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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1555/2018

ATAS/318/2019 du 16.04.2019 ( PC ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1555/2018 ATAS/318/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 16 avril 2019

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à PERLY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Monique STOLLER FÜLLEMANN

 

 

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1945, domicilié à Perly (GE), neveu de Monsieur B______, a épousé, en date du ______ 1981, Madame A______ née C______ le _______ 1959, fille de Monsieur et Madame C______. Le couple A______ a eu trois enfants, soit D______ (né le _______ 1987) ainsi que E______ et F______ (nées le ______ 1988).

2.        M. B______ est décédé ______ 2012 à Thônex (GE).

3.        L’assuré a atteint l’âge légal de la retraite le 28 mai 2010 et perçoit depuis lors une rente de l’assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS).

4.        Le 8 avril 2015, l’assuré a saisi le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé) d’une demande de prestations complémentaires, étant précisé, au titre de ses ressources, notamment que son épouse était arrivée en fin de droit de l’assurance-chômage le 7 avril 2015.

5.        Après instruction de la demande, le SPC a reconnu à l’assuré le droit à des prestations complémentaires fédérales (ci-après : PCF) et cantonales (ci-après : PCC) ainsi qu’à des subsides d’assurance-maladie (ci-après : SubAM) dès le 1er mai 2015, la première fois par une décision du 1er septembre 2015, puis par des décisions subséquentes (en particulier des 10 décembre 2015, 2 août 2016, 13 décembre 2016 et 3 août 2017). Ainsi, de mai 2015 à août 2017, l’assuré a perçu un total de CHF 30'116.- de PCF et PCC, plus précisément les montants suivants pour les périodes indiquées ci-après :

Période

PCF/mois CHF

PCC/mois CHF

Nb mois

Total PCF CHF

Total PCC CHF

01.05 – 31.08.2015

311.-

397.-

4

1'244.-

1'588.-

01.09 – 31.12.2015

450.-

397.-

4

1'800.-

1'588.-

01.01 – 31.08.2016

582.-

480.-

8

4'656.-

3'840.-

01.09 – 31.12.2016

716.-

480.-

4

2'864.-

1'920.-

01.01 – 31.08.2017

764.-

563.-

8

6'112.-

4'504.-

Total

 

 

 

30'116.-

L’assuré a par ailleurs bénéficié, pour cette même période, d’un total de CHF 25'294.40 de SubAM, ainsi que – en vertu de plusieurs décisions (en particulier des 13 mai 2016, 5 septembre 2016 [deux décisions], 22 décembre 2016, 29 mai 2017) – de participations à des frais de maladie pour un total de CHF 4'017.15.

6.        Par un courrier du 9 mars 2017, l’assuré a informé le SPC qu’en janvier 2017 il avait bénéficié d’une part d’héritage dans la succession de son oncle B______, soit une somme de CHF 100'000.- (versée le 11 janvier 2017 sur son compte PostFinance), qu’il avait aussitôt utilisée, le 12 janvier 2017, à hauteur de CHF 78'000.-, pour rembourser un emprunt de CHF 30'000.- contracté auprès de ses beaux-parents (M. et Mme C______) et partager une partie du solde (CHF 48'000.-) entre ses trois enfants, D______ (CHF 15'000.-), E______ (CHF 16'500.-) et F______ (CHF 16'500.-). Les mentions suivantes figuraient sur la confirmation de paiement e-finance de ces versements : « Remboursement de votre générosité » pour les CHF 30'000.- versés à « C______», « Première partie du tonton » pour les CHF 15'000.- versés à « D______», « Tonton B______ et solde de ton prêt » pour les CHF 16'500.- versés à « E______ » et « Tonton B______ solde de ton prêt » pour les CHF 16'500.- versés à « F______ ».

7.        Par courrier du 10 août 2017, l’assuré a informé le SPC qu’il avait reçu le solde de l’héritage de son oncle B______, soit une somme de CHF 215'183.66 (versée sur son compte PostFinance le 6 juillet 2017), dont il avait versé une partie, soit CHF 165'000.-, à ses trois enfants précités, à hauteur de CHF 55'000.- pour chacun d’eux, avec la mention (à teneur de la confirmation de paiement e-finance) « solde Onc’B______ ».

