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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2649/2021

ATAS/292/2022 du 28.03.2022 ( LAMAL ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2649/2021 ATAS/292/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 28 mars 2022

1ère Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à Genève

 

 

recourant

 

contre

SWICA ASSURANCE-MALADIE SA, Direction générale, Service juridique, sise Römerstrasse 38, Winterthur

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né le ______ 1990 en Azerbaïdjan, est arrivé en Suisse le 24 septembre 2017 selon la banque de données Calvin de l'office cantonal de la population et des migrations. Il est affilié auprès de Swica assurance-maladie SA (ci-après : SWICA ou l'intimée) pour l'assurance-maladie obligatoire des soins.

b. Dans un rapport du 25 septembre 2020, le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orale et maxillo-faciale, a, pour le compte de l'assuré, présenté à SWICA une demande tendant à la prise en charge d'un traitement. Il a fait état d'une malformation squelettique (rétromaxillie avec un ANB a - 6) et d'une dysocclusion dentaire, en se référant à une orthopantomogramme du 7 juillet 2020, ainsi qu'à une téléradiographie du 28 février 2020. Il s'agissait d'une infirmité congénitale (prognathie inférieure congénitale) pour laquelle il préconisait une décompensation orthodontique et une chirurgie orthognatique consistant en une ostéotomie maxillaire d'avancement et probablement, en fonction de la décompensation dentaire définitive, en un léger recul mandibulaire par une ostéotomie sagittale bilatérale. Cette requête était accompagnée de deux rapports du 7 septembre 2020 établis par les docteurs C______ et D______, tous deux exerçant à la Clinique dentaire E______ à Bakou (Azerbaïdjan).

B. a. À l'issue d'un échange de correspondances entre les parties, par décision du 1er mars 2021, SWICA, en s'appuyant sur l'appréciation du 12 janvier 2021 de son médecin-conseil, le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orale et maxillo-faciale, a refusé de prendre en charge les coûts du traitement combiné envisagé. L'assuré n'avait pas suivi le traitement qui lui avait été recommandé lorsque le diagnostic de prognathisme avait été posé en 1999, soit avant qu'il n'atteigne l'âge de 20 ans. Alors que le traitement aurait pu lui être prodigué au moment idéal, vers l'âge de 20 ans, voire avant en ce qui concernait le traitement orthodontique, il avait été retardé pendant des années après l'âge de 20 ans. Dans ces circonstances, le traitement sollicité n'était pas du ressort de l'assurance obligatoire des soins.

b. Par courrier du 30 mars 2021, l'assuré a contesté cette décision. À l'appui de son opposition, il a transmis un rapport complémentaire du Dr C______ du 18 mars 2021.

c. Par décision sur opposition du 21 juillet 2021, SWICA a maintenu sa position, en se fondant sur l'appréciation de son médecin-conseil du 27 juin 2021.

C. a. Par lettre du 13 août 2021 adressée à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS), l'assuré a fait « appel » contre la décision du 21 juillet 2021, en sollicitant la révision de cette décision.

b. Dans sa réponse du 3 septembre 2020 (recte : 2021), l'intimée a conclu au rejet du recours.

c. Invité à répliquer, le recourant ne s'est pas manifesté dans le délai imparti à cet effet.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAMal, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-maladie, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.             Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA.

3.1 Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1 ; ATF 127 V 467 consid. 1 et les références). En ce qui concerne en revanche la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b ; ATF 112 V 360 consid. 4a ; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b).

3.2 Déposé après le 1er janvier 2021, le recours sera donc traité sous l'angle du nouveau droit de la LPGA (cf. ATAS/360/2021 du 15 avril 2021 consid. 3).

