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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1910/2022

ATAS/1171/2022 du 21.12.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1910/2022 ATAS/1171/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 21 décembre 2022

4ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE

 

 

recourante

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Madame A______ (ci-après : l'intéressée ou la recourante) est née en 1939. Son époux, né en 1947, a demandé des prestations complémentaires (ci-après : PC) le 27 janvier 2009, en indiquant, notamment, que l'intéressée touchait une rente AVS et lui-même une rente d'invalidité et qu'aucun d'eux ne possédait une propriété immobilière, ni de parts dans une succession non partagée. L'intéressée a signé cette demande en sa qualité de conjointe.

b. Depuis lors, chaque fin d'année, le service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l'intimé) a adressé à l'époux de l'intéressée une communication importante attirant son attention sur le fait qu'il devait contrôler attentivement les montants figurant dans les plans de calculs de ses prestations pour s'assurer qu'ils correspondaient bien à sa situation actuelle. Au chapitre des ressources, il devait tout particulièrement vérifier les rubriques relatives aux rentes AVS/AI, rentes LPP, caisses de retraites et rentes étrangères ainsi que la fortune mobilière (comptes bancaires, CPP, titres, etc.) et le produit de la fortune (intérêts). Il devait également signaler au SPC les autres évènements dont celui-ci devait tenir compte, tels que notamment la participation à une succession ouverte ou le décès d'un membre du groupe familial. Son attention était encore attirée sur le fait que le bénéficiaire de PC qui manquait à son devoir de communiquer les changements intervenus dans sa situation personnelle et/ou financière s'exposait à des sanctions pénales.

c. En juin 2013, l'intéressée et son époux ont signé un formulaire de révision périodique, dans lequel ils ont mentionné « néant » à la question de savoir si l'un d'eux avait des parts dans une succession non partagée, et l'intéressée a signé en date du 4 juin 2013 une déclaration indiquant qu'elle ne possédait pas de biens immobiliers en Suisse ou à l'étranger.

d. Le 21 décembre 2013, elle a informé le SPC du décès de son époux survenu le 10 décembre 2013.

e. Par décision du 7 janvier 2014, le SPC a adressé à l'intéressée une décision de PC et de subsides d'assurance-maladie après avoir recalculé son droit aux PC.

f. Le 6 février 2014, l'intéressée a déposé une nouvelle demande de prestations à la suite du décès de son époux, sans répondre à la question de savoir si elle avait une part dans une succession non partagée.

g. Le 18 mars 2014, le SPC a reçu la déclaration de succession de feu l'époux de l'intéressée dont il résultait que cette dernière était la seule héritière.

h. Le 11 janvier 2018, le SPC a reçu les avis de taxation établis par l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) pour l'intéressée et feu son époux, pour les années 2009 à 2016. Il a ainsi eu connaissance du fait qu'elle était propriétaire à 50% d'un immeuble à B______, en France.

i. Par pli du même jour, le SPC a demandé à l'intéressée différentes pièces dont une estimation officielle de la valeur vénale actuelle du bien immobilier sis à B______, en précisant l'année de construction (estimée par un architecte, un notaire ou un agent immobilier), ainsi qu'une évaluation de la valeur locative actuelle du marché. Le SPC lui a également transmis une déclaration des biens immobiliers à remplir.

j. Les 12 février et 13 mars 2018, le SPC a adressé des rappels à l'intéressée. Dans le second rappel, il attirait son attention sur le fait que la non-remise des justificatifs dans le délai imparti entraînerait la suppression du traitement de la demande de prestations.

k. Par pli réceptionné le 10 avril 2018 par le SPC, l'intéressée lui a transmis :

-               une attestation de propriété immobilière établie le 26 mars 2012 par une étude de notaires, suite au décès de sa mère survenu le 21 septembre 2011, dont il ressort que l'intéressée avait hérité avec sa sœur d'une maison à B______, évaluée à EUR 380'000.- ;

-               un avis d'impôts d'habitation 2015 pour l'immeuble sis à B______, dont il ressort que la taxe d'habitation s'élevait à EUR 742.- et la taxe foncière à EUR 1'066.-.

