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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/804/2022

ATAS/1180/2022 du 22.12.2022 ( PC ) , AUTRE

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/804/2022 ATAS/1180/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 22 décembre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à Meyrin

 

recourante

contre

 

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après: l'intéressée), née le ______ 1956, au bénéfice d'une rente d'invalidité entière, perçoit des prestations cantonales et fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité depuis le 1er mai 2011, respectivement depuis le 1er octobre 2018.

b. Par lettre du 7 mai 2020, le service des prestations complémentaires (ci-après: le SPC) a demandé à l'intéressée de lui transmettre la copie de la décision de la rente de l'assurance-vieillesse et survivants (AVS) pour la période dès le 1er juin 2020 vu son passage en âge AVS, la copie de la décision de la rente de prévoyance professionnelle (2ème pilier; LPP) pour la période dès le 1er juin 2020 (si elle n'en possédait pas, elle était invitée à indiquer par écrit la raison), et la copie du justificatif de l'encaissement de la prestation en capital du 2ème pilier et/ou des comptes de libre-passage au cas où elle l'aurait reçu.

c. Par courrier du 24 juin 2020, l'intéressée, sous la plume du service des Aînés de la Ville de K______ (ci-après: le service des Aînés), a répondu, pièces à l'appui, avoir touché un capital LPP de CHF 324'118.- à l'âge de la retraite réglementaire au 1er juin 2018 en lieu et place d'une rente annuelle de CHF 19'668.-.

B. a. Par décision du 18 août 2020, à laquelle étaient joints les nouveaux plans de calculs, le SPC a exigé de l'intéressée la restitution de la somme de CHF 21'316.- correspondant aux prestations versées en trop du 1er juin 2018 au 31 août 2020. Par ailleurs, dès le 1er septembre 2020, celle-ci n'avait droit qu'aux prestations complémentaires fédérales.

b. Par décision séparée du même jour, le SPC a également requis de l'intéressée le remboursement des subsides de l'assurance-maladie indûment perçus à hauteur de CHF 1'771.60 du 1er juin au 30 septembre 2018.

c. Par courrier du 11 septembre 2020, l'intéressée, représentée par le service des Aînés, a formé opposition à la décision du 18 août 2020 concernant le recalcul des prestations dès le 1er juin 2018.

d. À la demande du SPC, le 29 avril 2021, l'intéressée lui a transmis les relevés de son compte bancaire pour la période dès le 1er juin 2018, ainsi que les justificatifs des dépenses effectuées au moyen du capital LPP reçu en juin 2018.

e. Par courrier du 23 juin 2021 au service des Aînés, le SPC a adressé à l’intéressée un avis d’une possible reformatio in pejus. Le SPC constatait qu'il résulterait des nouveaux plans de calcul (qui incluait en particulier un dessaisissement de fortune) une demande en remboursement de CHF 30'260.- (au lieu de CHF 21'316.-) pour la période du 1er juin 2018 au 31 août 2020, tout en soulignant que le montant des subsides de l'assurance-maladie à restituer serait également plus élevé. Eu égard à ces éléments, le SPC a imparti un délai à l'intéressée afin qu'elle lui fasse part du retrait éventuel de son opposition.

f. Par décision du 23 juin 2021 au service des Aînés, le SPC a fait état d'un trop-perçu de prestations complémentaires fédérales de CHF 4'104.- pour la période rétroactive du 1er septembre 2020 au 30 juin 2021 selon les plans de calculs annexés (qui comprenaient notamment un dessaisissement de fortune). Le SPC indiquait avoir d'ores et déjà accordé la remise de l'obligation de restituer ce montant, les conditions légales (que sont la bonne foi et la situation difficile) étant remplies.

g. Par pli du 30 juin 2021, l'intéressée, agissant en personne et en se référant à l'avis du 23 juin 2021 ainsi qu'à la décision de prestations complémentaires dès le 1er septembre 2020, a informé le SPC maintenir son opposition, en alléguant avoir été victime d'une escroquerie.

h. Le 3 août 2021, elle a déposé une opposition orale auprès du SPC, retranscrite dans un procès-verbal du même jour. En résumé, l'intéressée invitait l'autorité à reconsidérer le montant retenu à titre de biens dessaisis au regard des justificatifs remis à cette occasion.

