour financer l'adaptation des rentes en cours à l'évolution des prix selon l'art. 36 LPP et des prestations minimales pour les cas d'assurance survenant pendant la période transitoire selon l'art. 33 LPP peuvent également être déduites des cotisations de l'assuré (al. 3). Les cotisations destinées à financer les prestations au sens de l'al. 2, let. a à c, ne peuvent être déduites des cotisations de l'assuré que si la part qui n'est pas affectée au financement des prestations et à la couverture des coûts au sens des al. 2 et 3 porte intérêts (al. 4). Un tiers au moins du total des cotisations réglementaires versées par l'employeur et l'employé sont réputées être les cotisations de l'employé (al. 5). La majoration de 4 % par année d'âge suivant la 20ème année, prévue par l'al. 1, ne s'applique pas aux cotisations visées à l'art. 33a LPP (al. 6).

Selon l’art. 18 LFLP, les institutions de prévoyance enregistrées doivent remettre à l'assuré au moins l'avoir de vieillesse prévu à l'art. 15 LPP. Selon cette disposition, l’avoir de vieillesse comprend: les bonifications de vieillesse, avec les intérêts, afférentes à la période durant laquelle l'assuré a appartenu à l'institution de prévoyance, cette période prenant toutefois fin à l'âge ordinaire de la retraite (let. a); l'avoir de vieillesse versé par les institutions précédentes et porté au crédit de l'assuré, avec les intérêts (let. b); les remboursements de versements anticipés conformément à l'art. 30d, al. 6 (let. c); les montants transférés et crédités dans le cadre d'un partage de la prévoyance professionnelle conformément à l'art. 22c, al. 2, LFLP (let. d); les montants crédités dans le cadre d'un rachat au sens de l'art. 22d, al. 1, LFLP (let. e) (al. 1). Le Conseil fédéral fixe le taux d'intérêt minimal. Pour ce faire, il tiendra compte de l'évolution du rendement des placements usuels du marché, en particulier des obligations de la Confédération ainsi que, en complément, des actions, des obligations et de l'immobilier (al. 2). Le Conseil fédéral examine le taux d'intérêt minimal au moins tous les deux ans. A cet effet, il consulte la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle et les partenaires sociaux (al. 3). Le Conseil fédéral règle la manière de déterminer la part de l'avoir de vieillesse par rapport à l'ensemble de l'avoir de prévoyance lorsque cette part ne peut plus être établie (al. 4).

10.    La législation sur la prévoyance professionnelle a notamment connu les modifications suivantes depuis son entrée en vigueur.

On peut citer l’art. 1i OPP 2, qui prévoit que les règlements des institutions de prévoyance ne peuvent pas prévoir d'âge de retraite inférieur à 58 ans (al. 1). Des âges de retraite inférieurs à celui déterminé à l'al. 1 sont admis pour les restructurations d'entreprises (let. a); pour les rapports de travail où un âge de retraite inférieur est prévu pour des motifs de sécurité publique (let. b). Cette disposition, entrée en vigueur le 1er janvier 2006 (RO 2005 4285), a été adoptée par le Conseil fédéral sur la base de la délégation de compétence inscrite par le législateur à l'art. 1 al. 3 LPP et assortie d’un délai de cinq ans pour adapter les dispositions réglementaires autorisant une retraite anticipée avant cinquante-huit ans, conformément à la let. 2 des dispositions finales de la modification du 10 juin 2005 de l'OPP 2.

La LPP a en outre subi un important remaniement ayant trait au financement des institutions de prévoyance de corporations de droit public en capitalisation partielle, entré en vigueur le 1er janvier 2012. Selon les dispositions légales adoptées dans ce cadre (cf. notamment les art. 72a à 72g LPP), les institutions de prévoyance de corporations de droit public (IPDP) doivent organiser leur système de financement afin d’aboutir d’ici 40 ans à une capitalisation complète, comme c’est le cas des institutions de prévoyance de droit privé. Cette réforme avait également pour but de garantir l’autonomie des institutions publiques de prévoyance, en prévoyant notamment à l’art. 48 al. 2 LPP que ces institutions doivent revêtir la forme d'une fondation ou être une institution de droit public dotée de la personnalité juridique. Cette mesure visait à pallier le manque d’indépendance des institutions de prévoyance de droit public, au sujet desquelles le Conseil fédéral notait que la Confédération, les cantons et les communes avaient la possibilité d’édicter par un acte juridique les principales dispositions les régissant. Ces corporations de droit public pouvaient ainsi exercer sur celles-ci des influences interdites à un employeur de droit privé. Le droit en vigueur donnait notamment aux collectivités de droit public la possibilité d’assurer la prévoyance dans un établissement de droit public non autonome ou même dans une unité administrative. Dans un tel cas, le manque d’indépendance des institutions de prévoyance de droit public envers la collectivité était particulièrement épineux lorsque l’administration des finances de cette collectivité se chargeait directement de la gestion de la fortune de prévoyance. Dans ces circonstances, il pouvait toujours se produire des conflits d’intérêts et les placements des institutions de prévoyance de droit public pouvaient se voir influencer par ces critères étrangers à la gestion proprement dite. L’absence de limites claires entre les compétences des institutions de prévoyance de droit public et celles de l’employeur pouvait aussi avoir des effets indésirables sur la collectivité de droit public en sa qualité d’employeur (Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [Financement des institutions de prévoyance de corporations] du 19 septembre 2008, FF 2008 7637-7638).

11.    La LPP, de droit fédéral, prime sur le droit fédéral antérieur et le droit cantonal qui lui sont contraires. Relevant du droit public, elle contient des dispositions relativement impératives, auxquelles il ne peut être dérogé qu’en faveur des assurés (VETTER-SCHREIBER, op. cit., n. 1 ad art. 6 LPP). L’art. 50 al. 3 1ère phrase LPP précise en outre que les dispositions de la loi priment les dispositions établies par l'institution de prévoyance.

L’art. 6 LPP prévoit que la deuxième partie de la [loi] fixe des exigences minimales. Cette deuxième partie comprend les art. 7 à 47 LPP. Dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 1994, elle englobait aux art. 27ss les principes relatifs à la prestation de libre passage – qui relève d’une exigence minimale au sens de l’art. 6 LPP (ATF 113 V 120 consid. 3a).

12.    Le législateur genevois a notamment édicté les dispositions suivantes en lien avec la prévoyance des conseillers d’État dans la LTRCE, entrée en vigueur le 1er janvier 1977, et le RTRCE, entré en vigueur le 1er janvier 1985. Avant l’entrée en vigueur de la LTRCE, les dispositions relatives au traitement et aux pensions des conseillers d’État faisaient l’objet de lois distinctes.

a) Le chapitre II de la LTRCE, intitulé « Pensions de retraite et d’invalidité
et prestations aux veuves et aux orphelins » et comprenant les art. 6 à 17, prévoit à son art. 6 que le conseiller d’État quittant sa charge après 8 ans de magistrature a droit à une pension annuelle (al. 1). Lorsque le droit à la pension s’ouvre avant l’âge de 60 ans révolus, la pension est réduite de 1% de son montant pour chaque année ou fraction d’année de différence entre l’âge du bénéficiaire à la date de l’ouverture de la pension et l’âge de 60 ans révolus (al. 3). Le bénéficiaire dont le droit à la pension s’ouvre avant l’âge de 60 ans peut demander que sa pension ne soit servie qu’à partir d’un âge ultérieur mais au plus tard à l’âge de 60 ans révolus. Dans ce cas, la réduction est calculée sur la différence entre l’âge du bénéficiaire au moment où la pension est servie et l’âge de 60 ans révolus (al. 4). Lorsque le bénéficiaire occupe un emploi public fédéral, cantonal ou municipal (y compris les fonctions électives) et que le cumul de la pension et du traitement dépasse 75 % du traitement qu’il recevait en sa qualité de conseiller d’État, la pension est diminuée de l’excédent (al. 5). Lorsque le bénéficiaire reçoit également une pension d’une corporation de droit public autre que l’État de Genève ou d’une institution de prévoyance dépendant directement ou indirectement d’une corporation de droit public autre que l’État de Genève et que le montant cumulé des pensions dépasse 75 % du traitement le plus élevé, la pension allouée en application du présent article est diminuée de l’excédent (al. 6).

