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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2289/2017

ATAS/1107/2018 (3) du 29.11.2018 ( LAA ) , ADMIS

Recours TF déposé le 29.01.2019, rendu le 12.08.2020, REJETE, 8C_38/2019
*** ARRET DE PRINCIPE ***
Descripteurs : LOI FÉDÉRALE SUR L'ASSURANCE-ACCIDENTS ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; ACTIVITÉ LUCRATIVE DÉPENDANTE; SUVA ; CHAUFFEUR; TAXI; ORGANISME DE PLACEMENT
Normes : LAA.66.al1.letg; LAA.1a.al1.leta; LAVS.5.al2; aLTaxis.40.al1
Résumé : Lorsqu'il s'agit de déterminer si le statut d'un chauffeur de taxi doit être qualifié de dépendant ou d'indépendant au sens du droit des assurances sociales, il convient de prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas concret, y compris les spécificités locales consacrées par la législation cantonale. En l'occurrence, la aLTaxis en vigueur jusqu'au 30 juin 2017 n'autorisait pas une centrale d'ordres de courses à engager des chauffeurs de taxis (art. 40 al. 1 aLTaxis a contrario) et les chauffeurs de taxis recourants ne remplissaient pas les conditions pour se voir reconnaître le statut légal cantonal d'employé (art. 40 aLTaxis). Par ailleurs, même si les deux chauffeurs recourants n'ont pas eu à louer des locaux ou à engager du personnel, ils ont dû néanmoins supporter des frais conséquents et engager des investissements relativement importants pour pouvoir exercer leur activité, de sorte qu'ils supportent un risque d'entrepreneur non négligeable (vu la taille de leur entreprise). En outre, ils ne bénéficient d'aucune rémunération convenue, conservent l'intégralité des recettes qui ne transitent pas par la centrale d'appel, et sont libres de véhiculer d'autres clients qui ne proviennent pas d'ordres de courses transmis par la centrale. Ils se sont certes engagés à ne pas s'affilier à une autre centrale notamment, mais cette clause n'a pas d'autre but que de permettre à la recourante de garantir un service public efficace comme l'exigeait d'elle la législation cantonale. En outre, les deux chauffeurs recourants organisent librement leur travail, sans que la recourante ne leur impose un quelconque devoir de présence. Les instructions détaillées émis par la centrale qui prévoient des sanctions en cas de violation des directives reprennent pour l'essentiel les obligations imposées aux chauffeurs par la législation cantonale et ont pour but de permettre à la recourante de se conformer à ses obligations légales et de démontrer qu'elle dispose des moyens nécessaires pour imposer aux chauffeurs affiliés une organisation et un fonctionnement propres à garantir un service public de qualité. Par ailleurs, retenir le statut de dépendant au sens du droit des assurances sociales signifierait que les chauffeurs abonnés à la recourante, au bénéfice d'une autorisation d'exploiter un taxi de service public en qualité d'indépendant, ne peuvent pas engager d'employés, alors que la législation cantonale leur donnait cette possibilité (art. 11 al. 3 et 40 al. 1 aLTaxis). Par conséquent, l'activité déployée par les deux chauffeurs de taxis recourants doit être qualifiée d'indépendante à l'égard de la centrale.
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2289/2017 - A/2290/2017 ATAS/1107/2018 - ATAS/1108/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 29 novembre 2018

 

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au PETIT-LANCY

Monsieur B______, domicilié à GENÈVE

C______ SA, sise à GENÈVE

tous trois comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Jacques ROULET

recourants

contre

SUVA, CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, sise Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

intimée


EN FAIT

1.        C______ SA (ci-après la centrale ou la recourante), inscrite au registre de commerce depuis 1959, a pour but l'exploitation d'une centrale de taxis pour la place de Genève ainsi que l'acquisition d'appareils et de matériel s'y rapportant.

2.        Le président de la Société coopérative de concessionnaires indépendants de taxis (SCCIT), laquelle a pour but notamment l'amélioration des conditions de travail de ses membres ainsi que la défense de leurs intérêts, notamment économiques, est désigné d'office pour siéger au Conseil d'administration de la centrale.

3.        Le 2 novembre 2015, une réunion a eu lieu entre la centrale, la SUVA, Caisse nationale suisses d'assurance en cas d'accidents (ci-après SUVA ou l'intimée) et deux caisses de compensation sises à Genève concernant le statut dépendant/indépendant des chauffeurs de taxis affiliés à la centrale, dont le nombre s'élevait à environ 550 selon cette dernière. Celle-ci a proposé, afin de limiter les frais, de procéder à l'examen du statut d'un chauffeur de taxi.

4.        Le 29 juin 2016, respectivement le 19 octobre 2016, le service du commerce du canton de Genève a autorisé Monsieur A______ (ci-après M. A______ ou le chauffeur ou le recourant), et Monsieur B______ (ci-après M. B______ ou le chauffeur ou le recourant), suite au paiement par chacun d'une taxe de CHF 40'000.-, à exploiter, en qualité d'indépendants, un taxi de service public immatriculé GE-1______, respectivement GE-2______.

5.        En date des 5 juillet et 15 octobre 2016, M. A______, respectivement M. B______, ont conclu un contrat d'abonnement (ci-après CA) avec la centrale.

En échange du paiement par l’abonné d'une cotisation mensuelle de CHF 702.60, « la centrale assure l'exploitation d'une centrale d'appels téléphoniques qui reçoit de la clientèle des commandes de courses et les distribue aux taxis des abonnés ou à ceux qu'ils ont confiés à leurs collaborateurs » (art. 4 ch. 1 CA).

Les relations contractuelles entre la centrale et les deux chauffeurs étaient régies par le CA, le règlement de la centrale, la charte de qualité et d'accueil ainsi que le barème de suspensions (art. 1 ch. 1 CA).

6.        M. A______ a débuté son activité en tant que chauffeur de taxi abonné à la centrale le 1er août 2016 et M. B______ dans le courant du mois de novembre 2016.

7.        MM. A______ et B______ ont déposé chacun une demande d'affiliation en tant qu'indépendants auprès de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après la CCGC), laquelle les a transmises à la SUVA.

8.        Par décisions des 28 septembre et 23 novembre 2016, la SUVA a estimé que l'activité exercée par M. A______, respectivement par M. B______, pour la centrale devait être qualifiée d'activité lucrative dépendante. Selon la SUVA, le CA présentait principalement des caractéristiques de dépendance dans l'organisation du travail avec la centrale, les chauffeurs de taxis ne disposaient d'aucun matériel d'équipement significatif et ils n'assumaient pas de risque de l'entrepreneur.

9.        Les deux chauffeurs de taxis et la centrale se sont opposés aux décisions de la SUVA, faisant valoir en substance que les abonnés à la centrale étaient libres dans l'organisation de leur travail et qu'ils assumaient intégralement les risques de l'entrepreneur. Selon un décompte établi par la centrale, la part des courses effectuées par son intermédiaire par l'ensemble des chauffeurs abonnés était en moyenne de 53% (en 2013), 55% (en 2014) et 56% (en 2015); les autres courses effectuées par ces chauffeurs de taxis provenaient de l'attente aux stations de taxis ou d'une prise en charge spontanée sur la voie publique ou étaient obtenues par un moyen de communication privé (opposition des 28 octobre et 15 décembre 2016).

10.    Suite à la résiliation par M. A______ de son CA pour le 31 octobre 2016, la SUVA a estimé qu'il exerçait une activité indépendante à compter du 1er novembre 2016 (communication du 19 janvier 2017).

11.    Par décisions sur opposition du 10 avril 2017, la SUVA a maintenu sa position étant donné que les éléments pour une activité dépendante étaient prédominants : les documents contractuels attestaient l'existence d'un rapport de subordination. La centrale avait clairement le droit de donner des instructions et de prononcer des sanctions aux chauffeurs abonnés, telles que la suspension ou la résiliation du CA. Les chauffeurs abonnés étaient certes libres de prendre en charge des clients indépendamment de la centrale. Ce fait n’était toutefois pas déterminant étant donné que le revenu de chaque activité lucrative devait être apprécié séparément. S’agissant du risque économique de l'entrepreneur, le Tribunal fédéral avait déjà estimé qu’il ne fallait pas voir, dans l'acquisition et l'entretien d'un véhicule adapté à l'exploitation d'une entreprise de taxis, un investissement important.

Par conséquent, du 1er août au 31 octobre 2016, M. A______ avait exercé une activité dépendante en tant que chauffeur de taxi abonné à la centrale. L'activité de M. B______, en tant qu'abonné à la centrale, était également considérée comme dépendante.

12.    Par deux actes datés du 23 mai 2017, les deux chauffeurs et la centrale, représentés par leur conseil, ont interjeté recours contre ces deux décisions, concluant, sous suite de frais et dépens, à leur annulation et à la constatation que MM. A______ et B______ exerçaient une activité lucrative indépendante en tant que chauffeurs de taxis.

Selon les recourants, il n’y avait aucun rapport social de dépendance entre la centrale et les chauffeurs abonnés et les critères en faveur d'une activité indépendante étaient largement prépondérants.

Les recourants ont expliqué que les chauffeurs abonnés versaient une somme mensuelle forfaitaire à titre d'abonnement, laquelle était due, qu'ils utilisent ou non les services de la centrale. En contrepartie, la recourante leur permettait, s'ils le souhaitaient, d'obtenir l'indication de clients potentiels à transporter. Ils ne recevaient aucune rémunération de la part de la recourante et ils étaient libres de recevoir des commandes de courses par d’autres moyens que par le biais de la recourante. En particulier, il leur était tout à fait possible de prendre en charge un client directement à une station, ou une personne leur faisant signe alors qu’ils circulaient à vide, ou d’effectuer des courses obtenues par un moyen de communication privé étant donné qu’ils disposaient de leur propre clientèle. En moyenne, environ 50% des courses qu'ils effectuaient ne provenaient pas des clients proposés par la recourante. En outre, la recourante, à laquelle ils étaient liés par un contrat de mandat, n’interférait d’aucune manière dans leur activité, ni ne contrôlait l’exécution des courses. Elle ne connaissait pas nécessairement les destinations commandées par les clients, ni le prix des courses ou les trajets empruntés. Elle ne pouvait pas non plus imposer un mandat aux chauffeurs, ceux-ci étant libres d’accepter ou de refuser les courses qu’elle proposait. Les recourants ont également fait valoir que les chauffeurs abonnés ne devaient ni rendre de rapport, ni respecter un quelconque horaire de travail, ni emprunter un itinéraire précis. Les devoirs résultant du CA découlaient des obligations légales ou réglementaires et la charte de qualité et d’accueil contenait des normes ayant presque toutes une base légale. Quoi qu’il en soit, même en cas de suspension de leur abonnement, les chauffeurs abonnés à la recourante n’étaient pas empêchés de poursuivre leur activité puisqu’ils pouvaient prendre des clients en station ou leur clientèle propre. Les chauffeurs abonnés à la recourante n’avaient aucune obligation de conduire leur véhicule et n’étaient même pas tenus de travailler : ils ne pouvaient donc recevoir aucune instruction contraignante de la part de cette dernière. Ils fixaient en toute liberté le moment et la durée de leurs vacances, ils n’avaient aucun devoir de présence, ni d’heures minimales à respecter, ni d’horaire de travail déterminé et aucun jour d’activité convenu à l’avance. Les recourants ont ajouté que la clause de non-concurrence figurant dans le CA ne visait que l’affiliation à d’autres centrales et non le fait de prendre en charge des clients indépendamment de la recourante. Les deux chauffeurs recourants étaient autorisés à apposer sur leur véhicule de la publicité pour un tiers et le fait qu'ils puissent se constituer leur propre clientèle était un indice d’indépendance. Même si la collaboration pouvait être régulière, elle n’était pas exclusive et ils n’étaient pas obligés de fournir régulièrement des prestations à la recourante. Par conséquent, il n’existait pas un rapport social de dépendance.

Par ailleurs, les recourants ont fait valoir que les chauffeurs abonnés à la recourante agissaient en leur nom et pour leur propre compte : ils ne reversaient aucune partie de leur rémunération à la recourante, tenaient leur propre comptabilité et utilisaient des quittances standardisées qu'ils signaient et sur lesquelles était noté « nom et prénom de l’indépendant ou entreprise affiliée à C______ SA » et peu importait qu’elles comportent une mention publicitaire au verso. Les chauffeurs abonnés étaient par ailleurs autorisés à exploiter leur taxi en s’assurant les services d’un ou de plusieurs collaborateurs. Ils n’étaient pas « régulièrement tenus de fournir leurs prestations au même employeur » puisqu’ils étaient libres de trouver leurs clients par leurs propres moyens. En outre, ils ne bénéficiaient d’aucune garantie quant au nombre et à l’étendue des missions confiées, de sorte qu’ils ne pouvaient pas compter sur des revenus déterminés. Leurs interventions faisaient suite à des invitations ponctuelles, élément révélateur du caractère aléatoire de leur activité. La recourante n’avait aucun contrôle sur leur rémunération et ils étaient libres de négocier le prix de leur course ou de fixer un prix forfaitaire avec le client.