i. Par décision du 16 février 2022 au service des Aînés, à laquelle étaient joints les nouveaux plans de calculs couvrant la période du 1er juin 2018 au 31 août 2020, le SPC a rejeté l'opposition du 11 septembre 2020, et requis le remboursement de CHF 30'260.- au titre des prestations versées en trop durant cette période ainsi que de CHF 7'738.30 au titre des subsides de l'assurance-maladie indûment perçus pendant cette même période.

j. Par décision du 16 février 2022 à l'intéressée, à laquelle étaient annexés les nouveaux plans de calculs relatifs à la période dès le 1er septembre 2020, le SPC a rejeté l'opposition du 30 juin 2021 à la décision de prestations complémentaires du 23 juin 2021.

C. a. Par courrier du 11 mars 2022, l'intéressée a interjeté recours contre la décision sur opposition du 16 février 2022 relative à la décision de prestations complémentaires du 23 juin 2021 auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la CJCAS) et conclu à l'octroi d'un délai pour compléter son recours.

b. Dans son complément de recours du 20 avril 2022, l'intéressée a indiqué former également opposition à une décision du SPC du 1er décembre 2021 recalculant le montant de ses prestations dès le 1er janvier 2022. Elle a demandé son audition et produit diverses pièces.

c. Dans sa réponse du 11 mai 2022, l'intimé a conclu, principalement, à l'irrecevabilité du recours, qui ne satisfaisait pas à l'exigence de motivation et ne contenait aucune conclusion, et subsidiairement, au rejet du recours.

d. Dans sa réplique du 12 septembre 2022, la recourante a en substance répété avoir été victime d'une escroquerie, et expliqué avoir emprunté de l'argent auprès d'amis et membres de la famille, et retiré le capital LPP pour rembourser des créanciers.

Elle a joint divers documents.

e. Dans sa duplique du 21 septembre 2022, l'intimé a persisté dans ses conclusions.

 

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

1.1 La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - RS E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ses articles précités n'y dérogent pas (art. 89A LPA).

1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

1.3 L’art. 52 al. 1 LPGA prévoit qu'avant d'être soumises à la chambre de céans, les décisions d'un assureur doivent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues.

1.4 Conformément aux art. 56 al. 1 et 60 al. 1 LPGA, les décisions sur opposition, et celles contre lesquelles l'opposition n'est pas ouverte, sont sujettes à recours dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision.

1.5 Selon l'art. 11 al. 3 LPA, si l'autorité décline sa compétence, elle transmet d'office l'affaire à l'autorité compétente et en avise les parties.

1.6 En l'espèce, la compétence de la chambre de céans pour juger du cas d’espèce est établie dans la mesure où la décision litigieuse du 16 février 2022 a trait aux prestations complémentaires (fédérales) pour la période rétroactive du 1er septembre 2020 au 30 juin 2021. En revanche, la chambre de céans n'est pas compétente pour se prononcer sur l'opposition formée par la recourante le 20 avril 2022 à la décision de l'intimé du 1er décembre 2021 recalculant le montant des prestations complémentaires pour la période dès le 1er janvier 2022 (qui n'a pas encore fait l'objet d'une décision sur opposition). Par conséquent, l'opposition à cette dernière décision doit être transmise à l'intimé comme objet de sa compétence.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours (du 11 mars 2022) a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a LPGA a contrario).

3.             Dans le cadre de la réforme de la LPC, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, de nombreuses dispositions ont été modifiées (FF 2016 7249; RO 2020 585).

3.1 D’après les principes généraux en matière de droit transitoire, on applique, en cas de changement de règles de droit et sauf réglementation transitoire contraire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement et qui a des conséquences juridiques (ATF 140 V 41 consid. 6.3.1 et les références).

3.2 Selon l'al. 1 des dispositions transitoires de la modification du 22 mars 2019 (réforme des PC), l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente modification aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son l’ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à celle-ci.

3.3 En vertu de l'art. 9a al. 1 let. a LPC en vigueur depuis le 1er janvier 2021, les personnes seules dont la fortune nette est inférieure aux seuils de CHF 100'000.- ont droit à des prestations complémentaires.