l. L'intéressée a répondu, par formulaire réceptionné par le SPC le 23 avril 2018, avoir vendu la maison située à B______ le 31 mai 2017, en lui transmettant, notamment, une attestation de vente établie par notaires le 31 mai 2017, dont il ressort que le prix de vente était de EUR 317'000.-.

m. Par décisions du 30 avril 2018, transmises le 24 mai 2018 et confirmées par décision sur opposition du 11 décembre 2018, le SPC a demandé la restitution d'un montant total de CHF 101'923.55 à titre de prestations (PC, subsides de l'assurance-maladie, frais médicaux) trop perçues depuis septembre 2011. Dans le cadre de la dernière révision périodique de son dossier, il avait appris que l’intéressée avait hérité, en septembre 2011, d'un bien immobilier sis en France, à la suite du décès de sa mère. Cela n'avait pas été déclaré au SPC, que ce soit lors de l'envoi des communications importantes de fin d'année ou à l'occasion de la révision périodique de son dossier en juin 2013. Cette omission fautive était constitutive d'une infraction à l'art. 31 al. 1 let. d LPC et le délai de prescription était en conséquence de sept ans. Le SPC avait repris le calcul des prestations complémentaires avec effet au 1er septembre 2011, en tenant compte du bien immobilier sis à B______, de l'héritage et de sa fortune mobilière. Il apparaissait en conséquence qu'elle avait perçu trop de prestations pour la période du 1er septembre 2011 au 31 janvier 2018, à hauteur de CHF 101'923.55. Ce montant devait être remboursé au SPC dans les trente jours dès l'entrée en force des décisions de restitution.

n. Saisie d'un recours de l'intéressée contre cette décision en restitution, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : chambre de céans ou CJCAS) l'a partiellement admis le 9 octobre 2019 (ATAS/922/2019).

L'intéressée ne pouvait ignorer que l'immeuble en cause, qui faisait partie de la succession non partagée de feue sa mère, dont elle était la seule héritière avec sa sœur, devait être annoncé au SPC.

S'agissant en revanche de la valeur de l'immeuble, dès l'année 2017, le SPC aurait dû prendre en compte le montant auquel le bien avait été vendu, soit EUR 317'000.- en 2017, qui établissait la valeur vénale à cette date.

En conséquence, la décision querellée était annulée et la cause renvoyée au SPC pour nouveau calcul, en tenant compte dès 2017, d'une valeur vénale du bien immobilier de B______ de EUR 317'000.-, à convertir en francs suisses et à diviser par deux, puisque l'intéressée était propriétaire du bien avec sa sœur. En outre, dès lors que l'intimé ne lui avait pas précisé que le recalcul de ses prestations porteraient sur la période entre 2011 et 2017, dans sa demande du 11 janvier 2018, et que l'intéressée se prévalait du fait que la valeur du bien avait évolué pendant ce laps de temps, un délai devrait encore être accordé à l'intéressée pour produire une estimation de la valeur vénale de l'immeuble et son évolution pour cette période, avant que le SPC ne procède aux nouveaux calculs. Par ailleurs, si elle transmettait une nouvelle estimation plus convaincante que celle du 26 mars 2012, celle-ci devrait être prise en compte.

o. Le 10 février 2020, le SPC a invité l'intéressée à lui faire parvenir une estimation réalisée par un professionnel de la valeur vénale du bien immobilier sis à B______, vendu en 2017, pour les années 2011 à 2017. Passé le 20 mars 2020, il statuerait en l'état du dossier.

p. Le 19 mars 2020, l'intéressée a indiqué au SPC qu'en 2011, le bien immobilier avait été évalué à EUR 380'000.- par un notaire lors de la succession, ce qui ressortait de l'attestation de propriété du 22 mars 2012 et la déclaration de succession des Finances publiques du 7 mars 2014. En 2016 et 2017, le bien avait été estimé et vendu à EUR 317'000.-, ce qui ressortait du compromis de vente de 2016 et de la signature de l'acte de vente le 31 mai 2017. La copie de ces documents avait été adressée au SPC avec son dernier courrier. Pour les années 2012 à 2015, la maison avait été estimée et mise en vente par les agences entre EUR 315'000.- et EUR 325'000.-, selon le marché de l'immobilier du moment, en baisse durant ces années. Elle n'avait trouvé preneur qu'à EUR 317'000.-. Les échanges pour la vente s'étant fait par téléphone, Skype et courriels, elle n'avait pas de document officiel à transmettre. En substance, elle expliquait qu'avec ce qu'elle percevait, elle n'avait pas les moyens de demander une évaluation par un professionnel, mais que vu la situation et l'état de la maison, il allait de soi que l'estimation du notaire était loin de la réalité évaluée par les agences. Elle avait pris note de l'arrêt du 9 octobre 2019 de la CJCAS mais n'y avait pas compris grand-chose. Elle demandait à ce qu'il soit pris en compte qu'elle percevait un revenu mensuel de CHF 2'800.- qui ne lui permettait pas de vivre décemment, qu'elle devait puiser dans son capital et qu'elle ne pouvait pas se permettre de prendre un avocat, ni de rembourser la somme qui lui était demandée.