Les recourants ont souligné que s’agissant du critère du risque économique encouru par les chauffeurs abonnés à la recourante, celui-ci n’était pas décisif puisqu’ils exerçaient une activité n’exigeant pas, de par sa nature, d’investissements importants, de faire appel à du personnel ou d'avoir des locaux. Quoi qu’il en soit, les chauffeurs abonnés disposaient bien d’un matériel d’équipement significatif. Ils avaient fait un investissement en achetant leur voiture et assumaient l’ensemble des frais d’exploitation nécessaires à l’exercice de leur activité, soit les frais d’entretien du véhicule, les frais d’installation initiale et de réparation subséquente de l’équipement, les risques liés à l’encaissement et au ducroire, les dommages provenant d’un mauvais fonctionnement dudit équipement ou de l’apposition des signes distinctifs ainsi que le paiement de la taxe mensuelle. Ils payaient leurs cotisations professionnelles, établissaient les factures d’achat et d’entretien du véhicule à leur nom et tenaient leur propre comptabilité. Ainsi, leur situation correspondait à la définition du risque particulier de l’entrepreneur.

Par ailleurs, les deux chauffeurs recourants n’avaient pas été soumis à un temps d’essai et ne recevaient aucune rémunération en cas d’empêchement non fautif ou de risques fortuits alors qu’ils payaient la cotisation mensuelle dans tous les cas, même si le service de la centrale était interrompu. Ils ne percevaient aucun salaire de la centrale, à laquelle ils ne reversaient rien des sommes encaissées, et ils fournissaient leurs services pour nombre de mandants différents, de sorte que si la recourante devait mettre un terme à leurs relations, ils ne se retrouveraient aucunement dans une situation semblable à celle d’un salarié qui perd son emploi.

Enfin, si le statut de dépendant devait être confirmé, la modification de l’organisation de la recourante transformerait celle-ci en une entreprise de transport pour taxis. Or, la recourante était un prestataire annexe dans le métier du taxi, ses prestations étant limitées à la diffusion de courses et elle était dans la totale incapacité de connaître les revenus des chauffeurs de taxis.

13.    Le recours de M. A______ et de la centrale a été enregistré sous la procédure n° A/2289/2017; celui de M. B______ et de la centrale sous la procédure n° A/2290/2017.

14.    Par réponse du 24 juillet 2017, l'intimée a conclu, sous suite de frais et dépens, à la jonction des causes A/2289/2017 et A/2290/2017 et au rejet des recours. Elle a rappelé notamment que le CA consacrait un réel rapport de subordination des chauffeurs abonnés à l'égard de la centrale, même s’ils bénéficiaient d’une certaine liberté quant à l’organisation de leur travail. Celle-ci leur fournissait le matériel de travail et leur garantissait une masse de travail, par le biais des courses transmises. C’était donc elle qui assumait le risque économique de l’entrepreneur, même si les recourants conduisaient leur propre véhicule. Aux yeux des clients, elle se présentait comme l’unique prestataire de services dès lors que les chauffeurs de taxis colportaient son enseigne et communiquaient ses données commerciales. Tous les chauffeurs de taxis au bénéfice d’une autorisation étaient tenus aux obligations de droit public ressortant de la législation cantonale. A ces obligations s’ajoutaient celles dont répondaient les chauffeurs abonnés à l’égard de la recourante. Ils n'étaient pas totalement libres d'organiser leur temps de travail puisque la recourante prélevait une contribution périodique dont le montant ne tenait pas compte du travail réalisé. Par ailleurs, les chauffeurs abonnés dépendaient économiquement de la recourante puisque celle-ci leur retransmettait plus de la moitié des courses qu’ils assumaient. Il existait donc un rapport de dépendance.

L'intimée a ajouté que si les chauffeurs abonnés avaient certes investi dans l’acquisition de leur véhicule de travail, qu'ils s’acquittaient d’une contribution mensuelle et étaient libres d’organiser leur temps de travail, ces circonstances n’étaient toutefois pas décisives, car ils avaient une position de subordonnés par rapport à la recourante, laquelle leur assurait un revenu régulier et les orientait quant à l’organisation de leur temps de travail. Les caractéristiques de la libre entreprise n’étaient pas dominantes. Enfin, le fait que les deux chauffeurs recourants puissent engager du personnel n’était pas déterminant car la procédure avait pour seul objet la relation entre ces derniers et la recourante. Or, en l’occurrence, ils exploitaient seuls leur abonnement auprès de la recourante.

15.    Par réplique du 25 août 2017, les recourants ont réitéré leurs arguments. Ils ont rappelé notamment que la recourante n’était pas une entreprise de taxis et qu'elle ignorait tout des montants encaissés par les chauffeurs abonnés pour les courses qu’elle diffusait. Les instructions de la recourante se bornaient au rappel des règles légales ou à l’édiction des règles de bienséance indispensables à la bonne marche de toute association professionnelle. La recourante fournissait moins de 50% de la clientèle aux chauffeurs abonnés, étant donné qu'ils étaient libres de se constituer leur propre clientèle, laquelle n'avait pas été prise en compte dans le décompte qu'elle avait établi. Les chauffeurs abonnés n’avaient aucune obligation de travailler effectivement, ils étaient libres de confier leur véhicule à un employé, ou de s’absenter plusieurs mois. Ainsi, les chauffeurs abonnés étaient socialement indépendants de la recourante puisqu’ils organisaient librement leur travail, qu’au moins la moitié de leur clientèle ne provenait pas de la centrale et qu’ils n’étaient pas tenus d’assumer personnellement quoi que ce soit envers elle.

S’agissant du risque économique encouru par l’entrepreneur, les recourants ont fait valoir que les chauffeurs abonnés subissaient les variations saisonnières du marché de sorte qu'ils supportaient un risque économique plus important que celui subi par la recourante. Ils avaient effectué un investissement important en achetant leur propre véhicule, et en payant la taxe de CHF 40'000.- pour leur permis de service. Ils subissaient les pertes occasionnées par l’exercice de leur activité et supportaient les risques d’encaissement en ce sens que la recourante ne procédait à aucune facturation et que tous les paiements étaient directement effectués en mains des chauffeurs. Ces derniers supportaient en outre les frais généraux inhérents à leur activité en payant l’entretien de leur véhicule, le tachygraphe ou le compteur. Ils agissaient en leur propre nom - nonobstant l’impressum des quittances - puisque les clients payaient chaque chauffeur individuellement et non la recourante. Ils agissaient pour leur propre compte puisque la recourante ne touchait aucun montant sur le résultat des chauffeurs abonnés ou sur le nombre de courses attribuées à ces derniers.

Par conséquent, la qualité d'indépendant des deux chauffeurs recourants ne faisait ainsi aucun doute.

16.    Par duplique du 13 octobre 2017, l'intimée a rappelé ses arguments et a souligné notamment que les deux chauffeurs recourants exploitaient seuls leur taxi, de sorte qu'ils étaient tenus d'accomplir personnellement les commandes que leur transmettait la recourante selon le CA. Les difficultés pour la recourante d'évaluer la masse salariale de ses chauffeurs abonnés devaient être relativisées, car ceux-ci étaient tenus d'annoncer leur service et de lui communiquer toutes les informations utiles concernant l'exploitation de leur taxi. La liberté d'organisation des recourants était compromise par les règles du CA et du règlement qui organisaient les modalités de leur activité et les soumettaient au pouvoir disciplinaire de la recourante. Par ailleurs, les deux recourants n’assumaient pas un risque entrepreneurial : quelle que soit la demande globale en matière de courses, la moitié de celles qu’ils assuraient était retransmise directement par la recourante, qui leur assurait ainsi un revenu régulier sans qu’ils n’aient à prospecter de clients. Quant à la taxe de CHF 40'000.-, elle se rapportait davantage au droit d'utilisation accrue du domaine public dont bénéficiaient les titulaires d'autorisation. Par conséquent, les deux chauffeurs recourants ne traitaient manifestement pas sur un pied d'égalité avec la recourante.

17.    Le 4 décembre 2017, lors de la comparution personnelle des parties, la recourante a expliqué notamment qu'elle n'était pas la seule centrale d’appels autorisée à recevoir et à distribuer les courses à destination des chauffeurs ayant un droit de stationnement sur le domaine public. Par ailleurs, tout ce qui concernait la bonbonne, le taximètre, le tachygraphe, soit l’intégralité de l’équipement du taxi, était propriété du chauffeur, de même qu’il avait ses propres assurances et ses propres charges administratives. La recourante ne mettait à disposition que le dispositif informatique et de géolocalisation permettant la transmission de courses. Ce dispositif restait propriété de la recourante et son utilisation était une partie de la contrepartie de la taxe d’abonnement mensuelle. Avec leur affiliation auprès de la recourante, il était bien évident que le but pour les chauffeurs était de pouvoir obtenir un certain nombre de courses, mais la recourante ne pouvait leur en garantir un nombre minimum, de même que les chauffeurs, de leur côté, n’avaient aucune obligation d’accepter une course proposée. Par ailleurs, la recourante a expliqué qu'au moment où le chauffeur prenait son service, il était prié de s’annoncer à l’ordinateur, d’où l’obligation de se brancher, ceci pour qu’il puisse recevoir des courses, et également pour le fonctionnement optimal de la flotte. S’agissant de la clause interdisant à un abonné de s’affilier à une autre centrale, la recourante a indiqué qu’il était bien évident que si quelqu’un s’abonnait auprès d’elle, c’était pour pouvoir obtenir des courses, mais pour la recourante, son but était également de pouvoir assurer un service efficace à la clientèle. Dans la clause contractuelle, l’expression « qui ne serait pas autorisé par C______ » était utilisée pour apporter une nuance, en ce sens que si le chauffeur souhaitait, pendant son service, utiliser une autre application, il était encore libre de le faire. La recourante n’avait pas le moyen de savoir si le chauffeur se branchait sur une autre application, car il pouvait tout aussi bien rester branché sur le système de la recourante pendant ce temps, de sorte que de façon pragmatique, la recourante n’interdisait évidemment pas aux intéressés de travailler comme ils l’entendaient. Même si l’abonné était branché sur le système de la recourante, il pouvait tout aussi bien recevoir un appel privé et prendre une course de sa clientèle privée. La recourante a ajouté qu'à partir du moment où le chauffeur avait accepté une course qu'elle avait proposée, elle n’intervenait plus et ne savait pas ce qui se passait. En particulier, elle ne savait pas nécessairement quelle était la destination de la course, ni les modalités discutées avec le client concernant un éventuel forfait et elle ne connaissait pas le chiffre d’affaires réalisé par les chauffeurs abonnés. Enfin, la recourante a précisé que septante abonnés étaient des employeurs.

M. A______ a expliqué notamment que pendant les trois mois où il avait travaillé en étant abonné auprès de la recourante, il avait en effet travaillé comme décrit ci-dessus, soit en étant totalement libre de ses horaires, de ses vacances et des modalités de paiement des courses, pour autant qu’elles respectaient la loi. Il évaluait à une course sur quatre environ les courses qu’il faisait par l’intermédiaire de la recourante, le reste étant celles qu’il obtenait sur les stations ou de sa clientèle privée. En termes de chiffre d’affaires, cela devait représenter environ 30 %. Actuellement, il avait un abonnement téléphonique sur lequel il recevait les courses demandées par sa clientèle et il se demandait dès lors s’il devrait être considéré comme exerçant aussi une activité dépendante à l’égard de son opérateur téléphonique. Enfin, suite à la résiliation de son abonnement auprès de la recourante, il avait refait une demande d’affiliation comme indépendant aux assurances sociales, et l’intimée lui avait reconnu le statut d’indépendant depuis le 1er novembre 2016. Restaient donc en suspens les cotisations pour les trois mois concernés. 

L’intimée a confirmé que pour la période des trois mois précités, la question de savoir si M. A______ avait réalisé un chiffre d’affaires pour partie provenant d’autres sources que de son affiliation à la recourante, n’était pas contestée. La question litigieuse portait uniquement sur la relation entre M. A______ et la recourante, que l’intimée considérait comme dépendante. La décision initiale, confirmée sur opposition, devait s’interpréter comme une décision consacrant implicitement un statut mixte, de dépendant pour la seule part de l'activité provenant des courses obtenues par le biais de la recourante, et un statut d’indépendant pour le reste.

