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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1562/2018

ATAS/27/2019 du 17.01.2019 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1562/2018 ATAS/27/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 janvier 2019

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à BELLEVUE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sara GIARDINA

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______, née le ______ 1985, mariée et mère d’un enfant né le ______ 2013, est d’origine portugaise et sans formation. Elle est entrée en Suisse en août 2009.

2.        Dans son extrait de compte individuel, elle a réalisé des revenus annuels de CHF 4'482.- en 2012 et de CHF 3'030.- en 2013.

3.        Une imagerie par résonnance magnétique (ci-après: IRM) dorso-lombaire réalisée le 14 décembre 2015 a mis en évidence chez l'intéressée une minime protrusion discale L5-S1 avec discrète arthrose postérieure de L4-L5 et L5-S1.

4.        En décembre 2016, elle a formé une demande de prestations de l’assurance-invalidité, en y indiquant avoir travaillé comme femme de ménage de mars 2012 à mars 2013 au tarif horaire de CHF 26.68 par heure. Depuis 2013, elle était femme au foyer. Comme atteinte à la santé, elle a mentionné une maladie rhumatismale chronique et une maladie inflammatoire chronique de l’intestin depuis 2010.

5.        Dans son rapport du 22 décembre 2016, la doctoresse B______, rhumatologue FMH, a émis les diagnostics de spondarthrite séronégative HLA-B-27 négative et proctite RCUH. Ce médecin suivait l’assurée depuis le 17 novembre 2014. Dans l’anamnèse, elle a mentionné des douleurs rachidiennes et une polyarthralgie, ainsi que des douleurs abdominales. A l’examen clinique, elle a constaté une asthénie et un syndrome lombo-vertébral, sans synovite. Le pronostic était moyen. Il s’agissait d’une maladie articulaire et digestive mal contrôlée pour le moment. Dans la rubrique de l’incapacité de travail, le médecin a indiqué « femme au foyer ». On pouvait s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle en fonction de la réponse au traitement. Enfin, l’assurée souffrait aussi d’un probable état dépressif.

6.        Dans son rapport du 27 décembre 2016, la Dresse C______ a notamment attesté que la coloscopie effectuée parlait en faveur d’une guérison de la muqueuse.

7.        Le 10 janvier 2017, la doctoresse C______ a attesté que les examens endoscopiques montraient une guérison complète de la muqueuse colique et rectale. Sur le plan articulaire, la Dresse D______ avait confirmé qu’il n’y avait aucune évidence objective d’une inflammation persistante au niveau articulaire. Il y avait ainsi une rémission objective de la maladie inflammatoire sur le plan digestif et articulaire.

8.        Dans son rapport de la même date à l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (OAI), la Dresse C______ a indiqué suivre la patiente en raison d’une longue maladie qui avait débuté le 17 février 2015. Elle a émis le diagnostic de rectocolite ulcéro-hémorragique et de spondylarthrite ankylosante. L’activité exercée était encore exigible à « 50 % avec des mesures adaptées » et un rendement réduit de 50 %. La patiente présentait une fatigue et des douleurs, ainsi que des diarrhées. Elle nécessitait un travail sans port de lourdes charges et en position assise. Elle devait également être à proximité des toilettes. Il n’était pas possible dans l’immédiat de déterminer si on pouvait s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle.

9.        Dans son rapport non daté et non signé reçu à l’OAI le 20 janvier 2017, la doctoresse E______, spécialiste en médecine interne FMH au Groupe Médical de Versoix, a confirmé les diagnostics des Dresses D______ et C______. L’assurée souffrait aussi depuis 2016 d’un état dépressif réactionnel, sans répercussion sur la capacité de travail. Les atteintes se manifestaient par des lombalgies, des polyarthralgies, des douleurs abdominales et une accélération du transit. Le pronostic était réservé. En fonction de la réponse au traitement, on pouvait s’attendre à une reprise de l’activité professionnelle.