4.             Le délai de recours est de trente jours (art. 56 et 60 LPGA ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

4.1 Bien que, comme le soulève l'intimée, le courrier du 13 août 2021, par lequel le recourant a interjeté « appel » contre la décision sur opposition du 21 juillet 2021, ne contient pas de conclusions expresses, on comprend que celui-ci a formé un recours contre cette décision, qu'il la conteste et qu'il demande la prise en charge du traitement combiné orthodontico-chirurgical. Cet acte de recours, rédigé par un justiciable non représenté par un avocat, satisfait aux exigences, peu élevées, de forme et de contenu prescrites par la loi (art. 61 let. b LPGA ; ATAS/689/2017 du 21 août 2017 consid. 4b).

4.2 Interjeté par ailleurs dans le délai prévu par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b LPA), le recours sera déclaré recevable.

5.             Le litige porte sur le point de savoir si, dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins, l'intimée doit prendre en charge le traitement orthodontique et chirurgical maxillo-facial que préconise le médecin traitant du recourant, atteint d'une prognathie inférieure congénitale.

6.             Selon l'art. 25 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations qui servent à diagnostiquer ou à traiter une maladie et ses séquelles (al. 1). Ces prestations comprennent notamment les examens et traitements dispensés sous forme ambulatoire, en milieu hospitalier ou dans un établissement médico-social, ainsi que les soins dispensés dans un hôpital par des médecins, des chiropraticiens et des personnes fournissant des prestations sur prescription ou sur mandat d'un médecin ou d'un chiropraticien (al. 2 let. a).

7.             Selon l'art. 31 al. 1 LAMal, l'assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des soins dentaires s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non évitable du système de la mastication (let. a), ou s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou ses séquelles (let. b), ou s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave ou ses séquelles (let. c).

7.1 Conformément à l'art. 33 al. 2 et 5 LAMal, en corrélation avec l'art. 33 let. d de l'ordonnance sur l'assurance-maladie du 27 juin 1995 (OAMal - RS 832.102), le Département fédéral de l'intérieur (ci-après : DFI) a édicté les art. 17 à 19a de l'ordonnance sur les prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS - RS 832.112.31), qui se rapportent à chacune des éventualités prévues à l'art. 31 al. 1 LAMal.

7.2 Ainsi, l'art. 17 OPAS énumère les maladies graves et non évitables du système de la mastication au sens de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal, qui ouvrent le droit à la prise en charge des coûts des traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins. L'art. 18 OPAS mentionne d'autres maladies graves susceptibles d'occasionner des soins dentaires (art. 31 al. 1 let. b LAMal) ; il s'agit de maladies qui ne sont pas, comme telles, des maladies du système de la mastication, mais qui ont des effets nuisibles sur ce dernier. L'art. 19 OPAS prévoit que l'assurance prend en charge les soins dentaires nécessaires aux traitements de certains foyers infectieux bien définis (art. 31 al. 1 let. c LAMal). Enfin l'art. 19a OPAS règle les conditions de la prise en charge des frais dentaires occasionnés par certaines infirmités congénitales (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K.146/05 du 29 décembre 2006 consid. 1.2).

Selon une jurisprudence constante, la liste des affections de nature à nécessiter des soins dentaires à la charge de l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie est exhaustive (ATF 127 V 332 consid. 3a et 343 consid. 3b ; ATF 124 V 194 consid. 4).

8.             En cas d’infirmité congénitale (art. 3 al. 2 LPGA) non couverte par l’assurance-invalidité, l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des mêmes prestations qu’en cas de maladie (art. 27 LAMal).

8.1 Selon la jurisprudence, les traitements dentaires consécutifs à une infirmité congénitale au sens de l'art. 27 LAMal n'ouvrent le droit aux prestations de l'assurance-maladie obligatoire des soins que lorsque les conditions de l'art. 31 al. 1 LAMal sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 9C_223/2009 du 16 avril 2010 consid. 2.2 et la référence).

