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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1075/2017

ATAS/31/2018 du 17.01.2018 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1075/2017 ATAS/31/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 janvier 2018

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Monique STOLLER FÜLLEMANN

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______ 1964, mère d’un enfant majeur né en 1984, est au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité et de prestations servies par le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC).

2.        En 2005, l’assurance-invalidité lui a accordé un reclassement professionnel, à l’issue duquel elle a obtenu un diplôme de graphiste auprès de la Fondation pour la formation des adultes de Genève (ci-après : IFAGE). Après avoir travaillé à temps partiel dès 2008 auprès des B______ (B______), l’assurée a été employée du 1er septembre 2010 au 30 novembre 2012 par l’entreprise C______ LTD, qui l’a licenciée. Elle s’est inscrite au chômage à 50 % dès le 1er décembre 2012.

3.        Par courrier du 7 novembre 2014, l’assurée a signalé à l’assurance-invalidité une péjoration de son état de santé et requis une révision de son taux d’invalidité. Elle a produit à l’appui de ses dires divers rapports, émanant notamment du service de neurologie des Hôpitaux universitaires de Genève, ainsi que des docteurs D______, E______, F______, G______ et H______.

4.        Par courrier du 3 septembre 2015, l’assurée a annoncé au SPC qu’elle avait perçu un héritage suite au décès de son père, le ______ 2014, et qu’elle n’avait plus droit à des indemnités de chômage depuis le mois de décembre 2014. Elle a notamment joint à son pli une déclaration de succession adressée à la Direction générale des finances publiques, en France, dont il ressortait qu’elle avait droit à une part successorale chiffrée à EUR 186'431.- et que les taxes successorales dont elle devait encore s’acquitter s’élevaient à EUR 15’481.-.

5.        Par décision du 19 février 2016, le SPC a recalculé le droit de l’assurée aux prestations complémentaires, en tenant compte, dès le 1er janvier 2014, d’une part successorale de EUR 170'950.-, convertie en francs suisses selon le « taux de change moyen », et dès le 1er janvier 2015, d’un gain potentiel de CHF 19'290.-.

6.        Par décision du 18 mars 2016, l’assurance-invalidité a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande de l’assurée, au motif que cette dernière n’avait pas rendu plausible une péjoration de son état de santé. L’assurée a interjeté recours auprès de la chambre de céans contre cette décision. Elle a transmis une copie de son mémoire de recours au SPC.

7.        Le 8 avril 2016, l’assurée a formé opposition contre la décision du SPC du 19 février 2016. Elle a contesté le gain potentiel retenu par le SPC, arguant qu’elle n’avait aucune chance de retrouver un emploi : âgée de 52 ans et souffrant de dyslexie, ses recherches d’emploi étaient restées vaines. De surcroît, sa profession de graphiste n’existait pratiquement plus sur le marché du travail et son état de santé s’était aggravé. Enfin, elle a demandé au SPC à quel taux et à quelle date le montant de sa part successorale (EUR 170'950.-) avait été converti en francs suisses.

8.        Par décision du 14 décembre 2016, le SPC a recalculé le droit de l’assurée aux prestations complémentaires dès le 1er janvier 2017, en continuant à tenir compte dans ses calculs d’un gain potentiel de CHF 19'290.-.

9.        Par pli du 6 janvier 2017, l’assurée a indiqué au SPC qu’elle contestait le gain potentiel et l’épargne retenus dans la décision du 14 décembre 2016, mais qu’avant d’y faire opposition, elle attendait que le service se détermine sur l’opposition qu’elle avait déposée le 8 avril 2016.

10.    Le 12 janvier 2017, le SPC a informé l’assurée qu’il traiterait son courrier du 6 janvier 2017 comme une opposition contre sa décision du 14 décembre 2016. Par ailleurs, il lui a demandé si la décision de non-entrée en matière rendue par l’assurance-invalidité était entrée en force.

11.    L’assurée a répondu au SPC, le 17 janvier 2017, que son recours contre la décision de l’assurance-invalidité était toujours pendant.

12.    Par arrêt du 7 février 2017, la chambre de céans a annulé la décision de l’assurance-invalidité du 18 mars 2016. En substance, elle a considéré que l’assurée avait rendu plausible une aggravation de son état de santé en produisant des rapports dont ressortaient des atteintes qui n’avaient pas été prises en compte lors de l’octroi de la rente en 1997 (fibromyalgie ; hernie discale C5-C6 du côté gauche et méningiome calcifié). En conséquence, elle a renvoyé la cause à l’assurance-invalidité afin qu’elle entre en matière sur la nouvelle demande déposée en 2014.