q. Par décision du 24 février 2021, le SPC a indiqué à l'intéressée qu'il avait repris les calculs des PC pour la période du 1er septembre 2011 au 30 avril 2018. Conformément à l'arrêt du 9 octobre 2019 de la CJCAS, il avait tenu compte pour la période du 1er janvier au 30 juin 2017 d'un montant de CHF 170'213.- (soit EUR 158'500.-) à titre de fortune immobilière. Le montant retenu pour cette même période à titre de produit hypothétique de la fortune immobilière avait également été corrigé. Il résultait des nouveaux calculs une demande de remboursement d'un montant identique à celui de la décision du 24 mai 2018, soit CHF 101'923.55, qui avait été perçu en trop par l'intéressée.

B. a. Par courrier du 22 mars 2021 adressé au SPC, l'intéressée a indiqué donner suite au courrier du 24 février 2021 auquel était joint de nouveaux plans de calcul de PC portant sur la période du 1er septembre 2011 au 30 avril 2018. Elle était « pantoise » face aux revenus déterminants qui mentionnaient des chiffres, concernant la fortune et les produits de la fortune, dont elle n'avait jamais bénéficié jusqu'à la réception de la vente du bien immobilier à B______ en juillet 2017. Si tel avait été le cas, elle n'aurait pas eu besoin de faire une demande de PC. Ces produits de la fortune, qui, si elle avait bien compris, correspondaient à des loyers encaissés, concernaient tous les héritiers et pas seulement elle. Elle demandait comment ces sommes entraient dans le revenu déterminant alors que le bien n'était pas loué. Elle avouait ne pas vraiment comprendre tous ces calculs, notamment la somme de CHF 3'987.- pour une rente viagère, les deux périodes pour 2012 et 2018. Certainement que les explications d'un avocat pourraient l'éclairer mais elle n'avait pas les moyens d'en consulter un. S'agissant de la demande de remboursement, elle expliquait que puisqu'elle percevait un revenu mensuel de CHF 2'875.-, il lui fallait utiliser son capital pour payer ses factures essentielles et vivre décemment à présent et dans l'avenir. Elle avait également des problèmes dentaires qui engendraient de gros frais qu'elle devait régler avec son capital. Sa situation financière était donc problématique puisqu'à 82 ans elle ne pouvait plus espérer des rentrées d'argents et devait planifier les années qui lui restaient à vivre, ce qui ne lui permettait pas de rembourser le montant exigé. Elle joignait à son courrier ses relevés bancaires 2020, qu'elle avait adressés à l'AFC, ainsi que ses avis de taxation 2019, afin de justifier sa situation financière. Elle réitérait sa bonne foi, en aucun cas elle avait voulu abuser des PC, et demandait une remise du remboursement qu'elle ne pouvait honorer.

b. Par décision du 1er avril 2022, le SPC a rejeté la demande de remise de l'intéressée. La condition de la bonne foi n'était pas réalisée puisque la CJCAS avait confirmé l'application du délai de prescription de sept ans à la demande de restitution. Dans la mesure où l'une des deux conditions cumulatives faisait défaut, il n'y avait pas lieu d'examiner la condition de la situation difficile.

c. Le 28 avril 2022, l'intéressé a contesté cette décision. Elle maintenait qu'elle était de bonne foi. Elle n'avait pas cherché à tromper le SPC et n'avait pas tiré un avantage, car sans les PC elle n'aurait pas été en mesure de vivre décemment jusqu'à la vente de la maison. Elle pensait que l'obligation de renseigner sur un bien en hoirie se justifiait si elle en retirait un revenu, ce qui n'avait pas été le cas jusqu'à la vente de la maison. Il lui était impossible de restituer la somme de CHF 101'923.55, ne vivant mensuellement qu'avec CHF 2'895.- d'AVS et de rentes.

d. Par décision du 10 mai 2022, le SPC a rejeté cette opposition et confirmé sa décision du 1er avril 2022.