8.2 Aux termes de l'art. 19a al. 1 OPAS, l'assurance prend en charge les coûts des traitements dentaires occasionnés par les infirmités congénitales, au sens de l'al. 2, lorsque les traitements sont nécessaires après la vingtième année (let. a) ou que les traitements sont nécessaires avant la vingtième année pour un assuré soumis à la LAMal mais qui n'est pas assuré par l'assurance-invalidité fédérale (let. b).

8.2.1 Au nombre des infirmités congénitales figure la prognathie inférieure congénitale, lorsque l'appréciation céphalométrique montre une divergence des rapports sagittaux de la mâchoire mesurée par un angle ANB d'au moins -1 degré et qu'au moins deux paires antagonistes de la seconde dentition se trouvent en position d'occlusion croisée ou en bout à bout (art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS), dont le Tribunal fédéral des assurances a précisé qu'elle doit être assimilée à une maladie grave du système de la mastication au sens de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal (ATF 129 V 80 consid. 6).

8.2.2 La jurisprudence a précisé que ne sont réputés nécessaires au sens de l'art. 19a al. 1 let. a OPAS que les traitements dentaires occasionnés par une infirmité congénitale qui, pour des raisons médicales, requièrent une intervention au-delà de l'âge de 20 ans. Le Tribunal fédéral a en effet considéré que l'assurance obligatoire des soins ne peut pas être appelée à répondre des coûts résultant de traitements qui auraient pu être effectués avant cette limite temporelle mais qui ne l'ont pas été pour des motifs échappant à la sphère d'influence de l'assureur-maladie (ATF 130 V 294 consid. 5.2-5.5, précision de la jurisprudence rendue à l'ATF 129 V 80).

La nécessité d'un traitement dentaire occasionné par une infirmité congénitale après la vingtième année au sens de l'art. 19a al. 1 let. a OPAS doit être admise lorsque des raisons médicales exigent que l'intervention soit pratiquée à ce moment-là seulement (ATF 130 V 459 consid. 1.2). Si, en dépit de l'indication médicale, l'intervention est reportée des années, voire des décennies durant, la condition liée à la nécessité de procéder après l'âge de 20 ans au traitement dentaire occasionné par une infirmité congénitale n'est plus remplie (ATF 130 V 459 consid. 3).

9.             En l'espèce, l'intimée admet que le recourant est atteint d'une infirmité congénitale au sens de l'art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS (prognathie inférieure congénitale). Reste à examiner s'il remplit les conditions de l'art. 19a al. 1 let. a OPAS pour voir les coûts induits par le traitement combiné de cette infirmité pris en charge par l'assurance obligatoire des soins.

À cet égard, contrairement à ce que prétend le recourant, le diagnostic n'a pas été posé après l'âge de 20 ans, mais bien avant. Dans son rapport du 7 septembre 2020, le Dr D______ indique en effet que les symptômes que présentait le recourant lors de la consultation du 7 septembre 2020 étaient les mêmes que ceux existant en 1999 (sévère malocclusion, perte d'harmonie faciale, altération des fonctions de mastication et d'élocution). À l'époque (en 1999), le diagnostic de malocclusion squelettique classe III avec hypoplasie maxillaire et prognathisme mandibulaire avait déjà été retenu ce qui paraît cohérent, puisqu'il s'agit d'une atteinte congénitale se développant à partir de la naissance , diagnostic identique à celui établi au moyen des examens effectués en septembre 2020 (malocclusion squelettique de classe III associée à une hypoplasie maxillaire et à un prognathisme mandibulaire). Dans son rapport daté également du 7 septembre 2020, le Dr C______ mentionne que le recourant a souffert depuis 1999 d'une malocclusion progressive avec pour résultat une macrognathie de la mâchoire inférieure. La prognathie inférieure a donc été diagnostiquée, au plus tôt, lorsque le recourant, né le 6 novembre 1990, était âgé de 9 ans.