L’art. 7 LTRCE règle le droit à une pension d’invalidité.

Aux termes de l’art. 8 LTRCE, le conseiller d’État qui ne bénéficie pas des dispositions des articles 6 et 7 a droit, lorsqu’il quitte sa charge, à une indemnité égale à 3 mois de traitement par année accomplie. Toutefois, cette indemnité ne peut être inférieure à 9 mois de traitement. L’indemnité est payable dans le mois qui suit la fin de l’exercice de la magistrature (al. 1). En cas de réélection, le conseiller d’État qui a touché une indemnité doit la rembourser s’il veut bénéficier d’une pension calculée sur la totalité de ses années de magistrature (al. 2). L’art. 9 LTRCE a trait à la pension de conjoint ou de partenaire enregistré survivant et l’art. 10 régit le droit aux pensions d’orphelins.

Conformément à l’art. 10A LTRCE, le traitement déterminant pour le calcul des prestations et des retenues prévues par le présent chapitre s'élève à 12,26/13 du traitement défini à l'article 2. Il est prévu à l’art. 11 LTRCE que le traitement des conseillers d'État et du chancelier d'État subit une retenue de 7.3 % à titre de contribution à la constitution des pensions.

Si l’exposé des motifs à l’appui de la LTRCE ne contient aucune explication particulière sur la nature de l’indemnité prévue à l’art. 8 LTRCE, elle a donné lieu à certaines discussions lors des débats de la séance du Grand Conseil du 17 septembre 1976. Le rapporteur de la Commission des finances a exposé que le projet de loi ne comprenait pas de modification du fonctionnement général des pensions, mais une majoration des prestations. L’indemnité selon l’art. 8 LTRCE était désormais fixée à 9 mois de traitement au minimum et 21 mois de traitement au maximum, contre 6 à 14 mois de traitement auparavant. Cette majoration était justifiée par la difficulté qu’un magistrat pouvait rencontrer à reprendre la carrière qu’il avait interrompue. Cette réinsertion dans son milieu professionnel antérieur ou un éventuel recyclage pouvait s’étendre sur de longs mois, pendant lesquels il était normal qu’il fût à l’abri des besoins matériels. Un député a qualifié cette indemnité d’ « indemnité de congédiement » (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, 1976 IV, Rapport de la commission des finances et premier débat, pp. 4045-4046 et 4049).

b) Le RTRCE contient notamment les dispositions suivantes.

L’art. 1 RTRCE institue la caisse de prévoyance des conseillers d’État et du chancelier d’État, corporation de droit public possédant la personnalité juridique. Selon l’art. 3 RTRCE, la caisse de prévoyance a pour but d’assurer les conseillers d’État et le chancelier d’État contre les risques économiques de la vieillesse, de l’invalidité et de la mort, conformément au chapitre II de la loi concernant le traitement et la retraite des conseillers d’État et du chancelier d’État, du 17 décembre 1976 (al. 1). La caisse de prévoyance s’engage à appliquer les dispositions impératives de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982 (al. 2). L’art. 4 RTRCE précise que l’État de Genève garantissant le paiement des prestations de la caisse de prévoyance, aucune fortune n’est constituée. La retenue effectuée sur le traitement des conseillers d’État et du chancelier d’État, à titre de contribution à la constitution des pensions, entre dans les recettes de l’État de Genève. En vertu de l’art. 6 RTRCE, la caisse de prévoyance tient à jour les comptes de vieillesse conformément aux dispositions de la loi fédérale. Aucun bilan actuariel ou comptable n’est établi.

Hormis l’introduction de l’art. 4A visant la liquidation partielle, le RTRCE n’a connu aucune modification depuis son entrée en vigueur.

On précisera encore que la défenderesse est enregistrée depuis 1989 dans le répertoire des institutions de prévoyance surveillées tenu conformément à l’art. 3 al. 1 de l’ordonnance sur la surveillance dans la prévoyance professionnelle (OPP 1 - RS 831.435.1) par l’ASFIP.

13.    Un projet de loi visant à modifier la LTRCE (projet de loi du Conseil d'État concernant le traitement et la retraite des conseillers d'État et du chancelier d'État, PL 11225) avait été déposé devant le Grand Conseil en juin 2013. Ce projet prévoyait notamment, sous réserve de dispositions transitoires, que les conseillers d’État avaient droit à une allocation payée par l’État de Genève après une année complète de fonction. Cette allocation était payée mensuellement dès le mois suivant la fin des rapports de fonction. Son montant était fonction de la durée des rapports de fonction et de l’âge. Elle était versée cinq ans au plus, et faisait l’objet d’une réduction si, cumulée aux revenus, elle dépassait 75 % du dernier traitement perçu. Le projet de loi prévoyait également l’affiliation des conseillers d’État à la Caisse de prévoyance de l’État de Genève. L’exposé des motifs à l’appui de ce projet de loi relevait notamment que la défenderesse ne prévoit pas de versement anticipé à titre d’encouragement à la propriété du logement, ni de partage de prestations de sortie en cas de divorce, ni même de paiement de prestations de libre passage en cas de départ. Il était également fait mention des modifications du cadre législatif fédéral en matière de prévoyance professionnelle, portant notamment sur l’âge minimal de la retraite, les organes de gestion des institutions de prévoyance et le financement des caisses de pension publiques (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, 2013 X Annexes tome III, Exposé des motifs p. 11825). Le PL 11225 a été retiré le 18 septembre 2014.

Le 21 mars 2017, un nouveau projet de loi (PL 12077), intitulé « Sortons de l’illégalité en affiliant les conseillers d’État à la CPEG » a été déposé devant le Grand Conseil. Dit projet vise à modifier l’art. 6 LTRCE, dont la nouvelle teneur serait la suivante : « Les conseillers d’État et chancelier d’État en exercice sont assurés auprès de la Caisse de prévoyance de l’État de Genève (CPEG) ». Son exposé des motifs reprend largement celui du PL 11225.