3.4 En l'occurrence, en tant que la décision litigieuse porte sur les prestations complémentaires pour la période du 1er septembre au 31 décembre 2020, la LPC est applicable dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020. S'agissant des prestations complémentaires pour la période du 1er janvier au 30 juin 2021, si la réforme de la LPC était appliquée, le droit de la recourante auxdites prestations devrait d'emblée être supprimé selon l'intimé, qui a considéré que la fortune de celle-ci était supérieure au seuil fixé à l'art. 9a al. 1 let. a LPC. L'intimé a donc appliqué le droit en vigueur avant la réforme, plus favorable à la recourante, ce qui n'est au demeurant pas contesté. Les dispositions légales seront donc citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2020.

4.             Selon l'art. 61 let. b LPGA, l’acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l’acte n’est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l’avertissant qu’en cas d’inobservation le recours sera écarté.

4.1 La règle de l'art. 61 let. b LPGA découle du principe de l'interdiction du formalisme excessif et constitue l'expression du principe de la simplicité de la procédure qui gouverne le droit des assurances sociales. C'est pourquoi le juge saisi d'un recours dans ce domaine ne doit pas se montrer trop strict lorsqu'il s'agit d'apprécier la forme et le contenu de l'acte de recours. Il s'agit là d'une prescription formelle, qui oblige le juge de première instance - excepté dans les cas d'abus de droit manifeste - de fixer un délai pour corriger les imperfections du mémoire de recours (arrêt du Tribunal fédéral 8C_245/2022 du 7 septembre 2022 consid. 3.2).

4.2 En l'espèce, quand bien même la recourante n'a pas pris de conclusions formelles, elle a succinctement allégué avoir été victime d'une escroquerie et avoir dû rembourser des dettes au moyen du capital LPP perçu en juin 2018. On comprend ainsi qu'elle manifeste son désaccord avec la décision litigieuse du 16 février 2022 en tant que cette dernière retient un dessaisissement de fortune, et qu'elle conclut implicitement à la suppression du montant retenu à ce titre. La recourante, agissant en personne, on ne saurait être trop exigeant ni trop formaliste dans un tel cas. En conséquence, il y a lieu d'admettre que le recours satisfait aux exigences de forme et de contenu légales.

Aussi le recours, interjeté par ailleurs dans le délai légal (art. 60 al. 1 LPGA), sera-t-il déclaré recevable.

5.             Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que l'intimé a inclus dans le calcul des prestations complémentaires fédérales un dessaisissement de fortune pour la période rétroactive du 1er septembre 2020 au 30 juin 2021.

6.             Sur le plan fédéral, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions personnelles prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de vieillesse de l'assurance-vieillesse et survivants, conformément à l'art. 4 al. 1 let. a LPC.

Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d’invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L’art. 9 al. 1 LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues énumérées à l'art. 10 LPC qui excède les revenus déterminants, lesquels comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

7.             Il y a dessaisissement lorsque la personne concernée a renoncé à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique et sans avoir reçu en échange une contre-prestation équivalente, ces deux conditions étant alternatives (ATF 140 V 267 consid. 2.2 et les références; ATF 134 I 65 consid. 3.2 et les références; ATF 131 V 329 consid. 4.2 et les références). Pour vérifier s'il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d'un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b; arrêt du Tribunal fédéral 9C_67/2011 du 29 août 2011 consid. 5.1).

7.1 Il y a lieu de prendre en compte dans le revenu déterminant tout dessaisissement sans limite de temps (Pierre FERRARI, Dessaisissement volontaire et prestations complémentaires à l'AVS/AI in RSAS 2002, p. 420). Ainsi, la date à laquelle le dessaisissement a été accompli n'a, en principe, aucune importance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_667/2021 du 17 mai 2022 consid. 3.3 et les références).

7.2 Le Tribunal fédéral a retenu l'existence d'un dessaisissement dans le cas d'un assuré ayant perçu un capital de prévoyance de CHF 888'792.- utilisé pour rembourser des dettes (CHF 385'210.-) et dont le solde, additionné à sa fortune, malgré la prise en compte de dépenses effectives de CHF 10'500.-/mois aurait encore dû être de CHF 495'000.- (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.52/02 du 12 juin 2003).