8.        Par décision du 23 août 2017 (expédiée le 30 août 2017), le SPC a indiqué à l’assuré avoir repris le calcul de ses prestations complémentaires avec effet au 1er avril 2015 en tenant compte de la part d’héritage que celui-ci avait reçue suite au décès de M. B______. La nouvelle situation laissait apparaître que ses dépenses reconnues étaient entièrement couvertes par ses revenus durant toute la période considérée. L’assuré n’avait plus droit à des prestations complémentaires ni au SubAM dès le 1er septembre 2017, et il devait restituer les prestations qu’il avait perçues en trop pour la période du 1er avril 2015 au 31 août 2017, à savoir CHF 30'116.- de prestations complémentaires, CHF 25'294.40 de SubAM et CHF 4'017.15 de frais médicaux, donc CHF 59'427.55 au total.

9.        Par recommandé expédié le 27 septembre 2017, l’assuré a formé opposition à l’encontre de cette décision. Il avait rigoureusement tenu le SPC au courant de l’évolution de sa situation financière, par ses courriers précités des 9 mars et 10 août 2017. Il n’avait pas pu envisager à l’avance d’être l’héritier de son oncle B______, qui, « malade dans sa tête, avait consenti un legs à l’une de ses voisines. D’où un procès qui, dans l’incertitude de sa conclusion, [avait] duré quatre ans ». Lui et son épouse avaient considéré que ce bien appartenait à toute la famille, si bien qu’ils l’avaient partagé avec leurs « trois enfants, qui [les avaient] financièrement soutenus en période difficile, avant [qu’ils aient] accès [au SPC] ». Il souhaitait présenter les faits oralement au SPC, avec les documents et justificatifs que celui-ci jugerait nécessaires.

10.    Le 5 octobre 2017, le SPC a accusé réception de cette opposition. Il lui donnerait des nouvelles après un nouvel examen du dossier.

11.    Le 15 février 2018, le SPC a ordonné le blocage du compte PostFinance de l’assuré à hauteur de la somme réclamée de CHF 59'427.55, et il a invité l’assuré à lui retourner, dûment signé, un ordre de paiement de ladite somme, à défaut de quoi il procéderait à son encontre par la voie d’une poursuite.

12.    En réponse, le 13 mars 2018, l’assuré a écrit au SPC qu’il n’avait reçu aucune nouvelle suite au nouvel examen que celui-ci lui avait annoncé vouloir faire de son dossier. Il contestait la décision du SPC en tant qu’elle se fondait sur un re-calcul de son droit aux prestations complémentaires dès avril 2015, alors qu’il avait démontré que sa situation financière n’était à cette époque pas confortable et ne s’était améliorée que dans le courant de l’année 2017 (comme il l’en avait informé le SPC par ses courriers précités des 9 mars et 10 août 2017). Il ne comprenait pas qu’on lui reproche d’avoir partagé la succession de son oncle B______ avec ses enfants, estimant que toute la famille devait en bénéficier. Le blocage de son compte PostFinance, soit du seul compte bancaire dont il était titulaire, l’empêchait de payer son loyer, ses primes d’assurance, la nourriture et les boissons. Il répétait sa demande d’exposer sa situation lors d’une entrevue, qui permettrait de parvenir à une solution équitable et juste.

13.    Par décision sur opposition du 16 mars 2018, le SPC a rejeté l’opposition de l’assuré à la décision précitée du 23 août 2017. Dans le calcul du droit aux prestations complémentaires, la part d’héritage d’un assuré devait être prise en compte non à partir du moment où le partage de la succession était effectué mais déjà dès l’ouverture de la succession, soit dès le décès du défunt, même si la valeur de la succession n’était alors pas encore déterminable et même s’il n’y avait alors pas encore accroissement réel de la fortune de l’assuré ; le décès de l’oncle de l’assuré remontait au 24 septembre 2012, si bien que c’était à bon droit que le calcul du droit de l’assuré aux prestations complémentaires, tenant compte de l’héritage de CHF 315'183.65, avait été repris dès le début de son droit auxdites prestations. Les revenus déterminants comprenaient les ressources et parts de fortune dont l’assuré s’était dessaisi ; les versements effectués en faveur des enfants de l’assuré devaient être pris en compte à titre de biens dont l’assuré s’était dessaisi, dès lors qu’il s’agissait de donations à défaut de preuve contraire, de même que le prétendu remboursement d’un prêt à ses beaux-parents faute de documents prouvant ledit prêt (comme un contrat de prêt ou une reconnaissance de dette).