C. a. Le 8 juin 2022, l'intéressée a interjeté recours par-devant la CJCAS à l'encontre de cette décision, concluant, en substance à son annulation et à la réévaluation de sa demande.

À l'appui de son recours, elle expliquait qu'elle n'avait pas violé l'obligation de renseigner car elle avait déposé à l'intimé un courrier en décembre 2017 et avait envoyé des pièces en janvier 2018 au moment où le bien immobilier en cause avait été vendu, dont le revenu lui permettait de vivre sans les PC. La succession était en attente de la vente de la maison, de sorte qu'elle ne savait pas qu'elle devait l'annoncer. Il n'y avait pas eu de dol éventuel. Elle n'avait jamais eu conscience d'agir pour léser l'intimé. Par ailleurs, sa situation financière ne lui permettait pas de rembourser la somme réclamée et elle n'avait personne pour l'aider.

b. Le 8 juillet 2022, l'intimé a conclu au rejet du recours.

c. Le 30 juillet 2022, la recourante a maintenu ses conclusions, faisant valoir qu'elle n'avait pas commis de négligence grave, à défaut de juste motif. Sa bonne foi était présumée et n'était pas incompatible avec les circonstances qu'elle avait expliquées dans ses précédents courriers, puisqu'elle pensait agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. Feu son mari ne se sentait pas concerné par l'attestation de propriété du bien immobilier à B______, car ils étaient mariés selon le régime de la séparation de bien. Il n'avait donc pas retenu une information dans le but de frauder et n'avait pas reçu de prestations indûment. La recourante n'avait pas les ressources financières pour demander une estimation du bien immobilier en 2009 comme le demandait l'intimé. En outre, il ne lui était pas possible d'estimer la valeur vénale actuelle du bien en 2018, alors qu'il avait été vendu. Le notaire avait estimé le bien à EUR 380'000.- et lui avait dit qu'il ne pouvait pas faire autrement pour des raisons fiscales. Or, il s'était avéré que le bien avait été surévalué puisqu'il n'avait trouvé preneur qu'à EUR 317'000.-. Elle avait demandé à l'intimé, par pli du 20 juillet 2017, un rendez-vous afin de demander comment faire pour déclarer la perception de la vente du bien immobilier et n'avait jamais eu de réponse. Cette demande n'avait pas été prise en compte par l'intimé pour l'appréciation de l'obligation de déclarer et de sa bonne foi. Par ailleurs, l'intimé n'avait jamais justifié la somme de CHF 41'222.60 réclamée les 25 juin 2018 et 21 janvier 2019. L'intimé et la CJCAS n'avaient pas non plus examiné le fait qu'elle était dans l'impossibilité de rembourser, en raison de son revenu avoisinant le seuil de pauvreté. Elle demandait donc le droit d'obtenir de l'aide vu sa situation financière plus que difficile.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 Les dispositions de la LPGA s’appliquent aux prestations complémentaires fédérales à moins que la LPC n’y déroge expressément (art. 1 al. 1 LPC). En matière de prestations complémentaires cantonales, la LPC et ses dispositions d’exécution fédérales et cantonales, ainsi que la LPGA et ses dispositions d’exécution, sont applicables par analogie en cas de silence de la législation cantonale (art. 1A LPCC).

1.3 Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Dans la mesure où le recours a été interjeté postérieurement au 1er janvier 2021, il est soumis au nouveau droit (cf. art. 82a a contrario LPGA).

