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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1544/2021

ATAS/1238/2021 du 01.12.2021 ( CHOMAG ) , REJETE

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1544/2021 ATAS/1238/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er décembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

 

C______ SA, sise ______, GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Me A______

 

 

recourante

contre

 

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40, GENÈVE

 

 

 

intimée

 


EN FAIT

A. a. Par courrier daté du 1er septembre 2020 et reçu par la caisse le 2 septembre 2020, Madame B______, comptable de C______ SA (ci-après : l’employeuse ou la recourante), qui est une étude d’avocats, a transmis à la caisse un formulaire de demande et décompte d’indemnité (ci-après : un décompte) pour le mois de mai 2020, signé le 31 août 2020. Mme B______ indiquait être navrée d’avoir dépassé le délai de dépôt de la demande, expliquant avoir été malade les jours précédents. Il est mentionné sur le décompte que la personne responsable de l’entreprise est Maître D______.

b. Par décision du 29 septembre 2020, la caisse a refusé d’indemniser l’employeuse pour le mois de mai 2020, car son décompte lui avait été transmis tardivement, le 2 septembre 2020.

B. a. Le 27 octobre 2020, l’employeuse a fait opposition à la décision précitée.

b. Par décision sur opposition du 18 mars 2021, la caisse a constaté qu’en lui adressant, le 1er septembre 2020, son décompte pour le mois de mai 2020, l’employeuse n’avait pas respecté le délai de péremption légal, qui arrivait à échéance le 31 août et non le 1er septembre 2020, en se référant aux art. 38 al. 1 et 3 LACI et 61 OACI. Il n’y avait en outre pas de motif de restitution du délai, car l’absence de la comptable n’était pas justifiée par une maladie grave ou un accident. Il paraissait par ailleurs peu probable qu’une autre personne au sein de l’étude n’aurait pas été à même d’adresser les pièces requises à la caisse, ce d’autant plus que la personne responsable qui figurait sur la demande de décompte n’était pas la comptable, mais Me D______.

Il n’y avait pas de violation de l’interdiction du formalisme excessif ou de l’arbitraire dans la mesure où la caisse ne faisait qu’appliquer le délai de péremption prévu par le droit fédéral. C’était donc à juste titre qu’elle avait refusé d’entrer en matière sur l’indemnisation de la période de décompte du mois de mai 2020.

C. a. L’employeuse a formé recours le 5 mai 2021 contre la décision précitée auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice concluant à son annulation et à l’octroi de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (ci-après RHT) pour le mois de mai 2020, avec suite de frais et dépens.

b. Par réponse du 1er juin 2021, l’intimée a conclu au rejet du recours.

c. La recourante a répliqué.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté en temps utile et dans la forme prévue par la loi, le recours est recevable (art. 56ss et 60 LPGA).

3.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’intimée de verser l’indemnité en cas de RHT à la recourante pour le mois de mai 2020.

4.             4.1. La recourante a fait valoir que la caisse n’avait pas suffisamment motivé sa décision sur opposition du 18 mars 2021 sur la question du calcul du délai dans lequel le décompte devait être déposé, alors que dans son opposition, la recourante avait démontré qu’aux termes de la loi, le délai avait été respecté.

4.2. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 129 I 232 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_552/2012 du 3 décembre 2012 consid. 4.1 ; 1C_70/2012 du 2 avril 2012 ; 1C_424/2009 du 6 septembre 2010 consid. 2). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 138 IV 81 consid. 2.2; 137 II 266 consid. 3.2; 136 V 351 consid. 4.2 et les références citées.

4.3. En l’espèce, la motivation de la décision attaquée n’est pas très détaillée, mais elle était suffisante pour permettre à la recourante de comprendre pour quels motifs l’intimée estimait qu’elle n’avait pas exercé son droit à l’indemnité en temps utiles. Ce premier grief doit être rejeté.

5.             5.1.1. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI).

5.1.2. S’agissant plus particulièrement de la procédure, l’art. 36 al. 1 LACI, dans sa version en vigueur jusqu'au 30 juin 2021, prévoit que lorsqu’un employeur a l’intention de requérir une indemnité en faveur de ses travailleurs, il est tenu d’en aviser l’autorité cantonale par écrit dix jours au moins avant le début de la RHT. Le Conseil fédéral peut prévoir des délais plus courts dans des cas exceptionnels.

Selon l'art. 38 al. 1 LACI, dans le délai de trois mois à compter de l’expiration de chaque période de décompte, l’employeur fait valoir auprès de la caisse qu’il a désignée l’ensemble des prétentions à indemnité pour les travailleurs de son entreprise. Selon l'al. 3, l'employeur remet à cet effet à la caisse : a. les documents nécessaires à la poursuite de l’examen du droit à l’indemnité et au calcul de celle-ci ; b. un décompte des indemnités versées à ses travailleurs ; c. une attestation certifiant qu’il continue à payer les cotisations des assurances sociales (art. 37 let. c). La caisse peut, au besoin, exiger d'autres documents. L'art. 61 de l'ordonnance du 31 août 1983 sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (OACI – RS 837.02) précise que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité commence à courir le premier jour qui suit la fin de la période de décompte.

