Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/4053/2018

ATAS/298/2019 (3) du 04.04.2019 ( AF ) , ADMIS

*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : ALLOCATION FAMILIALE ; SUPPLÉMENT(SENS GÉNÉRAL) ; VIE SÉPARÉE ; DROIT DE GARDE ; GARDE ALTERNÉE ; AUTORITÉ PARENTALE CONJOINTE ; AYANT DROIT
Normes : LAFam.3.al2; LAF.8.al4.leta; RAF.2
Résumé : Selon une interprétation littérale, téléologique, systématique et historique, les alinéas 1 et 2 de l'art. 2 RAF visent deux situations distinctes. D’après l’alinéa 1, le nombre d’allocations familiales versées à un même ayant droit (qui ne réside pas nécessairement avec les enfants pris en considération) est décisif pour l’octroi des suppléments. En vertu l’alinéa 2, le nombre d’enfants vivant avec l’ayant droit (la plupart du temps) pour lesquels ce dernier peut faire valoir un droit aux allocations familiales est déterminant, alors même qu’il ne bénéficie que d’une ou deux allocations familiales en raison des règles de priorité instaurées par la loi. L’art. 2 al. 2 RAF a pour but, non pas de limiter, mais d’étendre l’octroi du supplément à l’ayant droit qui ne bénéficie pas lui-même de trois allocations familiales au moins, à la condition toutefois qu’il fasse ménage commun la plupart du temps avec les enfants pour lesquels il peut faire valoir un droit aux allocations familiales au sens de l’art. 4 LAFam. L’art. 2 al. 1 RAF doit ainsi être interprété en ce sens que les suppléments prévus par l’art. 8 al. 4 LAF sont octroyés à l’ayant droit qui reçoit trois allocations familiales au moins, même si celui-ci ne vit pas avec ses enfants donnant droit auxdites allocations. Le recourant est père de quatre enfants, soit trois enfants avec sa femme dont il est séparé et en instance de divorce – qui vivent selon le système de la garde alternée à moitié chez leur père et à moitié chez leur mère, ceux-ci étant titulaires de l’autorité parentale conjointe, – et un quatrième enfant qui vit avec sa mère et le recourant dont le salaire est plus élevé que celui de son épouse et de sa concubine. Par conséquent, il est l’ayant droit prioritaire et perçoit quatre allocations. Partant, il peut prétendre au supplément pour son quatrième enfant en vertu de l’art. 2 al. 1 RAF, disposition qui n’exige pas que l’allocataire habite la plupart du temps avec les enfants donnant droit aux allocations.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4053/2018 ATAS/298/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 4 avril 2019

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Vessy, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Marie BERGER

 

recourant

 

contre

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE AVS DE LA FÉDÉRATION DES ENTREPRISES ROMANDES FER CIAM 106.1, sise rue de Saint-Jean 98, GenÈve

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ est père de quatre enfants, B______, C______, D______ et E______, respectivement nés les ______ 2009, ______ 2011, ______ 2013 et ______2018. Les trois aînés sont issus de son mariage avec Madame F______ dont il est séparé et en instance de divorce, tandis que la cadette est issue de sa relation avec Madame G______.

2.        La caisse interprofessionnelle AVS de la Fédération des entreprises romandes Fer Ciam 106.1 (ci-après : la caisse) verse à l'intéressé des allocations familiales de CHF 300.- par mois pour chacun de ses trois enfants aînés, assorties du supplément pour famille nombreuse de CHF 100.- par mois pour le troisième enfant.

3.        Par décision du 20 mars 2018, la caisse a alloué à l'intéressé des allocations familiales de CHF 300.- par mois pour l'enfant E______ ainsi qu'une allocation de naissance de CHF 2'000.-.

4.        Par courrier du 3 avril 2018, l'intéressé a formé opposition à cette décision, en réclamant, en sa qualité d'ayant droit « économique » pour ses quatre enfants, le droit à un supplément mensuel pour famille nombreuse pour son quatrième enfant ainsi qu'une allocation de naissance augmentée de CHF 1'000.-.

5.        Par décision du 19 octobre 2018, la caisse a rejeté l'opposition. Elle a relevé que les trois enfants aînés vivaient en système de garde alternée à moitié chez leur père et à moitié chez leur mère, lesquels étaient titulaires de l'autorité parentale conjointe sur ceux-ci. E______ vivait, quant à elle, avec sa mère et l'ayant droit, dont le salaire était plus élevé que celui de son épouse et de sa concubine. Quand bien même il était l'ayant droit prioritaire des allocations familiales pour ses quatre enfants, il ne pouvait prétendre, en vertu de l'art. 2 al. 2 du règlement d'exécution de la loi sur les allocations familiales (RAF) ni au supplément mensuel pour famille nombreuse ni à l'allocation de naissance supplémentaire de CHF 1'000.- pour son quatrième enfant, dès lors qu'il ne vivait pas avec ses quatre enfants.

6.        Par acte du 19 novembre 2018, l'ayant droit, par l'intermédiaire de son conseil, a interjeté recours contre cette décision, en concluant, sous suite de frais et dépens, à son annulation et au versement du supplément des allocations familiales de CHF 100.- depuis la naissance de E______ ainsi que du supplément d'allocation de naissance de CHF 1'000.-. L'art. 2 al. 2 RAF ne s'appliquait que si les conditions de l'art. 2 al. 1 RAF n'étaient pas remplies. Aussi, l'intimée aurait-elle dû examiner le cas à l'aune de l'alinéa 1 de cette disposition exclusivement et constater que le recourant était l'ayant droit prioritaire pour les quatre enfants. Le but du supplément pour famille nombreuse était de compenser partiellement la charge financière particulièrement lourde que représentait une famille avec trois enfants et plus. Dès lors que le recourant assumait en règle générale le coût de ses quatre enfants, admettre l'inverse, au motif que les trois enfants aînés vivaient dans son foyer à raison de 50% seulement, contredisait de manière choquante le sentiment de justice et d'équité. Le raisonnement de l'intimée revenait à considérer qu'aucun parent divorcé qui exerce la garde alternée ne pourrait obtenir le supplément pour un quatrième enfant, ce qui compromettait le but poursuivi par la loi.

