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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3029/2017

ATAS/1132/2017 du 12.12.2017 ( CHOMAG ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3029/2017 ATAS/1132/2017

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 12 décembre 2017

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______; à ONEX, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Andrea VON FLÜE

 

 

recourant

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE CHÔMAGE, sise rue de Montbrillant 40; GENÈVE

 

 

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né le ______ 1969, originaire du Cameroun, de nationalité allemande, célibataire, est établi en Suisse, dans le canton de Genève, depuis décembre 2009. Il a été annoncé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) comme habitant chez un dénommé C______, d’abord à l’avenue D______ ______ à Onex de décembre 2009 à août 2014 puis à la rue E______ ______ à Onex de septembre 2014 à septembre 2015, puis chez une parente (une « nièce »), Madame  B______, à l’avenue D______ ______ à Onex. Du 24 octobre 2014 au 26 novembre 2016, il a travaillé comme agent de sécurité auxiliaire chez F______ Sàrl, ayant son siège à Lancy (GE), dont l’associé gérant président était Monsieur G______ B______, frère de B______ précitée.

2.        Le 8 novembre 2016, ayant été licencié pour des motifs économiques, l’assuré s’est inscrit au chômage, à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE), à la recherche d’un emploi d’agent de sécurité à plein temps dès le 1er décembre 2016. Il a sollicité le versement d’indemnités de chômage dès le 1er décembre 2016 auprès de la caisse cantonale genevoise de chômage (ci-après : CCGC ou la caisse), qui lui a demandé de produire diverses pièces.

3.        Le 14 décembre 2016, l’assuré est venu déposer son formulaire « Indications de la personne assurée » (ci-après : IPA) à la caisse. Un chef de section de la caisse (identifié comme étant Monsieur H______) a établi ce jour-là une attestation manuscrite aux termes de laquelle l’assuré était venu à la caisse « avec une voiture immatriculée en France ».

4.        Par courrier du 23 décembre 2016, la caisse a demandé à l’assuré une copie de son bail à loyer, une attestation de son logeur et une copie de la carte d’identité du logeur, une copie de sa police d’assurance-maladie et ménage et une copie de la carte grise de son véhicule, pièces que l’assuré a remises à la caisse le 6 janvier 2017, sur lesquelles était indiqué qu’il habitait chez Mme B______ à l’avenue D______ ______ à Onex, respectivement inscrit qu’il n’avait aucun véhicule à son nom.

5.        Le 17 janvier 2017, la caisse a demandé au service juridique de l’OCE de procéder à une enquête afin de déterminer l’adresse exacte de l’assuré, et elle a informé ce dernier que son dossier faisait l’objet d’un contrôle administratif susceptible de remettre en cause son droit à l’indemnité de chômage, dont le versement était dès lors suspendu.

6.        L’enquête a été effectuée par Monsieur I______, inspecteur auprès du service juridique de l’OCE.

N’ayant trouvé personne à l’avenue D______ ______ à Onex lorsqu’il a sonné à la porte de l’appartement de Mme B______ le 23 janvier 2017 vers 10h, ledit inspecteur y est retourné le lendemain matin vers 7h30 ; Mme B______ a ouvert la porte et, en réponse aux questions qu’il lui a posées, elle lui a dit que l’assuré avait une chambre dans l’appartement, mais qu’il n’était pas là, et – points contestés – qu’il n’était pas souvent présent à ce domicile et n’y avait pas d’affaires personnelles. L’après-midi du même jour, à la suite d’un contact téléphonique, ledit enquêteur a procédé à l’audition de l’assuré, qui a déclaré passer des nuits régulièrement chez des amies à Genève, Lausanne ou encore Annemasse et Lyon, n’avoir pas de véhicule immatriculé à son nom et posséder un permis de conduire délivré par les autorités genevoises le 23 février 2007, et, le 14 décembre 2016, être venu à la CCGC en transports publics pour y déposer le formulaire IPA.

Dans son rapport d’enquête, daté du 25 janvier 2017, l’enquêteur précité a indiqué que l’assuré avait refusé de communiquer les adresses où il séjournait quand il ne logeait pas chez Mme B______, et que, selon une source confidentielle connue de son collègue, il était probable que l’assuré habitait rue J______ ______ à Annemasse.