Entre 9 et 15 ans, celui-ci a porté des appareils orthodontiques, ayant légèrement corrigé son occlusion et ralenti la croissance de sa mâchoire inférieure, laquelle s'est toutefois à nouveau développée lorsqu'il avait 17-18 ans (opposition du 30 mars 2021 ; rapport du Dr C______ du 18 mars 2021). Quand bien même l'indication médicale était déjà donnée avant la vingtième année du recourant (rapport du Dr D______ précité qui relève qu'un traitement orthodontique suivi d'une opération orthognatique étaient recommandés, mais le patient avait « disparu »), celui-là n'a pas entrepris de traitement, car, de son aveu même, à l'âge de 18 ans il était venu en Suisse pour étudier, où les traitements dentaires, coûteux, n'étaient pas couverts par l'assurance qu'il avait contractée (son courriel du 28 janvier 2021; opposition du 30 mars 2021; recours du 13 août 2021).

Force est ainsi de constater que ce n'étaient pas des raisons médicales mais pécuniaires qui expliquaient le report du traitement occasionné par l'infirmité au moment où le recourant était âgé de 30 ans environ (demande de prise en charge du traitement combiné litigieux du 25 septembre 2020).

Le fait que, à l'époque, le système de santé en Azerbaïdjan était inefficient (opposition du 30 mars 2021) n'est pas pertinent, pas plus que ne l'est le fait que le recourant aurait été mal conseillé par les médecins consultés en Suisse avant le Dr B______ (opposition du 30 mars 2021 ; recours du 13 août 2021) ou que ses symptômes se sont aggravés à partir de 2015 seulement (problèmes de diction, zézaiement, déficit esthétique ; rapport du Dr C______ du 18 mars 2021). En effet, ces circonstances ne modifient en rien la nécessité d'une prise en charge avant l'accomplissement de la vingtième année facteur déterminant , ainsi que l'a reconnu le Dr D______ comme on l'a relevé plus haut, sans attendre comme l'allègue le recourant que la mâchoire atteigne sa position finale de croissance (son courriel du 7 janvier 2021), assertion qui n'est point étayée par les rapports médicaux produits.

De toute manière, même à supposer que l'atteinte du recourant exigeât des soins après sa vingtième année, fin 2016, alors que les Drs C______ et D______ lui avaient recommandé un traitement (opposition du 30 mars 2021), celui-ci ne s'y est pas soumis. Les soins nécessaires auraient donc pu lui être fournis quatre ans avant la demande de prise en charge à l'intimée. Dans ce cas, il y a lieu de retenir qu'en reportant de plusieurs années le traitement occasionné par l'infirmité congénitale, la condition liée à la nécessité de procéder après l'âge de 20 ans au traitement dentaire n'est plus remplie.

Partant, c'est à juste titre que l'intimée a refusé de prendre en charge le traitement sollicité au regard de l'art. 19a al. 1 let. a OPAS en lien avec l'al. 2 ch. 22 de cette disposition.

10.         Cela étant, reste encore à examiner si l'intimée doit prendre en charge les coûts du traitement en cause au titre de l'art. 17 let. f OPAS (étant relevé que celle-ci ne s'est pas prononcée sur le droit en question sous cet angle).

10.1 C'est le lieu de rappeler que l'infirmité congénitale dont souffre le recourant (prognathie inférieure congénitale au sens de l'art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS), est assimilée à une maladie grave du système de la mastication au sens de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal, auquel se rapportent les éventualités prévues à l'art. 17 OPAS (arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2010 du 30 août 2010 consid. 6 et les références).

10.2 Au nombre des maladies graves et non évitables du système de la mastication ouvrant le droit à la prise en charge des coûts des traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins figurent notamment les dysgnathies qui provoquent des affections pouvant être qualifiées de maladies, tels qu'un syndrome de l'apnée du sommeil (art. 17 let. f ch. 1 OPAS), des troubles graves de la déglutition (ch. 2) ou des asymétries graves cranio-faciales (ch. 3).