14.    Il est intéressant d’examiner la manière dont la prévoyance professionnelle des membres des autorités exécutives est réglée à la Confédération et dans certains cantons, étant souligné que bon nombre de cantons ont connu des réformes sur ce point ces dernières années (sur cette question et la problématique de droit intertemporel qu’elle soulève, Peter HETTICH / Delia BOSSHARD, « Schluss mit goldenen Fallschirmen für Magistraten » - zu den Grenzen gesetzgeberischer Freiheit bei Lohnkürzungen, AJP/PJA 12/2009 pp. 1527-1533).

a) On peut notamment citer le cas du canton du Valais où le 12 juin 2014, le Grand Conseil a adopté une modification de la loi sur la prévoyance professionnelle des magistrats du 23 juin 1999 (172.13). Selon le nouvel art. 3 al. 1 de dite loi, les conseillers d’État élus dès le 1er janvier 2015 sont désormais affiliés à la caisse de pension des employés de l'État du Valais (CPVAL), alors que les membres du Conseil d'État élus avant cette date restent soumis au régime de pensions établi par le règlement concernant le régime de pensions des magistrats de l'ordre exécutif, judiciaire et du Ministère public du 30 mars 1979 (172.132). Cette modification légale a eu pour effet d’abolir pour les nouveaux élus les rentes viagères prévues jusqu’ici sans limite d’âge pour les conseillers d’État sortants, moyennant une augmentation à CHF 300'000.- du traitement annuel de ces magistrats. La Commission parlementaire en charge de ce dossier a relevé que cette solution constituait une modification équitable, simple, économique et transparente, en vue d’ajuster le régime de prévoyance professionnelle des magistrats aux standards actuels. Cette solution englobait à la fois l’élément «pension» et l’élément «salaire», les premières étant certes significativement réduites mais les seconds étant rehaussés. Elle a souligné le caractère novateur de cette loi, consacrant une solution inconnue des autres cantons (rapport de la Commission de 3ème lecture de la loi sur la prévoyance professionnelle des magistrats, consultable en ligne: https://parlement.vs.ch/common/idata/parlement/vos/docs/2014/05/2014.06_Pr%C3%A9voyance%20prof.%20des%20magistrats_3_RAPP_COM.pdf, p. 5). Cette novelle s’est accompagnée de plusieurs modifications des droits et obligations des magistrats en fonction, dont la suppression, sous réserve des dispositions de droit transitoire, de la notion de prestation de libre passage, remplacée par celle d’indemnité (Message accompagnant le projet de modification de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle des magistrats de l’ordre exécutif, judiciaire et du ministère public et du règlement concernant le régime de pensions des magistrats de l’ordre exécutif, judiciaire et du ministère public, https://parlement.vs.ch/common/idata/parlement/vos/docs/2014/10/2014.11_Pr%C3%A9voyance%20professionnelle%20des%20magistrats_MES_CE.pdf, p. 1). L’art. 3quater de la nouvelle loi sur la prévoyance professionnelle des magistrats prévoit désormais que les magistrats sortants n’ayant pas droit à une pension reçoivent une indemnité calculée sur la base du traitement annuel, de l'âge d'entrée en fonction et de la durée de fonction conformément à l'annexe de la [loi] mais qu’ils n’ont pas droit à une prestation de libre passage.

b) Dans le canton du Jura, le décret sur la Caisse de pensions des membres du Gouvernement (173.52) prévoit que les ministres sont affiliés à la Caisse de pensions de la République et Canton du Jura et soumis aux dispositions du [décret] (art. 1er). Selon l’art. 2 dudit décret, les ministres qui quittent le Gouvernement après quatre années complètes de fonction ont droit à une pension égale à 20 % du dernier traitement assuré (al. 1). La pension est majorée d'un montant égal à 5 % du dernier traitement assuré par année supplémentaire passée au Gouvernement (let. a) ; 0.8 % par année complète d'affiliation à un autre titre (let. b) ; 0.6 % par année complète de rachat effectué par versement volontaire ou en vertu du libre passage (let. c) (al. 2). La pension ne peut dépasser 60 % du traitement assuré (al. 3). L’art. 3 dispose que le ministre non réélu a droit, durant les six mois qui suivent la fin de son mandat, à une pension équivalant à son traitement antérieur.

Un projet de loi concernant la prévoyance professionnelle des membres du gouvernement a toutefois récemment été soumis au parlement. Dans le message relatif au projet de loi concernant la prévoyance professionnelle en faveur des membres du gouvernement du 11 mars 2014 (disponible en ligne à l’adresse www.jura.ch/Htdocs/Files/v/15703.pdf, p. 3), le gouvernement jurassien a notamment relevé que le décret, antérieur à la LPP, présentait quelques déficiences ainsi que des règles qui n’étaient plus conformes au droit supérieur. En effet, la fonction de membre d’une autorité exécutive cantonale présentait une certaine volatilité et un régime ordinaire de prévoyance professionnelle ne permettait pas de financer des prestations idoines, alors qu’un régime de retraite approprié constituait également une garantie d'indépendance des membres des autorités exécutives. Le projet de loi visait notamment à intégrer le critère de l’âge dans la détermination de la rente. Il prévoyait en outre que les ministres ne sont pas soumis à la LPP et plus affiliés à la Caisse de pensions de la République et Canton du Jura. À ce sujet, le message notait que cette solution était conforme au droit, en ce sens que l'affiliation à la LPP des magistrats, en particulier politiques, a longtemps manqué de clarté. Selon les conceptions actuelles, les ministres ne sont pas soumis à la LPP et les cantons sont libres de fixer le régime de retraite qui leur paraît opportun.

Le parlement jurassien a refusé d’entrer en matière sur ce projet de loi et a adopté un arrêt relatif à la révision du régime de prévoyance professionnelle des membres du Gouvernement en date du 30 septembre 2015, mandatant le gouvernement afin de lui soumettre un projet de révision du régime de prévoyance professionnelle des membres du gouvernement. Cet arrêté peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.jura.ch/Projets-de-lois/Textes-adoptes/Prevoyance-professionnelle-des-membres-du-Gouvernement.html.

c) Le canton d’Argovie a également modifié les dispositions légales concernant les pensions de ses conseillers d’État. Selon le §2 du décret sur la prévoyance professionnelle des membres du conseil d’État en vigueur depuis le 1er janvier 2017 (VDRR – 153.560), les conseillers d’État élus après cette date sont désormais assurés contre les risques de prévoyance auprès de l’Aargauische Pensionskasse (APK). Ils peuvent également prétendre à une indemnité de départ d’une année de salaire (Abgangsentschädigung) lorsqu’ils se retirent de leur fonction avant leur 57ème année et à une rente transitoire lorsqu’ils ont atteint l’âge de 57 ans (§ 3 et 4 VDRR). Le régime applicable aux conseillers d’État élus avant le 1er janvier 2017 découlant du décret sur les pensions des membres du Conseil d’État (disponible à https://gesetzessammlungen.ag.ch/frontend/versions/1286?locale=de) prévoyait une rente de 50 % du traitement après 12 ans de fonction ou après le 60ème anniversaire, et une rente inférieure en cas de non-réélection ou de retrait avant la 60ème année.

d) Dans le canton de Zurich, une initiative « Schluss mit goldenen Fallschirmen für Mitglieder des Regierungsrates » a été lancée en 2006, ayant pour but de supprimer les prestations octroyées aux conseillers d’État sortants, à l’exception de l’avoir de libre passage. Cette initiative a été retirée à la suite de l’adoption de la contre-proposition du gouvernement, prévoyant que les conseillers d’État sont désormais affiliés auprès de la caisse de prévoyance du personnel de l’État. Les conseillers d’État qui n’ont pas droit à des prestations à durée indéterminée à la fin de leur mandat et qui sortent du cercle des assurés ont droit à une prestation de sortie (§ 10 Verordnung über Leistungen der Versicherungskasse - 177.24). Ils ont également droit à une indemnité de départ calculée en mois de salaire et fonction de leur âge et de la durée de leur mandat (Beschluss des Kantonsrates über die Abgangsleistungen für die Mitglieder des Regierungsrates und der obersten kantonalen Gerichte - 177.25).