13.    Par décision du 21 février 2017, le SPC a partiellement admis les oppositions formées par l’assurée contre ses décisions des 8 février et 14 décembre 2016. Il a indiqué avoir mis à jour, avec effet au 1er janvier 2016, la fortune mobilière et immobilière prise en compte dans ses calculs, sur la base notamment d’un rapport d’expertise immobilière transmis par l’assurée en janvier 2016 et d’un remboursement de CHF 19'053.- que cette dernière avait effectué en mai 2016. En revanche, il a refusé de supprimer le gain hypothétique d’invalide retenu de CHF 19'290.-, arguant que des facteurs d’ordre médicaux n’étaient pas susceptibles de renverser la présomption légale selon laquelle l’assurée était réputée capable de réaliser un tel revenu. En conséquence, il a supprimé le subside d’assurance-maladie du 1er janvier 2016 au 31 mai 2016 et a requis la restitution des montants versés à l’assurée pendant la période correspondante (CHF  2'270.-), conformément à une décision de restitution qu’il rendait le même jour.

14.    Par acte du 23 mars 2017, l’assurée a saisi la chambre de céans d’un recours, concluant, sous suite de dépens, à l’annulation de la décision sur opposition du 21 février 2017 en tant qu’elle tenait compte d’un gain hypothétique et au renvoi de la cause au SPC pour nouvelle décision. Elle a soutenu ne disposer d’aucune capacité résiduelle de travail et requis que le gain hypothétique retenu dans la décision attaquée soit supprimé sans délai. À l’appui de son point de vue, elle a invoqué l’arrêt rendu par la chambre de céans le 7 février 2017 dans le cadre de sa procédure en matière d’assurance-invalidité, prescrivant à l’administration d’entrer en matière sur sa nouvelle demande.

15.    Dans sa réponse du 21 avril 2017, l’intimé a conclu au rejet du recours, rétorquant qu’il ne pouvait supprimer le revenu hypothétique imputé à l’assurée avant que l’assurance-invalidité ne rende une décision portant sur la demande de révision de la rente d’invalidité. Le cas échéant, il procéderait à une révision du revenu hypothétique pris en considération dans ses calculs.

16.    Par écriture du 16 mai 2017, la recourante a conclu à ce que la chambre de céans suspende la cause jusqu’à droit connu dans la procédure en matière d’assurance-invalidité.

17.    Par écriture du 2 juin 2017, le SPC a conclu au rejet de la demande de suspension.

18.    Cette écriture transmise à la recourante, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les dispositions de la LPGA en vigueur depuis le 1er janvier 2003 s'appliquent aux prestations complémentaires fédérales, à moins qu'il n'y soit expressément dérogé (art. 1 al. 1 LPC). Il en va de même en matière de prestations complémentaires cantonales (art. 1A let. b LPCC).

3.        Déposé dans la forme et le délai prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 60 et 61 let. b LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l’assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité [LPFC ; J 4 20] ; art. 43 LPCC).

4.        Le litige porte sur la prise en compte d’un gain potentiel dans le calcul du droit de l’assurée à des prestations complémentaires et au subside de l’assurance-maladie dès le 1er janvier 2016.

5.        Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l'assurance-invalidité, conformément à l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Selon l’art. 11 al. 1 LPC, les revenus déterminants comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière (let. a), un dixième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse (let. c), les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (let. d), les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (let. g). En pareil cas, le revenu déterminant est augmenté aussi bien d'une fraction de la valeur du bien cédé que de celle du produit que ce bien aurait procuré à l'ayant droit (cf. ATF 123 V 37 ss. consid. 1 et 2; FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité, in: RSAS 2002 p. 419 ss).

Ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le revenu déterminant est en principe calculé, conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution (art. 5 LPCC). L’art. 5 al. 6 LPCC précise qu'il peut être pris en compte un gain hypothétique pour les personnes partiellement invalides, âgées de moins de 60 ans, qui n'exercent pas d'activité lucrative.

Par ailleurs, l'art. 22 al. 6 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997 (LaLAMal - J 3 05) prévoit que les bénéficiaires de prestations complémentaires à l'AVS/AI ont droit à un subside égal au montant de leur prime d'assurance obligatoire des soins, mais au maximum au montant correspondant à la prime moyenne cantonale fixée par le département fédéral de l'intérieur. Les personnes qui ont un excédent de ressources inférieur à la prime moyenne cantonale ont droit à un subside équivalent à la différence entre la prime moyenne cantonale et l’excédent de ressources.