1.4 Le délai de recours est de trente jours (art. 60 al. 1 LPGA; art. 43 LPCC;
art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE – E 5 10] et art. 43 LPCC).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pendant la période du 18 décembre au 2 janvier inclusivement (art. 38 al. 4 let. c LPGA et art. 89C let. c LPA), le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

2.             Il sied de relever, au préalable, que dans son courrier du 22 mars 2021, la recourante demande une remise mais fait également des remarques et pose des questions sur les plans de calculs accompagnant la nouvelle décision de restitution du 24 février 2021. Or, le courrier de la recourante a été adressé à l'intimé avant l'entrée en force de la décision de restitution, de sorte que l'on peut se poser la question de savoir si la recourante n'a pas, en réalité, formé opposition contre celle-ci.

Cette question a son importance, puisque selon la jurisprudence fédérale, une demande de remise ne peut être traitée au fond que si une décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue faisant l'objet d'une procédure distincte (arrêt du Tribunal fédéral 9C_211/2009 du 26 février 2010 consid. 3.1).

2.1  

2.1.1 Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; ATF 125 V 414 consid. 1a ; ATF 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).

2.1.2 Selon l'art. 52 LPGA, les décisions rendues en matière d'assurances sociales peuvent être attaquées dans les trente jours par voie d'opposition auprès de l'assureur qui les a rendues, à l'exception des décisions d'ordonnancement de la procédure. L'art. 10 al. 1 de l'ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales du 11 septembre 2002 (OPGA - RS 830.11), édicté sur la base de la délégation de compétence prévue à l'art. 81 LPGA, prévoit que l'opposition doit contenir des conclusions et être motivée. Si elle ne satisfait pas à ces exigences ou si elle n'est pas signée, l'assureur impartit un délai convenable pour réparer le vice, avec l'avertissement qu'à défaut, l'opposition ne sera pas recevable (art. 10 al. 5 OPGA) (arrêt du Tribunal fédéral 8C_817/2017 du 31 août 2018 consid. 3.1).

Le Tribunal fédéral a précisé que la procédure d'opposition porte sur les rapports juridiques qui, d'une part, font l'objet de la décision initiale de l'autorité et à propos desquels, d'autre part, l'opposant manifeste son désaccord, implicitement ou explicitement (arrêt du Tribunal fédéral 8C_355/2017 du 14 mars 2018). L'opposition est un moyen de droit permettant au destinataire d'une décision d'en obtenir le réexamen par l'autorité, avant qu'un juge ne soit éventuellement saisi. Il appartient à l'assuré de déterminer l'objet et les limites de sa contestation, l'assureur devant alors examiner l'opposition dans la mesure où sa décision est entreprise (ATF 123 V 130 consid. 3a ; 119 V 350 consid. 1b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 259/00 du 18 mars 2001 in SJ 2001 II 212).

Les exigences posées à la forme et au contenu d'une opposition – ou d'un recours – ne sont pas élevées. Il suffit que la volonté du destinataire d'une décision de ne pas accepter celle-ci ressorte clairement de son écriture ou de ses déclarations (arrêts du Tribunal fédéral 8C_657/2019 du 3 juillet 2020 consid. 3.3 et 8C_775/2016 du 1er février 2017 consid. 2.4 et les références). En l'absence d'une telle volonté clairement exprimée de contester la décision, aucune procédure d'opposition – ou de recours – n'est engagée et il n'y a aucune obligation de fixer un délai de grâce (arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2019 précité consid. 3.3 et 8C_475/2007 du 23 avril 2008 consid. 4.2; ATF 134 V 162 consid. 5.1; ATF 116 V 353 consid. 2b et les références).

2.2 En l'espèce, il est nécessaire de prêter une attention particulière au courrier du 22 mars 2021 de la recourante, puisque celle-ci n'est pas représentée par un avocat. Avant de demander expressément une remise, elle indique donner suite à la décision du 24 février 2021 et se référer aux plans de calcul des PC portant sur la période du 1er septembre 2011 au 30 avril 2018. Elle déclare être « pantoise » face aux revenus déterminants qui mentionnent des chiffres, concernant la fortune et les produits de la fortune, dont elle n'a jamais bénéficié jusqu'à la réception de la vente du bien immobilier à B______ en juillet 2017. Elle explique que si tel avait été le cas, elle n'aurait pas eu besoin de faire une demande de PC et relève que les produits de la fortune, qu'elle comprend correspondre à des loyers encaissés, concernaient tous les héritiers et pas seulement elle. Elle demande également comment ces sommes entraient dans le revenu déterminant alors que le bien n'était pas loué et indique ne pas vraiment comprendre les calculs, notamment la somme de CHF 3'987.- pour une rente viagère. Elle estime ne pas avoir les moyens de consulter un avocat, dont les explications pourraient l'éclairer.