7.        Par décision du 7 février 2017, la CCGC a retenu qu’elle ne pouvait pas donner suite à la demande d’indemnité présentée par l’assuré, parce qu’il avait été établi que ce dernier était domicilié en France, rue J______ ______ à Annemasse, où se trouvaient ses centres d’intérêts personnels. Il ne remplissait pas la condition du domicile et de la résidence effective en Suisse, ni ne pouvait prétendre, en vertu du droit communautaire, à bénéficier d’indemnités de chômage de la Suisse, comme État du dernier emploi, mais devait faire valoir ses prétentions en France, État de résidence.

8.        Par recommandé du 8 mars 2017, représenté désormais par un avocat, l’assuré a formé opposition à l’encontre de cette décision. Il résidait bien à l’avenue D______ ______ à Onex chez Mme B______. Il avait une fille de 4 ans, issue d’une relation avec Madame K______, qui vivaient toutes deux à la rue J______ ______ à Annemasse, où lui-même n’avait cependant jamais résidé et où il se rendait occasionnellement pour y exercer son droit de visite sur sa fille. Il a produit une déclaration sur l’honneur d’une part de Mme K______ confirmant qu’il était son ancien compagnon avec lequel elle avait eu une fille qu’il venait voir régulièrement mais n’avait jamais habité avec elles, et d’autre part de Mme B______ attestant qu’il vivait bien chez elle depuis octobre 2015, y passant les nuits la majorité du temps.

9.        Par décision du 12 juin 2017, la caisse a rejeté cette opposition de l’assuré. Celui-ci n’apportait aucun élément probant permettant de revenir sur les conclusions du rapport d’enquête du 25 janvier 2017. L’assuré ne résidait pas principalement à l’avenue D______ ______ à Onex.

10.    Par acte du 13 juillet 2017, l’assuré a recouru contre cette décision sur opposition à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, en concluant à son annulation et à la reconnaissance de son droit au versement d’indemnités de chômage dès le 1er décembre 2016, ainsi que d’une indemnité de procédure. La caisse n’exposait pas les motifs l’amenant à nier qu’il avait sa résidence effective en Suisse, sinon par référence à un rapport d’enquête ne lui ayant pas été transmis avec le dossier (dont il avait requis la communication), mais dont il contestait les conclusions. Il n’avait certes pas dormi chaque nuit chez sa nièce à Onex, mais cela n’impliquait pas qu’il n’avait pas sa résidence effective dans son logement. Le fait qu’il se rendait occasionnellement auprès de sa fille à Annemasse n’autorisait pas à considérer qu’il vivait en France ou qu’il ne disposait plus du centre de ses intérêts en Suisse.

11.    Par mémoire du 11 septembre 2017, la caisse a conclu au rejet du recours. Les pièces produites avaient déjà été étudiées lors de l’instruction de l’opposition formée à l’encontre de la décision initiale ; l’assuré n’apportait aucun élément nouveau. Il fallait s’en tenir au rapport d’enquête (dont l’assuré aurait pu demander copie si, vraiment, il n’avait pas été joint au dossier lui ayant été transmis). L’inspecteur du service juridique de l’OCE avait effectué des pointages au domicile D______ ______à Onex sans que l’assuré y ait été aperçu ; Mme B______ lui avait déclaré que l’assuré ne dormait pas souvent chez elle, où il bénéficiait d’une chambre, sans que la présence d’affaires personnelles de l’assuré n’ait pu être constatée. Celui-ci avait refusé de communiquer les adresses où il séjournait. Il était probable que l’assuré habitait à Annemasse, d’après une source confidentielle. Quatre personnes habitaient dans le quatre pièces ½ de Mme B______ (soit cette dernière, son compagnon et deux enfants), ce qui laissait peu de place pour l’assuré. Un gestionnaire de la caisse l’avait vu, le 14 décembre 2016, garé un véhicule immatriculé en France lorsqu’il était venu y déposer le formulaire IPA. Les attestations produites par l’assuré, de Mme K______ et B______, n’emportaient pas la conviction.

12.    Le 19 octobre 2017, l’assuré a requis l’audition de l’inspecteur du service juridique de l’OCE ainsi que du collaborateur de la caisse l’ayant prétendument vu au volant d’un véhicule immatriculé en France. Il persistait dans les termes de son recours.