Selon la jurisprudence, est « évitable » toute maladie du système de la mastication qui peut être évitée par une bonne hygiène buccale et dentaire. Dans ce sens, sont visées la carie et la parodontite. Seules les dysgnathies inévitables peuvent être reconnues comme maladie du système de la mastication et entraîner l'obligation de prise en charge de l'assureur. Cela étant, le fait qu'elles figurent à l'art. 17 let. f OPAS ne permet pas de les qualifier d'emblée d'inévitables. Par ailleurs, toutes les dysgnathies inévitables au sens de l'art. 17 let. f OPAS ne doivent pas nécessairement revêtir les formes les plus graves. Les dysgnathies dont il est question à l'art. 17 let. f ch. 1 OPAS ne doivent pas être graves en soi ; seuls leurs effets - à savoir le syndrome d'apnée du sommeil - doivent l'être. De même, les dysgnathies au sens de l'art. 17 let. f ch. 2 OPAS doivent entraîner des troubles graves de la déglutition. Seules les dysgnathies mentionnées à l'art. 17 let. f ch. 3 OPAS revêtent en soi un caractère de gravité dans la mesure où elles provoquent des asymétries cranio-faciales graves ou correspondent à une cranio-sténose, une dysostose, une dysplasie des maxillaires ou à un trouble de la croissance comme l'élongation ou l'hypertrophie mandibulaire, ou encore l'hémi-atrophie faciale. Enfin, la liste contenue à l'art. 17 let. f OPAS n'est pas exemplative mais limitative : seules, et pour autant qu'elles puissent être qualifiées de maladies, les affections mentionnées aux ch. 1 à 3 provoquées par des dysgnathies inévitables sont susceptibles d'entraîner la prise en charge des coûts de traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins. Ainsi l'art. 17 let. f ch. 2 OPAS vise uniquement les troubles graves de la déglutition à l'exclusion d'autres troubles comme ceux de la mastication (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K.146/05 du 29 décembre 2006 consid. 3 et 4.2 et les références).

11.         En l'espèce, certes, ni les Drs C______ et D______, ni le Dr B______ n'ont relevé que le recourant souffre en raison de sa malformation d'un syndrome de l'apnée du sommeil ou de troubles graves de la déglutition. En particulier, les difficultés dans la mastication (courriel du recourant du 28 janvier 2021) ne sont pas graves au sens de la jurisprudence pour que le traitement envisagé soit pris en charge par l'assurance obligatoire des soins.

Cependant, le recourant présente un déficit esthétique important (rapport du Dr C______ des 7 septembre 2020 et 18 mars 2021). On rappellera que le Dr D______ a fait état d'une malocclusion de stade III associée à une hypoplasie maxillaire. Or, on ignore si cette affection correspond à une « grave » asymétrie cranio-faciale au sens de l'art. 17 let. f ch. 3 OPAS, à défaut de renseignements médicaux à ce sujet (le médecin-conseil de l'intimée ne s'est pas déterminé sur ce point).

Dans la mesure où l'intimée n'a nullement investigué cette question, il n’appartient pas au juge de suppléer aux carences administratives. En conséquence, il se justifie de lui renvoyer la cause pour instruction complémentaire. On ne saurait en effet priver les parties de la garantie d’une double instance avec plein pouvoir d’examen en fait et en droit (décision administrative sujette à opposition, puis recours ; dans ce sens : ATAS/196/2020 du 25 février 2020 consid. 21 ; ATAS/945/2018 du 17 octobre 2018 consid. 10e et 11).

12.         Au vu de ce qui précède, le recours est partiellement admis, la décision sur opposition du 21 juillet 2021 annulée et la cause renvoyée à l'intimée afin qu'elle procède conformément aux considérants, puis rende une nouvelle décision.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement et annule la décision sur opposition du 21 juillet 2021.

3.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Fabienne MICHON RIEBEN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le