6.        L'art. 25 de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) permet d'adapter une décision de prestations complémentaires à des modifications postérieures de la situation personnelle et économique de l'ayant-droit en raison d'un changement de circonstances (ATF 119 V 189 consid. 2c ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_675/2012 du 15 novembre 2012 consid. 3.1 ; voir aussi Ulrich Meyer-Blaser, Die Anpassung von Ergänzungsleistungen wegen Sachverhaltsänderungen, in: Die Revision von Dauerleistungen in der Sozialversicherung, 1999, p. 29 ss et 40 ss). L'al. 1 de cette disposition règle la modification (augmentation, réduction ou suppression) de la prestation complémentaire annuelle (en cours d'année civile) et concerne la situation d'une révision de prestations durables au sens de l'art. 17 al. 2 LPGA. Son al. 2 règle le moment à partir duquel l'augmentation, la réduction ou la suppression prennent effet. Lorsqu'en application de l'art. 25 OPC-AVS/AI, l'administration effectue une adaptation des prestations à la modification des conditions personnelles ou économiques de l'intéressé, celui-ci peut être tenu de restituer des prestations reçues en trop ; l'art. 25 al. 2 let. c et d in fine OPC-AVS/AI réserve expressément la créance en restitution lorsque l'obligation de renseigner a été violée (ATF 138 V 298, consid. 5.2.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_328/2014 du 6 août 2014 consid. 5.1). En dehors de l'éventualité de la violation de l'obligation de renseigner, la jurisprudence a admis que l'ayant droit est tenu à restitution lorsque les conditions de l'art. 25 LPGA sur la restitution de prestations indûment touchées sont réalisées, à savoir les conditions d'une reconsidération ou d'une révision procédurale (ATF 130 V 318 consid. 5.2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_328/2014 du 6 août 2014 consid. 5.2).

7.        a. La situation des assurés partiellement invalides exerçant une activité lucrative est réglée à l'art. 14a OPC-AVS/AI. Le revenu de l'activité lucrative des invalides est pris en compte sur la base du montant effectivement obtenu par l'assuré dans la période déterminante (art. 14a al. 1 OPC-AVS/AI). Pour les invalides âgés de moins de 60 ans, le revenu de l'activité lucrative à prendre en compte correspond, pour un taux d'invalidité de 50 à moins de 60 %, au montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux selon l’art. 10 al. 1 let. a ch. 1 LPC, à savoir CHF 19'290.- par année pour les personnes seules (art. 14a al. 2 let. b OPC-AVS/AI).

b. L'idée qui sous-tend l’art. 14a OPC-AVS/AI est de répondre à un besoin légitime de simplification et d'éviter qu'un assuré présentant une capacité résiduelle de travail et de gain ne reçoive par le canal des prestations complémentaires ce que l'assurance-invalidité ne veut pas lui accorder, ce qui suppose de prendre en compte, pour le calcul des prestations complémentaires, le revenu hypothétique que l'intéressé pourrait retirer de l'utilisation raisonnable de sa capacité résiduelle (ATF 115 V 88 consid. 2).

c. Les revenus hypothétiques, provenant d'une activité lucrative, fixés schématiquement à l'art. 14a al. 1 OPC-AVS/AI, représentent une présomption juridique. L'assuré peut renverser cette présomption en apportant la preuve qu'il ne lui est pas possible de réaliser de tels revenus ou qu'on ne peut l'exiger de lui (arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2007 du 26 juin 2008 consid. 5.2). Il existe en effet des cas dans lesquels un assuré n'est pas en mesure de mettre en valeur sa capacité de travail résiduelle pour des raisons étrangères à l'invalidité (ATF 117 V 153 consid. 2c). Pour examiner la question de savoir si l'assuré peut exercer une activité lucrative et si on est en droit d'attendre de lui qu'il le fasse, il convient de tenir compte conformément au but des prestations complémentaires, de toutes les circonstances objectives et subjectives qui entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu. Les critères décisifs ont notamment trait à l'âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l'activité exercée jusqu'ici, au marché de l'emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 117 V 290 consid. 3a ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances P/17/01 du 16 juillet 2001 consid. 1c ; P 88/01 du 8 octobre 2002 consid. 2.1).

S’agissant plus particulièrement du critère ayant trait à l'état de santé de l’assuré, il faut rappeler que les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité d'une personne. C'est notamment pour ce motif qu'ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides au sens de l'art. 14a OPC-AVS/AI (ATF 117 V 202 consid. 2b). Il n'en demeure pas moins que cette jurisprudence sur la force obligatoire de l'évaluation de l'invalidité par les organes de l'assurance-invalidité ne s'applique qu'à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l'intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'intéressé lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3).