M. B______ a expliqué que son chiffre d’affaires ne dépendait pas du tout exclusivement des courses proposées par la recourante. Cela faisait dix ans qu’il exerçait sa profession et il s’était constitué une clientèle fidélisée qui faisait régulièrement appel à ses services. Hormis sa clientèle privée, il faisait une partie non négligeable de son chiffre d’affaires en fréquentant les stations. Ainsi, entre sa clientèle privée et les courses obtenues aux stations, cela représentait un peu plus de 50 % de son chiffre d’affaires, donc à peu près autant provenant des courses proposées par la recourante. M. B______ a précisé qu'il pourrait développer beaucoup plus sa clientèle privée, mais qu'il ne le souhaitait pas, puisque précisément il était abonné à la recourante, qui lui procurait un certain nombre de courses. Par rapport à sa clientèle privée, il avait sa propre ligne téléphonique et sa carte de visite, qu’il versait au dossier. Il a ajouté qu'il n’avait absolument aucune obligation par rapport à la recourante au sujet de l’organisation de son travail, du nombre d’heures à effectuer, et des périodes de vacances à prendre ou ne pas prendre, pas plus d’ailleurs que d’horaire de travail. Il n’avait pas plus d’obligations à l’égard de la recourante qu’il n’en avait à l’égard de son opérateur téléphonique, qui lui transmettait les appels de ses clients. Parmi les obligations qui étaient dans le contrat figurait un certain nombre de principes et d’obligations qui était déjà contenus dans la loi, obligations auxquelles il se conformait comme chauffeur de taxi mais pas nécessairement comme abonné de la recourante. Il a précisé qu'il s’était abonné auprès de celle-ci, car c’était la meilleure centrale d’appel de Genève, et à ce titre, en tant que chef d’entreprise, il souhaitait se doter de ce qu’il y avait de meilleur. Il n’avait recours à aucune autre centrale d’appel ou application que celle de la recourante. Il lui arrivait régulièrement de refuser des courses transmises par la recourante. La majeure partie des propositions de courses ne donnait que l’adresse de prise en charge, mais aucune indication sur la destination. Dans le forfait d’abonnement, la centrale mettait à disposition, hormis les quittances et les gadgets publicitaires, l’ordinateur permettant de se connecter. Tout le reste de l’équipement du taxi était exclusivement à la charge du chauffeur, respectivement du propriétaire du véhicule. Il était propriétaire de son véhicule et il avait prévu d’engager l’un de ses amis comme employé. Mais il n’avait jamais pu réaliser ce projet en raison du fait que l’intimée avait refusé jusqu’ici de lui reconnaître son statut d’indépendant. Il a ajouté que la recourante n’était absolument pas informée du revenu qu’il tirait des courses qui lui étaient proposées via le système. Elle n’était informée ni du tarif, ni d’un éventuel forfait, ou d’un rabais qu’il pouvait consentir à des bons clients, ni s’il facturait ou pas un bagage. Ses revenus ne concernaient pas la recourante. Il ne faisait aucune distinction entre ses revenus provenant des courses proposées par la recourante de ceux qu’il tirait de sa clientèle privée, ou des courses qu’il prenait sur les stations. M. B______ a également souligné que les paiements qu’il recevait par cartes de crédit ou par cartes de débit étaient directement crédités sur son propre compte bancaire, sans transiter par la recourante.

Enfin, l’intimée a expliqué qu’il n’y avait pas lieu, en l'état, de savoir comment serait classifié le recourant s’il engageait un employé.

A l'issue de l'audition de M. B______, la chambre de céans a entendu la recourante sur la provenance des chiffres inscrits dans le tableau statistique qu'elle avait établi et produit (pièce 6 chargé recourants). Par ailleurs, s'agissant du barème des sanctions et de la semaine de suspension prévue notamment en cas de violation par un chauffeur de son obligation de se connecter à son équipement embarqué pendant tout son service journalier, la recourante a expliqué qu'en réalité, elle n'avait jamais infligé de sanction par rapport à cette hypothèse-là directement, et en tout état jamais une sanction aussi importante. En revanche, elle avait connu des situations où l'employé d'un chauffeur abonné utilisait le code de connexion de son employeur au lieu du sien. Il s'était alors vu infliger une sanction, puisqu'il ne s'était pas personnellement déclaré. Cela étant, si une personne ne se connectait pas, la recourante ne pouvait pas voir si elle travaillait. Le genre de situations telles que décrites et qui avaient amené à des sanctions avaient été portées à la connaissance de la recourante sur réclamation des clients. Le chauffeur en faute avait par exemple refusé de prendre une carte de crédit, ce qui pouvait se comprendre parce que le prix de la course aurait été crédité sur le compte de son patron et pas sur le sien. S'agissant de la sanction d'un jour de suspension en cas de refus d'une course, la recourante n'avait en réalité jamais infligé de sanction sur cette base. La recourante a observé, d'une façon plus générale, qu'elle avait depuis lors abandonné tout barème de sanction. Par ailleurs, les centrales et/ou applications non autorisées visées par le CA était UBER. Enfin, la recourante a confirmé que l'esprit dans lequel elle avait mentionné dans les documents contractuels un certain nombre d'obligations faites aux chauffeurs, même si elles reprenaient celles énoncées dans la loi ou le règlement d'application, était le bon fonctionnement de la profession au sens voulu par la législation.

18.    Le 15 décembre 2017, l'intimée a produit le dossier concernant la recourante.

19.    Le 15 décembre 2017, les recourants ont sollicité l'audition du chef du service de la police du commerce et de la lutte contre le travail au noir (ci-après PCTN) et ont produit le nouveau contrat d'abonnement établi par la recourante suite à l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2017, des nouvelles dispositions légales et réglementaires sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur.

20.    Le 15 janvier 2018, les recourants ont sollicité l'audition de deux chauffeurs abonnés à la recourante.

21.    Le 12 mars 2018, la chambre de céans a entendu, en tant que témoin, Monsieur D______, de la PCTN, anciennement le service du commerce du canton de Genève.

Le témoin a indiqué notamment qu'un chauffeur qui serait employé d’une entreprise de taxis ne pourrait pas être titulaire de la plaque de taxi. Celle-ci était en effet réservée aux indépendants ou aux entreprises de taxis. La loi prévoyait en effet un statut de chauffeur de taxi employé qui devait, pour cela, être titulaire de la carte professionnelle. En tant qu’employé, il devait encore justifier d’un contrat de travail, contrat dont le titulaire de la plaque devait également justifier pour pouvoir employer le tiers. Le témoin a ajouté que l'on pourrait imaginer qu’une même société s’annonce d’un côté comme entreprise de taxis, et de l’autre comme centrale d’ordres de courses, mais à condition que l’organisation interne des deux activités différentes soit clairement identifiable et différenciée. Il n'avait toutefois pas d’exemple concret à ce sujet.

La recourante a expliqué que ce type d'entreprise existait jusqu'au début des années nonante.

22.    Le 10 avril 2018, la chambre de céans a entendu, en tant que témoins, Monsieur E______, né en 1956, et Monsieur F______, né en 1966.

M. E______ a notamment expliqué être chauffeur de taxi depuis 2008, d'abord en tant que salarié, puis en tant qu'indépendant en louant des plaques sous un régime de bail à ferme, jusqu'à l'obtention de sa plaque personnelle en 2014. Il n'avait pas d'employés. La caisse de compensation l'avait affilié en tant qu'indépendant lorsqu'il louait des plaques en bail à ferme et il n'y avait pas eu de modification lorsqu'il avait obtenu sa plaque personnelle. Il avait des clients privés qui l'appelaient directement. Il était également affilié à la recourante, mais il n'était pas obligé d'accepter les courses qu'elle lui adressait. Le témoin a précisé qu'il avait une marge de manœuvre qui était très intéressante au niveau de sa liberté. S'agissant de l’importance en pourcentage des courses provenant de la recourante, en faisant une moyenne très approximative, tenant compte d’un bon 15 % de la clientèle privée pendant la journée, le reste se répartissait par moitié environ entre les stations et la recourante. Il y avait également deux autres types de courses : le hélage sur la voie publique et par le biais de l’application C______. Ces deux types de courses se répartissaient dans les pourcentages respectifs entre stations et centrale. Le témoin a ajouté que la recourante ne connaissait pas son chiffre d’affaires. Enfin, quand il utilisait le moyen d’encaissement de la carte de crédit, le montant était directement crédité sur son compte, sans passer par la recourante.

M. F______ a expliqué notamment qu'il avait travaillé en tant qu'indépendant de juillet 1996 à mai 2017 et avait eu trois employés à son service. Puis il avait travaillé en tant qu’employé et dès le 1er février 2018, il s'était remis à son compte. En 1996, il s'était affilié à une caisse de compensation en tant qu'indépendant. Lorsqu'il avait repris sa nouvelle plaque au 1er février 2018, il avait pris contact avec la CCGC, pour s’inscrire au service des indépendants. Dans un premier temps, on lui avait indiqué que c’était en ordre et qu'il était inscrit. Il avait ensuite appris que l'intimée avait décidé de refuser à quelques chauffeurs de taxi le statut d’indépendant. La caisse de compensation lui avait toutefois indiqué qu’elle procédait tout de même à son enregistrement. Il n'excluait pas de reprendre un employé, s'il trouvait une personne compatible. Le témoin a indiqué qu'en moyenne, sa clientèle privée représentait environ 30 %, pouvant aller jusqu’à 50 % certains jours. Une autre partie de sa clientèle provenait d’autres chauffeurs, qui pouvait représenter environ 20 %, variable elle aussi. Une autre partie de sa clientèle était celle qu'il prenait en charge sur les stations. Par ailleurs, le pourcentage de courses qu'il effectuait par le biais de la recourante devait représenter 30 % également. Il n'avait absolument aucune obligation de présence à l’égard de la recourante, il n'avait pas d’obligation d’accepter une course proposée, il se connectait quand il le voulait, et il encaissait naturellement personnellement le prix de ses courses. En principe, lorsqu'il recevait une proposition de course, il ne connaissait pas la destination du client. Il avait choisi d’exercer la profession de chauffeur de taxi, et plus particulièrement d’y rester, en raison de l’indépendance que cette profession procurait. Dans ce sens également, la recourante était tout à fait dans cet esprit. Le témoin a précisé que jusqu’à la dernière modification de la loi, le service du commerce délivrait une carte professionnelle de chauffeur de taxi indépendant. Désormais cette carte ne mentionnait plus que la désignation de « chauffeur de taxi ».

Suite à l’audition des témoins, la chambre de céans a entendu les parties et un délai leur a été octroyé pour déposer leur écriture.

23.    Par pli du 25 avril 2018, l'intimée a expliqué notamment qu'elle n'avait procédé à aucun changement de pratique concernant la reconnaissance du statut d'indépendant/dépendant des chauffeurs de taxi. Pour diverses raisons, soit les règles n'avaient pas été appliquées correctement ou alors cela avait été le fait d'autorités non compétentes. Le 9 avril 2015, il avait ainsi été constaté que le service du commerce demandait confirmation de l'affiliation et que la caisse cantonale de compensation admettait l'indépendance sur remise de l'attestation dudit service. Partant, personne n'analysait vraiment le statut des chauffeurs de taxis au regard du droit des assurances sociales. Dès la fin 2015, différents entretiens avaient eu lieu avec des caisses de compensation et des centrales de taxis établies à Genève afin d'expliquer les principes et la jurisprudence. En l’occurrence, en août et en novembre 2016, la CCGC lui avait transmis les demandes d'affiliation en tant qu'indépendants des deux chauffeurs recourants et l’intimée avait donc examiné leur dossier en tenant compte des directives de l'Office fédéral des assurances sociales (ci-après OFAS) et de la jurisprudence. Par ailleurs, elle n'avait pas procédé à la détermination du statut des deux témoins entendus par la chambre de céans et si des évaluations incorrectes avaient été faites par le passé, les recourants ne pouvaient en déduire une prétention au maintien d'un statut erroné. Enfin, l'intimée a souligné que le Tribunal fédéral avait récemment confirmé la relation de dépendance d'un chauffeur de taxis oeuvrant par le biais d'une centrale d'appels (arrêt du Tribunal fédéral 8C_571/2017 du 9 novembre 2017).

24.    Par écriture du 27 avril 2018, les recourants ont réitéré leurs arguments. Ils ont précisé notamment que la recourante n'imposait pas aux chauffeurs abonnés de clause de non-concurrence, mais elle demandait, pour une question légitime d'organisation, à être informée le cas échéant. Les chauffeurs avaient diverses sources de clientèle, et avaient leur organisation propre : ils disposaient de leur carte de visite à leur nom et exemptes de toute mention concernant la recourante ainsi que d'un numéro de téléphone dédié à leur clientèle. En outre, la recourante n’avait aucun moyen de déterminer, même par estimation, le chiffre d'affaires réalisé par les chauffeurs abonnés. Enfin, les recourants ont fait valoir que la situation à l'origine de l'arrêt précité du Tribunal fédéral était totalement différente du cas d'espèce, de sorte qu’il ne tranchait pas la question des chauffeurs de taxi affiliés à une centrale d'ordre de courses de manière définitive.

25.    Le 11 juin 2018, les recourants ont versé à la procédure un courrier de l'Administration fédérale des contributions (AFC) du 7 juin 2018, confirmant que sous l'angle de la TVA, les chauffeurs affiliés à la recourante étaient des personnes indépendantes. Le contrat d'abonnement ou les quittances remises par les chauffeurs à leurs clients (modèles validés les 13 janvier 2015 ou 17 mai 2018) prouvaient qu'ils agissaient en qualité d'indépendants.

26.    Par pli du 19 juin 2018, l'intimée a fait valoir que la détermination de l'AFC était sans pertinence dès lors que cette administration n'était pas compétente pour déterminer le statut au regard du droit des assurances sociales.

27.    Le 28 juin 2018, la chambre de céans a octroyé un délai aux recourants pour qu'ils se déterminent sur le règlement de la recourante et son barème de suspensions.