e) Dans le canton de Bâle-Ville, les magistrats – dont les conseillers d’État – peuvent prétendre à une rente lorsqu’ils ne sont plus en fonction. Le versement de la rente prend fin au plus tard à l’âge de la retraite. Elle est servie pendant une période fixée notamment en fonction de l’âge et de la durée des rapports de fonction. Cette rente est réduite lorsque, cumulée au revenu de l’intéressé, elle dépasse son traitement (§24d Gesetz betreffend Einreihung und Entlöhnung der Mitarbeiterinnen und Mitarbeiter des Kantons Basel-Stadt [164.100]). Les conseillers d’État sont en outre assimilés aux autres membres du personnel et assurés auprès de la caisse de pension cantonale et ont droit aux prestations prévues par le plan de prévoyance applicable à l’État (§24e Lohngesetz). Ils y restent assurés pendant la durée du versement de la rente servie selon le §24d. Une initiative populaire « Für eine zeitgemässe finanzielle Absicherung von Magistratspersonen (Keine goldenen Fallschirme mit Steuergeldern!) » visant à réduire la durée des rentes servies aux conseillers d’État avant l’âge de la retraite a récemment été déposée, et le Conseil d’État a proposé au Grand Conseil de la déclarer conforme au droit (décision du Conseil d’État du 30 août 2016).

f) Dans le canton de Vaud, la prévoyance professionnelle des conseillers d’État est régie par la loi sur la rémunération et les pensions des membres du Conseil d'État (172.125). Cette loi prévoit à son art. 2a, intitulé Loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, que les membres du Conseil d'État versent à l'État une cotisation de 10 pour cent de leur salaire à titre de participation à leur prévoyance professionnelle. Une indemnité de départ est prévue lorsque le membre du Conseil d'État quitte sa charge sans avoir droit à une pension. Dite indemnité est équivalente à son dernier salaire annuel, pour autant qu'il ait été en fonction durant deux années civiles complètes; si cette condition n'est pas remplie, l'indemnité de départ est équivalente à six mois du dernier salaire annuel. Les dispositions de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité s'appliquent par analogie au transfert et au versement de la créance (cf. art. 10). Aux termes de l’art. 11, les membres du Conseil d'État ont droit au minimum aux prestations obligatoires selon la loi fédérale sur la prévoyance.

g) À Fribourg, la loi relative au traitement et à la prévoyance professionnelle des conseillers d’État, des préfets et des juges cantonaux (122.1.3) contient un chapitre IV Prévoyance professionnelle, relatif aux conseillers d’État. Il y est notamment prévu à l’art. 8 que les conseillers démissionnaires ou non réélus ont droit, lorsque la cessation d’activité survient avant l’âge de 50 ans et qu’ils comptent moins de dix années complètes de fonction, aux prestations suivantes : un montant égal à une année de traitement au titre de prestation analogue à une prestation de sortie et une année de traitement au titre d’indemnité lorsqu’ils ont accompli moins de cinq années de fonction (let. a); dès la sixième et jusqu’à la dixième année de fonction, un montant égal à 120 % du traitement annuel, augmentant pour chaque année de fonction de 20 % jusqu’au maximum de deux traitements annuels au titre de prestation analogue à une prestation de sortie et une année de traitement au titre d’indemnité (let. b) (al. 1). La prestation due au titre de prestation de sortie doit être transférée dans une institution de prévoyance ou affectée à une autre forme reconnue de prévoyance, aux conditions prévues par la législation fédérale relative à la prévoyance professionnelle (al. 3). Aux termes de l’art. 13, il est prélevé 4 % du traitement des conseillers au titre de participation au financement de leur prévoyance professionnelle. Ce prélèvement reste acquis à l’État.

h) À Neuchâtel, la loi sur la prévoyance professionnelle en faveur des membres du Conseil d'État (152.323.0) prévoit que les membres du Conseil d'État de la République et Canton de Neuchâtel ne sont pas soumis à la législation fédérale en matière de prévoyance professionnelle (cf. art. 1). Le versement d’une rente viagère est prévu après quatre années complètes de fonction, égale à 26 % du traitement brut et majorée de 3 % du traitement brut par année de fonction supplémentaire. Cette rente est versée durant un nombre de mois égal au nombre de mois passés dans cette fonction aux membres du Conseil d'État sortant de fonction après quatre années complètes de fonction au moins et âgés de plus de 40 ans révolus mais de moins de 50 révolus, conformément aux art. 6 et 7. Les membres du Conseil d'État sortant avec moins de quatre années complètes de fonction ou âgés de moins de 40 ans révolus n'ont droit à aucune rente de retraite. Une indemnité salariale correspondant à deux mois de traitement par année d'activité leur est versée (art. 5 al. 2 en corrélation avec l’art. 17).

i) Au plan fédéral, l’art. 3 de la loi concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats (RS 172.121) prévoit que l'Assemblée fédérale règle la question de la prévoyance professionnelle des magistrats dans un arrêté fédéral de portée générale non sujet au référendum (al. 1). Les prestations de la prévoyance professionnelle se composent de la retraite et des rentes de survivants (al. 2). Les magistrats en fonction ne sont pas soumis à l'assurance obligatoire au sens de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (al. 3).

Selon l’art. 3 de l’ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les traitements et la prévoyance professionnelle des magistrats (RS 172.121.1), les magistrats bénéficient d'une retraite équivalant à la moitié du traitement d'un magistrat en fonction (al. 1). Le droit à la retraite complète prend naissance: pour les membres du Conseil fédéral, lorsqu'ils quittent leurs fonctions après au moins quatre ans d'activité ou préalablement pour des raisons de santé (let. a) (al. 2). L’art. 5 prévoit qu’aussi longtemps qu'un ancien magistrat perçoit un revenu, sa retraite est réduite dans la mesure où le total de la retraite et du revenu provenant d'une activité lucrative et de la rente excède le traitement annuel d'un magistrat en fonction. Aux termes de l’art. 12, le maintien de la prévoyance pour les assurés de la Caisse fédérale de pensions ainsi que pour les professeurs visés à l'art. 18, al. 1, de l'ordonnance du 16 novembre 1983 sur le corps des maîtres des EPF qui sont soumis à l’[ordonnance] est régi par l'art. 4 de la loi fédérale du 17 décembre 1993 sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité.

Dans son message à l'appui d'un projet de loi et d'un projet d'arrêté fédéral relatifs à la rétribution et à la prévoyance professionnelle des membres du Conseil fédéral et du Tribunal fédéral ainsi que du chancelier de la Confédération du 14 septembre 1988, le Conseil fédéral a précisé que la réglementation des pensions de retraite ne s'appliquait qu'à 49 magistrats, de sorte qu’il n’avait pas paru opportun d'instituer un régime de prévoyance calqué sur celui de la LPP. Il fallait aussi tenir compte du fait qu'avant leur entrée en fonction, les magistrats étaient affiliés aux institutions de prévoyance les plus diverses et qu’une coordination entre ces réglementations et celle proposée entraînerait des complications, raison pour laquelle on avait renoncé à assujettir les magistrats en fonction à la LPP. Le régime spécial prévu dans l'arrêté fédéral pour les prestations de libre passage pour les magistrats qui, avant leur entrée en fonction, étaient assurés auprès d'une institution de prévoyance de la Confédération s'écartait aussi bien de la LPP que des ordonnances concernant la Caisse fédérale d'assurance et la Caisse de pensions et de secours des CFF. Ces dérogations appelaient une base légale claire et nette, introduite à l’art. 3 al. 4 du projet de loi. Au sujet de l’art. 12 de l’ordonnance, le Conseil fédéral a exposé que de manière à éviter à la Confédération une double charge, le magistrat assuré qui quittait l'institution de prévoyance de la Confédération pour être mis au bénéfice du régime de la retraite perdrait la part des avoirs versés par la Confédération à la Caisse d'assurance. Toutefois, les cotisations et sommes de rachat versées par l'assuré avant qu'il ne devienne magistrat lui reviendraient en sus des prestations allouées en vertu de la présente réglementation sur les retraites. Afin que les cantons et les communes aient également la possibilité d'assujettir leurs magistrats à des régimes particuliers de prévoyance professionnelle, le Conseil fédéral se proposait, une fois l’arrêté accepté, de modifier en conséquence l’art. 1 OPP 2 (Message du 14 septembre 1988, FF 1988 III 694 et 696).