Quant à la possibilité de mettre en valeur la capacité de gain sur le marché de l'emploi, il importe de savoir si et à quelles conditions l'intéressé est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d'une part, l'offre des emplois vacants appropriés et, d'autre part, le nombre de personnes recherchant un travail. Il y a lieu d'examiner concrètement la situation du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral P.61/03 du 22 mars 2004 consid. 2.2). Le Tribunal fédéral a rappelé que l'impossibilité de mettre en valeur une capacité de travail résiduelle ne peut être admise que si elle est démontrée au degré de la vraisemblance prépondérante, l'assuré devant collaborer à l'instruction de cet élément. Notre Haute Cour a ajouté que si les chances de trouver un emploi ont tendance à décroître avec l'âge et l'absence du monde du travail, le marché du travail est en constante évolution et trouver un emploi adapté même trois ans après des recherches infructueuses ne paraît pas d'emblée exclu (arrêt du Tribunal fédéral 9C_120/2012 du 2 mars 2012 consid. 4.2 et 4.5).

d. Selon le ch. 3424.07 des directives concernant les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI (DPC – état au 1er janvier 2017), aucun revenu hypothétique n’est pris en compte chez le bénéficiaire de PC à l’une ou l’autre des conditions suivantes: (i) si, malgré tous ses efforts, sa bonne volonté et les démarches entreprises, l’assuré ne trouve aucun emploi. Cette hypothèse peut être considérée comme réalisée lorsqu’il s’est adressé à un office régional de placement (ORP) et prouve que ses recherches d’emploi sont suffisantes qualitativement et quantitativement; (ii) lorsqu’il touche des allocations de chômage; (iii) s’il est établi que sans la présence continue de l’assuré à ses côtés, l’autre conjoint devrait être placé dans un home ou un établissement hospitalier; (iv) si l’assuré a atteint sa 60ème année.

8.        a. La procédure est régie par le principe inquisitoire, d'après lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Celui-ci comprend en particulier l'obligation de ces dernières d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 ; VSI 1994, p. 220 consid. 4). Car si le principe inquisitoire dispense les parties de l'obligation de prouver, il ne les libère pas du fardeau de la preuve. En cas d'absence de preuve, c'est à la partie qui voulait en déduire un droit d'en supporter les conséquences (ATF 117 V 261 consid. 3), sauf si l'impossibilité de prouver un fait peut être imputée à l'adverse partie (ATF 124 V 372 consid. 3 ; RAMA 1999 n° U 344 p. 418 consid. 3).

b. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

c. Selon la jurisprudence (DTA 2001 p. 169), le juge cantonal qui estime que les faits ne sont pas suffisamment élucidés a en principe le choix entre deux solutions : soit renvoyer la cause à l’administration pour complément d’instruction, soit procéder lui-même à une telle instruction complémentaire. Un renvoi à l’administration, lorsqu’il a pour but d’établir l’état de fait, ne viole ni le principe de simplicité et de rapidité de la procédure, ni la maxime inquisitoire. Il en va cependant autrement quand un renvoi constitue en soi un déni de justice (par exemple, lorsque, en raison des circonstances, seule une expertise judiciaire ou une autre mesure probatoire judiciaire serait propre à établir l’état de fait), ou si un renvoi apparaît disproportionné dans le cas particulier (RAMA 1993 n° U 170 p. 136). À l’inverse, le renvoi à l’administration apparaît en général justifié si celle-ci a constaté les faits de façon sommaire, dans l’idée que le tribunal les éclaircirait comme il convient en cas de recours (voir RAMA 1986 n° K 665 p. 87).

9.        En l’espèce, dans la décision sur opposition attaquée, le SPC a considéré qu’un gain potentiel de CHF 19'290.- devait être imputé à l’assurée dans le calcul du droit de celle-ci à des prestations complémentaires et au subside de l’assurance-maladie pour la période courant dès le 1er janvier 2016.

L’assurée conteste le gain potentiel retenu, en soutenant qu’elle ne dispose d’aucune capacité résiduelle de travail, qu’elle est âgée de 52 ans, n’a plus droit à des indemnités de chômage et que ses recherches d’emploi n’ont pas abouti.