28.    Par écriture du 13 juillet 2018, les recourants ont fait valoir que ces documents avaient été rédigés pour se conformer aux dispositions légales et réglementaires. Ils visaient à garantir le respect de la législation par les chauffeurs abonnés et, partant, la qualité du service proposé par la recourante. Cependant, l'application stricte de tout règlement interne était illusoire en raison du grand nombre de taxis et de l'impossibilité pour les centrales d'exercer un réel contrôle sur leur activité nonosbstant la législation. Le barème de suspension n'avait jamais été véritablement appliqué. Seules quelques suspensions avaient été prononcées dans un passé lointain, dans quelques cas spécifiques. Ces documents ne reflétaient pas la réalité des relations contractuelles existantes entre la recourante et ses chauffeurs abonnés.

Quoi qu'il en soit, le barème de suspensions et le règlement avaient été supprimés lors de l'introduction du nouveau contrat d'abonnement. Et même à supposer que le barème des suspensions soit encore d'actualité, le droit de résilier ou de suspendre un abonnement appartenait contractuellement à tout prestataire de service, tel qu'un opérateur téléphonique ou l'hébergeur d'un site internet. Par ailleurs, dans l'hypothèse où une suspension de l'abonnement serait prononcée par la recourante, les chauffeurs abonnés ne se trouveraient pas dans la situation d'un employé s'étant vu signifier la fin de son contrat de travail. Au contraire, ils ne seraient nullement empêchés d'exercer leur activité. La suspension ou la résiliation de l'abonnement n'était en aucun cas l'expression d'un rapport social de dépendance.

Par ailleurs, aucune disposition du règlement n'apparaissait fonder le moindre rapport social de dépendance. S'agissant du barème de sanctions, la majorité des situations décrites n'avaient jamais fait l'objet du moindre contrôle. Quelques sanctions avaient été prises à l'encontre de chauffeurs abonnés qui violaient les anciennes dispositions légales, étant rappelé que les centrales devaient à l'époque veiller à la bonne application de la loi par leurs chauffeurs abonnés. La réalité concrète était que le contrat liant les chauffeurs abonnés à la recourante se distinguait peu d'un contrat d'abonnement téléphonique ou d'hébergement de site internet. Il était donc impropre à fonder le moindre rapport social de dépendance ou à nier le risque économique de l'entrepreneur.

Enfin, les recourants ont indiqué que la Cour des assurances sociales du canton de Vaud avait prononcé, le 14 juin 2018, un arrêt dans le même domaine. Elle avait considéré que les chauffeurs de taxis affiliés à la centrale de taxis vaudoise TAXI SERVICES Sàrl étaient des indépendants au regard des assurances sociales (AA 7/17 – 71/2018).

29.    Le 14 août 2018, l'intimée a rappelé que le présent litige portait sur la situation des deux chauffeurs de taxis en tant qu'abonnés à la recourante, en relation avec la rémunération issue des courses qu'elle proposait, et ce au moment des décisions litigieuses des 28 septembre et 23 novembre 2016. Aussi, le litige devait être examiné sous l'angle du contrat d'abonnement existant à ce moment-là et peu importait que ce contrat, le règlement ou le barème de suspensions aient été, par la suite, modifiés, supprimés ou qu'ils n'aient jamais été "véritablement appliqués".

Par ailleurs, l'intimée peinait à comprendre le parallèle qu'entendaient faire les recourants avec les contrats de téléphonie ou d'hébergement de site internet. Elle a rappelé qu'il existait un statut mixte, soit un statut de dépendant pour la seule part de l'activité provenant des courses obtenues par la centrale et un statut d'indépendant pour les cas où les chauffeurs étaient contactés directement par leurs propres clients, respectivement prenaient en charge des clients sur des emplacements désignés ou lorsqu'ils étaient hélés dans la rue, sans que la course ne leur ait été attribuée par la centrale.

30.    Sur ce, la chambre de céans a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Les décisions litigieuses, datées du 10 avril 2017, ont été notifiées pendant la suspension des délais du 9 au 23 avril 2017, soit du 7ème jour avant Pâques au 7ème jour après Pâques inclusivement. Postés le 23 mai 2017, les deux recours, qui satisfont aux exigences de forme et de contenu, ont été interjetés en temps utile (art. 38 al. 4 let. a et 60ss LPGA).

Les recours sont donc recevables.

3.        Au vu des deux décisions identiques quant à leur motivation, il convient de statuer par un seul arrêt sur les deux recours.

4.        Le litige porte sur la question de savoir si c’est à bon droit que l’intimée a refusé de reconnaître à M. A______ la qualité d’indépendant pour l'activité de chauffeur de taxi déployée en relation avec la recourante du 1er août au 31 octobre 2016 et à M. B______ pour la même activité effectuée à compter du mois de novembre 2016.

5.        a. En vertu de l'art. 66 al. 1 let. g LAA, sont assurés à titre obligatoire auprès de la CNA, les travailleurs des entreprises de communications et de transports et entreprises qui sont en relation directe avec l'industrie des transports.

Dans le cas des travailleurs des entreprises de transports, il appartient donc à la CNA de déterminer si ces derniers ont un statut de dépendant ou d'indépendant au sens du droit des assurances sociales (Centre d'information AVS/AI en collaboration avec l'OFAS, Mémento 2.09, Statut des indépendants dans les assurances sociales, état au 1er janvier 2016, p. 2).

6.        Selon la jurisprudence, une autorité ne peut rendre une décision de constatation (art. 49 al. 2 LPGA) que lorsque la constatation immédiate de l'existence ou de l'inexistence d'un rapport de droit est commandée par un intérêt digne de protection, à savoir un intérêt actuel de droit ou de fait, auquel ne s'opposent pas de notables intérêts publics ou privés, et à condition que cet intérêt digne de protection ne puisse pas être préservé au moyen d'une décision formatrice. L'exigence d'un intérêt digne de protection vaut également lorsque l'autorité rend une décision de constatation non pas sur requête d'un administré mais d'office (ATF 130 V 388 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 92/07 du 21 février 2008 consid. 2.1).

La jurisprudence considère que le statut des assurés en matière de cotisations AVS peut, à lui seul, donner lieu à une décision de constatation lorsqu'un intérêt majeur exige l'examen préalable de cette question. Il en va ainsi dans certains cas complexes, dans lesquels l'on ne peut raisonnablement pas exiger que des décomptes de cotisations paritaires compliqués soient effectués avant que l'existence d'une activité lucrative dépendante et l'obligation de cotiser de l'employeur visé aient été établies. Une telle situation peut se présenter notamment lorsque de nombreux assurés sont touchés par la décision notifiée à leur employeur commun, relative à leur situation de personnes salariées, tout particulièrement si le nombre de ces assurés est si élevé que l'administration ou le juge est dispensé de les appeler à intervenir dans la procédure en qualité d'intéressés (ATF 129 V 289 consid. 2.2; ATF 112 V 81 consid. 2a).

b. En l’occurrence, la chambre de céans est d'avis que l'intimée était en droit de rendre les deux décisions en constatation. En effet, non seulement la question du statut des chauffeurs de taxis - dans leur relation avec la centrale – n'a pas encore été tranchée par cette juridiction, mais de surcroît, elle concerne un grand nombre de personnes à Genève, de sorte qu'il convient d'établir préalablement l'existence d'une obligation de cotiser de l'employeur avant d'exiger que des décisions portant sur les cotisations paritaires ne soient rendues.

Il convient dès lors d’examiner le litige au fond.

7.        Selon l’art. 1a al. 1 let. a LAA (art. 1a al. 1 aLAA en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016), les travailleurs occupés en Suisse sont assurés à titre obligatoire contre le risque d'accident. Est réputé travailleur au sens de cette disposition quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la législation sur l'AVS [art. 1 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202)].

Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l'obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée [cf. art. 5 et 9 de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10), art. 6 ss du règlement sur l'assurance-vieillesse et survivants du 31 octobre 1947 (RAVS - RS 831.101)].

Selon l'art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé. Sont en principe soumis à cotisations tous les revenus liés à des rapports de travail ou de service qui n'auraient pas été perçus sans ces rapports. Inversement, l'obligation de payer des cotisations ne concerne en principe que les revenus qui ont été effectivement perçus par le travailleur (ATF 138 V 463 consid. 6.1 et les références).

Le revenu provenant d'une activité indépendante comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS et 12 al. 1 LPGA). 

Une personne exerçant une activité lucrative indépendante peut simultanément avoir la qualité de salarié si elle reçoit un salaire correspondant (art. 12 al. 2 LPGA).

8.        a. Selon la jurisprudence, le point de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité dépendante ou d’une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d’activité ; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6 ; ATF 123 V 161 consid. 1).

b. La notion de dépendance englobe les rapports créés par un contrat de travail, mais elle les déborde. Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise sont le droit de l’employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l’égard de celui-ci et l’obligation du travailleur d’exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée. Un autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu’il s’agit d’une collaboration régulière, autrement dit que l’employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (ATF 110 V 72 consid. 4b). En outre, la possibilité pour le travailleur d’organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu’il s'agit d’une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3.3).

c. On est généralement en présence d’une activité lucrative indépendante lorsque la personne tenue de cotiser participe, par l’engagement de sa force de travail et de son capital, aux échanges économiques en s’organisant elle-même et de manière visible pour le public, en vue de fournir des prestations de service ou de créer des produits qui sont acquis ou utilisés au moyen de contre-prestations financières ou pécuniaires (ATF 125 V 383 consid. 2a). Le risque économique d’entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d’évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l’entreprise. Constituent notamment des indices révélant l’existence d’un tel risque le fait que la personne concernée opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d’encaissement et de ducroire, assume les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux. Le risque économique de l’entrepreneur n’est cependant pas à lui seul déterminant pour juger du caractère dépendant ou indépendant d’une activité. C’est en principe l’ensemble des circonstances du cas concret qui permet de déterminer si on est en présence d’une activité dépendante ou indépendante, en particulier la nature et l’étendue de la dépendance économique et organisationnelle à l’égard du mandant ou de l’employeur. Cet aspect peut singulièrement parler en faveur d’une activité dépendante dans les situations dans lesquelles l’activité en question n’exige pas, de par sa nature, des investissements importants ou de faire appel à du personnel. En pareilles circonstances, il convient d’accorder moins d’importance au critère du risque économique de l’entrepreneur et davantage à celui de l’indépendance économique et organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_213/2016 du 17 octobre 2016 consid. 3.4 et les références citées, arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 3.4).

S’agissant du risque économique, il ne suffit pas, pour reconnaître à une activité un caractère indépendant, que la personne concernée coure le risque de voir son revenu dépendre du succès de ses affaires. Le fait que la personne ne bénéficie d’aucun revenu (formellement garanti) ne constitue donc qu’un simple indice en faveur d’une activité indépendante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_460/2015 du 18 novembre 2015 consid. 5.2.1).

d. Une personne assurée peut exercer plusieurs activités lucratives en parallèle et être assujettie simultanément comme salariée et comme indépendante. Lorsque cela est le cas, il y a lieu de se demander pour chacun des revenus réalisés si celui-ci provient d’une activité salariée ou indépendante (ATF 122 V 169 consid. 3b ; ATF 104 V 126 consid. 3b).

e. Il convient d'emblée de garder à l'esprit que le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de se prononcer à nombreuses reprises sur la question de savoir si les chauffeurs ayant leur propre véhicule sont des personnes exerçant une activité dépendante ou indépendante. Il a ainsi considéré que la réponse à cette question peut dépendre de simples nuances apportées à la réglementation du travail ; et l'on comprend dès lors pourquoi de tels chauffeurs se voient, suivant les cantons et les communes, traités différemment sur le plan de l'AVS (RCC 1971 p. 27ss).