10.    Dans son rapport du 29 mai 2017, la Dresse C______ a attesté que, depuis l'introduction du traitement de Remicade le 4 février 2016, l’assurée présentait une évolution favorable objective sur le plan digestif. Elle se plaignait encore de douleurs abdominales basses intermittentes, ainsi que d’une dyspepsie attribuable à une composante fonctionnelle. Une endoscopie de contrôle effectuée le 27 décembre 2016 avait mis en évidence une rémission endoscopique sous traitement de Remicade. Actuellement, il n’y avait aucune limitation fonctionnelle au niveau de la maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI). L’assurée présentait toutefois encore des symptômes digestifs bas, probablement en lien avec un trouble fonctionnel digestif qui pouvait se chevaucher avec une MICI. Cela pourrait diminuer le rendement du travail de 30 %. Il y avait un absentéisme prévisible en raison des douleurs, une limitation à la mobilisation et à l’effort physique sur le plan quantitatif et qualitatif. Un examen médical complémentaire évaluant l’état de santé global de l’assurée était à envisager, afin de déterminer sa capacité de travail. Sur le plan extra-digestif, l’assurée souffrait également d’une fatigue et d’une arthropathie séronégative en lien avec la MICI, diminuant la capacité de travail et devant faire l’objet d’une évaluation médicale complémentaire.

11.    Le 29 mai 2017, la Dresse D______ a attesté que l’état de santé s’était discrètement amélioré suite à l’introduction du médicament Remicade. Par contre, les céphalées post-perfusion étaient en augmentation (décrites comme effet secondaire) dans l’intensité et la durée (jusqu’à quinze jours). Un dernier essai aura lieu fin juin. Si les céphalées devaient persister, le traitement devrait être stoppé. Les limitations fonctionnelles étaient des douleurs, une fatigue et une fatigabilité. La compliance était optimale. L’assurée souffrait d’un état dépressif réactionnel, traité depuis quelques semaines (Venlafaxine 75 mg). Une reprise de travail pourrait être envisagée ultérieurement, probablement à 50 % pour commencer, puis à réévaluer.

12.    Le 30 mai 2017, la Dresse C______ a attesté également que l’état de santé s’était amélioré.

13.    Dans son rapport du 18 juin 2017, la Dresse E______ a attesté que l’état s’était aggravé, un état dépressif s’étant ajouté aux autres diagnostics. L’assurée présentait des douleurs articulaires périphériques, des rachialgies, des céphalées de tension et un status post-Remicade depuis mai 2017. Le pronostic était réservé, le Remicade devant être interrompu, s'il y avait une récidive de céphalées lors de la prochaine perfusion. Les troubles psychiques ne nécessitaient pas pour l’instant une prise en charge psychiatrique.

14.    Dans un avis médical du 20 février 2018, la doctoresse F______ du service médical régional pour la Suisse romande de l’assurance-invalidité (SMR) a constaté une rémission des maladies intestinale et articulaire sous traitement de Remicade introduit en février 2016. Dans ce contexte, le gastro-entérologue a estimé que l’assurée pourrait exercer une activité adaptée à 50 % dès le 27 décembre 2016 et à 100 % avec baisse de rendement de 30 % dès le 29 mai 2017 (en lien avec la dyspepsie). D’un point de vue rhumatologique, l’évolution était plus lente, mais progressivement favorable, avec une amélioration des douleurs articulaires périphériques et du rachis. La Dresse D______ ne retenait pas d’argument objectif en faveur d’une inflammation articulaire persistante. L'assurée présentait toutefois des céphalées survenant après les perfusions de Remicade toutes les huit semaines. Cela étant, aucune limitation fonctionnelle ne pouvait être reconnue dans la sphère ménagère.

15.    Le 27 février 2018, l’OAI a informé l’assurée qu’il avait l’intention de lui refuser le droit aux prestations de l’assurance-invalidité, son état de santé n’entraînant aucune limitation fonctionnelle dans l’exercice de ses travaux habituels.