7.        Dans sa réponse du 18 décembre 2018, l'intimée a conclu au rejet du recours pour les motifs déjà exposés. Si l'entretien de E______ avait un coût, celui-ci était réparti entre son père et sa mère et non entre son père et la mère des trois enfants aînés.

8.        Dans sa réplique du 14 janvier 2019, le recourant a persisté dans ses conclusions. L'intimée reconnaissait qu'il assumait le coût d'un quatrième enfant. Le fait que son épouse ne supportait pas les coûts de E______ n'était pas pertinent.

9.        Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        a. Selon l'art. 134 al. 1 let. a de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les allocations familiales, du 24 mars 2006 (LAFam - RS 836.2). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. e LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 38A de la loi cantonale sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10).

b. En dérogation à l'art. 58 al. 1 et 2 LPGA, les décisions prises par les caisses de compensation pour allocations familiales peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal des assurances du canton dont le régime d'allocations familiales est appliqué (art. 22 LAFam).

En l'espèce, la décision querellée a été prise par l'intimée, sise à Genève, qui applique, en sus de la loi fédérale, le régime genevois d'allocations familiales.

La compétente ratione materiae et loci de la chambre de céans est ainsi établie.

2.        Selon l'art. 2B LAF, les prestations prévues par la LAF sont régies par: la LAFam et ses dispositions d'exécution (let. a); la LPGA et ses dispositions d'exécution, dans la mesure où la LAFam ou la LAF y renvoie (let. b); la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 et ses dispositions d'exécution, dans la mesure où la LAFam ou la LAF y renvoie (let. c); la LAF et ses dispositions d'exécution (let. d).

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 38A LAF).

4.        Le litige porte sur le droit au supplément d'allocations familiales pour famille nombreuse ainsi qu'au supplément d'allocation de naissance pour le quatrième enfant du recourant.

5.        En droit fédéral, les allocations familiales sont des prestations en espèces, uniques ou périodiques, destinées à compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 2 LAFam). L'allocation familiale comprend l'allocation pour enfant (qui est octroyée dès et y compris le mois de la naissance de celui-ci, jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 16 ans) et l'allocation de formation professionnelle (qui est octroyée au plus tard, en cas de formation, jusqu'à l'âge de 25 ans ; art. 3 al. 1 LAFam).

6.        Selon l'art. 4 al. 1 LAFam, donnent droit aux allocations les enfants avec lesquels l'ayant droit a un lien de filiation en vertu du code civil (let. a), les enfants du conjoint de l'ayant droit (let. b), les enfants recueillis (let c) et les frères, soeurs et petits-enfants de l'ayant droit, s'il en assume l'entretien de manière prépondérante (let. d).

L'art. 4 al. 1 let. a LAFam vise les enfants nés de parents mariés ou non et les enfants adoptés (directives pour l'application de la loi fédérale sur les allocations familiales [DAFam], état au 1er janvier 2019, ch. 230). Les enfants du conjoint de l'ayant droit donnent droit aux allocations familiales s'ils vivent la plupart du temps dans le foyer de l'ayant droit ou y ont vécu jusqu'à leur majorité. Sont aussi considérés comme des enfants du conjoint les enfants du partenaire au sens de la loi du 18 juin 2004 sur le partenariat (art. 4 de l'ordonnance sur les allocations familiales du 31 octobre 2007 [OAFam - RS 836.21]). Les enfants du concubin ne donnent pas droit aux allocations familiales (DAFam, ch. 235.1). L'enfant recueilli donne droit aux allocations familiales si l'ayant droit assume gratuitement et de manière durable les frais d'entretien et d'éducation au sens de l'art. 49 al. 1 du règlement du 31 octobre 1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 5 OAFam). Il faut que les enfants recueillis soient accueillis durablement dans le ménage à des fins d'entretien et d'éducation. L'accueil à la journée ne suffit pas. L'enfant du concubin n'est pas considéré comme un enfant recueilli (DAFam, ch. 239). S'agissant des frères, soeurs et petits-enfants, l'ayant droit assume l'entretien de l'enfant de manière prépondérante (art. 6 OAFam): si l'enfant vit dans son foyer et si le montant versé par des tiers en faveur de l'entretien de l'enfant ne dépasse pas la rente d'orphelin complète maximale de l'AVS (let. a); ou s'il contribue à l'entretien de l'enfant qui ne vit pas dans son foyer à raison d'un montant au moins égal à celui de la rente d'orphelin complète maximale de l'AVS (let. b).

7.        a. L'art. 6 LAFam prévoit que le même enfant ne donne pas droit à plus d'une allocation du même genre (interdiction du cumul). L'art. 7 LAFam instaure par ailleurs un ordre de priorité en cas de cumul de droits à des prestations familiales. La question est de savoir qui, de plusieurs ayants droits potentiels, pourra bénéficier de l'allocation pour un même enfant (Fanny MATTHEY/Pascal MAHON, Les allocations familiales, in : Sécurité sociale, 3ème éd., 2016, p. 2019 n. 59).

L'art. 7 al. 1 LAFam est ainsi libellé: [l]orsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit aux allocations familiales pour le même enfant en vertu d'une législation fédérale ou cantonale, le droit aux prestations est reconnu selon l'ordre de priorité suivant: à la personne qui exerce une activité lucrative (let. a); à la personne qui détient l'autorité parentale ou qui la détenait jusqu'à la majorité de l'enfant (let. b); à la personne chez qui l'enfant vit la plupart du temps ou vivait jusqu'à sa majorité (let. c); à la personne à laquelle est applicable le régime d'allocations familiales du canton de domicile de l'enfant (let. d) ; à la personne dont le revenu soumis à l'AVS et provenant d'une activité lucrative dépendante est le plus élevé (let. e); à la personne dont le revenu soumis à l'AVS et provenant d'une activité lucrative indépendante est le plus élevé (let. f).