Il a également jugé le cas d'un assuré dont le solde du capital de prévoyance de CHF 129'493.40 était de CHF 69'370.20 au 31 décembre de l'année du versement. La diminution de fortune de CHF 60'123.20 en moins de trois mois n'était expliquée que partiellement notamment par le remboursement d'un emprunt pour un montant de CHF 21'073.80, et par le paiement d'un montant de l'ordre de CHF 3'500.- à l'administration fiscale pendant la période prise en considération. Une diminution de fortune de l'ordre de CHF 33'000.-, au moins, demeurait inexpliquée jusqu'à la fin de l'année 1996 et était considérée comme un dessaisissement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.59/02 du 28 août 2003).

8.             Selon l'art. 17a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301), dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, la part de fortune dessaisie à prendre en compte (art. 11 al. 1 let. g LPC) est réduite chaque année de CHF 10'000.- (al. 1). La valeur de la fortune au moment du dessaisissement doit être reportée telle quelle au 1er janvier de l’année suivant celle du dessaisissement, pour être ensuite réduite chaque année (al. 2). Est déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire annuelle le montant réduit de la fortune au 1er janvier de l’année pour laquelle la prestation est servie (al. 3).

8.1 Le Tribunal fédéral a admis la conformité de cette disposition à la loi et à la constitution (ATF 118 V 150 consid. 3c/cc).

8.2 Conformément à cette disposition, il faut qu'une année civile entière au moins se soit écoulée entre le moment où l'assuré a renoncé à des parts de fortune et le premier amortissement de fortune (Ralph JÖHL, Die Ergänzungsleistung und ihre Berechnung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, p. 1816 n. 247).

9.             Sur le plan cantonal, ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes qui remplissent les conditions de l’art. 2 LPCC et dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable (art. 4 LPCC). Le montant de la prestation complémentaire correspond à la différence entre les dépenses reconnues et le revenu déterminant du requérant (art. 15 al. 1 LPCC). Aux termes de l’art. 5 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d'exécution, moyennant certaines adaptations. En outre, la fortune est également définie par la loi fédérale et ses dispositions d’exécution (art. 7 LPCC).

9.1 Ainsi, tout comme en droit fédéral, le revenu déterminant comprend les parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi. On relèvera par ailleurs que la jurisprudence en matière de biens dessaisis rappelée supra s’applique mutatis mutandis en matière de prestations complémentaires cantonales (ATAS/915/2014 consid. 8a).

9.2 Le droit cantonal exclut du droit aux prestations cantonales les personnes qui ont choisi au moment de la retraite un capital de prévoyance professionnelle en lieu et place d’une rente et qui l’ont consacré à un autre but que celui de la prévoyance (art. 2 al. 4 LPCC).

9.3 La chambre de céans a jugé que l'on pouvait résumer ainsi les principes régissant l'octroi de prestations complémentaires cantonales en cas de retrait du 2ème pilier en capital : si le capital de prévoyance n'est pas épuisé selon le calcul de la couverture des besoins, il convient de calculer les revenus déterminants en y intégrant la rente du 2ème pilier à laquelle l'assuré aurait pu prétendre en lieu du capital. Si ces revenus excèdent les dépenses reconnues, l'assuré n'a pas droit aux prestations complémentaires cantonales. Si, au contraire, ces revenus sont inférieurs aux dépenses reconnues, l'assuré peut prétendre aux prestations complémentaires cantonales qui lui auraient été servies en cas de versement d'une rente de la prévoyance professionnelle. En revanche, dès qu'il est établi que le capital de prévoyance a été entièrement utilisé selon le calcul de la couverture des besoins, l'assuré a, dans tous les cas, droit à des prestations complémentaires cantonales. Dans cette dernière hypothèse, leur calcul s'opère sans tenir compte d'une rente hypothétique de la prévoyance professionnelle à titre de revenu (ATAS/808/2021 du 16 août 2021 consid. 12 et les références).

9.4 En définitive, le capital LPP dépensé, en tout ou partie, au jour du calcul des prestations complémentaires, sera pris en considération selon les règles du dessaisissement en matière de prestations complémentaires fédérales, alors qu'en matière de prestations complémentaires cantonales, il sera fait application de l'art. 2 al. 4 LPCC et de la jurisprudence y relative (ATAS/703/2022 du 11 août 2022 consid. 13.2).