13.    Le 28 novembre 2017, la chambre des assurances sociales a procédé à l’audition de témoins et à la comparution personnelle des parties.

a. Mme K______ a déclaré que l’assuré venait occasionnellement chez elle, plus fréquemment depuis qu’il avait perdu son emploi, pour s’occuper de leur fille née le ______ 2012, sans jamais passer la nuit ni vivre chez elle. Elle l’avait connu déjà du temps où il vivait à Onex chez M. C______ puis chez sa nièce, dans le même immeuble de l’avenue D______ ______, dans un appartement comportant trois chambres à coucher, un salon et une cuisine, dans lequel elle était allée plusieurs fois et y avait vu l’assuré et où sa fille avait dormi plusieurs fois. Elle ne connaissait pas d’autres adresses où l’assuré pourrait loger. L’assuré n’avait pas de voiture, mais il lui arrivait de lui prêter la sienne, immatriculée en France. L’assuré avait exercé son activité professionnelle dans le canton de Genève, où il avait le centre de ses intérêts, même s’il allait souvent à Lausanne et à Lyon.

b. Mme B______ a affirmé que l’assuré dormait régulièrement dans son appartement, dans lequel il disposait d’une chambre, moins systématiquement depuis qu’il avait perdu son emploi, et il y avait ses affaires personnelles (des habits, chaussures, affaires de toilette, brosse à dents, etc.), et y recevait du courrier. Son logement était un cinq pièces genevois (comportant trois chambres à coucher, un salon-salle à manger et une cuisine), où elle vivait occasionnellement avec son compagnon et régulièrement avec ses deux enfants. Il était arrivé que la fille de l’assuré (prénommée L______) ait dormi avec ce dernier dans cet appartement. L’assuré n’avait pas de voiture ; il prenait les transports publics. Il avait exercé son travail essentiellement dans le canton de Genève. Lorsque l’enquêteur de l’OCE avait passé à son domicile, un matin de bonne heure, l’assuré n’était pas présent, n’ayant pas passé la nuit dans l’appartement, que ledit inspecteur n’avait pas visité, étant resté dans l’embrasure de la porte d’entrée. Elle ne se souvenait pas s’il lui avait demandé si l’assuré avait chez elle des affaires personnelles.

c. L’inspecteur I______ a – en réponse à des questions ayant dû être posées avec insistance – résumé les actes d’enquête qu’il avait accomplis. Il était entré dans l’appartement de Mme B______, qui lui avait dit qu’il ne se trouvait pas d’affaires personnelles de l’assuré dans son logement. Lors de l’audition de l’assuré, il n’avait pas été évoqué si celui-ci empruntait occasionnellement une voiture. L’inspecteur avait obtenu, par l’intermédiaire d’un collègue collaborant avec l’agence française de chômage Pôle Emploi, une information que l’assuré pourrait habiter à la rue J______ ______ à Annemasse, à savoir une photographie de la boîte aux lettres de Mme K______, sur laquelle figuraient en outre les noms de M______ et « L______ A______ » (sur quoi le recourant a déclaré spontanément que sa fille se prénommait L______ et portait son nom de famille). L’assuré avait certes dit qu’il passait régulièrement des nuits chez des amis à Genève, Lausanne, Annemasse et Lyon (et non y vivait ou y était domicilié).

Confronté à Mme B______, l’inspecteur I______ a indiqué qu’au vu du nombre de vérifications de domiciliation qu’il avait effectuées, il ne pouvait affirmer être entré dans l’appartement de Mme B______, qui lui avait dit que l’assuré avait une chambre dans cet appartement mais qu’il n’avait pas d’affaires personnelles dans son logement (réponse que Mme B______ a alors dit n’avoir sans doute pas donnée audit inspecteur).

d. Le chef de section H______ a déclaré reconnaître l’assuré, qu’il a confirmé avoir vu venir à la caisse au volant d’une petite voiture citadine immatriculée en France le 14 décembre 2016 pour y apporter le formulaire IPA, ce qui l’avait incité à demander discrètement au préposé au guichet, devant lequel l’assuré avait ensuite dû faire la queue avec une dizaine de personnes (parmi lesquelles il ne se souvenait pas qu’il y aurait eu une autre personne noire de la stature de l’assuré), de lui amener le formulaire IPA qu’apporterait celui-ci.