16.    Par décision du 3 avril 2018, l’OAI a confirmé sa décision.

17.    Dans son rapport du 26 avril 2018, la Dresse E______, a mentionné que l’assurée était connue pour une rectocolite ulcéro-hémorragique depuis 2015, actuellement bien contrôlée sur le plan digestif par un traitement combiné de Remicade tous les deux mois et Méthotrexate. Parallèlement, elle présentait des douleurs articulaires rachidiennes et périphériques invalidantes qui, au vu du diagnostic gastro-entérologique associé, avaient été mises sur le compte d’une spondylarthrite séronégative, bien que tous les critères diagnostiques ne fussent pas réunis. A cela s’ajoutait un état dépressif actuellement traité avec une bonne réponse clinique. L’assurée avait eu une activité professionnelle en Suisse entre 2012 et 2013 qu’elle avait dû interrompre en raison des douleurs articulaires. Actuellement, elle était désireuse de reprendre une activité professionnelle, ce qui serait envisageable et même thérapeutique par certains aspects. Toutefois, elle pourrait tout au plus exercer une activité professionnelle adaptée à sa situation médicale à 50 %.

18.    Par acte du 8 mai 2018, l’assurée a formé recours contre la décision de l’OAI en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l’intimé pour un complément d’instruction sur son statut et son état de santé, ainsi que nouvelle décision sur le droit aux mesures d’ordre professionnel et le droit à la rente, sous suite de dépens. Elle a fait valoir avoir travaillé à 100 % au Portugal. Après son mariage en 2009, elle avait continué à travailler comme femme de ménage à temps partiel, sa maladie s’étant déclarée en 2010. Son mari travaillait par ailleurs en qualité de maçon avec un revenu mensuel de CHF 5'600.-. Actuellement, la recourante souffrait de nouveau des mêmes symptômes qu’auparavant, la phase d’amélioration sur Remicade étant terminée. Elle aurait par ailleurs repris une activité professionnelle si elle était en bonne santé, le salaire de son époux étant insuffisant pour entretenir une famille avec un enfant à Genève. Or, dans une activité adaptée, sa capacité de travail était limitée à 50 %. Elle a relevé à cet égard qu’elle travaillerait au moins pendant les heures de scolarité de sa fille, laquelle était en première primaire. Cela représentait un taux de 75 % d’activité lucrative et de 25 % pour le ménage.

19.    Dans sa réponse du 6 juin 2018, l’intimé a conclu au rejet du recours. La question du statut devait être tranchée sur la base de la situation telle qu’elle s’était développée jusqu’à la date de la décision. Pour admettre qu’un assuré aurait exercé une activité lucrative s’il avait été en bonne santé, il fallait que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteignît le degré de la vraisemblance prépondérante. En l’occurrence, l’atteinte à la santé ne justifiait une incapacité de travail que depuis le 17 février 2015. Par ailleurs, l’assurée n’avait exercé une activité lucrative que de quelques mois en 2012 et en 2013. Depuis lors, elle n’avait repris aucune activité professionnelle et avait indiqué dans sa demande de prestations qu’elle était femme au foyer depuis 2013. Elle n’avait pas non plus fait état de recherches d’emploi ou d’une inscription au chômage. Ainsi, aucun élément objectif ne venait corroborer les déclarations de la recourante quant à la modification de son statut, de sorte qu'un statut de ménagère à 100 % devait être retenu.

20.    Entendue le 30 août 2018 par la chambre de céans, la recourante a déclaré ce qui suit :

« J’ai travaillé au Portugal entre 2006 et 2008 à 100 % dans un magasin d’alimentation et dans une entreprise de vaisselle.