10.         Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références; ATF 126 V 353 consid. 5b et les références; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n'existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a et la référence).

Par ailleurs, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). En particulier, dans le régime des prestations complémentaires, l'assuré qui n'est pas en mesure de prouver que ses dépenses ont été effectuées moyennant contre-prestation adéquate ne peut pas se prévaloir d'une diminution correspondante de sa fortune, mais doit accepter que l'on s'enquière des motifs de cette diminution et, en l'absence de la preuve requise, que l'on tienne compte d'une fortune hypothétique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P.65/04 du 29 août 2005 consid. 5.3.2; VSI 1994 p. 227 consid. 4b).

11.         En l'espèce, sur la base des pièces que la recourante a communiquées à l'intimé le 24 avril 2021 (relevés bancaires pour la période dès le 1er juin 2018; justificatifs des dépenses au moyen du capital LPP de CHF 324'118.- encaissé en juin 2018), celui-ci a constaté, au vu des ressources de la recourante, de ses charges (loyer, primes d'assurance-maladie) et de ses besoins vitaux (selon le barème des prestations complémentaires cantonales) calcul qui s'est soldé par un excédent de revenus , qu'elle aurait dû disposer d'une fortune de CHF 293'515.30 fin 2018 eu égard aux dépenses justifiées (comprenant entre autres les frais bancaires et médicaux) du 1er juin au 31 décembre 2018 à raison de CHF 30'598.90 (l'intimé a comptabilisé une fortune de CHF 324'114.20, légèrement plus favorable [324'114.20 - 30'598.90 = 293'515.30]). Or, la fortune de la recourante était nulle à la fin de cette année.

Le dessaisissement de fortune de CHF 293'515.30 a été reporté tel quel au 1er janvier 2019 (l'année suivant le dessaisissement) pour être réduit ensuite chaque année de CHF 10'000.- (art. 17a OPC-AVS/AI). Ainsi, l'intimé a tenu compte d'un dessaisissement de fortune de CHF 283'515.30 dès le 1er janvier 2020, et de CHF 273'515.30 dès le 1er janvier 2021 – période qui couvre celle ici litigieuse du 1er septembre 2020 au 30 juin 2021.

11.1 À l'appui de son recours, la recourante, qui conteste l'intégration de ces montants dans le calcul des prestations complémentaires fédérales, a versé au dossier:

a.    une facture du 6 novembre 2012 que lui a adressée les B______ SA en lien avec les obsèques de sa mère décédée le 4 novembre 2012, ainsi qu'un document sur lequel elle a listé tous les frais encourus relatifs audit décès toutefois, ces dépenses ne sauraient être prises en compte, dès lors qu'elles n'ont pas été effectuées durant la période déterminante du 1er juin au 31 décembre 2018;

b.    des formulaires de demande de service pour les cartes prépayées Postepay, ainsi que trois décomptes séparés enregistrant les débits et crédits entre 2009 et 2012 de la titulaire de la carte, dont la recourante, Mmes C______ et D______ ceci étant, les décomptes des deux dernières personnes ne sont pas pertinents, puisqu'ils ne concernent pas la recourante; quant à son décompte, on ne peut pas admettre, comme elle l'allègue, que les crédits y comptabilisés (variant entre EUR 150.- et 500.-) font état de prêts obtenus à l'époque qu'elle aurait remboursés au moyen de son capital LPP en 2018, car elle n'a produit aucun justificatif attestant de prêts (de l'ordre desdits montants) qui lui auraient été accordés, d'autant moins que, sur le décompte, sous la rubrique « description », le nom de tierce personne ne figure pas; en d'autres termes, ledit décompte ne permet pas d'établir qu'elle aurait reçu des virements de la part de tiers;

c.    l'ordre de paiement du 4 juin 2018 d'un montant de CHF 31'500.- en faveur de E______, celui du 13 juin 2018 d'un montant de EUR 20'000.- en faveur de F______ et la confirmation de l'ordre du 4 juin 2018 d'un montant de CHF 23'000.-en faveur de G______ ne prouvent pas non plus qu'elle aurait remboursé des prêts qui lui auraient été concédés par ces individus, ces derniers ne l'attestant dans aucune pièce au dossier;