e. Au terme des auditions des témoins, l’assuré a indiqué que s’il arrivait que la mère de sa fille lui prête sa voiture immatriculée en France, c’était en transports publics qu’il s’était rendu à la caisse le 14 décembre 2016 pour y apporter son formulaire IPA ; il y avait beaucoup de monde qui faisait la queue au guichet en cette période précédant les fêtes de fin d’année. Il avait déclaré à l’inspecteur qu’il lui arrivait de dormir chez des amis (masculins et féminines) entre Genève, Lausanne et Lyon, dont il n’avait pas voulu communiquer les coordonnées parce qu’il estimait que ces informations ne regardaient pas ledit inspecteur. Il a annoncé qu’il apporterait le jour-même des documents officiels dont résultait que sa fille s’appelle L______ A______.

Les parties ont déclaré maintenir leur position respective, dans le sens, s’agissant de la caisse, de s’en remettre à justice et, s’agissant de l’assuré, que le recours soit admis, sans qu’il n’y ait lieu de rouvrir l’instruction après production des pièces annoncées par l’assuré (la cause étant en l’état d’être jugée).

f. La chambre des assurances sociales a indiqué garder la cause à juger.

14.    Le même 28 novembre 2017, l’assuré a apporté au greffe de la chambre des assurances sociales une copie de l’acte de naissance et d’une pièce d’identité de sa fille, documents dont ressort que cette dernière, née le ______ 2012, s’appelle L______ A______.

15.    La chambre des assurances sociales a aussitôt envoyé copie de ces pièces aux parties, pour information.

EN DROIT

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 25 juin 1982 (LACI - RS 837.0). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

b. La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celle du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que ces articles précités n’y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LACI contient sur la procédure restant réservées (cf. art. 1 al. 1 LACI ; cf. notamment art. 100 ss LACI).

Déposé le 13 juillet 2017 contre une décision sur opposition du 12 juin 2017, le présent recours a été interjeté en temps utile (art. 60 LPGA).

Il respecte les exigences de forme et de contenu prescrites par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi art. 89B LPA).

Touché par la décision attaquée et ayant un intérêt digne de protection à son annulation ou sa modification, le recourant a qualité pour recourir (art. 59 LPGA).

c. Le présent recours est donc recevable.

2.        a. L’art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. L'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, être sans emploi ou partiellement sans emploi, avoir subi une perte de travail à prendre en considération, être domicilié en Suisse, avoir achevé sa scolarité obligatoire et n'avoir pas encore atteint l'âge donnant droit à une rente AVS et ne pas toucher de rente de vieillesse de l'AVS, remplir les conditions relatives à la période de cotisation ou en être libéré, être apte au placement et satisfaire aux exigences de contrôle (art. 8 al. 1 LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2). Elles sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l’ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (OACI - RS 837.02), ainsi que – dans les limites d’admissibilité de telles directives administratives (ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 p. 5 s. et doctrine et jurisprudence citées) – par les instructions édictées par le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) en sa qualité d’autorité de surveillance de l’assurance-chômage chargée d’assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin LACI relatif à l’indemnité de chômage (Bulletin LACI IC).

b. Le droit à l’indemnité de chômage est subordonné à la condition du domicile en Suisse (art. 8 al. 1 let. c LACI) ; ladite prestation n’est donc en principe pas exportable. Le critère du domicile au sens du droit civil (art. 23 ss du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210) ou de la LPGA (art. 13 LPGA) ne s’applique pas dans le domaine de l’assurance-chômage (ATF 125 V 469 consid. 5 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_658/2012 du 15 février 2013 consid. 3 ; 8C_270/2007 du 7 décembre 2007 consid. 2.1). Comme cela résulte davantage des textes allemand et italien de l’art. 8 al. 1 let. c LACI (« in der Schweiz wohnt », « risiede in Svizzera ») que de leur version française (« être domicilié en Suisse »), l’assuré doit résider effectivement en Suisse et avoir l’intention d’y conserver cette résidence pendant un certain temps et d’en faire, durant cette période, le centre de ses relations personnelles ; cela implique une présence physique effective en Suisse (dans le sens d’un séjour habituel), et ce non seulement au début du chômage, mais également durant toute la période d’indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 149/01 du 13 mars 2002 consid. 2 ; Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 8 ad art. 8 , n. 1 et 4 ad art. 12 ; Bulletin LACI IC B135 s.).