14.    Par acte du 8 mai 2018, l’assuré, désormais représenté par une avocate, a recouru contre cette décision sur opposition par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), en demandant, préalablement, à pouvoir compléter son recours une fois que le dossier du SPC aurait été produit, et, principalement, à l’annulation de cette décision et à l’octroi d’une indemnité de procédure. L’assuré contestait le calcul – mais pas le principe – du rétroactif effectué par le SPC compte tenu de l’héritage qu’il avait fait de feu son oncle B______, soit avec effet au 1er avril 2015.

15.    Le SPC a produit le dossier le 23 mai 2018.

16.    Par mémoire du 19 juillet 2018, l’assuré a complété son recours, en faisant valoir que la « confirmation de paiement e-finance » du 12 janvier 2017, annexée à son courrier du 9 mars 2017 au SPC, attestait de remboursement de prêts, à savoir à hauteur de CHF 30'000.- pour le versement effectué en faveur de M. et Mme C______ à titre de « remboursement de [leur] générosité », et, s’agissant des versements de CHF 16'500.- effectués en faveur de leurs filles E______ et F______ , d’un solde de leur prêt. Ces versements n’auraient pas dus être pris en compte en totalité à titre de biens dessaisis, car il ne s’agissait pas exclusivement de donations. La cause devait être renvoyée au SPC pour un nouveau calcul du droit de l’assuré aux prestations complémentaires.

17.    Le 3 septembre 2018, le SPC a conclu au rejet du recours. Les emprunts allégués n’avaient pas été démontrés à satisfaction. Aucun contrat de prêt ni aucune reconnaissance de dette n’avaient été produits ; dans son courrier du 9 mars 2017, l’assuré n’avait fait que citer, sans preuve, un emprunt de CHF 30'000.-, et il n’y avait pas fait mention de prêts que ses enfants lui auraient consentis.

18.    Dans des observations du 26 septembre 2018, l’assuré a objecté qu’il était courant que des prêts entre parents et enfants soient accordés sur l’honneur, sans signature de contrats de prêt ou de reconnaissances de dette. Lorsqu’il avait bénéficié des emprunts considérés, il ignorait qu’il percevrait un jour des prestations complémentaires, puisqu’il en avait fait la demande qu’ultérieurement. Il n’avait pas pensé à produire, en annexe à son courrier du 9 mars 2017, le justificatif de PostFinance attestant des remboursements précités.

19.    Le 28 janvier 2019, l’assuré a demandé à la CJCAS dans quel délai celle-ci statuerait sur son recours, suite à quoi la CJCAS lui a répondu qu’elle statuerait dans les meilleurs délais possibles compte tenu de la charge de la juridiction.

EN DROIT

1.        a. Le présent recours porte sur une décision du SPC, rendue sur opposition, re-calculant avec effet rétroactif le droit du recourant à des prestations complémentaires (y compris des participations versées à des frais médicaux) et à des SubAM, révoquant les décisions en vertu desquelles de telles prestations ont été allouées au recourant et faisant obligation à ce dernier de les restituer.

Les PCF sont régies par la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30) et la loi genevoise sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 14 octobre 1965 (LPFC - J 4 20). Les prestations complémentaires cantonales le sont par la loi genevoise sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), et les subsides d’assurance-maladie par la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) et la loi genevoise d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05).

b. La CJCAS est dès lors compétente pour connaître du présent recours. En effet, selon l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 et 4 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), elle connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives respectivement à la LPC et à la LAMal. Elle statue aussi, en vertu de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 LPCC, ainsi que sur celles prévues à l’art. 36 LaLAMal.

c. La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la LPA, complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que les articles précités de la LPA n'y dérogent pas (art. 89A LPA). Les dispositions spécifiques que la LPC ou la LPCC ou encore la LAMal ou la LaLAMal contiennent le cas échéant sur la procédure restent réservées (art. 1 al. 1 LPC et art. 1 al. 1 LAMal).

