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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4537/2019

ATAS/166/2020 du 02.03.2020 ( CHOMAG ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4537/2019 ATAS/166/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 mars 2020

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, GENÈVE, représentée par Swiss Claims Network SA

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis Rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le ______ 1981, titulaire d'un permis B, a été engagée par la société Caviar House Airport Premium Suisse SA le 1er octobre 2015.

2.        Le 23 avril 2018, son contrat de travail a été résilié avec effet au 31 mai 2018.

3.        Le 4 juin 2018, l'assurée s'est inscrite auprès l'office régional de placement (ci-après : l'ORP). Elle a indiqué être à la recherche d'un poste à plein temps.

4.        Le 23 mai 2019, l'assurée a été assignée à un emploi vacant d'hôtesse d'accueil - vendeuse à 100% auprès de la société B______. Il lui était demandé de postuler d'ici au 24 mai 2019.

5.        Le 24 mai 2019, l'assurée a envoyé sa candidature par courriel. Son CV n'a pas été joint à ce courriel.

6.        Par courriel du 7 juin 2019, l'employeur a informé l'assurée que sa candidature n'avait pas été retenue pour le poste en question.

7.        Le même jour, l'employeur a informé l'office cantonal de l'emploi (ci-après : l'OCE) que l'assurée n'avait pas été engagée au motif que son CV ne lui était pas parvenu.

8.        Par courrier du 28 juin 2018, l'assurée a expliqué à l'OCE que par erreur, elle n'avait pas joint son CV à sa candidature. Elle avait reçu un email de l'employeur le 7 juin 2019, lui communiquant que sa candidature n'avait pas été retenue. Elle ne comprenait pas pourquoi l'employeur ne l'avait pas contactée directement, auquel cas elle aurait complété sa candidature sans aucun problème.

9.        Par décision du 11 juillet 2019, l'OCE a suspendu le droit de l'assurée à l'indemnité de chômage pendant une durée de trente et un jours. En effet, cette dernière n'avait pas fait preuve de toute la rigueur requise lors de l'envoi de sa postulation. Elle avait ainsi fait échouer une possibilité d'emploi qui lui aurait permis de mettre un terme à sa situation de chômage.

10.    Le 8 août 2019, l'assurée a fait opposition à la décision précitée. C'était elle qui avait demandé à sa conseillère de l'assigner au poste d'hôtesse d'accueil auprès de la société ALIVE. Quand bien même le courriel mentionnait qu'il y avait un attachement, elle avait omis de vérifier que ce dernier avait bien été transmis. Son intention d'envoyer le CV était par conséquent bien présente. Le même jour, elle avait effectué une autre postulation avec son CV en pièce jointe.

11.    Par décision du 8 novembre 2019, l'OCE a rejeté l'opposition de l'assurée au motif que cette dernière n'avait apporté aucun nouvel élément lui permettant de revoir sa décision et que la sanction respectait le barème du Secrétariat d'État à l'économie (ci-après : le SECO).

12.    Le 8 décembre 2019, l'assurée a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l'encontre de la décision précitée en faisant valoir que c'était elle qui avait découvert l'offre d'emploi ; sa postulation était intervenue dans les temps ; l'employeur, en cas d'intérêt réel, aurait dû lui adresser un message en lui accordant un délai afin qu'elle la complète ; sa négligence était légère et aurait pu être corrigée par un peu de bonne volonté de l'employeur ; le fait de postuler à un emploi qui ne requérait aucune expérience en omettant par étourderie de joindre son CV, ne correspondait pas mutatis mutandis à un refus d'emploi convenable ; il n'y avait pas de lien de causalité entre sa faute et le refus de sa candidature.

13.    Par réponse du 14 janvier 2020, l'OCE a conclu au rejet du recours, la recourante n'apportant aucun élément nouveau permettant de revoir sa décision du 11 juillet 2019.

14.    Par réplique du 21 janvier 2020, la recourante a déclaré persister dans ses conclusions.

15.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l'assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d'espèce est ainsi établie.

Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

2.        Le litige porte sur le bien-fondé de la suspension de trente et un jours du droit à l'indemnité de la recourante.