b. Si une personne qui exerce une activité lucrative (salariée ou indépendante) prouve (en présentant une convention ou une décision de tribunal) soit qu'elle est seule détentrice de l'autorité parentale, soit - en cas d'autorité parentale conjointe - que l'enfant vit la plupart du temps chez elle, elle n'est pas tenue de fournir d'indications sur d'éventuels autres ayants droit (DAFam, ch. 406). Les parents divorcés ou non mariés qui exercent l'autorité parentale conjointe peuvent pratiquer la garde alternée et consacrer autant de temps l'un que l'autre à la prise en charge de l'enfant (par ex. une semaine chez l'un, une semaine chez l'autre). La garde alternée est la situation dans laquelle les parents exercent en commun l'autorité parentale, mais se partagent la garde de l'enfant de manière alternée pour des périodes plus ou moins égales (arrêts du Tribunal fédéral 5A_345/2014 du 4 août 2014 consid. 4.2 et 5A_866/2013 du 16 avril 2014 consid. 5.2). Ainsi, l'enfant vit chez chacun de ses parents en alternance (50/50) mais non chez l'un en particulier (DAFam, ch. 234). Dans ce cas de figure, l'ayant droit prioritaire est déterminé en vertu des lettres d à f (DAFam, ch. 406.2). Si le régime d'allocations familiales du canton dans lequel vit l'enfant s'applique aux deux ayants droit ou à aucun d'entre eux, la priorité en vertu des let. e et f est examinée (DAFam, ch. 408).

c. La personne qui a finalement un droit à une allocation se détermine en fonction de l'art. 7 LAFam et non selon l'art. 4 LAFam. Par exemple, l'art. 4 LAFam définit les conditions auxquelles une personne peut faire valoir un droit pour l'enfant de son conjoint. La question de savoir si c'est elle ou une autre personne qui touchera effectivement les allocations familiales est tranchée selon les règles de l'art. 7 LAFam (arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2013 du 29 octobre 2014 consid. 3.2 et la référence). Le droit à l'allocation n'est pas lié à l'enfant pour lequel elle est versée, mais bien plutôt à la personne qui exerce une activité lucrative, respectivement à celle qui n'en a pas, et qui remplit les conditions requises (arrêt précité consid. 4.2.1 et la référence). L'art. 7 LAFam exclut tout libre choix de l'ayant droit prioritaire (ATF 142 V 583 consid. 4.2 ; 139 V 429 consid. 4.2).

d. L'ayant droit tenu, en vertu d'un jugement ou d'une convention, de verser une contribution d'entretien pour un ou plusieurs enfants doit, en sus de ladite contribution, verser les allocations familiales (art. 8 LAFam). Une convention ou un jugement de divorce peut prévoir à quelle personne revient en fin de compte le montant des allocations familiales et éventuellement à quelles fins celui-ci sera utilisé (paiement des primes d'assurance-maladie, habillement, etc.). L'ayant droit prioritaire en revanche est toujours déterminé conformément à l'art. 7 LAFam (DAFam, ch. 404.1).

8.        Pour les allocations familiales dont le montant varie suivant le nombre d'enfants, le calcul de l'allocation pour enfant et de l'allocation de formation professionnelle (mais également le paiement de la différence) doit se faire, dans la décision, par enfant et non par bénéficiaire ou par famille. Il appartient au canton de déterminer quelles sont les conditions à remplir pour toucher un montant plus élevé et quel enfant de la famille donne droit à ce montant plus élevé. Cela est d'importance non seulement pour le calcul de la différence mais également pour déterminer quelle allocation doit être reversée en vertu de l'art. 8 LAFam (DAFam, ch. 201).

9.        Selon l'art. 3 al. 2 LAFam, les cantons peuvent prévoir dans leur régime d'allocations familiales des taux minimaux plus élevés pour l'allocation pour enfant et l'allocation de formation professionnelle que ceux prévus à l'art. 5 (respectivement CHF 200.- et CHF 250.-), ainsi qu'une allocation de naissance et une allocation d'adoption. Les dispositions de la LAFam sont également applicables à ces allocations. Toute autre prestation est réglée et financée en dehors du régime des allocations familiales. Les autres prestations prévues dans un contrat individuel de travail, une convention collective de travail ou d'autres réglementations ne sont pas des allocations familiales au sens de la présente loi.

10.    a. S'agissant du droit cantonal genevois, sont soumis à la LAF notamment les salariés au service d'un employeur tenu de s'affilier à une caisse d'allocations familiales en application de l'art. 23 al. 1 LAF (art. 2 let. b LAF).

Aux termes de l'art. 3 al. 1 LAF, une personne assujettie à la LAF peut bénéficier des prestations pour les enfants avec lesquels elle a un lien de filiation en vertu du code civil (let. a), les enfants du conjoint ou du partenaire enregistré (let. b) et les enfants recueillis (let. c), ainsi que ses frères, soeurs et petits-enfants si elle en assume l'entretien de manière prépondérante (let. d).

Le même enfant ne donne pas droit à plus d'une allocation du même genre (art. 3A al. 1 LAF). L'art. 3B LAF instaure un ordre de priorité en cas de cumul de droits à des prestations familiales. Selon l'alinéa 1 de cette disposition, lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit aux allocations familiales pour le même enfant en vertu d'une législation fédérale ou cantonale, le droit aux prestations est reconnu selon l'ordre de priorité suivant: à la personne qui exerce une activité lucrative (let. a); à la personne qui détient l'autorité parentale ou qui la détenait jusqu'à la majorité de l'enfant (let. b); à la personne chez qui l'enfant vit la plupart du temps ou vivait jusqu'à sa majorité (let. c); à la personne à laquelle est applicable le régime d'allocations familiales du canton de domicile de l'enfant (let. d); à la personne dont le revenu soumis à l'AVS est le plus élevé (let. e).

Les allocations familiales sont des prestations sociales en espèces, uniques ou périodiques, indépendantes du salaire, du revenu ou du degré d'activité, destinées à participer partiellement à la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants (art. 4 al. 1 LAF). Elles doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants (art. 4 al. 2 LAF). Les allocations familiales sont payées, en général, au bénéficiaire (art. 11 al. 1 LAF).

L'allocation de naissance ou d'accueil est, depuis le 1er janvier 2012, de CHF 2'000.- (art. 8 al. 1 LAF) et l'allocation pour enfant est de CHF 300.- par mois jusqu'à 16 ans (art. 8 al. 2 let. a LAF). Pour le troisième enfant donnant droit aux allocations et chacun des enfants suivants, l'allocation de naissance ou d'accueil est augmentée de 1'000.- (art. 8 al. 4 let. a LAF) et l'allocation pour enfant de CHF 100.- (art. 8 al. 4 let. b LAF). Le Conseil d'État précise par règlement la prise en considération des enfants donnant droit aux augmentations prévues à l'al. 4 (art. 8 al. 5 LAF).