d.   le document signé le 16 juin 2018 par « H______ » dans lequel il atteste avoir reçu la somme de CHF 4'800.- de la part de la recourante pour solde de tout compte doit être écarté, car, à lui seul, il ne suffit pas non plus à confirmer que celui-là aurait auparavant prêté de l'argent à celle-ci, aucun document antérieur ne faisant état d'un prêt;

e.    le document ni signé ni daté produit le 12 septembre 2022 dans lequel il est indiqué que la recourante a payé CHF 2'000.- à un notaire à Coire ne peut pas être pris en considération, dès lors qu'en l'absence de justificatif (par ex.: récépissé de paiement mentionnant les coordonnées du destinataire), il ne s'agit que d'un allégué;

f.     le contrat de courtage du 10 juillet 2008 non signé n'est pas pertinent, d'autant moins qu'à teneur de ce document, c'est la recourante qui aurait dû percevoir une commission de 2% sur une « affaire », étant relevé qu'elle n'a fourni aucune pièce (par ex.: plainte pénale, jugement pénal) permettant de penser qu'elle aurait été, ainsi qu'elle le prétend, victime d'actes d'escroquerie (ce, sans avoir commis dans ce cadre une négligence grave qui justifierait de ne pas assimiler l'argent dilapidé à un dessaisissement de fortune [cf. arrêt du Tribunal fédéral P.55/05 du 26 janvier 2007 consid. 5]).

Force est de constater que lesdites pièces ne permettent pas de justifier la diminution de la fortune de la recourante entre le 1er juin et le 31 décembre 2018.

Tout au plus peut-on reconnaître qu'elle a remboursé un prêt de CHF 45'400.- le 12 juin 2018 à I______ ainsi que de EUR 10'300.- à J______. Une lettre du 9 mars 2007, signée par le premier et la recourante, fait état d'un emprunt de CHF 85'000.- et dans un pli du 11 octobre 2018 celui-ci confirme avoir reçu un montant de CHF 45'400.- le 12 juin 2018 de la recourante pour solde de tout compte. Dans un document du 13 août 2018, la seconde atteste avoir reçu de la recourante la somme de EUR 10'300.- qui lui a été prêtée (contre-valeur de CHF 12'241.55 selon le cours EUR 1.- = CHF 1.1885 figurant sur le relevé bancaire de celle-ci).

11.2 Nonobstant ce qui précède, cela n'a aucune incidence sur l'issue du litige.

En effet, si l'on déduit CHF 57'641.55 (45'400 + 12'241.55) de CHF 293'515.30, il en résulte une diminution de fortune inexpliquée de CHF 235'873.75 (293'515.30 - 57'641.55), qui doit être reportée au 1er janvier 2019, puis réduite chaque année. Il y a donc lieu de retenir un dessaisissement de fortune de CHF 225'873.75 dès le 1er janvier 2020, et de CHF 215'873.75 dès le 1er janvier 2021.

Compte tenu de la franchise de CHF 37'500.- sur la fortune, et de la part de la fortune prise en considération à 1/10ème pour les bénéficiaires de rentes AVS (art. 11 al. 1 let. c LPC), la fortune déterminante s'élève alors à CHF 18'837.38 ([225'873.75 - 37'500] / 10) pour la période litigieuse du 1er septembre au 31 décembre 2020. Ajoutée aux rentes de l'AVS (art. 11 al. 1 let. d LPC) de CHF 28'440.-, le revenu déterminant de la recourante se monte à CHF 47'277.38 (ce, sans même inclure le produit de la fortune [cf. art. 11 al. 1 let. b LPC]).

Le revenu déterminant étant supérieur aux dépenses reconnues de CHF 39'874.- (CHF 19'450.- depuis le 1er janvier 2019 [besoins vitaux; art. 10 al. 1 let. a LPC] + CHF 13'200.- [loyer; art. 10 al. 1 let. b ch. 1 LPC] + CHF 7'224.- [montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins; art. 10 al. 3 let. d LPC et ordonnance du Département fédéral de l'intérieur [DFI] du 30 octobre 2019 relative aux primes moyennes 2020 de l'assurance obligatoire des soins pour le calcul des prestations complémentaires]), il convient de confirmer la décision querellée en tant qu'elle nie le droit de la recourante aux prestations complémentaires fédérales du 1er septembre au 31 décembre 2020. Il s'ensuit que les prestations qui lui avaient été versées l'ont été à tort.