Le domicile fiscal, le lieu où les papiers d’identité et autres documents officiels ont été déposés ainsi que d’éventuelles indications dans des documents officiels ou des décisions judiciaires ne sont que des indices permettant de déterminer le lieu du domicile (ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances précité C 149/01). Le centre des intérêts personnels se détermine notamment au regard du lieu où se trouvent la famille, les amis, les activités professionnelles et sociales, le logement, le mobilier et les affaires personnelles, de même que le lieu où les enfants sont scolarisés. Davantage de poids doit être attribués aux critères objectifs qu’aux critères subjectifs (Boris RUBIN, op. cit., n. 10 s. ad art. 8).

Il n’est cependant pas exigé un séjour permanent et ininterrompu en Suisse, mais un lien étroit avec le marché du travail suisse est exigé (arrêt du Tribunal fédéral précité 8C_270/2007 consid. 2.2) ; l’assuré doit alors garder des contacts étroits avec la Suisse pour ses recherches d’emploi, la participation à des entretiens d’embauche (DTA 2010 p. 141 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 122/04 du 17 novembre 2004). Il ne faut pas perdre de vue que l’exigence de la résidence en Suisse vise à instaurer une corrélation entre le lieu où les recherches d’emploi sont effectuées et celui où les conseils des professionnels du placement sont donnés et où le chômage et l’aptitude au placement peuvent être contrôlés (Boris RUBIN, op. cit., n. 9 et 11 in medio ad art. 8).

3.        a. Comme la décision initiale qu’elle confirme, la décision attaquée retient, sur la base d’un rapport d’enquête établi par un inspecteur de l’OCE, que le recourant ne remplissait pas la condition du domicile et de la résidence effective en Suisse, parce qu’il était domicilié à Annemasse, en France voisine, où se trouvaient ses centres d’intérêts personnels.

b. Il n’est pas contesté que le recourant s’est établi en Suisse, dans le canton de Genève, en décembre 2009 et a habité, à teneur des données résultant de l’OCPM, à Onex, d’abord chez un dénommé C______, puis chez une parente (considérée comme une nièce), Mme B______. Il a en outre travaillé comme agent de sécurité auxiliaire d’octobre 2014 à novembre 2016 dans une agence de sécurité privée ayant son siège à Lancy (GE), en remplissant des missions essentiellement dans le canton de Genève. Tous les documents versés au dossier (contrat de travail bulletins de salaire, permis C, extrait de compte bancaire, factures de prime d’assurance-maladie, courriers, etc.) font mention de son adresse à Onex, chez Mme B______.

c. La contestation de son domicile et de sa résidence effective en Suisse trouve son origine dans le fait qu’un employé de l’intimée affirme avoir vu le recourant venir déposer son formulaire IPA au volant d’un véhicule immatriculé en France, le 14 décembre 2016, ce que nie le recourant, qui prétend y être venu ce jour-là en transports publics.

Le recourant n’a pas de véhicule immatriculé à son nom, et il arrive que la mère de son jeune enfant, domiciliée à Annemasse (France), lui prête sa voiture, immatriculée en France.

Il apparaît possible que, de crainte de se voir refuser les indemnités de chômage, le recourant n’a pas voulu admettre qu’il était venu le jour précité à la caisse au volant d’un véhicule immatriculé en France, mais il n’est pas complètement exclu qu’en ce jour de forte affluence d’assurés se pressant aux guichets de l’intimée en cette période précédant les fêtes de fin d’année il y ait eu confusion de personne. La question peut rester ouverte, car même si le fait précité devait être considéré comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante applicable en matière d’assurances sociales (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2 et les références ; Ghislaine FRÉSARD- FELLAY / Bettina KAHIL-WOLFF / Stéphanie PERRENOUD, Droit suisse de la sécurité sociale, vol. II, 2015, p. 517 s.), il n’autoriserait pas à en tirer la conclusion que le recourant n’a pas son domicile et sa résidence effective à Onex (GE).

d. Il doit être tenu pour établi que le recourant dispose d’une chambre dans l’appartement de celle qui, selon la culture africaine des intéressés, est pour lui une nièce (en tout état une parente). Non seulement ladite nièce l’avait déclaré à l’inspecteur le 24 janvier 2017 à 7h30 et l’a confirmé devant la chambre de céans, mais aussi la mère de la fille du recourant l’a déclaré lors de son audition par la chambre de céans. Il est regrettable mais non imputable au recourant que l’enquêteur de l’OCE n’ait pas pris la peine de vérifier ce fait de ses propres yeux.