Les suppléments à partir du troisième enfant ont pour objectif d'aider les familles nombreuses (cf. Ueli KIESER/Marco REICHMUTH, Bundesgesetz über die Familienzulagen (FamZG), Praxiskommentar, n. 20 ad Art. 5 FamZG).

11.    a. Selon l'art. 2 al. 1 RAF, le nombre d'enfants pris en considération pour l'octroi des suppléments prévus par l'art. 8 al. 4 LAF est celui des enfants donnant droit aux allocations pour un même ayant droit en application de l'art. 3B al. 1 LAF. Dans leur état en vigueur depuis le 1er janvier 2012, les al. 2 à 5 de l'art. 2 RAF prévoient que, sur requête, les suppléments sont également octroyés à l'ayant droit dès le troisième enfant pour lequel il peut faire valoir un droit aux allocations familiales au sens de l'art. 4 al. 1 LAFam, à la condition que ces enfants vivent la plupart du temps dans son foyer. Il appartient au requérant de prouver que les enfants vivent la plupart du temps dans son foyer (al. 2). Lorsque deux ayants droit remplissent les conditions de l'al. 2, les suppléments sont versés sur requête conjointe. À défaut de requête conjointe, le parent qui touche les allocations pour le ou les enfants communs peut formuler la requête. À défaut d'enfant commun, la requête est formulée par le parent de l'enfant le plus jeune du ménage (al. 3). Dans les situations visées par l'al. 2, le droit au versement des suppléments prévus par l'art. 8 al. 4 LAF existe indépendamment du droit au versement des allocations familiales destinées aux enfants précédant le troisième (al. 4). Un même enfant est pris en considération dans un seul groupe familial pour donner droit à ces suppléments (al. 5).

b. À propos du supplément d'allocation accordé aux familles nombreuses par le droit cantonal genevois, le Tribunal fédéral a relevé que celui-ci est une composante de l'allocation familiale de base dont il est un accessoire: celui qui reçoit l'allocation peut y prétendre. Par conséquent, sauf dérogation, le nombre d'enfants pris en considération pour l'octroi du supplément est celui des enfants donnant droit aux allocations pour un même ayant droit. Cette règle est exprimée à l'art. 2 al. 1 RAF (arrêts du Tribunal fédéral 8C_532/2016 du 8 mars 2016 consid. 5; 8C_601/2013 du 29 octobre 2014 consid. 4.2.1).

Dans l'arrêt 8C_601/2013, le Tribunal fédéral a constaté que la LAFam ne contient pas de dispositions qui régleraient spécialement le versement d'un supplément pour famille nombreuse en fonction de la diversité des liens familiaux, plus particulièrement dans le cas de familles dites recomposées et que, sur ce point, une certaine marge d'appréciation doit donc être réservée aux cantons (consid. 4.2.2). Il en a conclu qu'il appartient au législateur cantonal, s'il entend tenir compte de la diversité des liens familiaux, de définir les exceptions aux règles générales sur la priorité des ayants droit. La Haute Cour a rappelé que c'est ce qu'avait d'ailleurs voulu le législateur genevois en donnant au Conseil d'État la compétence de préciser par règlement la prise en considération des enfants donnant droit au supplément (art. 8 al. 5 LAF; cf. PL 10237-A, p. 20) (consid. 4.2.3).

12.    En l'espèce, le recourant reproche à l'intimée d'avoir mal interprété l'art. 2 RAF, en considérant qu'il ne peut pas prétendre au supplément pour famille nombreuse pour son quatrième enfant, motif pris qu'en vertu de l'alinéa 2 de cette disposition, il ne vit pas avec ses trois enfants aînés, issus d'une précédente union. Selon lui, l'intimée aurait dû examiner le cas à l'aune de l'art. 2 al. 1 RAF exclusivement. Il se plaint ainsi d'une application arbitraire de l'art. 2 RAF. À l'appui de son grief, il soutient que le refus d'accorder ce supplément en cas de garde alternée, alors qu'il assume également l'entretien de ses quatre enfants, compromet le but poursuivi par la loi et contredit de manière choquante le sentiment de justice et d'équité.

L'intimée, pour sa part, se fonde sur l'al. 2 de cette disposition pour refuser le supplément au motif que le recourant ne vit pas avec ses trois enfants aînés la plupart du temps.

13.    Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu d'après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 129 V 258 consid. 5.1 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d'interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a et les arrêts cités).

14.    La LAF ne définit pas, pour les familles séparées et/ou recomposées, ce qu'il faut entendre par « troisième enfant » et « chacun des enfants suivants ». En vertu de l'art. 2 al. 1 RAF, « le nombre d'enfants pris en considération pour l'octroi des suppléments prévus par l'art. 8 al. 4 LAF est celui des enfants donnant droit aux allocations pour un même ayant droit en application de l'art. 3B al. 1 LAF ». L'art. 8 al. 4 LAF prévoit que les suppléments sont accordés dès le troisième enfant. Les « enfants donnant droit aux allocations » sont énumérés aux art. 4 LAFam (en lien avec les art. 4, 5 et 6 OAFam) et 3 LAF (i.e. enfants avec lesquels il existe un lien de filiation ; enfants du conjoint ou du partenaire enregistré ; enfants recueillis ; frères, soeurs et petits-enfants de l'ayant droit s'il en assume l'entretien de manière prépondérante). Le terme « ayant droit en application de l'art. 3B al. 1 LAF » désigne l'allocataire. En effet, cette disposition, qui instaure un classement par ordre de priorité lorsque plusieurs personnes remplissent les conditions d'octroi des allocations familiales pour le même enfant (en vertu d'une législation fédérale ou cantonale), permet de déterminer le bénéficiaire des allocations. Le terme « même ayant droit » signifie que ledit allocataire a la qualité d'ayant droit pour trois enfants (au moins) donnant droit aux allocations familiales. En d'autres termes, il touche trois allocations ou plus. Enfin, l'art. 2 al. 1 RAF in fine, en tant qu'il fait référence à l'art. 3B al. 1 LAF dans son ensemble, ne subordonne pas l'octroi des suppléments à la condition que les (trois) enfants (ou plus) donnant droit aux allocations vivent dans le même foyer que l'allocataire - à l'exception de l'enfant du conjoint ou du partenaire enregistré, de l'enfant recueilli et des frères, soeurs et petits-enfants de l'ayant droit dans l'hypothèse prévue par l'art. 6 let. a OAFam, lesquels doivent vivre (la plupart du temps) dans le ménage de l'ayant droit (cf. consid. 7 ci-dessus). Si l'art. 2 al. 1 RAF in fine était libellé comme suit : « (...) pour un même ayant droit en application de l'art. 3B al. 1 let. c LAF », le supplément, en tant qu'accessoire de l'allocation familiale de base, serait versé à la personne chez qui les enfants vivent la plupart du temps. Tel n'est toutefois pas le cas.