15.    Malgré les exigences minimales fixées par la LPP, qui incluent la prestation de libre passage, comme on l’a vu, la loi laisse une grande autonomie aux institutions de prévoyance, ce que la doctrine qualifie d’étonnant dans un système d’assurance obligatoire. Cette volonté du législateur s’explique par la genèse de la LPP : lors de son entrée en vigueur, il existait plus de 18'000 institutions de prévoyance en Suisse et plus de 80 % des salariés faisaient partie d’une institution de prévoyance en faveur du personnel. L’intention générale lors des débats parlementaires était de préserver l’acquis en matière de prévoyance professionnelle, de l’étendre et de le consolider dans le cadre de l’assurance obligatoire. L’objectif déclaré du législateur était de permettre aux institutions existantes de s’intégrer dans le nouveau système LPP. Cette idée d’intégration était fondamentale pour le système suisse de la prévoyance professionnelle. Les prescriptions minimales décrites par les normes de la deuxième partie de la loi constituent ainsi la limite inférieure de la protection de prévoyance à accorder à toutes les personnes assurées conformément à la loi (Thomas GÄCHTER / Kaspar SANER, Commentaire LPP et LFLP, nn. 7-8 pp. 171-172). Ainsi, aux termes de l’art. 49 al. 1 1ère phrase LPP, les institutions de prévoyance sont libres d’adopter le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation qui leur conviennent. Elles doivent établir les dispositions nécessaires sur les prestations, l'organisation, l'administration et le financement, le contrôle, et les rapports avec les employeurs, les assurés et les ayants droit. Dans le cas des institutions de droit public, ces dispositions peuvent être édictées par la corporation de droit public concernée (cf. art. 50 al. 1 et 2 LPP).

Il  est loisible aux institutions de prévoyance reconnues de prévoir les prestations supérieures aux minimaux légaux (ATF 131 II 593 consid. 4.1). Lorsqu’une institution de prévoyance décide d'étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées dans la loi (prévoyance surobligatoire ou plus étendue), on parle alors d'institution de prévoyance « enveloppante » (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2015 du 4 mars 2016 consid. 3).

16.    Une institution de prévoyance « enveloppante » propose en général un plan de prestations unique qui inclut les prestations minimales et les améliore, sans opérer de distinctions entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_155/2014 du 27 mars 2014 consid. 4.3.2). Une institution de prévoyance enveloppante doit verser les prestations légales si elles sont supérieures à celles auxquelles le règlement donne droit. Dans le cas contraire, ce sont les prestations réglementaires qui sont servies (principe d’imputation, Anrechnungsprinzip ou Vergleichsprinzip (ATF 136 V 65 consid. 3.7 et les références). Afin de s'assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences minimales de la LPP, autrement dit si la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP, l'institution de prévoyance est tenue de pouvoir procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP et les prestations réglementaires (Schattenrechnung) (ATF 138 V 176 consid. 5.4).

Le principe d’imputation (méthode comparative) est un des éléments de base de la prévoyance professionnelle enveloppante. Découlant de la conception de la LPP en tant que loi-cadre, le principe d’imputation est la méthode par excellence permettant de déterminer la conformité à la loi des prestations réglementaires et de leur financement. Cette méthode a été reconnue de longue date en lien avec la conformité à la loi de prétentions de libre passage réglementaires après l’entrée en vigueur de la LPP (Markus MOSER, Das Anrechnungsprinzip als Grundelement der umhüllenden beruflichen Vorsorge « im Zerrspiegel » der Rechtsprechung, RSAS 2011 p. 58 ; cf. pour un cas d’application ATF 114 V 239 consid. 8 à 10). Ce principe a notamment conduit le Tribunal fédéral à considérer que l'institution de prévoyance « enveloppante » qui accorde, en lieu et place d'une rente d'invalidité et d'une rente complémentaire d'invalidité pour enfant, une rente d'invalidité unique dont le montant est supérieur au montant de la rente d'invalidité et de la rente complémentaire d'invalidité pour enfant prévues par la LPP, respecte le droit fédéral (ATF 136 V 313 consid. 5.3.7). En cas d’augmentation du taux d’invalidité, son application rend impossible le cumul de la rente fondée sur le règlement de prévoyance perçue jusque-là avec une nouvelle rente partielle reposant sur la prévoyance obligatoire (ATF 136 V 65 consid. 3.8). Ledit principe s'applique aussi en ce qui concerne le capital, raison pour laquelle un intérêt moindre ou nul de l'avoir de vieillesse est aussi admissible dans certaines limites dans le cas d'un excédent de couverture de l'institution de prévoyance (ATF 140 V 169 consid. 9).

17.    Selon l’art. 49 al. 1 Cst, le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Les art. 111 et 113 Cst confèrent à la Confédération une compétence concurrente étendue dans le domaine de la prévoyance professionnelle (ATF 130 V 369 consid. 6.1). Dès lors que la Confédération a fait usage de sa compétence législative, les cantons ne peuvent édicter des dispositions dérogeant au droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_6/2016 du 18 juillet 2016 consid. 5.3).

Il y a conflit de normes, qui conduit à l’inapplication de l’une d’elles, lorsque plusieurs normes règlementent le même objet de façon différente (ATF 142 II 369 consid. 5.3). Pour déterminer l’existence d’un conflit entre une règle fédérale et une règle cantonale, il importe d’interpréter ces règles. En matière de primauté du droit fédéral, tout est en effet affaire d’interprétation : évaluer le sens et la portée des normes applicables, juger de leur compatibilité réciproque, trancher les conflits véritables. Or, l’un des principes essentiels d’interprétation en matière de fédéralisme est celui de l’interprétation conforme à la Constitution. Ce principe prend un sens particulier dans ce domaine. Non seulement le Tribunal fédéral recherchera s’il est possible de conférer à la norme cantonale une portée qui la fasse apparaître comme conforme à la répartition des compétences et à la règle fédérale applicable, mais il s’efforcera encore d’interpréter cette règle fédérale de façon à éviter qu’elle entre en conflit avec la première. Tant qu’il est possible, d’après les méthodes et les principes d’interprétation traditionnels, d’établir une concordance entre les deux normes, il n’y a pas de conflit, les deux normes peuvent coexister et le principe de la primauté du droit fédéral ne s’applique pas (Andreas AUER / Giorgio MALINVERNI / Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, 3ème éd., Berne 2013, p. 379 ch. 1104).

En application des principes précités, notre Haute Cour a retenu qu’une disposition cantonale imposant aux communes d’affilier leur personnel à une institution de prévoyance déterminée est contraire à l’art. 11 LPP, lequel permet à l’employeur de choisir de s’affilier à une institution de prévoyance ou d’en créer une. Une telle disposition viole la force dérogatoire du droit fédéral et devait ainsi être supprimée (ATF 135 I 28 consid. 5.5). Elle a également considéré que les art. 49 al. 1 Cst et 50 al. 3 1ère phrase LPP rendent impératif l'art. 1i al. 1 OPP2, selon lequel les institutions de prévoyance ne peuvent pas prévoir un âge de la retraite inférieur à 58 ans sauf exceptions, et qu’un règlement autorisant une retraite anticipée avant cet âge est clairement contraire au droit (arrêt du Tribunal fédéral 9C_840/2015 du 28 juin 2016 consid. 4.2).