Aux termes de l'art. 39 al. 3 LACI, les indemnités que l’employeur ne prétend pas, dans le délai prévu à l’art. 38 al. 1, ne lui sont pas remboursées. Il résulte de cette dernière règle que le délai de trois mois pour exercer le droit à l'indemnité constitue un délai de péremption, dont le non-respect a pour conséquence l'extinction du droit (ATF 119 V 370 consid. 4b ; arrêts du Tribunal fédéral des assurances C13/06 du 20 juin 2006 consid. 2.1 ; C 201/06 du 25 juillet 2007 consid. 3.3). Selon la jurisprudence, ce délai commence à courir à l'expiration de la période de décompte en cause, cela indépendamment du point de savoir si l'autorité cantonale a déjà statué sur le droit aux prestations (ATF 124 V 75).

Par période de décompte, il faut entendre le mois civil durant lequel l'horaire de travail a été réduit et non une période définie contractuellement et qui prend fin au moment du paiement du salaire. Il s'agit d'un délai de déchéance, qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu. Par contre, il peut être restitué, aux conditions de l'art. 41 LPGA (RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 38 LACI). Lorsque l'autorité cantonale tarde à statuer ou s'oppose à l'indemnisation, elle doit rendre l'employeur attentif à son obligation de faire valoir le droit dans le délai précité de trois mois (art. 27 LPGA). Ce délai commence en effet à courir après l'expiration de chaque période de décompte, que l'autorité cantonale ait rendu sa décision ou non (RUBIN, op. cit., n. 5 ad art. 38 LACI et les références citées).

Aux termes de l'art. 39 al. 1 LPGA, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'assureur ou, à son adresse, à la Poste suisse ou une représentation diplomatique ou consulaire suisse. À l'instar d'autres dispositions de droit fédéral relatives à l'observation des délais ayant une teneur équivalente, l'art. 39 al. 1 LPGA pose le principe de l'expédition pour les envois d'une partie à l'autorité administrative ou judiciaire. Ainsi, lorsque l'envoi se fait par voie postale, ce qui en pratique est la règle, le critère déterminant pour l'observation du délai n'est pas le fait que l'écrit soit arrivé le dernier jour du délai auprès de l'autorité (principe de réception) mais qu'il ait été remis à la Poste suisse le dernier jour du délai (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_536/2018 du 21 septembre 2018 consid. 3.2). Dans ce dernier cas, c'est le sceau postal qui permettra de prouver le dépôt de l'envoi avant l'échéance du délai. Dans l'hypothèse où l'assuré dépose son envoi dans une boîte aux lettres publique après l'heure de la dernière levée, l'envoi portera le cachet postal du lendemain, ce qui ne lui permettra pas d'apporter la preuve du respect du délai. Dans ce cas, l'assuré est autorisé à apporter la preuve du respect du délai au moyen de témoignages (ATF 124 V 372 consid. 3b p. 375, cf. aussi Anne-Sylvie DUPONT, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 8 s. ad art. 39 LPGA).

Selon l’art. 61 OACI, le délai pour exercer le droit à l’indemnité commence à courir le premier jour qui suit la fin de la période de décompte. Est réputée période de décompte, un laps de temps d’un mois ou de quatre semaines consécutives (art. 32 al. 5 LACI), soit en l’espèce le mois de mai 2020.

Selon la jurisprudence citée par Boris RUBIN, in Commentaire de la loi sur l’assurance chômage ad. art. 38 ch. II 4, p. 38, le délai de trois mois de l’art. 38 al. 1 LACI court à compter de l’expiration de la période de décompte jusqu’au jour du troisième mois suivant qui correspond au terme de la période de décompte (DTA 2003, page 251). B. RUBIN cite comme exemple « l’employeur devait avoir envoyé son décompte pour juin au plus tard le 30 septembre de la même année. Le délai de l’art. 38 al. 1 LACI court dans ce cas du 1er juillet au 30 septembre (à minuit) ». Le délai de l’art. 38 al. 1 LACI étant un délai de péremption, il ne pouvait être prolongé ou suspendu.

5.1.3. L’employeur doit se laisser imputer les éventuelles erreurs du représentant ou de l’auxiliaire auquel il a eu recours pour remplir ses obligations d’aviser ou de renseigner (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 18/01 du 11 juin 2002, consid. 3.1). Lorsqu’une partie doit accomplir un acte dans un certain délai, sous peine d’irrecevabilité, et qu’elle confie cette tâche à un auxiliaire, le comportement de celui-ci doit être imputé à la partie elle-même ou à son mandataire si l’auxiliaire agit à la demande de ce dernier. Celui qui a l’avantage de pouvoir se décharger sur un auxiliaire pour l’exécution de ses obligations doit aussi en supporter les inconvénients (arrêt du Tribunal fédéral 2P.264/2003 du 29 octobre 2003, consid. 2.1).