L’affirmation dudit inspecteur, atténuée lors de la confrontation avec Mme B______, que cette dernière aurait déclaré que le recourant n’avait pas d’affaires personnelles dans cet appartement est mise en doute de façon sérieuse et crédible par ladite nièce, et celle-ci a affirmé devant la chambre de céans que le recourant y a bien ses affaires personnelles (à savoir des habits, affaires de toilette, chaussures, etc.) et que, comme elle l’avait indiqué dans sa déclaration sur l’honneur du 28 février 2017, il passe la majorité de ses nuits dans son appartement. Ladite nièce a aussi indiqué qu’il est arrivé que le recourant y dorme avec son jeune enfant, ce que la mère de cette dernière a également déclaré devant la chambre de céans.

Ce n’est pas parce que le recourant passe occasionnellement – voire assez souvent depuis qu’il est sans emploi – des nuits chez des amis et/ou des amies à Lausanne, Lyon ou Annemasse (au demeurant pas seulement des amies, comme l’a retenu l’inspecteur de l’OCE dans la déclaration que le recourant a certes signée sans faire attention à l’utilisation de la seule forme féminine, déclaration que l’enquêteur a reprise dans son rapport en indiquant qu’elle émanait de « Madame A______ ») qu’il n’a pas son domicile et sa résidence effective chez sa nièce à Onex.

e. Il appert que c’est sur la base d’une information obtenue confidentiellement de l’agence de chômage française que l’enquêteur est parvenu à la conclusion que le recourant habitait probablement à la rue J______ ______ à Annemasse, et que l’intimée a ensuite retenu ce fait comme étant établi. Or, cette information est erronée, contredite de façon catégorique et crédible par la mère de son jeune enfant, tant dans la déclaration sur l’honneur qu’elle a signée le 28 février 2017 que lors de son audition par la chambre de céans, et elle paraît au surplus reposer sur une erreur d’interprétation de ladite information. Cette dernière tient en tout et pour tout en une photographie des noms figurant sur la boîte aux lettres de cette dernière à Annemasse, à savoir « K______ ET M______ L______ A______ ». Ainsi que le recourant l’a immédiatement déclaré, « L______ A______ » désigne sa fille, qui se prénomme L______ et porte son patronyme (A______), ce qui est dûment prouvé par les déclarations des deux témoins précités et les pièces officielles (acte de naissance et passeport) produites par le recourant. Cette mention « M A______ » (de surcroît reliée par un trait d’union au premier prénom L______ dudit enfant) ne signifie pas « Monsieur A______ » et ne désigne donc nullement le recourant.

f. Au vu de ces différents éléments, force est de retenir non seulement que l’enquête menée l’a été de façon superficielle (ATAS/396/2017 du 23 mai 2017 consid. 5c), mais aussi que la décision rendue est mal fondée.

4.        La décision attaquée doit être annulée.

Il n’appartient pas pour autant à la chambre de céans de dire que le recourant a droit à l’indemnité de chômage dès le 1er décembre 2016, dès lors que le litige n’a pas porté sur toutes les conditions d’octroi de l’indemnité de chômage. La cause doit être renvoyée à l’intimée pour examen de ces autres conditions et décision sur la demande d’indemnité de chômage présentée par le recourant.

Aussi le recours doit-il être admis partiellement, quoique substantiellement.

5.        a. La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

b. Dès lors qu’il obtient substantiellement gain de cause et est représenté par un avocat, le recourant a droit à une indemnité de procédure (art. 61 let. g LPGA), qu’il y a lieu de fixer à CHF 1’000.- (art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03) et de la mettre à la charge de l’intimée.

* * * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Renvoie la cause à la caisse cantonale genevoise de chômage, au sens des considérants.

4.        Dit que la procédure est gratuite.

5.        Alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de la caisse cantonale genevoise de chômage.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

Le président

 

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le