En matière de PCF, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de 30 jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA ; cf. également art. 9 LPFC). Il en va de même s’agissant des PCC (art. 43 LPCC) et des SubAM (art. 36 al. 1 LaLAMal). Le présent recours a été interjeté en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA).

Il satisfait aux exigences de forme et de contenu prescrites par les art. 61 let. b LPGA et 89B LPA.

Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA ; art. 60 al. 1 let. a et b et 89A LPA).

d. Le recours est donc recevable.

2.        a. Le recourant ne conteste pas qu’une part de l’héritage d’au total CHF 315'183.65 qu’il a fait dans la succession de son oncle B______ devait être prise en compte, au titre de sa fortune, pour le calcul de son droit aux prestations complémentaires et au SubAM, ni même – à teneur de son complément de recours – que tel devait être le cas rétroactivement à compter du décès dudit oncle (soit de l’ouverture de ladite succession, survenue le 24 septembre 2012), donc ici dès la date postérieure à partir de laquelle de telles prestations lui avaient été allouées (donc dès le 1er mai 2015, étant précisé qu’il ne lui a pas été reconnu le droit à de telles prestations pour avril 2015).

b. Il sied de rappeler que les PCF se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC), et que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Pour des assurés ne résidant pas en établissement médico-social mais étant bénéficiaires de rentes de vieillesse et vivant en couple sans enfant à charge, l’art. 11 al. 1 let. c LPC énumèrent, au titre des éléments qui composent les revenus déterminants, un dixième de la fortune nette dans la mesure où elle dépasse CHF 60'000.- (étant ajouté – bien que cela ne concerne pas le recourant – que si le bénéficiaire de prestations complémentaires ou une autre personne comprise dans le calcul de ces prestations est propriétaire d’un immeuble qui sert d’habitation à l’une de ces personnes au moins, seule la valeur de l’immeuble supérieure à CHF 112'500.- entre en considération au titre de la fortune).

Quant aux PCC, y ont droit les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC) ; le montant de la PCC correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC). Aux termes de l’art. 5 al. 1 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations, dont le fait que les PCF sont ajoutées au revenu déterminant (let. a) et qu’en dérogation à l’art. 11 al. 1 let. c LPC la part de la fortune nette prise en considération dans le calcul du revenu déterminant est de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse et après certaines déductions (let. c).

c. La fortune déterminante englobe tous les actifs que l’assuré a effectivement reçus et dont il peut disposer sans restriction, sous réserve d’un dessaisissement de fortune (ATF 127 V 248 consid. 4a ; 122 V 19 consid. 5a ; Ralph JÖHR / Patricia USINGER-EGGER, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, in Ulrich MEYER [éd.], Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, vol. XIV, Soziale Sicherheit – Sécurité sociale, 3ème éd., 2016, n. 117 ss ; Michel VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n. 43 ad art. 11). Selon le ch. 3443.01 des directives de l’office fédéral des assurances sociales concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (ci-après : DPC), font partie de la fortune d’un requérant ses biens mobiliers et immobiliers, ainsi que les droits personnels et réels lui appartenant ; l’origine des éléments de fortune est irrelevante.