Après mon arrivée en Suisse, j’ai recommencé à travailler en 2010. Auparavant, ce n’était pas possible car je ne parlais pas le français. Je faisais des ménages privés en Suisse, entre sept et huit heures par jour. Toutefois, généralement, je n’étais pas déclarée.

J’ai commencé à être malade depuis mon arrivée en Suisse en 2009. Je souffrais de crises de rhumatisme. Néanmoins, j’ai travaillé presque à 50 %, parce qu’il le fallait. J’étais alors suivie par la doctoresse G______.

J’ai arrêté de travailler pendant la grossesse de mon enfant, car les douleurs s’étaient accentuées. Après la naissance de mon enfant, je n’ai pas pu reprendre le travail à cause des douleurs. Si j’avais été en bonne santé en 2013, j’aurais continué à travailler à 100 % pour des raisons financières. En effet, je suis venue en Suisse pour avoir une meilleure vie.

Je cherche actuellement du travail à 50 %. Toutefois, c’est très difficile, car je n’ai pas de CFC. Je regarde généralement les annonces dans les supermarchés et je demande aux gérants. Je me suis inscrite également au chômage le 27 mars 2018. Je cherche un peu du travail dans tous les domaines dans les magasins. »

21.    Le 2 octobre 2018, la chambre de céans a adressé un courrier à dix personnes pour lesquelles la recourante aurait travaillé avant 2013.

22.    Par mentions manuscrites apposées sur le courrier de la chambre de céans, Madame H______ a attesté que la recourante avait travaillé pour elle d’octobre 2009 à mars 2010 à raison de deux à trois heures par semaine, environ dix heures par mois, au tarif horaire de CHF 25.-. Cette attestation n’est ni datée ni signée.

23.    Sur une attestation non-datée, reçue le 10 octobre 2018 à la chambre de céans, Monsieur I______ a nié que la recourante avait été son employée durant la période 2009-2012.

24.    Le 14 octobre 2018, Madame J______ a attesté que la recourante avait travaillé chez elle, sauf erreur de sa part durant l’année 2012 en tant que femme de ménage, à raison de trois à quatre heures par semaine au tarif horaire de CHF 25.-, sauf pendant les six semaines de vacances annuelles.

25.    Par courrier posté le 15 octobre 2018, Madame K______ a fait savoir à la chambre de céans que la recourante avait été son employée en 2012 à raison de quatre heures par semaine au tarif horaire de CHF 25.-.

26.    Madame L______ a informé la chambre de céans le 17 octobre 2018 qu’elle ne se souvenait plus si la recourante avait travaillé chez elle durant la période en cause.

27.    Madame M______ a attesté, par courrier posté le 18 octobre 2018, que la recourante avait été sa femme de ménage pendant une année, d’avril 2011 à mars 2012, à raison de deux heures par semaine au tarif horaire de CHF 25.-.

28.    Par écritures du 12 novembre 2018, la recourante a persisté dans ses conclusions. Après son arrivée en Suisse en 2009, elle avait appris le français et commencé à travailler quelques mois plus tard comme femme de ménage, malgré ses problèmes de santé. Elle ne se rappelait plus de tous les noms de famille de ses anciens employeurs, de sorte que la liste de ceux-ci qu’elle avait transmise à la chambre de céans était incomplète. Néanmoins, les réponses reçues confirmaient qu’elle avait travaillé avant que son état de santé ne s’aggrave. Après la naissance de sa fille en 2013, elle n’avait jamais pu reprendre le travail à cause de ses maladies. Actuellement, ce n’était pas par choix personnel qu’elle ne travaillait pas, alors même que sa fille était scolarisée et que le revenu de son époux était insuffisant pour faire vivre la famille. Elle avait entrepris des démarches en vue de trouver un emploi, en se rendant dans des agences de placement et en déposant son dossier auprès de divers employeurs. Elle s'était également inscrite au chômage, mais les prestations de cette assurance lui avaient été refusées.