Ce principe a d'ailleurs été rappelé dans une contribution récente du Professeur Andreas AUER examinant la situation des taxis genevois, et comparant notamment la situation de ce canton avec la réglementation en vigueur dans d'autres villes et cantons suisses, sur laquelle on reviendra ultérieurement, dans la mesure utile, pour le détail (Andreas AUER, Taxis genevois : un état des lieux comparatif, constitutionnel et prospectif in Jusletter 15 septembre 2014 www.jusletter.ch)

f. Dans un arrêt récent, notre Haute Cour a retenu un statut de dépendant s’agissant de chauffeurs de taxis qui avaient conclu un contrat d’affiliation avec une centrale radio. Les chauffeurs, détenteurs de leur véhicule, devaient participer à des cours de formation, utiliser le logo de la centrale sur leur voiture et se conformer au règlement de cette dernière s'agissant de leur comportement envers les clients et de leur présentation. Ils avaient l'interdiction de se connecter à d'autres centrales radio, mais étaient libres de refuser les courses provenant de la centrale, laquelle prenait en charge l'encaissement des courses effectuées par carte de crédit et le risque débiteur lié à ces courses. Le Tribunal fédéral a rappelé que l’achat et l’entretien d’un véhicule à moteur adapté à l’exploitation d’un taxi ne peut pas être retenu comme étant un risque économique d'entrepreneur décisif. En l’occurrence, les chauffeurs n’avaient pas effectué d’autres investissements (locaux commerciaux, personnel ou publicité), de sorte que les détenteurs de taxis n’avaient pas de frais fixes importants à supporter en l’absence de clients, à l’exception de la contribution mensuelle à verser à la centrale. Celle-ci fournissait le personnel pour l’exploitation de la centrale radio, elle investissait dans la publicité et la recherche de nouveaux clients. Les chauffeurs n’agissaient pas en leur propre nom puisque pendant leurs missions, leur véhicule affichait le logo de l’entreprise. S’ils jouissaient d’une grande liberté s’agissant des horaires et de la durée du travail, les chauffeurs étaient cependant tenus, pendant qu’ils effectuaient une course transmise par la centrale, de respecter les règlements établis par la société (arrêt du Tribunal fédéral 8C_571/2017 du 9 novembre 2017).

f. Notre Haute Cour a également retenu le statut de dépendant s’agissant d’un chauffeur de taxi détenteur de son propre véhicule, qui travaillait avec d'autres chauffeurs sous le logo Z. Le chauffeur de taxi payait un forfait mensuel de CHF 1'500.- à A., qui agissait en tant que coordinateur de Z. et qui prenait en charge les travaux d’entretien et de réparation du véhicule. Celui-ci arborait le logo Z. ainsi que le numéro de téléphone commun. Le Tribunal fédéral a estimé que le chauffeur de taxi ne supportait pas un risque économique d'entrepreneur important puisqu’il n’avait effectué que des investissements mineurs. A l’exception du paiement d’un forfait mensuel, il n’avait pas de frais fixes majeurs en l’absence de clients. Entrait en ligne de compte également le fait qu’il était tenu à un horaire d'intervention et qu'il paraissait ainsi intégré dans l'organisation de Z. Le Tribunal fédéral a relevé par ailleurs que le fait que le chauffeur de taxi conserve l’intégralité de ses recettes (après déduction des frais de fonctionnement et le forfait mensuel) tendait certes à parler en faveur d’un travail indépendant, mais cet élément n’avait qu’une importance mineure. Au vu des relations contractuelles avec A., le fait que le chauffeur de taxi soit en droit d’accepter des mandats en dehors de ceux confiés par Z., n’était pas pertinent. Les éléments en faveur d’une activité dépendante l’emportaient (arrêt du Tribunal fédéral 8C_189/2017 du 19 juin 2017).

g. Par arrêt du 17 juin 2014, le Tribunal fédéral a également retenu le statut de dépendant s’agissant d’un chauffeur de taxi, détenteur de son véhicule et affilié à une centrale radio. Celle-ci fournissait l’infrastructure nécessaire à la transmission des commandes de courses, elle prenait soin des emplacements et prenait en charge l’encaissement des courses par carte de crédit. Le chauffeur, qui ne pouvait pas s’affilier à une autre centrale radio opérant dans le même rayon géographique, était tenu de traiter les commandes et de se conformer aux règlements et aux instructions de la centrale concernant l’équipement, le véhicule et la publicité. Dans certaines conditions, le chauffeur de taxi pouvait être suspendu avec un préavis contractuel. Le Tribunal fédéral a indiqué que le fait que le chauffeur de taxi puisse effectuer des courses qui n’étaient pas transmises par la centrale n’était pas pertinent puisque le litige portait exclusivement sur la qualification de son activité lucrative exercée dans le cadre des rapports contractuels avec la centrale radio. Pour ce motif également, le fait qu’il dispose d’un système de carte de crédit à son nom et pour son propre compte n'était pas déterminant. L'acquisition d'un véhicule adapté à l'exploitation d'un taxi n'était pas un investissement majeur. Même si le contrat d’affiliation contenait certains éléments propres à une activité indépendante, les éléments en faveur d’un emploi salarié étaient prédominants. Le Tribunal fédéral a rappelé que le Tribunal fédéral des assurances avait déjà statué en 1970 en ce sens (RCC 1971 p. 30) et qu’il n’y avait pas de raison plausible de s’écarter de la juridiction de l’époque (arrêt du Tribunal fédéral 8C_357/2014 du 17 juin 2014).

h. On ne peut pas admettre que l’acquisition d’une voiture privée pour le transport de personnes soit un investissement de poids, tel que les indépendants doivent l’effectuer souvent pour exercer leur activité lucrative ; cela même lorsque cette voiture est nécessaire à l’accomplissement de travaux professionnels. L’utilisation privée d’une telle voiture représente, en général, un motif suffisant pour justifier son acquisition, même si l’acheteur n’a pas l’intention de s’en servir à des fins professionnelles. C’est pourquoi l’on ne peut, du moins en règle générale, attacher une importance décisive à une telle acquisition lorsque l’on veut tracer la limite entre l’activité indépendante et l’activité salariée (RCC 1983 p. 427).

i. La Cour des assurances sociales du canton de Vaud a retenu un statut d'indépendant pour les chauffeurs de taxis titulaires d'autorisations A, abonnés obligatoirement à TAXIS SERVICES Sàrl, titulaire de la concession d'exploitation de la centrale d'appel unique (monopole). Les chauffeurs, détenteurs de leur propre véhicule, n'étaient pas tenus d'afficher le logo de la centrale, décidaient seuls de leurs horaires de travail et de leurs vacances, choisissaient leur propre solution pour les paiements par carte de crédit et pouvaient refuser des courses proposées. La centrale qui ne pouvait refuser aucun titulaire d'une autorisation A, ni résilier les contrats la liant aux chauffeurs, ignorait tout de leurs recettes mensuelles et n'assumait aucune conséquence juridique ou économique pour des défauts de qualité dans les prestations des chauffeurs.

La juridiction vaudoise a relevé que la Sàrl intervenait comme une entreprise concessionnaire ayant pour unique but d'exploiter une centrale d'appel indispensable à la coordination des taxis et de mettre à la disposition des exploitants les équipements nécessaires à ce titre. Le contrat d'abonnement ne contenait aucune règle en matière organisationnelle à laquelle les chauffeurs devaient se soumettre dans le cadre de leur activité professionnelle. Ils n'étaient pas soumis à un régime de devoirs et d'obligations à l'égard de la Sàrl, qui n'était pas habilitée à les sanctionner. Celle-ci n'était pas autorisée à poursuivre un but lucratif; elle ne pouvait exploiter une entreprise de taxis, ni embaucher des chauffeurs. Le chiffre d'affaires des courses et le risque débiteur étaient assumés par les chauffeurs et le contrat ne contenait aucune garantie quant au nombre de courses transmises. Après analyse du contexte réglementaire, il apparaissait que la Sàrl ne disposait d'aucune compétence pour imposer aux chauffeurs des obligations, notamment des heures de présence ou l'affichage de son logo (arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud AA 7/17 – 71/2018 du 14 juin 2018).

9.        Selon les directives éditées par l’OFAS, constituent notamment des indices révélant l’existence d’un risque économique d’entrepreneur le fait que l’assuré opère des investissements importants, encourt des pertes, supporte le risque d’encaissement et de ducroire, supporte les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même des mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux. Le rapport social de dépendance économique, respectivement dans l’organisation du travail du salarié, se manifeste notamment par l’existence d’un droit de donner des instructions au salarié, d’un rapport de subordination, de l’obligation de remplir la tâche personnellement, d’une prohibition de faire concurrence et d’un devoir de présence [Directives sur le salaire déterminant dans l’AVS, AI et APG (DSD) n° 1014 et 1015]. Si le risque économique se limite à la dépendance à l’égard d’une activité donnée, le risque d’entrepreneur réside, en conséquence, dans le fait qu’en cas de révocation des mandats, la personne se retrouve dans une situation semblable à celle d’un salarié qui perd son emploi ce qui représente une caractéristique typique d’une activité lucrative salariée (DSD n° 1018).

Lors de l'appréciation de l'ensemble des circonstances du cas, ne sont pas décisifs : la nature juridique du rapport établi entre les parties, les conventions ou accords portant sur la situation juridique des parties (salariée ou indépendante), le fait que l'assuré exerce son activité à titre de profession principale ou accessoire (certaines rétributions peuvent ainsi faire partie du salaire déterminant même si elles sont attribuées à une personne dont la profession principale consiste en l'exercice d'une activité indépendante), que l'assuré soit affilié à une caisse de compensation en qualité de travailleur indépendant (la rétribution peut néanmoins faire partie du salaire déterminant), le fait que l’assuré travaille simultanément pour plusieurs employeurs (il n’en devient pas pour autant un assuré ayant une activité indépendante) et la qualification attribuée par l’autorité fiscale. Il est par ailleurs précisé que la notion de salaire déterminant se définit exclusivement d'après le droit de l'AVS, il s’agit d’une notion propre à ce domaine du droit. Des rétributions découlant d'un mandat, d'un contrat d'agence, d'un contrat d'entreprise ou d'un autre contrat peuvent aussi appartenir au salaire déterminant (DSD n° 1021 à 1030).

S’agissant des chauffeurs de taxi, les directives soulignent qu’ils sont généralement réputés exercer une activité salariée ; tel est aussi le cas lorsqu’ils conduisent leur propre véhicule mais sont rattachés à une entreprise de taxis (centrale radio). Ils sont considérés comme exerçant une activité indépendante lorsqu'ils supportent un risque économique d'entrepreneur et ne dépendent pas particulièrement du mandant du point de vue de l'organisation du travail (DSD n° 4120 et 4122).

Les notions d’activité lucrative dépendante et indépendante propres au droit de l’AVS s’appliquent également à l’assurance-chômage obligatoire, à la prévoyance professionnelle et à l’assurance-accidents obligatoire (DSD n° 1032).

10.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible ; la vraisemblance prépondérante suppose que, d’un point de vue objectif, des motifs importants plaident pour l’exactitude d’une allégation, sans que d’autres possibilités ne revêtent une importance significative ou n’entrent raisonnablement en considération (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les références). Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

11.    En l’occurrence, l’intimée a retenu que l’activité lucrative déployée par MM. A______ et B______ en relation avec la centrale devait être qualifiée de dépendante, ce que les recourants contestent.

12.    Il y a lieu tout d’abord d’examiner les principes qui régissaient le service des taxis dans le canton de Genève lors du dépôt de la demande d’affiliation des deux recourants (en 2016) et jusqu'à la date déterminante de la notification des décisions litigieuses (le 10 avril 2017). Le transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles était alors soumis à la loi sur les taxis et les limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 (aLTaxis – H 1 30) et à son règlement d’exécution du 4 mai 2005 (aRTaxis - H 1 30.01), en vigueur jusqu’au 30 juin 2017. Il convient de préciser qu’il n'y a pas lieu, en l'occurrence, d'examiner la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur (LTVTC) entrée en vigueur le 1er juillet 2017, ni le nouveau contrat d'abonnement établi par la recourante sur la base de cette nouvelle loi, dès lors que le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références).

Ce contexte doit être abordé en ayant toujours à l'esprit les principes dégagés par la jurisprudence, selon lesquels, lorsqu'il s'agit de déterminer si le statut AVS d'un chauffeur de taxi doit être qualifié de dépendant ou d'indépendant, il convient de prendre en compte l'ensemble des circonstances du cas concret, y compris les spécificités locales consacrées notamment par la législation cantonale (voire communale dans certains cantons, - Genève n'étant pas concerné par cette problématique). Comme le rappelait le Prof. AUER, en matière de taxi, Genève est un cas un peu particulier. Cela tient d'une part à un ensemble de facteurs objectifs (population de 500'000 personnes environ, dont 200'000 en ville, importante communauté internationale, nombreuses organisations internationales non-gouvernementales, banques et autres entreprises de services attirant beaucoup de visiteurs à la fois de l'étranger et de Suisse, aéroport international de grande envergure, quatre cinquièmes de la surface du canton entourée par la France ; AUER, op. cit., p. 5).

Mais c'est aussi dans un contexte historique bien mouvementé du monde des taxis à Genève que le législateur cantonal s'est essayé à de nombreuses reprises de réguler ce secteur économique, ce que rappelait encore le Conseil d'État dans l'exposé des motifs à l'appui du projet de loi sur les services de taxi et de limousines du 16 mars 2004, et notamment s'agissant de conférer un véritable statut au chauffeur de taxi employé, le distinguant du chauffeur de taxi indépendant (MGC 2003-2004/VII A 3193-3194).

Comme l'illustre notamment l'arrêt récent rendu par la Cour des assurances sociales du canton de Vaud, il ressort de la jurisprudence et des directives précitées que les principes n'excluent pas, qu'en prenant en compte l'ensemble des circonstances du cas concret, on puisse reconnaître à des chauffeurs de taxis le statut d'indépendants au sens du droit des assurances sociales.

13.    La législation cantonale genevoise en vigueur jusqu’au 30 juin 2017 fixait un statut distinct entre les diverses catégories de chauffeurs ou entreprises de la branche : selon l'art. 9 aLTaxis l’exploitation d’un service de transport de personnes est subordonnée à la délivrance préalable de l’une des autorisations suivantes : a) autorisation d’exploiter un taxi de service privé en qualité d’indépendant; b) autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant; c) autorisation d’exploiter une entreprise de taxis de service public; d) autorisation d’exploiter une centrale d’ordres de courses de taxis; e) autorisation d’exploiter une limousine en qualité d’indépendant; f) autorisation d’exploiter une entreprise de limousines. Elle fixait également le statut particulier de chauffeur de taxi employé (art. 40 aLTaxis).