La fortune déterminante comprend le cas échéant la part d’héritage revenant à l’assuré. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la part d'héritage d'un bénéficiaire des prestations complémentaires doit être prise en compte en principe dès l'ouverture de la succession qu'il acquiert de plein droit (art. 560 al. 1 du Code civil suisse [CC; RS 210]), soit au décès du de cujus (art. 537 al. 1 CC), et non seulement à partir du moment où le partage est réalisé. Des difficultés à obtenir la réalisation de cette part ne justifient pas en elles-mêmes l’abandon de cette règle. Une prise en compte de la part d’héritage ne peut cependant intervenir qu’à partir du moment où règne suffisamment de clarté sur la part successorale considérée ou, si celle-ci ne peut encore être déterminée avec suffisamment de précision, dès l’instant qu’au regard de toutes les éventualités factuelles et juridiques elle exclut de façon sûre le droit à des prestations complémentaires (arrêts du Tribunal fédéral 9C_447/2016 du 1er mars 2017 consid. 4.2.2 ; 9C_305/2012 du 6 août 2012 consid. 4.1.2 ; RCC 1992 p. 347 consid. 2c et 2d ; ATAS/767/2015 du 6 octobre 2015 consid. 9). D’après le ch. 3443.04 des DPC, la part de la succession indivise qui revient à un héritier est prise en compte dès l’ouverture de la succession, pour autant que sa valeur puisse être évaluée avec suffisamment de précision. Mais dès lors qu’elle est déterminable, la part d’héritage doit être prise en compte rétroactivement à partir du moment de l’ouverture de la succession (Ralph JÖHR / Patricia USINGER-EGGER, op. cit., n. 162 note de bas de page 689).

d. En l’espèce, le montant de la part d’héritage dévolue au recourant était déterminée avec précision lorsque l’intimé a rendu sa décision initiale, le 23 août 2017. C’est donc à bon droit que l’intimé a tenu compte de ce montant, qui était de CHF 315'183.65, rétroactivement au premier jour auquel le droit à des prestations complémentaires avait été reconnu en faveur du recourant, étant précisé que l’ouverture de la succession étant antérieure à ce jour.

3.        a. Le recourant conteste – et c’est en fait le seul point litigieux – que l’intimé a tenu compte de l’intégralité dudit montant, sans déduire les montants qu’il dit avoir versés, grâce à cet héritage, d’une part à ses beaux-parents et d’autre part à deux de ses enfants à titre de remboursement de prêts.

b. Il n’est pas contesté par l’intimé que, dans la détermination de la fortune contribuant à constituer le revenu déterminant, il y a lieu de déduire les dettes. L’art. 11 al. 1 let. c LPC fait mention de la fortune nette. Au nombre des dettes figurent notamment les prêts entre privés. Les dettes déductibles de la fortune doivent cependant être prouvées (ATF 140 V 201 consid. 4.2 ; Ralph JÖHR / Patricia USINGER-EGGER, op. cit., n. 166 ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 46 ad art. 11).

L’intimé a refusé de tenir compte des remboursements allégués pour le motif qu’il n’était pas prouvé que les versements considérés constituaient des remboursements d’emprunts, si bien qu’il les a pris en compte au titre de donations, donc de biens dont le recourant s’était dessaisis, au sens de l’art. 11 al. 1 let. g LPC.

Il n’est pas contestable que les donations et avances d’hoirie sont des actes de dessaisissement. Quelque compréhensible qu’il soit que des parents souhaitent transmettre gratuitement (autrement dit sans contre-prestation) à leurs descendants leur fortune, par exemple au moment où eux-mêmes perçoivent un héritage, il n’y a pas de raison qu’un tel transfert ait pour conséquence d’obliger la collectivité publique à accorder des prestations complémentaires qu’elle ne devrait pas allouer en cas d’aliénation à titre onéreux (ATF 123 V 35 consid. 2a ; Ralph JÖHR / Patricia USINGER-EGGER, op. cit., n. 176 ss ; Michel VALTERIO, op. cit., n. 106 ad art. 11).

4.        a. En l’espèce, le recourant avait annoncé à l’intimé, par son courrier du 9 mars 2017, qu’avec les CHF 100'000.- qu’il avait reçus en héritage (dans un premier temps) il avait aussitôt remboursé un emprunt de CHF 30'000.- qu’il avait contracté auprès de ses beaux-parents et avait en outre partagé une partie du solde de ladite part d’héritage entre ses trois enfants. Des pièces qu’il avait jointes à ce courrier – à savoir d’un extrait de son compte PostFinance de janvier 2017 et d’une confirmation de paiement e-finance du 12 janvier 2017 – ressortait à la fois la réception sur son compte PostFinance, en date du 11 janvier 2017, de CHF 100'000.- au titre de la succession de M.  B______, et le virement, en date du 12 janvier 2017, d’une part de CHF 30'000.- sur un compte bancaire de « C______» à titre de « Remboursement de [leur] générosité » et d’autre part de CHF 16'500.- sur des comptes bancaires de chacune de leurs filles E______ et F______ avec la mention « Tonton B______ et solde de ton prêt » pour E______ et « Tonton B______ + solde de ton prêt ».