Partant, selon une interprétation littérale de l'art. 2 al. 1 RAF, un ayant droit a droit au supplément d'allocation familiale pour le troisième enfant donnant droit aux allocations et chacun des enfants suivants, indépendamment du fait que les enfants vivent ou non avec lui.

15.    Des travaux préparatoires ressort que le conseiller d'État en charge du département de la solidarité et de l'emploi (DSE) a fait la proposition de compléter la loi par une clause de délégation au Conseil d'État pour préciser la prise en considération des enfants donnant droit au supplément d'allocation « du fait de la diversité des liens familiaux » (rapport de la Commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'État modifiant la loi sur les allocations familiales du 2 septembre 2008 [PL 10237-A], p. 20). Il est par ailleurs à relever que le supplément à partir du troisième enfant a été préféré par le Grand Conseil au relèvement des montants d'allocations par rapport aux minimaux prescrits par la LAFam, qui a été également discuté. Les débats font enfin ressortir qu'il s'agit de lutter contre le risque de pauvreté du fait des enfants (op. cit. p. 5).

Quant aux termes « en application de l'art. 3B al. 1 LAF », ils ont été ajoutés à l'art. 2 al. 1 RAF in fine à la date d'entrée en vigueur de l'al. 2 de cette disposition le 1er janvier 2012. Le Conseil d'Etat n'a donc pas souhaité limiter l'octroi des suppléments seulement à l'allocataire qui cohabite avec les trois enfants (ou plus) donnant droit aux allocations (c'est-à-dire les enfants biologiques ou adoptés, les frères, soeurs et petits-enfants de l'ayant droit dans l'hypothèse prévue par l'art. 6 let. b OAFam).

16.    a. En ce qui concerne la ratio legis, les art. 2 et 9 LAFam, 4 al. 1 et 2 et 11 al. 2 LAF visent à garantir que les allocations familiales soient utilisées conformément à leur but. Elles ont pour objectif de compenser partiellement la charge financière représentée par un ou plusieurs enfants. Comparées à la charge financière effective représentée par un ou plusieurs enfants, les allocations familiales constituent une simple compensation partielle. Lorsqu'elles ne sont pas affectées à l'entretien de l'enfant, elles peuvent être servies à des tiers en vertu de l'art. 9 LAFam, disposition qui autorise le versement des allocations à un tiers (la personne ou l'autorité qui s'occupe de l'enfant, ou l'enfant majeur lui-même) afin de garantir que les allocations soient effectivement utilisées pour l'entretien de l'enfant (cf. Initiative parlementaire/ Prestations familiales/ Rapport complémentaire de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 8 septembre 2004, FF 2004 6459, p. 6474 et 6478). De manière analogue, en droit cantonal, l'art. 4 al. 2 LAF prescrit expressément que les allocations familiales doivent être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants. Dans l'hypothèse où le bénéficiaire ne les utilise pas ou risque de ne pas les utiliser pour l'entretien de l'enfant, les allocations peuvent être payées, sur demande motivée, à un tiers ou à une autorité (art. 11 al. 2 LAF).

b. Les suppléments prévus par l'art. 8 al. 4 LAF visent, outre l'allocation de naissance ou d'accueil et l'allocation pour enfant, l'allocation de formation professionnelle. En cas de formation, les enfants, même adultes, sont en principe tributaires du soutien financier de leurs parents (cf. art. 277 al. 2 CC) et il se peut que les (trois) enfants (ou plus) donnant droit aux allocations n'habitent plus dans le foyer de l'allocataire. Or, il paraîtrait contraire au but de la loi que le droit à l'allocation de formation professionnelle s'éteigne dans une telle hypothèse.

17.    Comme la chambre de céans a déjà eu l'occasion de le relever, la notion de l'ayant droit des allocations familiales est relative, puisqu'il s'agit uniquement de désigner la caisse compétente pour le versement des allocations familiales (ATAS/1309/2010 du 9 décembre 2010 consid 10.b), et en conséquence, des éventuels suppléments. Ainsi, compte tenu des règles de priorité prévues par l'art. 7 LAFam, un même ayant droit recevra les allocations et les suppléments, alors même qu'il ne vit pas avec les trois enfants (ou plus) donnant droit aux allocations, (i) lorsqu'il travaille et détient l'autorité parentale conjointe sur les enfants biologiques ou adoptés qui vivent avec l'autre parent, sans activité lucrative, ou (ii) lorsque son salaire AVS est le plus élevé et qu'il exerce la garde alternée - et donc l'autorité parentale conjointe (cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse [Entretien de l'enfant] du 29 novembre 2013, FF 2014 511, p. 546) -, auquel cas les enfants ne résident pas chez l'un des parents de manière prépondérante (cf. consid. 8b. ci-dessus).