14.    Cette loi prescrivait notamment les conditions concernant l’obtention par une personne physique de l’autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant. Elle devait notamment être au bénéfice d’une carte professionnelle de chauffeur de taxi, justifier de son affiliation à une caisse de compensation, disposer d'une adresse professionnelle fixe dans le canton de Genève à laquelle elle pouvait être atteinte, notamment par téléphone ou par le biais de la centrale à laquelle elle était affiliée et être propriétaire ou preneur de leasing d’un véhicule. L’exploitant devait conduire personnellement et de manière effective son véhicule et pouvait le mettre à disposition d’autres chauffeurs en qualité d’employés pour des périodes horaires durant lesquelles il n’exerçait pas lui-même sa profession (art. 11 al. 1 let. a, c, d et e et al. 3 aLTaxis). Les exploitants indépendants pouvaient employer des chauffeurs pour autant qu’ils justifient exercer de manière effective et personnelle la conduite de leur véhicule et devaient solliciter une autorisation auprès du département (art. 37 aLTaxis).

15.    Par ailleurs, la loi cantonale différenciait notamment les entreprises de taxis de service public, des centrales d’ordres de courses de taxis (art. 12 et 13 aLTaxis).

L’entreprise de taxis comprenait deux ou plusieurs véhicules et un ou plusieurs employés ou chauffeurs indépendants et était propriétaire ou preneur de leasing de tous les véhicules servant à son activité (art. 12 al. 1 let. f aLTaxis).

La centrale d’ordres de courses devait justifier de l'affiliation dans le délai d'un an à compter de la délivrance de l'autorisation d'un nombre minimal de taxis, fixé par le Conseil d'Etat et disposer de l’infrastructure suffisante et des moyens techniques adéquats pour gérer le trafic des taxis qui lui étaient affiliés, ainsi que pour recevoir et leur transmettre des ordres de courses. Elle devait notamment garantir un service 24 heures sur 24 tous les jours de l'année et s'assurer qu'un nombre suffisant de véhicules était à disposition du public durant la nuit, les samedi et les jours fériés (art. 13 al. 1 let. g et h aLTaxis).

Une même personne pouvait cumuler l’autorisation d’exploiter une centrale d’ordres de courses de taxis et l’autorisation d’exploiter un taxi de service public ou de service privé ou une entreprise de taxis de service public (art. 9 al. 2 let. c aLTaxis).

Selon l’exposé des motifs de l’aLTaxis, dans un souci de protection à l’égard des chauffeurs de taxis salariés (MGC 2003-2004/VII A 3193-3194), un statut de chauffeur de taxi employé ne conduisant pas son propre véhicule a été prévu (art. 40 aLTaxis). Selon les al. 1 et 2 de cet article, l’employeur – à savoir le titulaire d’une autorisation d’exploiter un taxi de service public ou une entreprise de taxis de service public - devait prouver l'existence de réels rapports de subordination (a), qu'il exerçait un contrôle sur la recette journalière du chauffeur (b), qu'il supportait seul tous les coûts liés à l'activité professionnelle (c), qu'il supportait principalement le risque économique de l'activité, ce qui était présumé si le salaire perçu par le chauffeur employé constituait un pourcentage déterminé à l'avance du montant de la recette (d) et que les cotisations sociales étaient supportées et payées conformément aux lois en vigueur (e). Si l’exploitant n’apportait pas la preuve qu’il satisfaisait à ces conditions ou qu’il respectait la convention collective de travail, les chauffeurs de taxis étaient présumés exercer leur activité comme indépendants (al. 5).

16.    En l’occurrence, il n’est pas contesté que MM. A______ et B______ étaient au bénéfice d’une autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant au sens de l’art. 11 aLTaxis et que la recourante était une centrale d’ordres de courses de taxis au sens de l’art. 13 aLTaxis.

Or, il résulte clairement de la teneur des dispositions précitées que les centrales d’ordres de courses de taxis ne pouvaient pas avoir, à son service, des chauffeurs de taxis salariés. En effet, conformément à l’art. 40 al. 1 aLTaxis, seul le titulaire d’une autorisation d’exploiter un taxi de service public ou une entreprise de taxis de service public était autorisé à employer des travailleurs salariés pour la conduite des véhicules dont il était détenteur. En l’espèce, la recourante n’était ni titulaire d’une autorisation d’exploiter un taxi de service public, ni une entreprise de taxis de service public. Qui plus est, elle n’était pas la détentrice des véhicules conduits par les deux chauffeurs recourants.

Par conséquent, la recourante n’était pas autorisée, de par la loi cantonale genevoise, à engager des chauffeurs de taxis (art. 40 al.1 aLTaxis a contrario).

17.    De surcroît, pour que le statut légal cantonal de chauffeur de taxi employé soit reconnu, l’employeur devait prouver, documents à l’appui, que cinq critères étaient remplis, tels que le fait qu'il supportait seul tous les coûts liés à l’activité professionnelle et qu'il avait un contrôle sur la recette journalière du chauffeur. A défaut, les chauffeurs de taxis concernés étaient présumés exercer leur activité comme indépendants (cf. art. 40 al. 5 aLTaxis). En l’occurrence, il n’est pas contesté que la recourante n’avait aucune connaissance des montants encaissés par les deux chauffeurs recourants et que ces derniers assumaient seuls les charges mensuelles en lien avec leur activité (achat du véhicule, frais d’essence, d’entretien, d’assurances, etc.).

Par conséquent, au regard de la législation cantonale en vigueur au moment des faits pertinents, il y a lieu de retenir que dans le cadre de leur activité effectuée par l’intermédiaire de la recourante, les deux chauffeurs recourants exerçaient une activité indépendante. Il s'agit d'un élément que la Chambre de céans doit prendre en considération dans le cadre de l'examen du statut des deux chauffeurs recourants puisque, s’agissant de la profession de chauffeur de taxis, il y a lieu, selon le Tribunal fédéral, de tenir compte des particularités cantonales, voire communales (RCC 1971 p. 27 ss).

18.    Il convient ensuite d’analyser, conformément à la jurisprudence fédérale, l’ensemble des circonstances du cas concret pour évaluer quels sont les éléments prédominants et déterminer si la rémunération perçue par les deux chauffeurs de taxis grâce aux courses transmises par la recourante résultait de l'exercice d'une activité dépendante ou indépendante.

19.    Les relations entre la recourante et les deux recourants étaient régies par le CA, le règlement de la recourante, le contrat de mise à disposition d’un terminal, la charte de qualité et d’accueil et le barème des suspensions.

Le CA prévoyait notamment des articles concernant son respect et celui du règlement (art. 2), les prestations fournies par la recourante (art. 4), la responsabilité de la recourante (art. 5), les droits et les obligations de l’abonné (art. 6 et 7), la cotisation et les taxes (art. 8), les modalités de paiement des taxes (art. 9), l’équipement embarqué (art. 10), l’affiliation, la durée, la fin et la résiliation du CA (art. 11).

Le règlement portait quant à lui notamment sur l’utilisation des stations de taxis (art. 2), l’utilisation des installations informatiques embarquées (art. 3), l’ordre de course non exécuté (art. 4), les fausses courses (art. 5), le maraudage (art. 6), les objets trouvés et perdus (art. 7), l’utilisation de la radiotéléphonie (art. 8) et les sanctions (art. 9). Le contrat de mise à disposition d’un terminal fixait notamment les obligations des chauffeurs concernant l’utilisation de l’appareil de carte de crédit (art. 3).

La charte de qualité et d’accueil avait pour but d’améliorer la qualité des prestations fournies par la centrale et portait sur plus d’une quinzaine d’instructions relatives notamment au comportement des chauffeurs abonnés. Quant au barème des suspensions, il s’appliquait en cas de mauvais service à la clientèle, d’inobservation de la charte de qualité et d’accueil et du règlement de la société ou de manipulation volontairement incorrect du terminal FMS.

20.    L'intimée fait valoir que les chauffeurs abonnés à la centrale exerçaient une activité dépendante au motif notamment qu'ils n’avaient pas opéré des investissements importants, n’occupaient pas de personnel et ne louaient pas leurs propres locaux commerciaux.

S’agissant du risque économique de l’entrepreneur, la Chambre de céans constate que les deux chauffeurs recourants n'ont effectivement pas eu à louer des locaux ou à engager du personnel, pour pouvoir développer leur activité. Toutefois, il convient de relever qu'ils ont dû supporter des frais et engager des investissements, tels que notamment l’achat d'un véhicule d'un certain standing (nécessaire pour assurer un service public de qualité), l’entretien et la réparation de leur véhicule (à la différence de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_189/2017 du 19 juin 2017), l’essence, les frais d’installation initiale et de réparation subséquente de l’équipement (art. 10 ch. 3 et 9 CA), les dommages provenant d’un mauvais fonctionnement dudit équipement (art. 5 ch. 1 CA), les risques liés à l’encaissement et au ducroire, la contribution mensuelle en faveur de la centrale qui était due qu’ils utilisent ou non les services de la recourante (art. 8 ch. 5 CA), auxquels s'ajoutaient le paiement de la taxe unique de CHF 40'000.- pour l’obtention du permis de service public, les divers émoluments, le paiement de la TVA, ainsi que les frais fixes et récurrents inhérents aux assurances privées qu'ils devaient souscrire, notamment en matière de perte de gain, d'assurance-accidents, de responsabilité civile, voire de prévoyance professionnelle (facultative LPP ou prévoyance libre).

Si le cumul de ces frais et investissements peut certes paraître négligeable pour une grande entreprise, il n'en demeure pas moins que pour une personne seule, et compte tenu en particulier du marché genevois, il s'agit de montants pour le moins conséquents qu'un chauffeur de taxi indépendant doit pouvoir assumer. Partant, en l’absence de clients, les deux chauffeurs recourants supportaient un risque d’entrepreneur non négligeable.

Dans l'appréciation de l'ensemble des circonstances particulières du cas, le critère du risque économique doit donc être relativisé, mais de façon différenciée en fonction de la taille de l'entreprise.

Au sujet de la taxe unique de CHF 40'000.-, il y a lieu d'observer que contrairement à ce que soutient l'intimée (duplique du 13 octobre 2017 p. 2), cette taxe ne se rapporte pas au droit d'utilisation accrue du domaine public, mais au contraire, selon l'art. 21 al. 4 aLTaxis, le permis de service public est délivré contre paiement d'une taxe unique affectée à un fonds constitué aux fins d'améliorer les conditions sociales de la profession de chauffeur de taxi et de réguler le nombre de permis. Concrètement, ce fonds était destiné dans un premier temps à inciter les titulaires d'autorisation notamment proches de la retraite à cesser leur activité, pour permettre la rotation des permis de service public; le montant compensatoire qu'ils recevaient au dépôt de leur permis de stationnement avait pour but d'améliorer leur prévoyance vieillesse. Certes si cette somme est restituée aux chauffeurs au moment où il cesse leur activité, lors de la restitution des plaques, il n'en demeure pas moins qu'il s'git là d'un investissement obligatoire de celui qui veut se lancer dans une activité de chauffeur indépendant, et doit être financée; il s'agit donc d'un investissement d'une importance non négligeable pour une personne seule, venant s'ajouter aux autres frais et investissements nécessaires.

21.    Sur le plan économique, l’intimée a retenu que les éléments pour une activité dépendante étaient prédominants.

Il convient déjà de relever que les chauffeurs recourants ne percevaient de la part de la centrale aucune rémunération convenue et qu’en cas notamment de maladie, d'accident, de vacances, d'obligations militaires, ils n'étaient pas rémunérés (art. 8 ch. 5 CA), à l'inverse de ce qui est usuel dans le cadre d'un contrat de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_364/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1). En effet, le fait que les deux chauffeurs recourants ne bénéficiaient d'aucun revenu formellement garanti est un des éléments typiques du statut d'indépendant, lié au risque financier de l'entrepreneur. Qui plus est, dans la mesure où le CA ne contenait ni garantie quant au nombre minimal de courses transmises mensuellement aux chauffeurs recourants (à l’instar de l’arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud AA/7/17 – 71/2018 du 14 juin 2018), ni salaire convenu, ces derniers ne pouvaient pas, contrairement aux droits des employés découlant du code des obligations, mettre en demeure la recourante [cf. art. 324 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220)]. De surcroît, même si en raison du paiement de la taxe mensuelle de CHF 702.60, la collaboration entre les deux chauffeurs recourants et la centrale tendait à être régulière, elle n'était cependant pas exclusive et on ne saurait voir un lien de dépendance économique dans le fait que près de 50% des revenus des chauffeurs abonnés à la recourante provenaient des courses transmises par cette dernière. Celle-ci ne constituait en effet qu'une source de revenu parmi d'autres puisqu'il n'est pas contesté que les chauffeurs étaient libres de véhiculer leur propre clientèle ainsi que de prendre en charge des clients directement à une station ou lorsqu'ils circulaient à vide. Enfin, et surtout, l’'instruction mise en œuvre par la Chambre de céans a permis de confirmer que les chauffeurs abonnés à la recourante conservaient l'intégralité des recettes - sur lesquelles cette dernière n’avait aucun contrôle - qu’ils supportaient les risques d'encaissement et de ducroire (à la différence de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_571/2017 du 9 novembre 2017 et de l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_357/2014 du 17 juin 2014) et qu’ils tenaient leur propre comptabilité (procès-verbal de comparution personnelle des parties du 4 décembre 2017, procès-verbal d’audition de M. E______ et de M. F______ du 10 avril 2018).