29.    Par écriture du 6 décembre 2018, l’intimé a également persisté dans ses conclusions. Il a relevé que la plupart des renseignements fournis par les ex-employeurs étaient pour le moins imprécis. Toutefois, il a admis que la recourante avait exercé une activité entre 2009 et 2012 à un taux très réduit. Cependant, depuis la naissance de son enfant en 2013, elle n’avait plus exercé une quelconque activité lucrative, alors même que, de l’avis unanime de ses médecins, le début de son atteinte à la santé remontait à 2015. Du fait qu’elle n’avait plus repris d’activité professionnelle postérieurement à la naissance de son enfant, il ne pouvait être retenu qu’elle aurait, en bonne santé, travaillé.

30.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les délai et forme prescrits par la loi, le recours est recevable, compte tenu de la suspension des délais entre le 7ème jour avant Pâques et le 7ème jour après Pâques inclusivement (art. 38 al. 4 let. a et 56 ss LPGA).

3.        En l’occurrence, la recourante conclut implicitement à l'octroi d’une rente d’invalidité et de mesures d'ordre professionnel, dès lors qu'elle demande l'annulation de la décision et le renvoi pour instruction notamment sur son état de santé et nouvelle décision sur le droit à une rente et les mesures professionnelles. Est par conséquent litigieuse la question de savoir si la recourante peut bénéficier de ces prestations, question qui dépend en particulier de son statut.

4.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (Ulrich MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 1997, p. 8).

5.        En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins (art. 28 al. 2 LAI).

6.        a. Pour pouvoir calculer le degré d'invalidité, l'administration (ou le juge, s'il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d'autres spécialistes, doivent lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1). La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l'état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l'assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l'assuré (ATF 125 V 256 consid. 4; ATF 115 V 133 consid. 2; ATF 114 V 310 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

7.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        a. Tant lors de l'examen initial du droit à la rente qu'à l'occasion d'une révision de celle-ci (art. 17 LPGA), il faut examiner sous l'angle des art. 4 et 5 LAI quelle méthode d'évaluation de l'invalidité il convient d'appliquer (art. 28a LAI, en corrélation avec les art. 27 ss RAI). Le choix de l'une des trois méthodes entrant en considération (méthode générale de comparaison des revenus, méthode mixte, méthode spécifique) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel, assuré non actif. On décidera que l'assuré appartient à l'une ou l'autre de ces trois catégories en fonction de ce qu'il aurait fait dans les mêmes circonstances si l'atteinte à la santé n'était pas survenue. Lorsque l'assuré accomplit ses travaux habituels, il convient d'examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, si, étant valide il aurait consacré l'essentiel de son activité à son ménage ou s'il aurait exercé une activité lucrative. Pour déterminer le champ d'activité probable de l'assuré, il faut notamment prendre en considération la situation financière du ménage, l'éducation des enfants, l'âge de l'assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels (ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 117 V 194 consid. 3b; Pratique VSI 1997 p. 301 ss consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_722/2016 du 17 février 2017 consid. 2.2). Cette évaluation tiendra également compte de la volonté hypothétique de l'assurée, qui comme fait interne ne peut être l'objet d'une administration directe de la preuve et doit être déduite d'indices extérieurs (arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2015 du 11 mai 2015 consid. 2.3 et l'arrêt cité) établis au degré de la vraisemblance prépondérante tel que requis en droit des assurances sociales (ATF 126 V 353 consid. 5b).

b. Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l'évolution de la situation jusqu'au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l'éventualité de la reprise d'une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de vraisemblance prépondérante (ATF 141 V 15 consid. 3.1; ATF 137 V 334 consid. 3.2; ATF 125 V 146 consid. 2c ainsi que les références).

9.        a. En l’occurrence, la recourante indique avoir travaillé à 100% au Portugal, avant d’être arrivée en Suisse en août 2009. Même si cet allégué n’est pas documenté, cela paraît vraisemblable. En effet, la recourante est née en 1985 et s’est mariée le 31 juillet 2009, soit avant de venir en Suisse. Elle avait ainsi besoin d’exercer une activité lucrative pour subvenir à ses besoins.

