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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2832/2011

ATAS/1210/2011 (2) du 06.12.2011 ( PC ) , ADMIS

Descripteurs : ; PC ; RESSORTISSANT ÉTRANGER ; DURÉE DE COTISATION ; SÉJOUR
Normes : LPC 4 al. 1 let. d; LPC 5; RAI 41 al. k
Résumé : Ont droit à des prestations complémentaires, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui auraient droit à une rente AI, si elles justifiaient de la durée de cotisation minimale requise (art. 4 al.1 let. d LPC). S'agissant des ressortissants étrangers, encore faut-il qu'ils aient résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les 10 années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (5 LPC), à moins qu'il ne s'agisse d'un ressortissant d'un Etat membre de l'UE. Face à une personne qui sollicite l'octroi de prestations complémentaires, alors qu'elle s'est vu refuser toute prestation AI au motif que l'invalidité est survenue avant son entrée en Suisse, il appartient aux offices AI d'évaluer et de fixer le taux d'invalidité.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2832/2011 ATAS/1210/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 6 décembre 2011

1ère Chambre

 

En la cause

Madame B_________, domiciliée à Chancy

recourante

 

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES, sis route de Chêne 54, Genève

intimé

 


EN FAIT

Madame B_________, née en 1973, de nationalité française, a requis du SERVICE DES PRESTATIONS COMPLEMENTAIRES (ci-après le SPC) des prestations le 30 mai 2011. Elle a indiqué que l'OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENEVE (OAI), auprès duquel elle avait déposé le 7 septembre 2010 une demande de rente, reconnaissait sa maladie, mais n'avait pas encore rendu de décision, et a à cet égard produit un courrier du 28 février 2011, aux termes duquel celui-ci l'informait qu'aucune mesure de réadaptation d'ordre professionnel n'était possible actuellement en raison de son état de santé et que son droit éventuel à d'autres prestations était examiné.

Par décision du 31 mai 2011, le SPC, constatant que le droit à une rente AVS ou à une prestation de l'AI n'était pas déterminé, a refusé d'entrer en matière sur sa demande de prestations du 30 mai 2011.

L'intéressée a formé opposition le 8 juin 2011, s'étonnant de ce que le SPC n'ait pas tenu compte du fait qu'elle était ressortissante d'un pays de l'Union Européenne.

Par décision du 30 août 2011, le SPC, se référant aux art. 4 et 5 LPC, 1 LFPC et 2 LPCC, a rejeté l'opposition.

L'intéressée a interjeté recours le 16 septembre 2011 contre ladite décision sur opposition. Elle explique qu'elle a été domiciliée en France sans interruption jusqu'à son mariage le 24 juillet 2009, date à laquelle elle est venue en Suisse. Elle avait été mise au bénéfice en France d'une "allocation adulte handicapé". Elle a demandé les prestations de l'AI le 7 septembre 2010 et est en attente de la décision. Elle ajoute qu'elle n'exerce aucune activité lucrative et que son mari, musicien indépendant, ne réalise pas un revenu suffisant pour subvenir à leurs besoins. Elle fait valoir que selon le règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, rien ne devrait s'opposer à ce qu'elle reçoive des prestations complémentaires, même si elle n'est pas au bénéfice d'une rente de l'AI.

Dans sa réponse du 13 octobre 2011, le SPC a conclu au rejet du recours. S'agissant du règlement n° 1408/71 invoqué par l'intéressée, le SPC relève qu'une application du droit excluant les art. 4 et 5 LPC reviendrait à soumettre l'octroi de prestations complémentaires aux personnes de l'Union Européenne (UE), à des conditions plus favorables qu'aux personnes de nationalité suisse.