Les chauffeurs recourants se sont certes engagés à ne pas s'affilier à une autre centrale ou à tout autre système de diffusion de courses qui ne serait pas autorisé par la recourante à quelque titre que ce soit, ainsi qu’à ne pas travailler, même à titre accessoire, sur un taxi non enregistré auprès d'elle (art. 7 ch. 10 CA). Cela étant, on ne saurait voir dans cette clause l'indice d'un éventuel lien de dépendance économique puisqu'il est établi que les deux chauffeurs recourants demeuraient libres d’exercer leur activité de chauffeur de taxi sans passer par la centrale et partant, de se constituer leur propre clientèle, ce qui constitue un indice sérieux de l’indépendance économique existant entre les chauffeurs et la recourante. Cette clause était un rappel de l'obligation de fidélité qui s'impose à tout mandataire (cf. art. 398 CO) et n'avait pas d’autre but que de permettre à la recourante de garantir un service public efficace 24 heures sur 24 tous les jours de l’année, comme l'exigeait d'elle la législation cantonale (art. 13 al. 1 let. h aLTaxis précisé par l'art. 8 al. 4 aRTaxis – voir ci-après pour le détail).

L’ensemble de ces éléments démontre l’indépendance économique qui existait entre les deux chauffeurs recourants et la recourante. En effet, en cas de résiliation du CA par la recourante, les deux chauffeurs recourants ne se seraient pas retrouvés dans la situation de salariés qui perdent leur emploi.

22.    Sur le plan organisationnel, l'intimée a retenu notamment que la recourante avait le droit de donner des instructions aux chauffeurs recourants et de leur appliquer des sanctions.

La chambre de céans constate que les documents contractuels n’exigeaient pas des chauffeurs qu'ils se tiennent à disposition de la centrale et qu’ils fournissent une prestation de travail. En effet, ils ne fixaient aucun horaire de travail, ni de nombre d’heures minimales à effectuer, de sorte que les deux chauffeurs recourants organisaient librement leur travail (à l’instar de l’arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud AA 7/17 -71/2018 du 14 juin 2018). Ce fait a été confirmé notamment par M. F______ (procès-verbal d’audition du 10 avril 2018). Les deux chauffeurs recourants déterminaient par conséquent de manière indépendante l'étendue de leur activité, sans que la recourante ne leur impose un quelconque devoir de présence. Par conséquent, ils bénéficiaient d’une liberté d’organisation temporelle illimitée, à l’instar de tout indépendant.

Par ailleurs, il apparaît que la centrale a effectivement émis un certain nombre d’instructions à l’attention des chauffeurs abonnés. Ainsi, la recourante mettait à la disposition des chauffeurs abonnés un ensemble de matériel informatique et de radio transmission ainsi qu’un appareil de cartes de crédit obligatoire par plaques (art. 4 ch. 2 CA) et les deux chauffeurs recourants devaient respecter "scrupuleusement" les dispositions énoncées dans les documents contractuels, et tout particulièrement celles qui fixaient les modalités de la distribution des commandes de courses aux taxis (art. 7 ch. 8 CA). Ils devaient utiliser l'équipement embarqué conformément aux dispositions du règlement (art. 7 ch. 1 CA) et faire procéder à tous les aménagements techniques de leur taxi destinés à garantir le bon fonctionnement de la centrale ainsi qu'à assurer la distribution optimale des commandes de courses (art. 7 ch. 2 CA). Toute installation, réparation ou modification de l'équipement embarqué devait obligatoirement être effectuée par une entreprise agréée par la recourante. La réparation ou la modification de l'équipement mobile non préalablement autorisée par la recourante ou effectuée par une entreprise non agréée par celle-ci, pouvait entraîner la résiliation immédiate du CA et les autres sanctions disciplinaires étaient réservées (art. 10 ch. 5 et 6 CA). Par ailleurs, les chauffeurs devaient allumer l'équipement embarqué dès le début de leur service et le laisser impérativement en fonction jusqu'au terme de leur service journalier (art. 7 ch. 3 CA). En outre, ils étaient tenus d’exécuter chaque commande de course immédiatement, personnellement et avec ponctualité. En cas d'empêchement, ils devaient avertir le standard sans délai en précisant la raison (art. 3 ch. 2 règlement). En cas d'ordre de course non exécuté ou de tout autre incident en relation avec la course, le ou la standardiste dressait, sans autre commentaire, un rapport à l'intention de la direction, qui appliquait la sanction prévue dans le barème des suspensions (art. 4 ch. 1 règlement). Les chauffeurs ne pouvaient pas mettre simultanément en service plus d'un seul taxi susceptible de bénéficier des prestations fournies par la recourante (art. 6 ch.1 CA). Ils pouvaient exploiter seuls leur taxi ou le faire en s'assurant les services de plusieurs collaborateurs (art. 6 al. 2 CA), mais les chauffeurs devaient communiquer spontanément et sans délai à la centrale toutes les informations utiles concernant les changements relatifs à l'exploitation de leur taxi, en particulier les coordonnées des collaborateurs, les engagements et licenciements (art. 7 ch. 5 CA).

S’agissant des instructions précitées, la chambre de céans rappellera que la législation cantonale imposait à toute centrale de démontrer qu’elle disposait de l’infrastructure suffisante et des moyens techniques adéquats pour gérer le trafic des taxis qui lui étaient affiliés, ainsi que pour recevoir et leur transmettre des ordres de course (art. 13 al. 1 let. g aLTaxis), qu’elle garantissait un service 24 heures sur 24 tous les jours de l’année et elle devait s’assurer qu’un nombre suffisant de véhicules était à disposition du public durant la nuit, les samedi et les jours fériés (art. 13 al. 1 let. h aLTaxis). A cet égard, la centrale devait fournir un dossier technique pour déterminer si elle disposait de l’infrastructure suffisante et des moyens techniques adéquats au sens de l’art. 13 al. 1 let. g aLTaxis (art. 8 al. 3 aRTaxis). Elle devait également justifier qu’elle remplissait la condition de l’art. 13 al. 1 let. h de la loi en démontrant que, par son organisation, elle garantissait au public une activité des taxis qui lui étaient affiliés durant toutes les plages horaires. Elle devait notamment prouver être en mesure d’imposer à ses affiliés, selon des critères objectifs tels que l’ancienneté, l’obligation de travailler durant certaines périodes horaires (art. 8 al. 4 aRTaxis). Enfin, la centrale devait produire le modèle de son contrat d’affiliation et ses règlements internes qui devaient recevoir l’agrément du service (art. 8 al. 5 aRTaxis).

Au vu des dispositions cantonales précitées, force est d’admettre que les instructions détaillées émises par la recourante n’avaient pas d’autre but que de lui permettre de se conformer à ses obligations légales et de démontrer qu’elle disposait des moyens nécessaires pour imposer aux chauffeurs affiliés une organisation et un fonctionnement propres à garantir un service public de qualité. Ainsi, l’obligation faite aux chauffeurs de garder l’équipement embarqué allumé pendant toute la durée de leur service était un moyen pour la recourante de s’assurer qu’elle disposait d’un nombre de véhicules suffisant durant toutes les plages horaires (cf. art. 8 al. 4 aRTaxis).

L’ensemble des directives figurant dans les documents contractuels s'inscrivaient ainsi dans le but de garantir aux clients un service pleinement satisfaisant : par exemple, les chauffeurs étaient tenus d’accepter toutes les cartes de crédit en circulation y compris les cartes magnétiques émises par la centrale, aucune surtaxe (commission) ne pouvant être rajoutée par les chauffeurs; si le terminal fourni par celle-ci était en panne, ils devaient obligatoirement contacter la société (art. 7 ch. 9 CA) et en cas de refus, des sanctions étaient appliquées (art. 3 ch. 1 du contrat de mise à disposition d’un terminal). L’indication de l’acception des cartes de crédit et la publicité C______ devaient être visibles sur la vitre latérale arrière droite du véhicule (art. 1 ch. 3 du contrat de mise à disposition d’un terminal). Par ailleurs, les chauffeurs devaient se conformer aux instructions figurant dans le règlement concernant notamment la manière dont ils devaient utiliser les installations informatiques embarquées (art. 3 règlement) et la radiophonie (art. 8 règlement). Les appareils susceptibles de perturber les installations informatiques de la centrale étaient strictement interdits sans autorisation expresse, écrite et préalable de la centrale (art. 1 ch. 3 règlement). En outre, ils devaient déposer sans délai les objets trouvés dans leur taxi au bureau des objets trouvés ou dans n’importe quel poste de police et devaient en informer la centrale, en dehors des heures de pointe. En aucun cas, ils ne devaient déposer les objets à la centrale, ni les conserver dans leur véhicule ou chez eux en attendant une éventuelle recherche (art. 7 règlement). Par ailleurs, les chauffeurs étaient tenus de remplir de manière claire et véridique les différents formulaires nécessaires au bon fonctionnement de la centrale et de remettre une photo-portrait pour leur dossier interne mais qui pouvait, si nécessaire, aussi figurer sur tout support que le conseil d'administration aurait décidé, ce à quoi ils avaient consenti expressément (art. 7 ch. 11 CA).

23.    Par ailleurs, la loi imposant aux chauffeurs de taxis d’afficher à la vue des passagers notamment le numéro d’appel de la centrale d’ordre des courses (art. 34 al. 3 aLTaxis) et les centrales étant tenues de disposer d'un service d'appel général permettant aux clients d'obtenir après la course des prestations de recherches d'objets perdus ou d'émettre des réclamations (cf. art. 13 al. 1 let. j aLTaxis), il se justifiait que la recourante exige des chauffeurs que les véhicules en service arborent des signes distinctifs visibles de l'extérieur dont la forme et l'emplacement étaient décidés par le conseil d'administration de la recourante, celle-ci pouvant interdire tout signe dont la nature, l'emplacement ou les dimensions étaient contraires à son image (art. 7 ch. 6 CA).

En outre, le fait que les chauffeurs recourants étaient tenus d’utiliser exclusivement des quittances fournies par la centrale (art. 7 ch. 7 CA) était une directive imposée par la législation. En effet, les chauffeurs devaient remettre d'office à leur client, chaque fois qu'ils encaissaient le prix d'une course, une quittance comportant, outre le prix, le numéro d'immatriculation du véhicule, l'adresse et le numéro d'appel téléphonique de la centrale ou de l'entreprise à laquelle le véhicule appartenait (art. 34 al. 4 aLTAXIS).

S’agissant des sanctions, il résulte des pièces versées à la procédure que si les chauffeurs contrevenaient aux dispositions contractuelles, ou si leurs agissements étaient contraires au bon fonctionnement de la centrale, celle-ci avait le droit de suspendre la distribution des commandes de courses à leur taxi et les autres sanctions disciplinaires étaient réservées. En cas de récidive, la centrale pouvait résilier leur contrat, avec un préavis de trente jours, pour n’importe quelle échéance et en cas de violation particulièrement grave, la résiliation avait un effet immédiat (art. 11 ch. 3 CA). Par leur signature, les deux chauffeurs avaient déclaré par avance se soumettre au barème des suspensions et aux décisions disciplinaires qui pourraient être prises à leur égard (art. 7 ch. 8 CA). En outre, en cas d’infractions au règlement, celles-ci étaient soumises à l’examen et à la décision du chef de la centrale et de la direction. Les mesures adéquates de suspensions, en cas notamment de faux codages, de demandes de liaisons abusives, de refus de courses, de commandes non répondues et de fausses courses fictives, pouvaient être prises à l’encontre des deux chauffeurs et les infractions graves ou répétées pouvaient mener à la résiliation du CA (art. 9 règlement). Les suspensions allaient de un jour (par exemple, si le conducteur ne lisait pas correctement les messages de la centrale ou acceptait une commande et la passait verbalement à un collègue), deux jours de suspension (par exemple, si le conducteur arrivait trop tard chez le client, ou s’il n’exécutait pas une commande acceptée, ou s’il ne chargeait pas le bon client affilié à la réservation ou ne demandait pas son nom), trois jours de suspension (par exemple, si le conducteur déclenchait son terminal sans exécuter une commande reçue ou s’il effectuait des courses sans enclencher le taximètre (courses à forfait), ou s’il refusait le paiement par carte lorsqu’il avait l’appareil ou s’il roulait au mauvais tarif), une semaine de suspension (par exemple, si le conducteur travaillait sans mettre en route son terminal FMS ou se bagarrait avec un collègue sur la voie publique ou donnait son code à un autre chauffeur ou à un chauffeur inconnu de la centrale). Il était indiqué notamment qu’à chaque récidive, la durée de la suspension était doublée et l’exclusion restait réservée en cas de répétition systématique des plaintes. En cas de doute, la diffusion des commandes était suspendue jusqu’à l’évaluation du cas par les responsables de la centrale. Une suspension ne donnait aucun droit à une réduction du montant de la cotisation. Enfin, le chauffeur pouvait en tout temps venir s’expliquer à la centrale s’il estimait que la sanction n’était pas justifiée (cf. barème de suspensions, pièce 5 dossier C______ produit par l'intimée).