Après son entrée en Suisse, elle allègue avoir dû apprendre le français dans un premier temps et avoir ensuite fait des ménages privés, activité qui n’était pas déclarée. Ce fait est confirmé par quelques-uns de ses ex-employeurs dans le cadre de l'instruction de la cause. Quant au taux d'activité, elle déclare à la chambre de céans dans un premier temps avoir travaillé entre sept et huit heures par jour entre 2010 et 2012, avant sa grossesse, puis elle indique avoir travaillé à presque à 50%. Toutefois, elle affirme avoir souffert de crises de rhumatismes depuis son arrivée en Suisse en 2009 et avoir été suivie par la Dresse G______.

Après la naissance de son enfant, la recourante n’a plus repris d’activité professionnelle. Néanmoins, elle fait valoir qu’elle aurait travaillé, en bonne santé, en raison des faibles revenus de son mari et du fait que sa fille est aujourd’hui scolarisée.

Dans son recours, elle précise qu’elle travaillerait au moins pendant les heures de scolarité de sa fille, à raison de 75 %. Lors de son audition par la chambre de céans, elle indique qu’elle aurait continué à travailler à 100 % en 2013, si elle avait été en bonne santé, pour des raisons financières. Toutefois, après la naissance de son enfant elle n’avait pas pu reprendre le travail à cause des douleurs.

Enfin, la recourante affirme chercher activement du travail à 50% et s'être inscrite récemment au chômage dont les prestations lui ont été toutefois refusées.

b. La fille de la recourante étant née le ______ 2013, elle a été scolarisée en septembre 2017. Par ailleurs, il ressort de la décision concernant la subvention de logement personnalisée de l’office cantonal du logement et de la planification foncière du 16 mars 2018, produite par la recourante, que le revenu annuel brut de son époux est de CHF 59'368.-. Pour la recourante, un revenu de CHF 1'604.- est enregistré. Il ne ressort pas de ce document en quelle année ses revenus ont été réalisés. Selon toute vraisemblance, il doit s’agir de 2016.

Il convient ainsi de constater que les revenus du conjoint de la recourante sont modestes. Par ailleurs, celle-ci a également réalisé de faibles revenus en 2016 selon le document précité, ce qui démontre une volonté de travailler.

L'intimé estime qu'il n'est pas vraisemblable que la recourante aurait travaillé si elle était en bonne santé, la maladie ne s'étant déclarée qu'en février 2015, selon ses médecins. Cela est contesté par la recourante. Elle affirme en effet avoir souffert de crises de rhumatismes depuis son arrivée en Suisse.

Il est vrai que la Dresse D______ date le début de la maladie intestinale à 2015. Toutefois, ce médecin ne suit la recourante que depuis novembre 2014. Au demeurant, elle a demandé dès la 1ère consultation des analyses détaillées, de sorte qu'il est à supposer que la recourante l'avait précisément consultée en raison de maladies déjà présentes. Par ailleurs, la Dresse D______ indique, dans son rapport du 22 décembre 2016, que sa patiente était suivie auparavant par la Dresse G______ qui est également une rhumatologue. Dans le rapport relatif à un examen ultrasonographique fonctionnel du 21 janvier 2015, il est mentionné que la recourante présente des polyarthralgies évoluant depuis deux ans. Le Dr C______ fait état, dans son rapport du 17 février 2015 à la Dresse E______, suite à une coloscopie, que la recourante présente, sur le plan extra-digestif, une polyarthralgie périphérique au niveau des mains, genoux et chevilles depuis de nombreuses années. Cela confirme les dires de la recourante, selon lesquels elle était en traitement médical déjà avant 2015 à cause de crises de rhumatisme. Il s'avère ainsi que la date de février 2015 correspond uniquement au moment où le diagnostic de la maladie digestive a été posé et que la recourante souffrait déjà auparavant de polyarthralgies.