C'est le lieu de rappeler que, selon l'art. 8 LAFam, l'ayant droit tenu, en vertu d'un jugement ou d'une convention, de verser une contribution d'entretien pour un ou plusieurs enfants doit, en sus de ladite contribution, verser les allocations familiales. Les allocations familiales doivent être affectées à l'entretien des enfants exclusivement et, en droit civil, l'obligation d'entretien des père et mère (en nature et/ou en espèces) est indépendante de la garde (cf. art. 276 et 285 du code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210]). Ainsi, lorsque l'ayant droit prioritaire ne cohabite pas avec ses enfants, il doit verser une contribution d'entretien en faveur de ces derniers et est tenu de reverser allocations familiales au parent gardien, le bénéficiaire final de celles-ci étant les enfants. En cas de garde alternée avec prise en charge de l'enfant à parts égales, il n'est pas exclu, selon la capacité contributive des père et mère, que l'un des parents doive verser des contributions d'entretien pécuniaires en plus de la prise en charge personnelle qu'il fournit (arrêts du Tribunal fédéral 5A_86/2016 du 5 septembre 2016 consid. 7.4.2 et 5A_1017/2014 du 12 mai 2015 consid. 4.4). Le coût d'entretien des enfants peut ainsi être partagé entre les parents par moitié pour autant que leurs ressources le permettent (ACJC/1461/2016 du 4 novembre 2016 consid. 4.2.3), ou en fonction de leurs soldes disponibles (ACJC/742/2017 du 23 juin 2017 consid. 7.2.3; ACJC/1601/2016 du 2 décembre 2016 consid. 4.3). Dans ce cas de figure, il n'est pas exclu que le parent débirentier, tenu de verser une contribution d'entretien pour un ou plusieurs enfants, doive reverser à l'autre parent la moitié des allocations familiales perçues (cf. ACJC/1623/2018 du 21 novembre 2018 consid. 7.2.4). C'est dire que la qualité d'ayant droit prioritaire des allocations familiales et des suppléments, qui y sont rattachés, ne dépend point de l'attribution de la garde.

18.    a. Quant à l'art. 2 al. 2 RAF, à teneur duquel les suppléments sont également octroyés à l'ayant droit dès le troisième enfant pour lequel il peut faire valoir un droit aux allocations familiales au sens de l'art. 4 al. 1 LAFam, à la condition que ces enfants vivent la plupart du temps dans son foyer, il doit se lire en corrélation avec l'art. 2 al. 4 RAF, aux termes duquel dans les situations visées par l'alinéa 2, le droit au versement des suppléments prévus par l'art. 8 al. 4 LAF existe indépendamment de la qualité d'ayant droit des allocations familiales destinées aux enfants précédant le troisième. La lecture de l'art. 2 al. 4 RAF permet de constater que l'art. 2 al. 2 RAF vise les situations de familles recomposées, comprenant trois enfants au moins, pour lesquels l'ayant droit ne bénéficie cependant que d'une ou deux allocations familiales, l'ayant droit des autres allocations étant un autre parent en vertu de l'ordre de priorité prévu par l'art. 7 LAFam.

Dans cette constellation, l'art. 2 al. 2 RAF exige que les enfants vivent la plupart du temps dans le foyer du requérant. Pour rappel, l'art. 4 al. 1 LAFam prévoit que les enfants donnant droit aux allocations sont les enfants biologiques ou adoptés, les enfants du conjoint de l'ayant droit et les enfants recueillis, ainsi que les frères, soeurs et petits-enfants de l'ayant droit, s'il en assume l'entretien de manière prépondérante. Lorsque les enfants donnant droit aux allocations sont les enfants du conjoint, la condition du ménage commun (la plupart du temps) ne peut s'interpréter que par référence aux art. 4 al. 1 let. b LAFam et 4 al. 1 OAFam, aux termes desquels les enfants du conjoint de l'ayant droit donnent droit aux allocations familiales s'ils vivent la plupart du temps dans le foyer de l'ayant droit ou y ont vécu jusqu'à leur majorité. Il s'agit par exemple de l'enfant qui habite pendant la semaine avec sa mère et son beau-père et séjourne un week-end sur deux chez son père, vit la majeure partie du temps dans le foyer de sa mère et de son beau-père (DAFam, ch. 233). L'enfant du conjoint, lorsqu'il vit en institution ou en foyer ou qui, pour suivre une formation, vit ailleurs que chez son parent durant la semaine, donne droit aux allocations familiales dès lors qu'il séjourne chez son parent et le conjoint de ce dernier pendant les week-ends et les vacances (DAFam, ch. 235). Il sied de relever à cet égard que l'art. 278 al. 2 CC prescrit que chaque époux est tenu d'assister son conjoint de façon appropriée dans l'accomplissement de son obligation d'entretien envers les enfants nés avant le mariage.  Quand bien même l'art. 278 al. 2 CC ne donne pas à l'enfant né avant le mariage une prétention à l'entretien contre sa belle-mère ou son beau-père (Denis PIOTET, Commentaire romand du Code civil I, 2010, n. 4 ad art. 278 CC), cette disposition concrétise le devoir d'assistance d'un époux envers l'enfant de son conjoint, qui n'intervient, subsidiairement, que s'il reste au débirentier des moyens après couverture de son propre entretien et de celui de ses propres enfants (ATF 137 III 59 consid. 4.4 ; 127 III 68 consid. 3)). Lorsque l'enfant vit auprès de sa mère et de son beau-père, il appartient au père biologique de supporter les coûts financiers de l'entretien de l'enfant; l'assistance du beau-père se résume à compenser une éventuelle différence entre la contribution d'entretien insuffisante du père biologique et les besoins de l'enfant et à supporter le risque lié à l'encaissement des contributions d'entretien (ATF 120 II 285 consid. 2b). Si, en droit civil, l'assistance subsidiaire du beau-parent peut intervenir même si les beaux-enfants n'habitent pas avec celui-ci (cf. PIOTET, op cit. n. 7 ad art. 278 CC), en droit public, les art. 4 al. 1 let. b LAFam et art. 4 al. 1 OAFam présupposent que si lesdits enfants vivent la plupart du temps dans le foyer du beau-parent, ce dernier subvient également à leur entretien, peu importe que des contributions d'entretien soient versées par des tiers (KIESER/REICHMUTH, op cit., n. 26 ad Art. 4 FamZG ; DAFam, ch. 234).

b. Dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2012, l'art. 2 al. 2 RAF stipulait que « lorsque deux ayants droit mariés vivent dans un même ménage avec au moins trois enfants donnant droit aux allocations, ils peuvent, sur requête conjointe et écrite, bénéficier des suppléments prévus par l'art. 8 al. 4 LAF ». Dans sa jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle teneur de l'art. 2 al. 2 RAF, la chambre de céans a constaté que l'art. 2 RAF, s'il respectait le principe de la légalité, violait en revanche, dans les situations de famille recomposées, celui de l'égalité de traitement. Cette disposition opérait une distinction, concernant le droit au supplément pour famille nombreuse, sur la base de l'ayant droit des allocations: le droit au supplément était accordé soit lorsqu'un même ayant droit touchait des allocations pour au moins trois enfants (al. 1), soit lorsque deux ayants droit mariés vivaient dans un même ménage avec au moins trois enfants donnant droit aux allocations familiales (al. 2). La chambre de céans a considéré que cela revenait à faire une distinction en fonction du fait qu'un parent exerce une activité lucrative ou non, ce qui changeait l'ordre de priorité. Elle a rappelé que le supplément pour famille nombreuse était destiné à compenser partiellement la charge financière particulièrement lourde que représentait une famille avec trois enfants et plus. Cette charge n'était pas allégée lorsque le parent qui avait l'autorité parentale et la garde sur trois enfants ou plus n'exerçait pas d'activité lucrative. Tout au contraire, ce parent ne pouvait de ce fait bénéficier des allocations familiales, en vertu de l'ordre de priorité prescrit par la loi. Après avoir relevé que la notion de l'ayant droit des allocations familiales était tout à fait relative et que les allocations familiales devaient être affectées exclusivement à l'entretien du ou des enfants, la chambre de céans en a tiré la conclusion qu'il n'y avait aucun motif raisonnable de traiter différemment des parents vivant avec trois enfants ou plus, issus d'unions différentes et donnant droit à des allocations familiales, en fonction du fait que l'un des parents était l'ayant droit prioritaire pour recevoir les allocations familiales pour ces enfants ou non. Elle a jugé que le seul critère de l'ayant droit paraissait trop restrictif pour les familles nombreuses recomposées et qu'il y avait également lieu d'accorder le supplément lorsque le requérant pourrait avoir potentiellement droit aux allocations familiales pour trois enfants ou plus - en application de l'art. 4 al. 1 LAFam et en faisant abstraction de la règle de priorité prévue à l'art. 7 LAFam - et que le requérant vit avec ces enfants (ATAS/1309/2010 du 9 décembre 2010 ; dans ce sens également ATAS/1283/2010).

Force est ainsi de constater que l'adoption de la nouvelle teneur de l'art. 2 al. 2 et 4 RAF a été motivée par la jurisprudence rendue dans les ATAS/1309/2010 et ATAS/1283/2010 afin de faire bénéficier des suppléments les familles recomposées dans lesquelles le requérant, qui fait ménage commun (la majeure partie du temps) avec au moins trois enfants donnant droit aux allocations, ne perçoit pas lui-même trois allocations eu égard à l'ordre de priorité prévu par l'art. 7 LAFam. Le requérant doit toutefois bénéficier, à tout le moins, d'une allocation familiale pour prétendre au supplément dès le troisième enfant, puisque le supplément est une composante de l'allocation de base, dont il est un accessoire (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2013 du 29 octobre 2014 consid. 4.2.1). En d'autres termes, le droit au supplément n'existe pas indépendamment de l'octroi de l'allocation familiale.

c. La solution dégagée de l'art. 2 al. 2 et al. 4 RAF est par ailleurs celle qu'a choisie le Conseil d'État vaudois lorsqu'il a adopté le 20 mai 2009 une modification de l'art. 1 al. 2 du règlement concernant la loi d'application de la loi fédérale sur les allocations familiales et sur des prestations cantonales en faveur de la famille du 29 octobre 2008 (RLVLAFam - 836.01.1), afin de régler les situations de familles recomposées - qui avaient perdu le droit au supplément d'allocations familiales dès le troisième enfant en raison de l'application de l'ordre de priorité prévu par le droit fédéral (art. 7 LAFam), entré en vigueur le 1er janvier 2009. Selon l'art. 14 al. 1 ch. 1 de la loi (vaudoise) sur les allocations familiales du 30 novembre 1954 (LAlloc - 836.01), dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2008, les enfants du conjoint entretenus dans le ménage commun étaient considérés au même titre que les propres enfants du conjoint qui n'était pas le parent, si bien que le nouveau conjoint était prioritaire pour recevoir les allocations et les suppléments lorsqu'il était salarié à plein temps. L'art. 7 LAFam, en revanche, fait prévaloir le droit du père ou de la mère qui détient l'autorité parentale sur celui du nouveau conjoint, même si ce dernier vit la plupart du temps avec l'enfant. Aussi le nouveau conjoint, dont l'épouse ne travaillait pas, avait-il perdu le droit à l'allocation augmentée pour le troisième enfant du couple lorsque l'ex-conjoint détenait également l'autorité parentale sur les deux premiers enfants de l'épouse qui vivaient sous le même toit que le nouveau conjoint. L'art. 1 al. 1 RLVLAFam dispose que « l'allocation augmentée au sens de l'art. 3 al. 1 de la loi est octroyée dès la 3ème allocation familiale versée à l'ayant droit ». En vertu de l'art. 1 al. 2 RLVLAFam, entré en vigueur le 29 mai 2009, « l'allocation augmentée est également octroyée sur requête à l'ayant droit dès le troisième enfant pour lequel il peut faire valoir un droit aux allocations familiales au sens de l'art. 4 LAFam à la condition que ces enfants vivent la plupart du temps dans le foyer de l'ayant droit ou y ont vécu jusqu'à leur majorité. Le droit au versement de l'allocation augmentée existe indépendamment du droit au versement des allocations familiales pour les enfants précédant le troisième ». La nouvelle réglementation permet de verser à l'ayant droit une allocation augmentée pour le troisième enfant et les suivants vivant dans le ménage même s'il n'obtient pas lui-même l'allocation pour les enfants précédents (cf. lettre d'information du département de la santé et de l'action sociale aux caisses d'allocations familiales actives dans le canton de Vaud du 28 mai 2009, citée dans un arrêt de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 23 octobre 2014 [AF 4/13 - 3/2014 consid. 6] ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 8C_532/2016 du 8 mars 2017 consid. 2.2). L'on ne peut que constater que la teneur de l'art. 2 al. 2 cum al. 4 RAF est similaire à celle de l'art. 1 al. 2 RLVLAFam.