10.    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’assurée, âgée de 52 ans lors du prononcé de la décision litigieuse, a obtenu un diplôme de graphiste auprès de l’IFAGE en 2005. Elle a travaillé du 1er septembre 2010 au 30 novembre 2012 pour l’entreprise C______ LTD, puis s’est inscrite au chômage à 50 % dès le 1er décembre 2012. Au mois de novembre 2014, elle a signalé à l’assurance-invalidité que son état de santé s’était aggravé et a requis une révision de son taux d’invalidité. Par arrêt du 7 février 2017, la chambre de céans a constaté que l’intéressée avait rendu plausible une aggravation de son état de santé et a prescrit à l’assurance-invalidité d’entrer en matière sur sa nouvelle demande.

Dans la décision sur opposition litigieuse, l’intimé, pour justifier le maintien du gain potentiel pris en compte dans ses calculs, s’est limité à faire valoir qu’il était lié par l’appréciation médicale de l’assurance-invalidité et ne pouvait donc pas tenir compte des arguments de nature médicale invoqués par l’assurée.

11.    Certes, les organes d'exécution en matière de prestations complémentaires ne disposent pas des connaissances spécialisées pour évaluer l'invalidité, raison pour laquelle ils sont liés par les évaluations de l'invalidité effectuées par les organes de l'assurance-invalidité lorsqu'ils fixent le revenu exigible des assurés partiellement invalides. Pour autant, les organes d’exécution en matière de prestations complémentaires ne sont pas dispensés de se prononcer de manière autonome sur l'état de santé de l'assuré lorsqu'est invoquée une modification intervenue depuis l'entrée en force du prononcé de l'assurance-invalidité, comme c’est le cas en l’espèce. En conséquence, l’intimé ne pouvait se prévaloir de son manque de connaissances spécialisées pour écarter d'emblée toute mesure d'instruction au sujet de l'état de l’aggravation de l’état de santé invoquée par l’assurée (arrêts du Tribunal fédéral 8C_68/2007 du 14 mars 2008 consid. 5.3 et 8C_172/2007 du 6 février 2008 consid. 7.2 ; ATAS/910/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4), étant rappelé que l’assurance-invalidité est finalement entrée en matière sur la nouvelle demande déposée en 2014, à la suite de l’arrêt de renvoi qu’a rendu la chambre de céans. Afin de déterminer si l’exercice d’une activité était exigible de l’assurée, il incombait (et incombe toujours) plutôt à l’intimé de s’enquérir de la procédure en cours devant l’assurance-invalidité et de requérir la décision statuant sur sa nouvelle demande ainsi que les rapports ou expertises y relatifs (art. 43 LPGA).

Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que pour déterminer si l’on peut attendre d’un assuré qu’il exerce une activité lucrative, il convient de tenir compte, conformément au but des prestations complémentaires, non seulement de son état de santé mais également des autres circonstances susceptibles d’entraver une telle activité, telles que son âge, sa formation professionnelle, ses connaissances linguistiques, son activité antérieure, le marché du travail et la durée plus ou moins longue de son éloignement professionnel (arrêts du Tribunal fédéral des assurances P.17/01 du 16 juillet 2001 consid. 1c ; P 88/01 du 8 octobre 2002 consid. 2.1). Or, force est de constater que l’intimé, dans la décision attaquée, n’a examiné aucun des critères énoncés, quand bien même l’assurée en avait invoqué un certain nombre au stade de l’opposition, notamment une aggravation de son état de santé, son âge et ses recherches d’emploi infructueuses. On ne voit pas que l’intimé puisse exclure d’emblée les arguments invoqués, sans se prononcer de manière motivée sur ceux-ci ni procéder à la moindre instruction. Il serait notamment utile qu’il clarifie si l’assurée – qui invoque notamment ses recherches d’emploi restées vaines – a effectué de telles recherches pendant la période pour laquelle le droit aux prestations complémentaires est litigieux selon la décision sur opposition, soit depuis le 1er janvier 2016.

Faute d’instruction et de motivation suffisante par l’administration sur les critères jurisprudentiels décisifs, la chambre de céans n’est pas en mesure de se prononcer sur le caractère exigible d’une activité lucrative et partant, sur le gain potentiel retenu dans la décision attaquée. Il se justifie dès lors de renvoyer la cause à l’intimé pour qu’il complète l’instruction, puis rende une nouvelle décision.

12.    Vu l’issue du litige, la requête tendant à ce que la chambre de céans suspende la présente procédure jusqu’à ce que l’assurance-invalidité statue sur la nouvelle demande de l’assurée est rejetée.

13.    En conclusion, le recours est partiellement admis et la décision sur opposition du 21 février 2017, annulée.

La recourante obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 1'500.- lui est accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA ; RS E 5 10.03).

14.    La procédure est gratuite (art. 89H al. 4 LPA).

 

***

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement et annule la décision sur opposition du 21 février 2017.

3.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 1'500.-.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le