Certes, la recourante n'indique pas expressément former opposition contre la décision de restitution. Cela étant, elle fait clairement valoir des griefs et des interrogations à l'encontre des plans de calculs fondant la décision de restitution. Force est donc d'admettre que ce courrier, qui pouvait être interprété comme une opposition à la décision de restitution, aurait dû amener l'intimé à rendre une décision sur opposition sur la question de la restitution ou, à tout le moins, à interpeller la recourante afin de clarifier sa volonté.

Il sied de relever, qu'à ce stade, la chambre de céans n'a pas à se pencher sur la question de savoir si les propos de la recourante, concernant la restitution, sont fondés ou non, mais simplement de constater que l'intimé n'a pas respecté les règles formelles en matière de procédure administrative.

Par ailleurs, la chambre de céans souligne que la recourante ne comprend pas les plans de calculs de l'intimé. Or, à ce propos, il parait utile de rappeler ce qui suit.

L’administration des PC est une administration de masse (cf. arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2020, du 3 février 2021 consid. 3.2.2). Il est, en conséquence, compréhensible que chaque poste du plan de calcul d’une prestation complémentaire annuelle ne soit pas motivé en détail lorsque son libellé apparait suffisant pour permettre au bénéficiaire de comprendre sa nature (ainsi, par exemple « loyer net » ou « gain d’activité lucrative »). En revanche, lorsqu’un administré conteste le montant d’un poste par la voie d’une opposition et que celui-ci implique un calcul basé sur des normes du droit des assurances sociales, il apparait indispensable que l’intimé détaille ce calcul dans sa décision sur opposition afin que le bénéficiaire puisse, si lieu est, le contester en toute connaissance de cause, ce qui est un droit fondamental garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; cf. ATF 148 III 30 consid. 3.1 ; ATF 146 II 335 consid. 5.1 ; ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; ATF 136 I 229 : consid. 5.2). L’exigence de motivation permet notamment d’éviter que la chambre de céans doive procéder à de multiples calculs hypothétiques sur la base des pièces disponibles pour tenter de découvrir comment l’intimé est parvenu au montant retenu, ce qui est manifestement contraire au principe de la bonne administration de la justice. Il n’en va pas autrement lorsque les paramètres du calcul d’une rente d’invalidité ou de vieillesse comme le revenu annuel moyen déterminant ou les périodes de cotisation sont contestés (cf. par exemple : ATAS/912/2022 du 13 octobre 2020 ; ATAS/974/2022 du 10 novembre 2022, consid. 8.2.2).

Ainsi, l'intimé ne pouvait se contenter d'accuser réception de la demande de remise, sans répondre aux questions et remarques de la recourante, puis d'indiquer, par décision sur la remise, que sa décision en restitution du 24 février 2021 était entrée en force. Au contraire, dans la mesure où le courrier du 22 mars de la recourante – communiqué à l'intimé dans le délai légal – pouvait être interprété comme une opposition contre la décision de restitution, la chambre de céans retient que cette décision n'est pas entrée en force de chose jugée. Or une décision de remise est prématurée aussi longtemps qu’une décision de restitution n’est pas entrée en force (arrêt du Tribunal fédéral 8C_799/2017, 8C_814/2017 du 11 mars 2019 consid. 6; arrêt du Tribunal fédéral 8C_589/2016 du 26 avril 2017 consid. 3.1).

2.3 Dans la mesure de ce qui précède, il était prématuré de trancher la demande de remise de la recourante, puisque la question de la restitution était pendante.

3.             Il convient donc d'admettre partiellement le recours, d'annuler la décision du 10 mai 2022 et de renvoyer la cause à l'intimé pour qu'il statue par décision sur opposition motivée sur la restitution.

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L'admet partiellement.

3.        Annule la décision sur opposition du 10 mai 2022.

4.        Renvoie la cause à l'intimé pour qu'il statue sur l’opposition formée le 22 mars 2021 à sa décision du 24 février 2021.

5.        Dit que la procédure est gratuite.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le