De même, pour la période litigieuse du 1er janvier au 30 juin 2021, au vu de la franchise de CHF 37'500.- sur la fortune, et de la part de la fortune prise en considération à 1/10ème, il en résulte une fortune de CHF 17'837.38 ([215'873.75 - 37'500] / 10). Ajoutée aux rentes de l'AVS de CHF 28'680.-, le revenu déterminant de la recourante s'élève à CHF 46'517.38 (ce, sans même inclure le produit de la fortune).

Ce montant étant supérieur aux dépenses reconnues de CHF 40'082.- (CHF 19'610.- dès le 1er janvier 2021 [besoins vitaux] + CHF 13'200.- [loyer] + CHF 7'272.- [montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins; ordonnance du DFI du 21 octobre 2020 relative aux primes moyennes 2021 de l'assurance obligatoire des soins pour le calcul des prestations complémentaires]), il convient de confirmer la décision attaquée en tant qu'elle nie le droit de la recourante aux prestations complémentaires fédérales pendant cette période. Par conséquent, les prestations qui lui avaient été versées l'ont été à tort.

12.         À toutes fins utiles, on relèvera que s'agissant du calcul des prestations complémentaires cantonales durant la période litigieuse du 1er septembre 2020 au 30 juin 2021, c'est à juste titre que l'intimé a tenu compte de la rente de prévoyance hypothétique (CHF 19'668.-), dès lors que le capital de prévoyance encaissé par la recourante le 1er juin 2018 n'a pas été entièrement affecté à la couverture de ses besoins vitaux (cf. consid. 9.2-9.4 ci-dessus). En effet, si celle-ci avait utilisé son capital LPP à la couverture de ses besoins vitaux uniquement, il aurait dû lui rester, à tout le moins, un montant de l'ordre de CHF 164'611.- au 30 juin 2021 (324'118 – 159'507; CHF 159'507.- = CHF 30'000.- forfait PCC [art. 3 al. 1 let. e et al. 2 du règlement relatif aux prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l’assurance-invalidité du 25 juin 1999 [RPCC- AVS/AI - J 4 25.03] + CHF 14'460.- [loyer y compris les charges] + 7'272.- [primes pour l'assurance obligatoire des soins] = 51'732.- par année / 12 = 4'311.- par mois × 37 mois écoulés du 1er juin 2018 au 30 juin 2021, étant souligné que le montant des besoins vitaux ici calculé à hauteur de CHF 159'507.- est favorable à la recourante, puisque le forfait PCC et les primes pris en considération pendant les 37 mois sont ceux valables dès le 1er janvier 2021, alors que ceux-ci sont d'un montant inférieur de 2018 à 2020).

13.         Pour le surplus, après s'être rendu compte, au plus tôt le 29 avril 2021, du dessaisissement de fortune fait nouveau découvert après coup susceptible de modifier le calcul des prestations et justifiant avec effet ex tunc la révision procédurale des décisions précédemment rendues d'octroi de prestations complémentaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_522/2021 du 29 juin 2022 consid. 4.1) , en réclamant, par décision du 23 juin 2021, la restitution des prestations complémentaires fédérales versées indûment du 1er septembre 2020 au 30 juin 2021, l'intimé a respecté tant le délai relatif de trois ans à compter du moment où il a eu connaissance des faits que le délai absolu de cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 1 et 2 – dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2021 – LPGA).

14.         La recourante ayant produit les pièces à l'appui de ses allégués (réplique du 12 septembre 2022), par appréciation anticipée des preuves (ATF 122 II 464 consid. 4a), il n'est pas nécessaire de l'entendre oralement.

15.         Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA a contrario).

 

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable en tant qu'il porte sur la décision sur opposition du 16 février 2022 relative aux prestations complémentaires (fédérales) pour la période rétroactive du 1er septembre 2020 au 30 juin 2021.

2.        Transmet à l'intimé l'opposition du 20 avril 2022 à la décision du 1er décembre 2021 recalculant le montant des prestations complémentaires dès le 1er janvier 2022 comme objet de sa compétence.

Au fond :

3.        Rejette le recours contre la décision sur opposition du 16 février 2022 précitée.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le