Cela étant, il doit être admis que la recourante n'a pas repris une activité lucrative après son accouchement en raison de ses maladies. Dès lors, il convient de reconnaître qu'elle aurait travaillé au degré de la vraisemblance prépondérante au plus tard au moment de la scolarisation de sa fille en septembre 2017, au vu des éléments exposés ci-dessus (revenu modeste du mari, exercice d'une activité lucrative documenté avant la naissance de son enfant en Suisse).

Quant au taux d’occupation, la chambre de céans n'a pas de raison de mettre en doute la déclaration de la recourante, selon laquelle, en bonne santé, elle aurait exercé une activité lucrative à 75 %, à savoir à raison de trente heures par semaine. En effet, un tel horaire est compatible avec les horaires de l’école réparti sur quatre jours, étant précisé que bon nombre d’écoles assurent un accueil des élèves à partir de 8h00 et organisent une prise en charge entre 11h30 et 14h00, ainsi qu’après l’école qui finit à 16h00. À cet égard, il sied de relever qu'il ne se justifie pas de se fonder sur le taux d'activité effectif de la recourante avant la naissance de son enfant en 2013, dès lors qu'elle souffrait de polyarthralgies depuis 2009/2010 et qu'elle n'a pas pu travailler de ce fait à 100 %. En tout état de cause, le taux d'activité n'a pas pu être précisément établi.

Partant, un statut mixte avec une activité lucrative à 75 % et des activités habituelles dans le ménage à 25 % doit être retenu à partir de septembre 2017, au degré de la vraisemblance prépondérante.

10.    Concernant la capacité de travail dans une activité lucrative, la Dresse E______ l'a évaluée à 50% dans une activité adaptée. Les médecins attestent par ailleurs que la recourante ne pourrait plus travailler comme femme de ménage, seul un travail en position assise sans port de lourdes charges étant adapté, ce que l'intimé ne semble pas contester.

Cependant, la gastro-entérologue considère que la capacité de travail est de 100% avec une diminution de rendement de 30%. Parallèlement, elle estime toutefois qu'un examen médical complémentaire est à envisager, afin de déterminer la capacité de travail.

En tout état de cause, ni les rapports de la Dresse E______ ni ceux de la Dresse C______ n'ont une valeur probante suffisante, au vu de la jurisprudence précitée, pour déterminer la capacité de travail. Dans la mesure où ils ne sont de surcroît pas concordants, il sied de constater que l'instruction sur le plan médical est incomplète.

Cela étant, il y a lieu de renvoyer la cause à l'intimé pour compléter l'instruction par une expertise bi-disciplinaire par un rhumatologue et un gastro-entérologue indépendants, conformément aux conclusions de la recourante. Puis, il appartiendra à l'intimé de statuer sur le droit éventuel à une rente.

11.    Étant donné que la recourante doit changer d'activité, elle requiert également l'octroi de mesures d'ordre professionnel.

Par conséquent, la cause doit aussi être renvoyée à l'intimé afin d'examiner le droit à de telles mesures.

12.    Au vu de ce qui précède, la décision querellée sera annulée et la cause renvoyée à l’intimé pour compléter l’instruction par une expertise médicale bi-disciplinaire, puis nouvelle décision sur le droit à une rente et à des mesures d'ordre professionnel, notamment une orientation professionnelle, sur la base d’un statut mixte de 75 % d’activité lucrative et de 25 % d’activités habituelles dans le ménage.

13.    La recourante obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 2'500.- lui est octroyée à titre de dépens.

14.    L’émolument de justice, fixé à CHF 200.-, sera mis à la charge de l’intimé qui succombe.

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision du 3 avril 2018.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

5.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de CHF 2'500.- à titre de dépens.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

 

Maya CRAMER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le