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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/878/2014

ATAS/1210/2014 du 20.11.2014 ( LPP ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/878/2014 ATAS/1210/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 20 novembre 2014

3ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise à GENEVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe CHAULMONTET

demanderesse

 

contre

FONDATION SUISSE DES PARTENAIRES SOCIAUX POUR L'INSTITUTION SUPPLETIVE SELON L'ART. 60 LPP, sise Birmensdorfstrasse 83, ZURICH

défenderesse

 


 

 

EN FAIT

 

1.        A______ SA est une société anonyme sise à Genève, dont le but consiste à fournir tout service entrant dans le cadre des activités de courtage, à exploiter un bureau spécialisé en matière d'assurances, à acquérir et exécuter tous mandats en rapport avec des activités commerciales, à prodiguer des conseils financiers et fiscaux et à exercer l’activité d’organe de révision en Suisse et à l'étranger.

2.        Le 24 mars 2014, la société (ci-après : la demanderesse) a, par l’intermédiaire de son conseil, saisi la Cour de céans d’une demande à l’encontre de la Fondation suisse des partenaires sociaux pour l'institution supplétive selon l'article 60 LPP (ci-après : la défenderesse), dont le siège est à Zurich.

La demanderesse conclut principalement à ce qu’interdiction soit faite à la défenderesse d’assurer à des fins de prévoyance professionnelle des domestiques privés soumis à l’ordonnance sur les conditions d'entrée, de séjour et de travail des domestiques privés des personnes bénéficiaires de privilèges, d'immunités et de facilités du 6 juin 2011 (ordonnance sur les domestiques privés, ODPr – RS 192.126) et à ce qu’il soit dit que la défenderesse est débitrice à son égard d’un montant à préciser en cours d’instance, mais qui ne saurait être inférieur à CHF 109'150.- avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2012, à titre de dommages-intérêts fondés sur la loi fédérale sur la concurrence déloyale. Subsidiairement, elle conclut à ce qu’il soit ordonné à la défenderesse de cesser de mettre les cotisations des domestiques privés soumis à l’ODPr à la charge de ces derniers et de calculer ses primes sur la base du salaire de coordination les concernant et à ce qu’il soit dit que la défenderesse est débitrice à son égard d’un montant à préciser en cours d’instance, mais qui ne saurait être inférieur à CHF 109'150.- avec intérêts à 5% dès le 1er décembre 2012, à titre de dommages-intérêts.

En substance, la demanderesse expose la situation des domestiques privés soumis à l’ODPr et leur régime légal particulier s’agissant de la prévoyance professionnelle : ils bénéficient d’un salaire mensuel net s’élevant au minimum à CHF 1’200.-, ainsi que de prestations en nature, comprenant notamment le logement et la nourriture et la prise en charge par leur employeur des cotisations aux assurances sociales obligatoires. En ce qui concerne la prévoyance professionnelle, les employeurs des domestiques privés doivent prendre en charge l’intégralité des primes, celles-ci étant calculées sur la base du salaire total - c'est-à-dire montant du salaire en espèces et montant du salaire en nature - , non sur celle du salaire coordonné.

La demanderesse a conclu un contrat d’agence avec Bâloise SA et Bâloise Vie SA par lequel elle est notamment autorisée à négocier des contrats de prévoyance professionnelle avec les employeurs des domestiques privés soumis à l’ODPr.

Selon elle, la défenderesse ne peut proposer aux salariés qu’une assurance de prévoyance professionnelle avec des cotisations paritaires calculées sur la base du salaire coordonné et ne saurait donc en principe assurer les domestiques privés soumis à l’ODPr, en raison des conditions particulières d’assurance prévues par la loi. La demanderesse lui reproche de le faire néanmoins, ce qu’elle considère comme constitutif d’un comportement illicite et déloyal. Selon la demanderesse, cette pratique lui cause un dommage, sous la forme d’un gain manqué (commissions non touchées et mandats de gestion non conclus), d’un montant minimal de CHF 109'150.- en capital.

3.        Invitée à se déterminer, la défenderesse, dans sa réponse du 28 avril 2014, a conclu au déboutement de la demanderesse.

Elle relève que la demanderesse n’est ni une institution de prévoyance, ni un employeur affilié, ni un ayant droit, et en conclut que sa demande est irrecevable, vu le défaut de compétence de la Cour de céans.

4.        Dans ses observations du 13 mai 2014, la demanderesse, par la plume de son conseil, a conclu à ce que la Cour de céans décline sa compétente et transmette la cause à la chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.