3.        Selon l'art. 17 al. 1 à 3 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment. Il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu'il a fournis (al. 1). En vue de son placement, l'assuré est tenu de se présenter à sa commune de domicile ou à l'autorité compétente aussitôt que possible, mais au plus tard le premier jour pour lequel il prétend à l'indemnité de chômage ; il doit ensuite se conformer aux prescriptions de contrôle édictées par le Conseil fédéral (al. 2). L'assuré est tenu d'accepter tout travail convenable qui lui est proposé. Il a l'obligation, lorsque l'autorité compétente le lui enjoint, de participer : a. aux mesures relatives au marché du travail propres à améliorer son aptitude au placement ; b. aux entretiens de conseil, aux réunions d'information et aux consultations spécialisées visées à l'al. 5 ; c. de fournir les documents permettant de juger s'il est apte au placement ou si le travail proposé est convenable (al. 3).

4.        Selon l'art. 30 al. 1 LACI, le droit de l'assuré à l'indemnité est suspendu lorsqu'il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu'on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c) ou n'observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l'autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l'interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

5.        a. La durée de la suspension est proportionnelle à la gravité de la faute (art. 30 al. 3 LACI ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 254/06 du 26 novembre 2007 consid. 5.3). L'OACI distingue trois catégories de faute - à savoir les fautes légères, moyennes et graves - et prévoit, pour chacune d'elles, une durée minimale et maximale de suspension, qui est de 1 à 15 jours en cas de faute légère, de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne, et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (art. 45 al. 3 OACI). Selon l'art. 45 al. 4 OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l'assuré abandonne un emploi réputé convenable sans être assuré d'obtenir un nouvel emploi (let. a) ou qu'il refuse un emploi réputé convenable (let. b). Des antécédents remontant à moins de deux ans justifient une prolongation de la durée de suspension (art. 45 al. 5 OACI ; Boris RUBIN, op. cit., n. 114 ss ad art. 30).

Selon l'échelle des suspensions à l'intention de l'autorité cantonale et des ORP, le refus d'un emploi convenable ou en gain intermédiaire à durée indéterminée assigné à l'assuré ou qu'il a trouvé lui-même est sanctionné, pour un premier refus par une suspension du droit à l'indemnité de 31 à 45 jours (Bulletin LACI D72.2B.1).

b. La quotité de la suspension du droit à l'indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation. Il y a abus de celui-ci lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d'appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.2 ; 8C_601/2012 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

Le pouvoir d'examen de l'autorité judiciaire de première instance (donc de la chambre de céans) n'est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation), mais s'étend également à l'opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l'opportunité de la décision en cause, l'examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l'autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d'appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n'aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l'administration ; il doit s'appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 du 19 octobre 2018 consid. 4.3 ; Boris RUBIN, op. cit., n. 110 ad art. 30).

Il s'ensuit qu'un défaut de candidature posée pour un emploi réputé convenable, qui s'apparente à un refus d'un tel emploi, ne doive pas systématiquement et forcément être qualifié de grave, bien que la présomption que tel est le cas se fonde non sur des directives administratives mais bien sur une norme de rang réglementaire édictée par le Conseil fédéral (art. 45 al. 4 let. b OACI). Le principe est que la durée de la suspension doit être proportionnelle à la gravité de la faute, conformément au principe de rang constitutionnel de la proportionnalité, qui s'applique à l'ensemble des activités étatiques (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101). La jurisprudence admet que même en cas de refus d'un emploi convenable assigné, il n'y a pas forcément faute grave, dans la mesure où l'assuré peut se prévaloir d'un motif valable à l'appui de son refus, à savoir d'un motif lié à sa situation subjective ou à des circonstances objectives qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère (ATF 130 V 125 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 20/06 du 30 octobre 2006 consid. 4.2). L'égalité de traitement que des normes telles que l'art. 45 al. 4 OACI ou, à titre de directives administratives, les barèmes établis par le SECO visent à garantir, ne doit pas se réduire à de l'égalitarisme (ATAS/1183/2018 du 18 décembre 2018 consid. 5b).