Puis, par courrier du 10 août 2017, le recourant avait informé l’intimé qu’il avait reçu le solde de l’héritage de son oncle B______, soit une somme de CHF 215'183.66, dont il avait utilisé une partie pour verser CHF 55'000.- à chacun de ses trois enfants. Des pièces annexées à ce courrier – à savoir de l’extrait de son compte PostFinance de juillet 2017 et d’une confirmation de paiement e-finance du 14 juillet 2017 – ressortait à la fois la réception sur son compte PostFinance, en date du 6 juillet 2017, de CHF 215'183.66 au titre de la clôture de la succession de M. B______ (« Succ de M. B______ […] Clôture de compte ») et le virement, en date du 14 juillet 2017, de CHF 55'000.- sur des comptes de chacun de ses trois enfants D______, E______ et F______ avec la mention « solde Onc’B______ ».

b. Ces éléments n’apportaient certes la preuve – même au degré de la vraisemblance prépondérante prévalant dans le domaine des assurances sociales à défaut de preuve absolue (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid.5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; Jacques Olivier PIGUET, in Anne-Sylvie DUPONT / Margit SZELESS, Commentaire romand de la loi sur la partie générale des assurances sociales [ci-après : CR LPGA-Auteur], 2018, n. 22 ss ad art. 43 ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, Procédure et contentieux, in Ghislaine FRÉSARD-FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, n. 81 ss) – ni du principe ni du montant des emprunts allégués, ni des circonstances dans lesquelles ils avaient le cas échéant été souscrits, ni des conditions dans lesquelles ils l’avaient le cas échéant été. Il est en revanche indéniable qu’ils constituaient des indices sérieux que le recourant avait contracté un emprunt d’au moins CHF 30'000.- auprès de ses beaux-parents et des emprunts d’un montant indéterminé auprès de deux de ses trois enfants (à savoir de ses filles E______ et F______), et que les versements allégués pouvaient représenter des remboursements de ces prêts, à hauteur de CHF 30'000.- s’agissant du virement effectué en faveur de ses beaux-parents et d’un montant indéterminé, inférieur à CHF 16'500.-, s’agissant de chacun des deux virements effectués en faveur de ses filles précitées.

La question est dès lors de savoir si l’intimé était en droit de rendre les décisions respectivement initiale et sur opposition qu’il a rendues sans autres actes d’instruction, ainsi qu’il l’a fait.

5.        a. C’est le lieu de rappeler que la procédure (non contentieuse et contentieuse) en matière d’assurances sociales est régie par la maxime inquisitoire. L’assureur social (ou, en cas de litige, le juge) établit d’office les faits déterminants, sans préjudice de la collaboration des parties (art. 43 et 61 let. c LPGA ; CR LPGA-Jacques Olivier PIGUET, n. 1 ss ad art. 43 ; Ghislaine FRÉSARD-FELLAY, op. cit, n. 27 ss). Les parties ont l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués ; à défaut, elles s’exposent à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (art. 28 LPGA ; ATF 125 V 193 consid. 2 ; 122 V 157 consid. 1a ; 117 V 261 consid. 3b et les références).

b. Il appartenait à l’assureur (donc à l’intimé) d’établir d’office l’ensemble des faits déterminants et d’administrer le cas échéant les preuves nécessaires, sans être lié par les faits allégués et les moyens de preuve invoqués par l’assuré, en particulier d’ordonner d’office l’administration de tous les moyens de preuve propres et nécessaires à établir les faits pertinents, et ce avant de rendre sa décision initiale et le cas échéant sa décision sur opposition, sans renvoyer cette tâche à la procédure subséquente, en particulier à la procédure de recours (CR LPGA-Jacques Olivier PIGUET, n. 9 ss ad art. 43 ; Ueli KIESER, ATSG Kommentar, 3ème éd., 2015, n. 13 ss ad art. 43).