18.    L’application d’une loi n’est possible que si elle ne présente pas de lacune proprement dite, c’est-à-dire si le législateur n’a pas omis de répondre à une question qui doit être résolue pour que la loi en cause puisse être appliquée. Une telle lacune au sens étroit existe lorsque la loi est incomplète, en ce sens qu’elle ne contient pas de règle relative à un point nécessaire à son application, soit elle est inconséquente au sens où elle ne contient pas une règle qui, appliquée à certaines situations particulières, aboutit à un résultat manifestement contraire à son objectif ou sa systématique et l’interprétation de cette loi ne permet pas d’en compléter le régime à satisfaction de droit, fût-ce en recourant à un argument d’interprétation du type a pari ou a fortiori. Tel est par exemple le cas lorsque la loi ne prévoit pas de règle de droit transitoire, ou lorsqu’elle ne règle pas un conflit de compétence. On parle parfois des lacunes proprement dites comme des lacunes logiques. Il résulte de leur nature que l’autorité d’application a en principe l’obligation de les combler, faute de quoi elle commettrait un déni de justice formel. Même en faisant acte de législateur, l’autorité doit s’en tenir à la répartition des fonctions institutionnelles en respectant la lettre, l’esprit, les buts et les valeurs de la loi ; en s’en inspirant pour la compléter de manière adaptée et cohérente et en se limitant à ce qui est nécessaire pour trancher le cas d’espèce (Jacques DUBEY / Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, ch. 408-410 p. 145).

Il y a lacune improprement dite (unechte Lücke) lorsque le législateur a répondu à une question mais que la réponse conduit à une solution insatisfaisante voire intenable. Les lacunes improprement dites sont ainsi des lacunes de politique juridique (rechtspolitische Lücken) ou des lacunes d’appréciation (Wertungs-lücken). Conformément au principe de légalité, ces lacunes ne peuvent être comblées que lorsque l’application de la norme en question équivaudrait à un abus de droit (Pierre TSCHANNEN / Ulrich ZIMMERLI / Markus MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4ème édition, Berne 2014, p. 212). Conformément à la jurisprudence, il est ainsi en principe interdit de corriger les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant de la norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution (ATF 131 II 562 consid. 3.5 et les références). Tout résultat insatisfaisant de l’application d’une norme ne justifie pas une correction par voie prétorienne, il faut un défaut particulièrement grave du point de vue de la politique juridique. Le comblement d’une telle lacune vise en effet à éviter un résultat choquant ou une solution absurde qui défie la logique (Ulrich HÄFELIN, Zur Lückenfüllung im öffentlichen Recht in Festschrift zum 70. Geburtstag von Hans Nef, Zurich 1981, pp. 104-105).

L’existence d’une lacune ne peut être admise à la légère. Elle ne doit être reconnue que lorsqu’une réglementation ne peut être déduite de la lettre ou de l’interprétation de la loi et qu’aucune solution ne se dégage de l’application par analogie des dispositions en vigueur (ATF 100 Ib 137 consid. 5b et les références). Il y a également lieu, avant d’admettre l’existence d’une lacune à combler, de déterminer si l’absence d’une disposition ne constitue pas une réponse délibérément négative de la loi, c’est-à-dire un silence qualifié. Dans un tel cas, la loi n’a pas omis de régler une question mais l’a tacitement exclue (Ulrich HÄFELIN / Georg MÜLLER / Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd. 2016, p. 47). En cas de silence qualifié, le législateur a bien identifié un problème déterminé, mais il a délibérément renoncé à le réglementer dans la loi concernée. La validité de l'argument suppose la preuve de l'intention (négative) du législateur, qui pourra généralement être apportée par les travaux préparatoires (ATF 140 III 251 consid. 4.2). La jurisprudence retient que l’inaction du législateur équivaut à un silence qualifié lorsqu’il a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part (ATF 140 V 227 consid. 3.3.3, ATF 127 V 439 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_102/2016 du 20 décembre 2016 consid. 2.3 et 6B_1026/2015 du 11 octobre 2016 consid. 4.3.1).

Savoir si l’on est en présence d’une lacune proprement dite, que le juge peut et doit combler en raison de l’économie de la loi, ou d’une lacune improprement dite relevant de considérations de politique législative qui sortent du champ de compétence du pouvoir judiciaire, est une question d’interprétation parfois délicate, car la frontière entre ces deux notions peut se révéler relativement ténue (ATF 139 I 57 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_818/2009 du 9 juillet 2010 consid. 4.6). Le comblement de la lacune d’une loi doit s’effectuer à l’aune des objectifs et des valeurs sous-tendant cette dernière (ATF 142 V 402 consid. 4.2, ATF 140 III 636 consid. 2.2, ATF 140 III 206 consid. 3.5.1).

19.    Il convient en premier lieu de déterminer si les conseillers d’État du canton de Genève sont assujettis à la prévoyance professionnelle.

En l’espèce, il n’est pas contesté que le traitement de la demanderesse constitue un salaire déterminant au sens de l’AVS et qu’il est supérieur au montant minimal de l’art. 7 LPP. Conformément aux arrêts cités plus haut, cela suffit à admettre l’obligation d’assurance en matière de LPP. Il n’est cependant pas inutile d’ajouter que même s’il fallait faire abstraction de la qualification du revenu déterminant au sens de l’AVS, on ne saurait en aucun cas considérer que la fonction de conseiller d’État constitue une activité indépendante au sens de l’AVS. Au vu de sa position hiérarchique, un conseiller d’État ne reçoit certes pas d’instructions sur la manière de mener à bien ses tâches, de sorte qu’il n’existe pas de rapport de subordination au sens classique du terme. Il est cependant tenu d’exercer personnellement sa fonction et n’assume aucun risque d’entrepreneur au sens de la jurisprudence. La défenderesse ne le conteste d’ailleurs pas expressément, tout en soutenant que la qualification au sens de l’AVS ne suffit pas à considérer que la demanderesse était salariée au sens de la LPP. Cet argument tombe cependant à faux, comme cela ressort de la jurisprudence et de la doctrine citées. On relèvera en particulier qu’on ne se trouve pas ici dans une des constellations qui a suscité les critiques doctrinales rappelées ci-dessus, où la perception de jetons de présence conduit à l’assujettissement de l’intéressé.

En ce qui concerne la nature particulière de leurs rapports de fonction, on notera que le fait que les conseillers d’État soient élus pour une durée déterminée est une concrétisation des fondements démocratiques de l’État. La durée de fonction est étroitement liée au statut de fonctionnaire. Les spécificités du fonctionnariat ont toutefois perdu en signification dans les dernières décennies, et un rapprochement a eu lieu avec les travailleurs de l’économie privée. Le statut des fonctionnaires s’est également rapproché de celui des employés de la fonction publique. La différence la plus saillante consiste en l’engagement des fonctionnaires pour une durée de fonction déterminée. Hormis ce point – et les éventuelles différences de salaire – les conditions de travail et le statut des fonctionnaires ne se différencient plus guère de ceux des employés de la fonction publique (Matthias MICHEL, Amtsdauersystem, Peter HELBLING / Tomas POLEDNA [éd.], Personalrecht des öffentlichen Dienstes, Berne 1999, pp. 156-157). Statuant sur une modification légale abaissant le revenu du maire d’une commune, le Tribunal fédéral a ainsi rappelé que les magistrats sont soumis aux mêmes principes que les fonctionnaires s’agissant des principes régissant les réductions de traitement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_230/2007 du 11 mars 2008 consid. 4.3). En matière d’assujettissement à la prévoyance professionnelle, les rapports de service de droit public ne sont pas mentionnés à l’art. 2 al. 1 LPP. Leur assujettissement à la prévoyance professionnelle est cependant incontestable et n’a jamais fait l’objet d’une procédure judiciaire (STAUFFER, op. cit., p. 190 n. 530).