c. A titre d'exemple, la chambre de céans a réduit la durée de la suspension du droit à l'indemnité de trente et un jours à quinze jours, dans un cas où une assurée avait envoyé un dossier de candidature incomplet pour un poste auquel elle avait été assignée. En effet, ladite postulation n'avait pas été prise en considération par l'employeur car elle était dépourvue des certificats de travail. L'assurée avait commis une faute en ne redoublant pas d'attention pour s'assurer que son dossier était complet. Toutefois, au vu du délai très court, soit un jour, qui lui avait été imparti, cette erreur relevait de la précipitation et, dans la mesure où il s'agissait d'un manquement isolé, la chambre de céans a considéré qu'il s'agissait d'une faute légère (ATAS/506/2018 du 11 juin 2018).

Dans un autre arrêt, un assuré avait pris la peine de contacter téléphoniquement l'employeur à deux reprises sans succès après avoir reçu un message de non-transmission de son courriel. La chambre de céans a considéré que ce dernier avait fait preuve de négligence en laissant en suspens sa postulation auprès de l'employeur, cette faute justifiant une sanction. Une suspension du droit à l'indemnité de trente et un jours apparaissait toutefois disproportionnée dès lors que l'assuré avait entrepris des démarches pour postuler, même si elles étaient restées vaines et que l'intimé admettait que l'intéressé avait toujours correctement rempli ses devoirs d'assuré, de sorte que la juridiction a estimé que la faute était moyenne et que la durée de la sanction devait en conséquence être réduite de trente et un à seize jours (ATAS/234/2012 du 5 mars 2012).

6.        En l'espèce, la recourante, donnant suite à une assignation pour un poste de travail d'une durée indéterminée, pour un taux de 100% et susceptible de lui permettre de sortir rapidement du chômage, n'a pas joint son CV à son email de postulation du 24 mai 2019. Contrairement à ce qu'elle allègue, il ressort du dossier que c'est en raison de cette omission que sa candidature n'a pas été retenue. Ce comportement constitue manifestement une faute justifiant, sur le principe, une suspension du droit à l'indemnité de chômage, en application de l'art. 30 al. 1 let. d LACI.

L'intimé s'est considéré lié par le minimum de trente et un jours prévu par l'art. 45 al. 3 let. d OACI et repris par le ch. D 79 du Bulletin LACI IC. Néanmoins, des circonstances particulières justifiaient de s'écarter de la présomption établie par l'art. 45 al. 4 OACI, selon laquelle un défaut de suite à une assignation procède d'une faute grave.

En effet, pour juger du degré de la faute, il sied de prendre en compte que quand bien même la postulation de la recourante était lacunaire, celle-ci est tout de même parvenue à l'employeur, dans le délai qui lui avait été imparti, le lendemain de son assignation. En outre, c'est cette dernière qui l'avait proposée de son propre chef à son conseiller en personnel. Cela démontre que cette omission est à mettre sur le compte de la précipitation et d'une inattention de sa part. De surcroît, la recourante a, dès son inscription à l'ORP, toujours répondu à toutes les exigences de son statut de demanderesse d'emploi, notamment en faisant les recherches d'emploi ainsi qu'en suivant les cours et les formations requis par l'intimé. Par conséquent, et conformément avec la jurisprudence précitée (ATAS/506/2018 du 11 juin 2018), il convient de qualifier sa faute de légère.

Concernant la quotité de la sanction, le document omis par la recourante était un document essentiel et indispensable à la prise en compte de sa postulation, soit son CV. Elle ne pouvait, comme elle l'allègue, s'attendre à une réaction de l'employeur et aurait dû s'assurer que ce dernier avait bien été transmis avec sa postulation. Dès lors, même si sa faute est légère, une suspension de son droit à l'indemnité de quinze jours - soit la limite supérieure pour une faute légère - se justifie dans le cas d'espèce, et respecte le principe de la proportionnalité.

7.        Admettant ainsi partiellement le recours, la chambre de céans réformera la décision attaquée dans le sens précité.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Réforme la décision de l'intimé du 8 novembre 2019 dans le sens que la suspension du droit à l'indemnité est réduite de trente et un à quinze jours.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le