En cas de refus de l’assuré de collaborer à l’instruction, l’assureur pouvait se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction, non sans avoir préalablement adressé à l’assuré une mise en demeure de collaborer avec l’avertissement des conséquences juridiques qui s’attacheraient à un défaut de collaboration et lui avoir imparti un délai de réflexion convenable (art. 43 al. 3 LPGA ; CR LPGA-Jacques Olivier PIGUET, n. 50 ss ad art. 43 ; Ueli KIESER, op. cit., n. 86 ss ad art. 43).

En l’espèce, il est regrettable qu’avant de rendre sa décision initiale et, en tout état, sa décision sur opposition (art. 42 LPGA), l’intimé n’ait pas donné suite à la demande du recourant de lui présenter oralement les faits, ni qu’il ne l’ai pas mis en demeure, sous peine de statuer en l’état du dossier, de produire des documents prouvant, ne serait-ce qu’au degré de la vraisemblance prépondérante, les emprunts qu’il disait avoir contractés auprès de ses beaux-parents et de deux de ses filles. Toutefois, s’il fallait y voir une violation de ladite disposition légale, force serait de considérer que le recourant a eu tout loisir de la faire réparer par le biais de son recours.

c. Or, quoique représenté par une avocate, le recourant n’a pas produit, à l’appui de son recours, des documents étayant ses dires (comme des contrats de prêt ou des reconnaissances de dettes), mais s’est contenté d’objecter qu’il était habituel qu’il n’en soit pas établis lors de prêts entre parents et enfants, admettant, par-là, l’inexistence de tels documents.

Il n’est certes pas exclu que des emprunts puissent être établis par d’autres moyens que des documents, en particulier par l’audition des prêteurs, sans préjudice de l’appréciation prudente qu’il y aurait lieu de faire de leurs déclarations alors qu’en raison de leur lien familial avec le recourant et l’épouse de ce dernier les personnes considérées ne pourraient être entendues qu’à titre de renseignements (art. 31 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; Stéphane GRODECKI / Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 446) et qu’elles connaîtraient immanquablement les enjeux de leurs déclarations pour le recourant.

Il est néanmoins frappant que, représenté par une avocate, le recourant n’a pas même sollicité l’audition de ses beaux-parents et de ses deux filles, alors que tous les quatre habitent dans le canton de Genève, à teneur des pièces figurant au dossier (en particulier des deux confirmations de paiement e-finance annexées aux courriers respectivement des 9 mars et 10 août 2017 du recourant), et qu’ils seraient a priori susceptibles d’être entendus. Il n’y a pas lieu, dans ces circonstances, que la chambre de céans prenne l’initiative d’ordonner leur audition ; elle est légitimée à retenir, par appréciation anticipée d’une telle audition (ATF 124 V 90 consid. 4b ; 122 II 464 consid. 4a ; 122 III 219 consid. 3c), que celle-ci ne serait pas à même d’établir les prêts allégués, fût-ce au degré de la vraisemblance prépondérante, mais tout au plus de conduire à considérer qu’il est possible que de tels prêts sont intervenus, ce qui ne suffit pas à ne pas devoir tenir les remboursements considérés comme des donations, non déductibles de la fortune du recourant pour le calcul de son droit aux prestations complémentaires.

6.        Il n’y a pas de contestation, à juste titre, portant sur les conséquences à tirer du fait que ces prêts n’étaient pas établis, en particulier sur le fait que le recourant n’avait pas droit à des prestations complémentaires durant toute la période durant laquelle il en avait perçu (du 1er mai 2015 au 31 août 2017) ni dès le 1er septembre 2017, qu’il y avait motif à révoquer les décisions en vertu desquelles les prestations considérées lui avaient été allouées et à lui faire obligation de restituer lesdites prestations (art. 25 LPGA ; art. 24 LPCC ; art.  33 LaLAMal).

7.        En conclusion, le recours doit être rejeté.

8.        La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA ; art. 89H al. 1 LPA).

Vu l’issue donnée au recours, il n’y a pas matière à allouer une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 LPA).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le