De plus, les prestations minimales de la LPP relèvent du droit impératif, de sorte qu’une base légale est nécessaire pour soustraire certaines catégories d’employés à son champ d’application. A ce sujet, il convient de souligner que la modification envisagée par le Conseil fédéral afin de permettre aux cantons d’assujettir leurs magistrats à des régimes particuliers de prévoyance n’a en définitive pas été mise en œuvre, de sorte qu’une telle base légale autorisant les corporations de droit public à déroger à l’assujettissement obligatoire paraît faire défaut. En particulier, la défenderesse ne saurait tirer argument du fait que les magistrats fédéraux ne sont pas soumis à la prévoyance obligatoire selon la LPP et la LFLP, dès lors qu’une telle exemption est prévue par des dispositions fédérales, de même rang et qui priment sur la réglementation générale à titre de dispositions spéciales (lex specialis derogat legi generali, cf. ATF 120 Ib 199 consid. 3b).

Au vu des éléments qui précèdent, la fonction exercée par la demanderesse de 2009 à 2013 doit être considérée comme une activité dépendante assurée selon la LPP.

Les champs d’application de la LPP et de la LFLP étant largement superposables, dès lors que la seconde s’applique aux régimes de prévoyance régis par la première, la demanderesse est par voie de conséquence également assujettie à la LFLP.

En outre, l’art. 2 RTRCE prévoit l’application des dispositions impératives de la LPP. Ainsi, même s’il fallait admettre que la demanderesse n’est pas directement assujettie à la LPP et à la LFLP, cette disposition réglementaire cantonale suffit à asseoir ses prétentions au versement des prestations minimales du droit fédéral.

20.    Il convient à présent d’examiner si la demanderesse a droit, en sus de l’indemnité qui lui a déjà été octroyée en vertu de l’art. 8 LTRCE, à une indemnité de libre passage.

a) Comme cela ressort des travaux préparatoires de la LTRCE, l’indemnité prévue à son art. 8 vise à atténuer les conséquences financières de la fin des rapports de fonction. Elle est ainsi assimilable à l’indemnité de départ que peuvent prévoir les contrats de travail soumis au droit privé, et n’a pas le caractère d’une prestation de prévoyance. Le Tribunal fédéral a rappelé au sujet de telles indemnités que les institutions de prévoyance de droit public prévoient en règle générale en sus des prestations d’assurance au sens étroit (prestations de vieillesse, de survivants et d’invalidité) des prestations particulières en cas de non-réélection non fautive ou de licenciement. Ces prestations englobent des indemnités ou des rentes, en fonction de la durée des rapports de service. Le rapport avec les prestations de libre passage est souvent réglé de telle manière qu’une prestation de libre passage n’est due qu’à l’assuré qui n’a pas droit à une prestation de la caisse, en particulier à une rente de licenciement ou à une indemnité. Cependant, selon les dispositions fédérales également applicables au droit cantonal de la prévoyance, il n’y a pas de droit à une prestation de sortie lorsque des prestations d’assurance au sens étroit sont dues lors de la résiliation des rapports de service. Le principe de subsidiarité de la prestation de libre passage par rapport aux prestations d’assurance ne s’applique en revanche pas s’agissant de prestations versées par des institutions de prévoyance en cas de non-réélection non fautive ou de licenciement, dès lors qu’elles ne relèvent pas de prestations d’assurance au sens étroit. En vertu du droit fédéral, l’assuré qui sort d’une institution de prévoyance de droit public a, par rapport à ces prestations, un droit prioritaire à son avoir de libre passage (ATF 119 V 135 consid. 4b et 5a). Notre Haute Cour a par la suite confirmé que le droit à une rente en cas de résiliation administrative des rapports de service, prestation de la prévoyance plus étendue, ne relève pas d'un cas de prévoyance au sens étroit visé par l'art. 1er al. 2 LFLP (atteinte de la limite d'âge, décès et invalidité) (ATF 124 V 327 consid. 3b).

Partant, le versement de l’indemnité de l’art. 8 LTRCE, qui ne relève pas d’une prestation de la prévoyance professionnelle au sens étroit, ne saurait se substituer à une prestation de libre passage ou en exclure le versement. C’est également en raison de la nature différente de ces indemnités que le principe d’imputation ne s’applique pas en l’espèce, bien qu’on puisse admettre sans qu’il soit besoin de procéder à un calcul plus avancé que le montant de CHF 312'716.- perçu par la demanderesse est largement supérieur aux prestations légales obligatoires. Il est vrai que les modalités de versement de cette indemnité, telles qu’exposées par la défenderesse dans son courrier du 25 novembre 2013, sont analogues à celles prévues aux art. 3 et 5 LFLP. Cela étant, ces conditions – dont le respect n’a du reste pas été vérifié en l’espèce puisque le montant a en définitive été versé sur le compte privé de la demanderesse – ne ressortent ni de la LTRCE ni du RTRCE, de sorte qu’elles ne suffisent pas à assimiler l’indemnité de l’art. 8 LTRCE à une prestation de libre passage. Le fait que l’AFC ait procédé à l’imposition de cette indemnité selon le taux réservé aux prestations de la prévoyance n’est pas non plus déterminant, dès lors que le juge des assurances sociales n’est pas lié par la qualification de l’administration fiscale, même s’il évite dans la mesure du possible de s’en écarter (ATF 122 V 178 consid. 3b). C’est encore le lieu d’ajouter que selon l’art. 6 al. 2 let. h RAVS, les prestations réglementaires d'institutions de prévoyance professionnelle, si le bénéficiaire a un droit propre envers l'institution au moment où l'événement assuré se produit ou lorsque l'institution est dissoute, ne font pas partie du revenu provenant d’une activité lucrative. Par conséquent, si la défenderesse considérait que l’indemnité versée à la demanderesse relevait d’une prestation du 2ème pilier, elle n’était pas fondée à prélever des cotisations sur ce montant.

b) La défenderesse fait valoir que la LTRCE doit être interprétée de manière conforme au droit supérieur. Cet argument tombe cependant à faux. En effet, l’interprétation conforme au droit supérieur s’impose en cas de contradiction entre la norme de rang supérieur et celle de rang inférieur. Il n’y a toutefois pas de contradiction lorsque la disposition cantonale, comme en l’espèce, n’a pas le même objet que le droit fédéral et que l’application concurrente des deux normes ne conduit pas à un conflit de lois.