d. Il sied en outre de relever que le fait que le coût à partir du troisième enfant n'est pas pris en charge par les mêmes parents n'est pas déterminant. Les allocations familiales et le supplément, qui y est rattaché, constituent des prestations sociales, dont le montant est fixé dans la loi. Ces prestations, qui sont indépendantes du salaire, du revenu ou du taux d'activité (cf. art. 4 LAF), et en conséquence, de la capacité contributive des père et mère, obéissent à des règles spécifiques fondées sur le droit public. Aussi, le droit à ces prestations est donné lorsque les conditions requises par la LAFam, la LAF et le RAF sont réunies. Si, dans la situation visée par l'art. 2 al. 2 RAF, le nouveau conjoint peut prétendre au supplément pour le troisième enfant pour lequel il peut faire valoir un droit aux allocations familiales, alors même que les deux autres enfants vivant la plupart du temps dans son foyer, pour lesquels il n'est pas l'ayant droit prioritaire, perçoivent une pension alimentaire, il n'existe aucune raison valable de ne pas accorder le supplément à l'ayant droit qui touche au moins trois allocations, même si un tiers parent contribue également à l'entretien de ses enfants.

e. S'agissant de l'art. 2 al. 5 RAF, aux termes duquel un même enfant est pris en considération dans un seul groupe pour donner droit à ces suppléments, il y a lieu de relever que, dans l'arrêt ATAS/1309/2010, antérieur à l'adoption de cette disposition le 16 novembre 2011, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, la chambre de céans s'était exprimée en ces termes : « Lorsque la prise en considération des mêmes enfants pourrait donner droit au supplément dans deux groupes familiaux recomposés, ces enfants ne devraient toutefois compter que dans l'un de ces groupes, selon des conditions qui restent à définir. En effet, la situation pourrait se présenter où, par exemple, les parents de deux enfants se séparent, fondent chacun une nouvelle famille et mettent au monde d'autres enfants. Il faudrait éviter que chacun puisse demander le supplément pour famille nombreuse (dans le cas par exemple où la mère a l'autorité parentale et la garde exclusive sur les enfants de la première union et où le père est l'ayant droit des allocations pour ceux-ci), alors que seulement l'un des groupes familiaux vit avec trois enfants ou plus ». L'art. 2 al. 5 RAF vise donc à éviter que plusieurs suppléments d'allocation familiale soient alloués en faveur d'un même enfant.

19.    Il résulte ainsi de l'interprétation littérale, téléologique, systématique et historique que les alinéas 1 et 2 de l'art. 2 RAF visent deux situations distinctes. Si, selon l'alinéa 1 de cette disposition, le nombre d'allocations familiales versées à un même ayant droit (qui ne réside pas nécessairement avec les enfants pris en considération) est décisif pour l'octroi des suppléments, c'est en revanche le nombre d'enfants vivant avec l'ayant droit (la plupart du temps) pour lesquels ce dernier peut faire valoir un droit aux allocations familiales qui est déterminant selon l'art. 2 al. 2 et al. 4 RAF, alors même qu'il ne bénéficie que d'une ou deux allocations familiales en raison des règles de priorité instaurées par la loi. L'art. 2 al. 2 RAF a pour but, non pas de limiter, mais d'étendre l'octroi du supplément à l'ayant droit qui ne bénéficie pas lui-même de trois allocations familiales au moins, à la condition toutefois qu'il fasse ménage commun la plupart du temps avec les enfants pour lesquels il peut faire valoir un droit aux allocations familiales au sens de l'art. 4 LAFam.

L'art. 2 al. 1 RAF doit ainsi être interprété en ce sens que les suppléments prévus par l'art. 8 al. 4 LAF sont octroyés à l'ayant droit qui reçoit trois allocations familiales au moins même si celui-ci ne vit pas avec ses enfants donnant droit auxdites allocations (soit les enfants biologiques ou adoptés, et les frères, soeurs et petits-enfants de l'ayant droit dans l'hypothèse prévue par l'art. 6 let. b OAFam).

20.    Au vu de ce qui précède, c'est à tort que l'intimée se base sur l'art. 2 al. 2 RAF pour refuser le supplément d'allocation familiale à la quatrième enfant du recourant, au motif que cette enfant et le recourant ne vivent pas avec les trois enfants aînés. En effet, la recomposition familiale (les enfants aînés vivent à parts égales de façon alternée chez le père et la mère, sa compagne et leur fille) n'implique pas automatiquement l'application de l'art. 2 al. 2 RAF. Or, le recourant, en sa qualité d'ayant droit prioritaire pour les allocations familiales en faveur de ses quatre enfants, perçoit bel et bien quatre allocations, ce qui n'est pas contesté. Partant, il peut prétendre au supplément pour son quatrième enfant en vertu de l'art. 2 al. 1 RAF, disposition qui, comme exposé ci-dessus, n'exige pas que l'allocataire habite la plupart du temps avec les enfants donnant droit aux allocations.

Au vu de ce qui précède, le recourant a droit au supplément d'allocation pour le quatrième enfant.

21.    Le droit à l'allocation de naissance ou à l'allocation d'adoption est soumis aux mêmes conditions que celles valables pour le droit aux allocations familiales.

Partant, le recourant, en tant qu'il bénéficie d'une allocation familiale pour son quatrième enfant, a également droit au supplément de l'allocation de naissance CHF 1'000.- (art. 8 al. 4 let. a LAF et art. 2 al. 1 RAF).

22.    Sur le vu de ce qui précède, le recours sera admis, la décision litigieuse annulée et le recourant mis au bénéfice du supplément d'allocation familiale et d'allocation de naissance pour son quatrième enfant.

23.    Le recourant, représenté par un mandataire, obtient gain de cause, de sorte qu'il a droit à une indemnité de dépens, que la chambre de céans fixe en l'occurrence à CHF 2'000.- (art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

24.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA).

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant conformément à l'art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 19 octobre 2018.

4.        Condamne l'intimée à verser au recourant le supplément d'allocations familiales de CHF 100.- en faveur du quatrième enfant du recourant depuis la naissance de celle-ci, ainsi que le supplément d'allocation de naissance de CHF 1'000.- en faveur de ce même enfant.

5.        Alloue au recourant, à la charge de l'intimée, une indemnité de CHF 2'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La vice-présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral des assurances sociales par le greffe le