Elle reconnaît que, dans la mesure où, d’une part, elle n’est ni institution de prévoyance, ni employeur affilié ni ayant droit au sens de la loi sur la prévoyance professionnelle, ou, d’autre part, sa demande porte en réalité sur une probatique de concurrence déloyale, elle relève de la compétence de la chambre civile.

 

EN DROIT

 

1.        a) Selon l’art. 73 al. 1 LPP, chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernière instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit. La voie à suivre est celle de l’action (ATF 115 V 224 consid. 2).

b) A Genève, conformément à l'art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la juridiction compétente est la chambre des assurances sociales de la Cour de justice.

2.        a) La compétence des autorités visées par l'art. 73 LPP est doublement définie.

Elle l'est, tout d'abord, quant à la nature du litige: il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d'assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d'entrée ou de sortie) et des cotisations. En revanche, les voies de droit de l'art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement juridique autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance (ATF 128 V 41 consid. 1b ;ATF 125 V 168 consid. 2, ATF 122 V 323 consid. 2b et les références). En revanche, les voies de droit de l’art. 73 LPP ne sont pas ouvertes lorsque la contestation a un fondement autre que le droit de la prévoyance professionnelle, même si elle devait avoir des effets relevant du droit de ladite prévoyance (cf. Ulrich MEYER-BLASER, Die Rechtsprechung vom Eidgenössischen Versicherungsgericht und von Bundesgericht zum BVG, 2000-2004, in RSAS 49/2005, p. 258 ss).

Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droit (ATF 127 V 29 consid. 3b et les références ; voir aussi Ulrich MEYER-BLASER, Die Rechtswege nach dem BVG, RDS 1987 I p. 610 et Hans Rudolf SCHWARZENBACH-HANHART, Die Rechtspflege nach dem BVG, RSAS 1983 p. 174).

b) Le for de l’action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

3.        En l’espèce, il apparaît que la demanderesse n’est ni une institution de prévoyance, ni un employeur, ni un ayant droit au sens de l’art. 73 al. 1 LPP, de sorte qu’elle n’entre pas dans le champ d’application personnel de cette disposition.

Par conséquent, la demanderesse n’ayant pas la qualité nécessaire pour saisir la chambre de céans sur la base de l’art. 73 LPP, sa demande doit être déclarée irrecevable, ce que la demanderesse a d’ailleurs reconnu.

Par surabondance de moyens, on relèvera que la demande porte en réalité sur une problématique de concurrence déloyale, la demanderesse reprochant à la défenderesse une pratique commerciale illicite et déloyale. Certes, des questions juridiques en lien avec la prévoyance professionnelle sont sous-jacentes, notamment en raison du statut particulier des domestiques privés concernés par l’ODPr en matière de prévoyance professionnelle. Toutefois, le litige, de nature civile, repose principalement sur la loi fédérale contre la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD - RS 241), de sorte que la chambre de céans n’a pas à en connaître, faute de compétence matérielle en la matière.

Pour ce second motif également, la demande doit être déclarée irrecevable, ce que la demanderesse a aussi reconnu dans ses observations du 13 mai 2014.

En dernier lieu, il convient de préciser que la compétence ratione loci de la chambre de céans fait également défaut. En effet, la demanderesse aurait dû, conformément à l’art. 73 al. 3 LPP, agir au lieu du siège de la défenderesse, lequel est à Zurich.

4.        Dans le cadre de ses observations du 13 mai 2014, la demanderesse requiert de la chambre de céans qu’elle transmette sa demande à la chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève. Elle se fonde à cet effet sur l’art 11 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), à teneur duquel, si l’autorité décline sa compétence, elle transmet d’office l’affaire à l’autorité compétente et en avise les parties.

A cet égard, il convient de rappeler que lorsque la chambre de céans décline sa compétence, elle n'a l'obligation de transmettre un recours ou une demande qu'à une autre juridiction administrative compétente par application de l’art. 64 al. 2 LPA, par exemple à un autre Tribunal cantonal des assurances sociales en vertu de l’art. 58 al. 3 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1), lorsque cette loi est applicable (ATAS/1407/2012 du 22 novembre 2012 consid. 3).

Or, le litige étant de nature civile, il ne saurait être tranché par une autorité ou une juridiction administrative, de sorte que la chambre de céans n’a aucunement l’obligation de transmettre la demande à la juridiction civile compétente.

Par conséquent, il appartiendra à la demanderesse de s’adresser à la juridiction qu’elle estime compétente.

5.        Au vu de ce qui précède, la demande doit être déclarée irrecevable, à charge pour la demanderesse de l’adresser à l’autorité ou à la juridiction compétente, si elle l’estime opportun.

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare la demande irrecevable.

2.        Dit que la procédure est gratuite.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le