c) La défenderesse invoque encore un silence qualifié du législateur cantonal, qui exclurait le comblement d’une lacune. Or, la LTRCE est antérieure à la LPP et la LFLP. Elle n’a pas subi de modifications de fond à la suite de la promulgation de la législation fédérale relative à la prévoyance professionnelle et au libre passage. Dans ce contexte, et bien que ces points ne fassent pas l’objet du litige, il n’est pas inutile d’exposer notamment à titre liminaire que l’organisation de la défenderesse ne paraît a priori entre autres pas satisfaire les exigences en matière d’indépendance organisationnelle et financière introduites par la novelle de la LPP entrée en force au 1er janvier 2012. Sur ce point, on soulignera en particulier que la fortune de l’institution de prévoyance et la fortune de l’employeur ne peuvent se mélanger. Il est notamment interdit à l’institution de prévoyance de se servir dans sa fortune – comprenant les réserves de contributions patronales – pour régler des dettes de l’employeur découlant du contrat de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2009 du 8 février 2010 consid. 8.3.2). De plus, le versement d’une pension sans condition d’âge aux magistrats quittant leur charge après huit ans, tel qu’il est prévu par l’art. 6 LTRCE, semble incompatible avec l’art. 1i al. 1 OPP 2. Enfin, la mise en œuvre des mesures d’encouragement à la propriété n’est réglée ni dans la LTRCE, ni dans le RTRCE, pas plus que la prestation de libre passage des conseillers d’État ayant accompli au moins huit ans de fonction. La presse s’est d’ailleurs récemment fait l’écho des problématiques en lien avec la LTRCE (Tribune de Genève, édition du 16 mars 2017, éditorial et article p. 17), et c’est du reste à la suite de cet article que le PL 12077 a été déposé.

Dès lors que certaines dispositions de la LTRCE sont contraires au droit fédéral et auraient exigé une intervention du législateur pour adapter le droit cantonal aux nouvelles exigences du droit fédéral, on ne peut retenir qu’on se trouve ici en présence d’un silence qualifié, dont l’admission suppose qu’il n’était pas nécessaire de légiférer sur un point particulier. Dans ces conditions, on ne saurait considérer que l’absence de référence à la prestation de libre passage dans la LTRCE résulte d’une volonté délibérée du législateur cantonal, au motif qu’il considérait que l’indemnité de l’art. 8 LTRCE en tenait lieu, a fortiori en l’absence de tout indice dans les travaux parlementaires pour asseoir une telle analyse. En outre, l’absence de référence expresse à la LFLP dans la LTRCE et le RTRCE s’explique par la chronologie de la promulgation de ces différents textes, si bien qu’on ne peut en tirer argument en faveur d’un silence qualifié. Quoi qu’il en soit, admettre que c’est intentionnellement que le législateur cantonal n’a pas réglementé le droit à la prestation de libre passage des conseillers d’État reviendrait à consacrer une violation du droit fédéral, puisque les prestations dues selon la LTRCE ne satisfont pas aux exigences minimales du droit fédéral en matière de libre passage, à tout le moins s’agissant de ceux qui ont accompli leur fonction durant moins de huit ans.

21.    Au vu de ce qui précède, force est d’admettre que la demanderesse a droit à une prestation de libre passage en sus de l’indemnité de CHF 312'716.- déjà perçue.

La demanderesse a conclu à ce que cette prestation soit calculée selon la primauté des prestations et qu’un expert actuaire soit chargé de son établissement en application des statuts de l’ex-CIA.

La chambre de céans relève toutefois que l’absence de réglementation au plan cantonal, en tant que la LTRCE ne prévoit pas le versement d’une prestation de libre passage, ne constitue pas une véritable lacune proprement dite qu’il y aurait lieu de combler. En effet, dans un tel cas, les dispositions impératives de la législation fédérale s’appliquent et l’assuré peut prétendre aux prestations minimales selon la LPP et la LFLP. On peut également se référer par analogie à l’art. 12 al. 1 1ère phrase LPP, qui prévoit que les salariés et leurs survivants ont droit aux prestations légales même si l'employeur ne s'est pas encore affilié à une institution de prévoyance. On rappellera en outre que lorsqu’il est question de prestations selon la LPP, on se réfère généralement à des prestations en primauté des cotisations (STAUFFER, op. cit., p. 130 n. 383). La demanderesse n’a ainsi pas droit à l’allocation de prestations surobligatoires telles qu’elles étaient prévues dans les statuts de l’ex-CIA.

La demanderesse a ainsi droit aux prestations minimales selon la loi, soit au montant résultant des calculs comparatifs des art. 15 et 17 LFLP et de l’art. 15 LPP qui lui est le plus favorable.

Partant, il est superflu de confier le calcul de ce montant à un expert actuaire et il appartiendra à la défenderesse d’y procéder. Sur ce point, la chambre de céans relève que la demanderesse n’a pas pris de conclusions chiffrées, et que les conclusions initiales de sa demande tendaient au renvoi à la défenderesse pour calcul de la prestation de libre passage, de sorte que le litige portait sur la question de principe de savoir si elle avait droit à une prestation de libre passage et non sur sa quotité. Ce point ayant été résolu par l’affirmative, un renvoi à l’institution de prévoyance qui – à l'inverse de la chambre de céans – dispose des ressources informatiques et des documents nécessaires – afin de déterminer le montant de la prestation minimale respecte les principes de simplicité et d'économie de procédure ancrés à l'art. 73 al. 2 LPP (ATF 129 V 450 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral a certes considéré s’agissant d’un renvoi à l’institution de prévoyance, à charge pour cette dernière de déterminer le montant des salaires assurés, qu’il appartenait en réalité à la chambre de céans de déterminer ces salaires, les conclusions du demandeur, bien qu’elles ne fussent pas chiffrées, étant d’emblée reconnaissables dès lors qu’elles ressortaient clairement de l'extrait du compte individuel AVS joint à la demande (arrêt du Tribunal fédéral 9C_832/2013 du 23 avril 2014 consid. 9.1). Il a cependant rappelé dans une jurisprudence subséquente qu’il n'y a pas lieu d'imposer à la juridiction cantonale de chiffrer ses conclusions, conformément à la jurisprudence constante selon laquelle une autorité judiciaire de première instance qui ne fait que constater un droit aux prestations quant au principe, suivant en cela les conclusions de l'action, mais qui ne chiffre pas le montant de ces prestations, respecte le droit fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 9C_507/2014 du 7 septembre 2015 consid. 9).

22.    Eu égard à ce qui précède, la demande est admise partiellement, les conclusions de la demanderesse tendant au versement de prestations surobligatoires étant rejetées.

Il incombe à la défenderesse de calculer et verser la prestation minimale.

Contrairement aux autres branches des assurances sociales, la législation en matière de prévoyance professionnelle ne contient aucune disposition relative à la fixation des dépens pour la procédure devant le tribunal cantonal désigné pour connaître des litiges en matière de prévoyance professionnelle (cf. art. 73 al. 2 LPP). Il appartient par conséquent au droit cantonal de procédure de déterminer si et à quelles conditions il existe un droit à une indemnité de dépens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_590/2009 du 26 mars 2010 consid. 3.1). Selon l’art. 89H al. 3 LPA, une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause. Les dépens sont fixés en fonction du nombre d’échanges d’écritures, de l’importance et de la pertinence des écritures, de la complexité de l’affaire et du nombre d’audiences et d’actes d’instruction (ATAS/334/2013). L’art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03) prévoit que la juridiction peut allouer à une partie pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de 200 à 10 000 F.

En l’espèce, il se justifie d’allouer une indemnité de CHF 4'000.- à la demanderesse à titre de dépens. Ceux-ci seront supportés solidairement par la défenderesse et l’appelé en cause.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. g LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES
 :

Statuant
conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

 

À la forme :

1.        Déclare la demande recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Invite la défenderesse à procéder au calcul et au versement de la prestation de libre passage au sens des considérants.

4.        L’y condamne en tant que de besoin.

5.        Condamne la défenderesse et l’appelé en cause, solidairement, à verser à la demanderesse une indemnité de dépens de CHF 4'000.-.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le