Par courrier du 7 octobre 2011, l'intéressée a produit

- le projet de décision de l'OAI daté du 21 septembre 2011, aux termes duquel

"des éléments recueillis dans le cadre l'instruction de votre dossier, il ressort que vous êtes entrée en Suisse en juillet 2009. Au terme de l'instruction de votre demande, nous avons soumis votre dossier à notre service médical (SMR) qui constate que votre atteinte à la santé, qui évolue depuis votre adolescence, est incapacitante au moins à 80% et déjà présente avant votre entrée en Suisse. Au vu de ce qui précède, force nous est de constater que vous ne remplissez aucune des conditions nécessaires à l'octroi d'une rente ordinaire après le 1er janvier 2008 au moment de la survenance de l'invalidité, qui, nous le rappelons, est fixée avant votre entrée en Suisse".

- la lettre que la Centrale de compensation a adressée à l'OAI le 3 octobre 2011, constatant qu'il n'y a pas lieu de transmettre la demande de rente à l'étranger, puisque l'intéressée ne fait valoir aucune période d'assurance à l'étranger.

Invité à se déterminer, le SPC a, le 27 octobre 2011, informé la Cour de céans qu'il persistait dans ses conclusions précédentes.

Le courrier du SPC a été transmis à l'intéressée et la cause gardée à juger.

EN DROIT

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC ; RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (LPCC; RS J 7 15).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Interjeté dans les délai et forme légaux, le recours est recevable (art. 56 al. 1 et 60 LPGA).

Le litige porte sur le droit de l'intéressée à des prestations complémentaires, alors qu'elle n'est au bénéfice ni d'une rente de vieillesse, ni d'une rente AI.

Aux termes de l'art. 4 al. 1 LPC,

"Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA1) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, dès lors qu’elles :

a. perçoivent une rente de vieillesse de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) ou ont droit à une rente de veuve, de veuf ou d’orphelin de l’AVS ;

b. auraient droit à une rente de l’AVS

1. si elles justifiaient de la durée de cotisation minimale requise à l’art. 29, al. 1, de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS)2,

2. si la personne décédée avait pu justifier de cette durée de cotisation au moment du décès

c. ont droit à une rente ou à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (AI) ou perçoivent des indemnités journalières de l’AI sans interruption pendant six mois au moins ;

d. auraient droit à une rente de l’AI si elles justifiaient de la durée de cotisation minimale requise à l’art. 36, al. 1, de la loi du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité."

Des conditions supplémentaires pour les étrangers sont prévues à l'art. 5 LPC, selon lequel

"Les étrangers doivent avoir résidé en Suisse de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence).

Pour les réfugiés et les apatrides, le délai de carence est de cinq ans.

Les étrangers qui auraient droit à une rente extraordinaire de l’AVS ou de l’AI en vertu d’une convention de sécurité sociale peuvent prétendre au plus, tant qu’ils ne satisfont pas au délai de carence visé à l’al. 1, à une prestation complémentaire d’un montant équivalant au minimum de la rente ordinaire complète correspondante.

Les étrangers qui ne sont ni des réfugiés ni des apatrides et qui n’entrent pas dans le cadre des dispositions fixées à l’al. 3 ont droit aux prestations complémentaires s’ils satisfont au délai de carence visé à l’al. 1 et remplissent l’une des conditions fixées à l’art. 4, al. 1, let. a, b, ch. 2, et c, ou les conditions prévues à l’art. 4, al. 2."

S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 2 al. 1 LPCC dispose qu’ont droit aux prestations les personnes qui sont, notamment, au bénéfice d'une rente de l’AVS ou de l’AI, voire d'une allocation pour impotent (let. b) ou qui ont droit à des prestations complémentaires fédérales sans être au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants ou de l’assurance-invalidité (let. c). Ils doivent en plus répondre aux autres conditions de la loi (art. 2 al. 1 let. d LPCC).

Les requérants étrangers, ressortissants de pays non membres de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange, doivent en outre avoir été domiciliés dans le canton de Genève et y avoir résidé effectivement, sans interruption, durant les dix années précédant la demande (art. 2 al. 3 LPC).

Force est de constater qu’au moment de la décision litigieuse, l'intéressée n’était au bénéfice ni d’une rente de l’assurance-invalidité, ni d’une allocation pour impotent . L'OAI a rendu un projet de décision le 21 septembre 2011, refusant à l'intéressée toute prestation, au motif que l'invalidité est survenue avant son entrée en Suisse. Il a ainsi considéré que les conditions d'assurance n'étaient pas réalisées, l'intéressée ne justifiant pas de la durée minimale de cotisations requise.