De manière générale, une défaillance dans l’organisation interne d’une étude d’avocats (problème informatique, auxiliaire en charge du recours, absence du mandataire principal) ne constitue pas un empêchement non fautif justifiant une restitution du délai (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1074/2015 du 19 novembre 2015, consid. 3.1).

5.2.1. La recourante a fait valoir que le délai de trois mois pour envoyer à l’intimée son décompte pour le mois de mai 2020 partait le 1er juin 2020 et arrivait à échéance le 1er septembre 2020. Elle avait ainsi agi en temps utile le dernier jour du délai.

Selon l’intimée, le délai partait le 31 mai et se terminait le 31 août 2020. La recourante avait donc transmis tardivement son décompte pour le mois de mai 2020.

5.2.2. En l’espèce, la recourante ne conteste pas avoir adressé son décompte pour le mois de mai 2020 à la caisse le 1er septembre 2020. Or, à teneur de l’art. 38 al. 1 LACI et de la doctrine, elle aurait dû l’envoyer au plus tard par pli postal du 31 août 2020. Sa demande a donc bien été formée tardivement.

5.3.1. La recourante a encore fait valoir que la caisse suivait une procédure sommaire facilitée en raison de la période de pandémie, ce qui était nécessaire afin de venir en aide aux entreprises touchées par des paiements sans barrière administrative et le plus rapidement possible. Le but du Conseil fédéral était de soutenir économiquement les entreprises touchées par les restrictions dues à la pandémie et de faciliter les procédures de demandes d’indemnités.

Par ailleurs, l’intérêt au bon fonctionnement de la caisse ne pouvait justifier le refus d’entrer en matière sur une demande transmise avec un jour de retard, sans violer l’interdiction de formalisme excessif et le principe de la bonne foi. On pouvait comprendre que la caisse soit, au vu de la situation sanitaire, submergée par les demandes d’indemnités qui lui étaient adressées. En revanche, il était totalement déraisonnable que, dans de telles circonstances, elle se permette un tel formalisme envers les administrés, ce d’autant plus que l’employeuse était une petite structure pour laquelle l’octroi de l’indemnité litigieuse était significatif. La rigueur dont avait fait preuve la caisse n’était pas proportionnée, justifiée ou légitime. Son refus d’indemniser heurtait de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité et les motifs de la décision étaient donc arbitraires.

5.3.2. En l’espèce, la chambre de céans constate que l’intimée a appliqué les dispositions légales pertinentes en vigueur et rien ne justifie de ne pas les appliquer, en tous les cas pas la procédure simplifiée instaurée par le Conseil fédéral qui n’y déroge pas, ni le principe du formalisme excessif, le principe de la bonne foi ou l’arbitraire.

5.4.1. La recourante a fait valoir, à titre subsidiaire, que Mme B______ était au bénéfice d’un motif valable d’absence pour cause de maladie le jour où, selon l’intimée, elle aurait dû expédier les documents. En raison de la taille de l’étude, il n’y avait qu’une personne en charge des questions administratives et responsable, à ce titre, des relations et des demandes entre la caisse et l’étude. Le fait que cette personne n’ait pas de remplaçant ou suppléant était normal, au vu de la taille de l’étude. De très nombreuses PME étaient dans la même situation.

La recourante a produit un rapport médical établi le 8 octobre 2020 par le docteur E______, qui indiquait que Mme B______ avait été vue en consultation de psychiatrie, les 13 mai et 7 octobre 2020, dans un contexte de crise conjugale. Elle avait relaté la survenue au mois d’août 2020 d’un incident au travail, conséquence d’une confusion quant à l’annonce de la prise d’un jour de congé, qui s’était avéré être une date charnière où une instance professionnelle devait absolument être bouclée. Les conséquences financières pour l’entreprise de la patiente étaient importantes. Sans chercher à la dédouaner, cet incident pouvait être mis en rapport avec son état clinique sur le plan strictement psychiatrique au regard des observations cliniques faites à la consultation du 13 mai 2020.

5.4.2. En l’espèce, il convient de constater que ce certificat médical n’atteste pas que Mme B______ était totalement incapable d’agir à la fin du mois d’août 2020, en particulier le dernier jour de ce mois. Par ailleurs, la personne annoncée comme responsable de la demande en cause était Me D______. Ce dernier en confiant à la comptable de la société la tâche de transmettre les décomptes à la caisse, sans s’assurer que cette tâche importante serait remplie en cas d’absence, ne peut se prévaloir d’un motif justifié de restitution, selon la jurisprudence précitée, étant relevé que la taille de l’entreprise n’est pas si petite, puisque le décompte en cause concernait dix travailleurs.

6.             Infondé, le recours sera rejeté.

La procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le