Celle-ci ne peut ainsi pas prétendre à des prestations complémentaires en application de l’art. 4 al. 1 let. c LPC.

Reste à examiner si elle présente une invalidité susceptible de lui ouvrir le droit à une rente, en application de l’art. 4 al. 1 let. d LPC.

Aux termes de l’art. 41 al. 1 let. k du règlement du 17 janvier 1961 sur l’assurance-invalidité (RAI ; RS 831.201), il appartient aux offices AI d’évaluer l’invalidité des personnes qui sollicitent l’octroi d’une prestation complémentaire au sens de l’art. 4 al. 1 let. d LPC (cf. aussi art. 57 al. 1 let. f LAI).

Selon l’annexe III de la circulaire de l’OFAS sur la procédure dans l’AI (CPAI), l’organe chargé de servir les prestations complémentaires, saisi d’une demande de prestations fondée sur l’art. 4 al. 1 let. d LPC, examine d’abord si le requérant a son domicile et sa résidence habituelle en Suisse, s’il remplit la condition du délai de carence de l’art. 5 LPC (pour les étrangers) et s’il n’a effectivement pas droit à une rente AVS ou AI ou à une allocation pour impotent. Si toutes ces conditions – cumulatives – sont remplies, il donne mandat à l’OAI compétent d’évaluer le taux d’invalidité. Ce dernier ne procède en effet à aucun examen sans mandat correspondant. L’OAI fixe le degré d’invalidité et détermine le moment à partir duquel l’invalidité permet l’octroi d’une rente AI, puis communique sa détermination à l’organe chargé de servir les prestations complémentaires pour qu’il rende sa décision. C’est dans le cadre de la contestation de la décision en matière de prestations complémentaires que la détermination de l’OAI au sujet du taux d’invalidité ou de la date de début de l’invalidité peut être querellée, l’OAI pouvant émettre son avis à ce sujet.

En l'espèce, une telle procédure s'avère inutile, l'OAI ayant d'ores et déjà admis que l'intéressée présentait une incapacité de travail d'au moins 80%.

Il y a lieu de rappeler que l'intéressée n'a pas la nationalité suisse et qu'elle ne vit en Suisse que depuis juillet 2009. Elle ne remplit dès lors pas la condition de durée de résidence en Suisse prévue à l'art. 5 al. 1 LPC auquel elle est pourtant soumise. Toutefois, elle est ressortissante d'un Etat-membre de l'UE et en tant que telle assimilée à un ressortissant suisse conformément au Règlement n° 1408/71. Elle peut ainsi prétendre aux prestations complémentaires si elle est invalide à 40% au moins. Tel est manifestement le cas, dans la mesure où l'OAI lui a reconnu une incapacité de travail d'au moins 80% quelle que soit l'activité envisagée, de sorte que le degré d'invalidité se confond avec celui de l'incapacité de travail.

L'intéressée a en conséquence droit aux prestations complémentaires.

Le SPC craint qu'ainsi les étrangers, ressortissants d'Etats de l'UE, soient mieux traités que les Suisses.

Force est de rappeler à cet égard que le règlement n° 1408/71 a voulu mettre sur pied d'égalité les ressortissants de l'UE et les Suisses et de constater que l'art. 4 LPC s'applique tant aux premiers qu'aux seconds.

Aussi le recours est-il admis et la cause renvoyée au SPC pour examen des autres conditions et nouvelle décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet et annule les décisions des 31 mai et 30 août 2011.

Renvoie la cause au SPC pour examen des autres conditions et nouvelle décision.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF; RS 173.110) aux conditions de l’art. 95 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires fédérales, par la voie du recours constitutionnel subsidiaire (articles 113 ss LTF) aux conditions de l’art. 116 LTF pour ce qui a trait aux prestations complémentaires cantonales. Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le