24.    La Chambre de céans constate que la plupart des comportements pouvant entraîner des sanctions résultaient des obligations légales et réglementaires auxquelles était soumis l’ensemble des chauffeurs de taxis, qu’ils soient affiliés ou non à la recourante. On rappellera en effet que les chauffeurs de taxis disposant d'un droit d'usage accru du domaine public avaient pour obligations des tâches de service public telle que l’obligation d’accepter toutes les courses, quel que soit le lieu de prise en charge ou de destination dans le canton (art. 39 al. 1 aLtaxis et 47 al. 1 aRTaxis). L’ensemble des chauffeurs avait notamment des obligations portant sur leur comportement tant à l’égard des clients, du public, des collègues et des autorités (art. 34 al. 1 aLTaxis et art. 45 aRTaxis), sur les informations à transmettre aux passagers (art. 46 aRTaxis), sur l'interdiction de refuser une course, sauf motifs exceptionnels (art.47 aRTaxis), sur les objets perdus, sur le paiement, sur le prix à forfait ou sur les quittances (art. 48 à 54 aRTaxis). En outre, les chauffeurs recourants ne pouvaient pas établir de manière autonome leurs tarifs, dès lors que tous les abonnés d’une même centrale d’ordres de courses devaient pratiquer le même tarif (art. 42 al. 5 aLTaxis).

Par ailleurs, selon les explications fournies par la recourante, la sanction d’une semaine de suspension n’avait jamais été appliquée, mais des sanctions avaient pu être infligées sur réclamation des clients (procès-verbal de comparution personnelle des parties du 4 décembre 2017). On relèvera que si les documents contractuels prévoyaient certes qu'en cas de refus de course proposée par la recourante, un rapport était dressé et la direction appliquait la sanction prévue dans le barème des suspensions (art. 4 ch. 1 règlement), il n'en demeure pas moins que selon les déclarations de la recourante (procès-verbal précité), aucune sanction n'avait été prise à l'encontre d'un chauffeur pour ce motif. A cet égard, M. F______ a confirmé n’avoir aucune obligation d’accepter une course proposée (procès-verbal d’audition du 10 avril 2018).

La chambre de céans est d’avis que la mention de l’application éventuelle de sanctions dans les documents contractuels avait également pour but de permettre à la recourante de se conformer à ses obligations légales et de démontrer qu’elle disposait des moyens nécessaires pour imposer aux chauffeurs affiliés une organisation et un fonctionnement propres à garantir un service de transport public de qualité, efficace et bien organisé, et ce dans l’intérêt non seulement de la recourante, mais également de l’ensemble des chauffeurs abonnés et des clients.

L'ensemble de ces éléments atteste ainsi l'existence d'une indépendance organisationnelle entre les chauffeurs recourants et la centrale.

25.    La chambre de céans relèvera encore que les parties ne pouvaient certes pas, en tout temps, mettre un terme au contrat qui les unissait, à l'inverse de ce qui est usuel dans le cadre d'un contrat de mandat (art. 404 al. 1 CO). En effet, le CA était conclu pour une durée d'une année, prolongeable tacitement de trois mois en trois mois, et il pouvait être résilié, par lettre recommandée et avec un préavis de trente jours pour la fin d'un trimestre (art. 11 ch. 1 CA). Par ailleurs, une période d'essai d'une année était imposée par la centrale, pendant laquelle celle-ci pouvait résilier le CA en cas notamment de plaintes répétées et écrites de la clientèle (art. 11 ch. 7 CA). En outre, en cas d’empêchement pour cause de maladie ou d’accident de plus de trois mois, la recourante avait la possibilité de libérer les deux chauffeurs recourants de leur obligation de payer le forfait mensuel, mais uniquement sur la base d’un certificat médical établi par un médecin qu’elle avait elle-même agréé (art. 8 ch. 6 CA). Cela étant, ces éléments ne sont pas suffisants pour admettre que les deux chauffeurs recourants étaient des salariés de la centrale. On rappellera en effet que la recourante devait, conformément aux dispositions légales cantonales, démontrer – en produisant le CA et son règlement interne - qu'elle disposait des moyens nécessaires pour garantir un service public de qualité (art. 8 al. 4 et 5 aRTaxis).

26.    L’intimée a également retenu que vis-à-vis des clients, les chauffeurs apparaissaient comme agissant pour le compte de la recourante.

Les véhicules des chauffeurs recourants devaient effectivement arborer le nom de la centrale, de sorte que leur véhicule pouvait laisser penser, - aux yeux des clients qui contactaient la recourante -, à l'appartenance à une flotte liée à la centrale d'appel. En outre, les clients recevaient une quittance comportant le nom et l’adresse des chauffeurs, mais également le nom et les coordonnées de la recourante. Aussi, les clients pouvaient-ils penser qu’ils ne faisaient pas affaire avec les chauffeurs, mais avec la centrale, auprès de laquelle se faisait également toute réclamation ou plainte. Cela étant, au vu des circonstances concrètes du cas d'espèce, cet élément n’est pas non plus déterminant pour retenir que les deux chauffeurs auraient un statut de dépendants dans le cadre de leur relation avec la centrale. En effet, ces indications obligatoires dépendaient de celles imposées par la loi à la centrale d'appel d'une part, et aux chauffeurs d'autre part (art. 13 al. 1 let. j et art. 34 al. 3 aLTaxis).

27.    La chambre de céans ajoutera encore qu’aux indices sérieux attestant l’existence d’une indépendance économique et organisationnelle, s’ajoute également le fait que la centrale n'avait aucun contrôle – et ne pouvait en avoir - sur les recettes mensuelles obtenues par les chauffeurs grâce aux courses qu'elle leur transmettait. Par conséquent, si le statut de dépendant était retenu, la recourante serait dans l'impossibilité de déterminer le montant des cotisations qu'elle-même et les chauffeurs devraient verser aux assurances sociales. Qui plus est, si les deux chauffeurs recourants exploitaient certes seuls leur taxi, il n'en demeure pas moins que le CA leur permettait, à certaines conditions, de s'assurer les services d'un ou de plusieurs collaborateurs (art. 6 ch. 2 CA). Cette disposition n'est au demeurant que la concrétisation de ce que la loi prévoyait. Or, retenir le statut de dépendant au regard de la LAVS signifierait que les chauffeurs abonnés à la recourante, au bénéfice d’une autorisation d’exploiter un taxi de service public en qualité d’indépendant, ne pouvaient pas engager d’employés, alors que la législation leur donnait cette possibilité (cf. art. 11 al. 3 et 40 al. 1 aLTaxis).

On rappellera à cet égard qu'il ressort des faits de la cause et de l'instruction des recours que la situation des recourants doit être distinguée sur le plan temporel : en effet, le litige concernant M. A______ et C______ est circonscrit à la période du 1er août au 31 octobre 2016, suite à la résiliation de son CA pour cette dernière date; la SUVA a estimé qu'il exerçait une activité indépendante à compter du 1er novembre 2016. En revanche, M. B______ a débuté son activité en tant que chauffeur de taxi abonné à la centrale dans le courant du mois de novembre 2016, et il y est toujours abonné.

Il est par ailleurs constant qu'est seul litigieux le revenu déterminant des deux recourants provenant des courses obtenues via la centrale d'ordres de course recourante, l'intimée ne contestant pas que les recourants sont indépendants en regard de l'AVS et de l'assurance-accidents pour les courses obtenues par d'autres sources, soit notamment lorsqu'ils sont hélés par un client sur la voie publique, lors des prises en charge aux stations de taxis, ou lorsqu'ils reçoivent une commande par leur clientèle privée, l'intimée rappelant que les acteurs économiques peuvent fort bien avoir un statut de dépendant pour une partie de leur activité, et un statut d'indépendant pour une activité accessoire.

Or, si l'on devait suivre la thèse de l'intimée, on aboutirait à des résultats et à des conséquences qu'aucun motif pertinent ne justifie, comme on va le voir.

28.    Questionné par la chambre de céans en comparution personnelle, le représentant de l'intimée a tout d'abord affirmé (M. G______, procès-verbal de comparution personnelle du 4 décembre 2017 p. 4) : "Sur question de la chambre de céans, il n’existe à ma connaissance pas d’employeur affilié à C______, puisque précisément, notre démarche tend à affilier à l’assurance obligatoire toutes les personnes affiliées à cette centrale d’appel, que nous considérons donc comme dépendantes de la centrale au sens de la loi sur l’assurance-accidents et l’AVS. C’est la position que nous défendons dans ce dossier, et je réserve la position de la SUVA pour les situations qui présenteraient d’autres caractéristiques que celles de ce dossier. Il m’est demandé quel statut aurait le chauffeur de taxi qui emploierait des chauffeurs à titre d’employés." Le président de la centrale recourante lui ayant alors fait observer qu'à ce jour septante abonnés sont employeurs, le représentant de l'intimée a ajouté : " En réservant toute position formelle de la SUVA, en bonne cohérence, toute personne qui est abonnée à C______ doit être considérée comme dépendante de cette société, s’agissant des courses proposées par la centrale téléphonique. Je considère qu’il n’est pas le lieu de prendre position, par rapport à ce dossier, de savoir comment serait classifié le recourant s’il engageait un employé, comme il l’a expliqué tout à l’heure. Je ne peux que persister dans la position exprimée ci-dessus par rapport à toute personne abonnée à C______, en relation avec la rémunération issue des courses proposées par la centrale." Ainsi sur la question de savoir comment elle apprécierait la situation d'un des chauffeurs recourants s'il engageait un employé - ce que la loi lui permet de faire, moyennant une demande d'autorisation auprès du service concerné (art. 37 al. 2 aLTaxis), l'intimée n'a pas su répondre, considérant que cette hypothèse n'émargeait pas à la question litigieuse.

La question est au contraire pertinente, dès lors que nul ne songerait à remettre en cause le statut d'indépendant du titulaire d'une autorisation d'exploiter une entreprise de taxis ayant des employés à son service. C'est précisément, comme il l'a déclaré en comparution personnelle, ce que projetait M. B______ : il a en effet expliqué, entendu devant la chambre de céans le 4 décembre 2017 : " ... j’ai toujours envisagé la profession de chauffeur de taxi en me projetant. Lorsque j’ai décidé de changer de profession il y a dix ans (j’étais responsable d’un magasin), je souhaitais organiser ma vie professionnelle avec plus de liberté, et c’est dans ce contexte que, sur la suggestion d’un ami, je me suis lancé dans cette activité. J’avais planifié diverses choses, notamment souscrit à un troisième pilier, dont j’avais prévu de pouvoir disposer au moment où je pourrais disposer (…) de mes plaques professionnelles, et donc de mon statut indépendant. Dans ce contexte, j’avais d’ailleurs prévu d’engager l’un de mes amis comme employé, lequel avait entre-temps et sur mes conseils passé son permis de taxi, mais je n’ai jamais pu le réaliser, jusqu’ici, en raison du fait que la CNA a refusé jusqu’ici de me reconnaître mon statut d’indépendant. A ce titre, je n’ai pas pu retirer mon troisième pilier de la Generali, je n’ai ainsi notamment pas pu acquérir le véhicule d’aussi haut de gamme que celui que j’avais prévu, pour ne prendre que ces exemples."

Or, si M. A______, désormais indépendant dans la seule mesure où il n'est plus affilié à une centrale d'ordres de course, avait décidé d'engager un employé - ce qu'il pourrait d'ailleurs toujours faire sous l'empire de la loi actuelle -, il pouvait sans autre le faire (art. 11 al. 1 dernier § et al. 2 aLTaxis ) moyennant une demande d'autorisation auprès du service compétent (art. 37 al.2 aLTaxis), quitte ensuite à se réabonner à la recourante ou à une autre centrale d'ordres de course, sans que son statut indépendant ne soit alors remis en cause.

29.    S'agissant de la distinction entre le statut d'un chauffeur de taxi, en fonction de l'origine de la course (de dépendant pour le revenu tiré des ordres de courses transmis par la centrale, et d'indépendant pour toutes les deux autres commandes de courses), la chambre de céans considère que cette distinction n'est pas justifiée, en l'espèce :

a. dans les situations où un tel statut mixte est concevable, les activités distinctes sont a priori clairement identifiables entre une activité principale et une activité accessoire, généralement de nature différente, ce qui n'est évidemment pas le cas en l'espèce : on ne saurait en effet raisonnablement distinguer l'activité du chauffeur de taxi en fonction de l'origine des commandes de courses, comme le soutient l'intimée. On pourrait éventuellement concevoir les choses différemment si un chauffeur, en marge de son activité quotidienne de taxi, consacrait, par exemple, une partie de son temps de travail pour assurer le ramassage scolaire pour le compte d'une école. En revanche, imposer en pratique à un chauffeur de taxi de tenir deux comptabilités différentes, pour une même activité, serait exiger de lui une activité administrative disproportionnée autant qu'injustifiée, indépendamment des risques d'erreurs de sa part, sinon d'abus, ce que la loi a précisément voulu résoudre en régulant de façon claire le statut des différents acteurs de ce secteur économique (cf. notamment MGC 2003-2004/VII A 3181, 3193, 3221, 3238 et 3239).

Et d'un autre côté, la centrale d'ordre de courses serait dans l'impossibilité de contrôler ce qu'elle recevrait de la part de ses abonnés. Une fois encore, la centrale d'ordres de courses n'est pas une entreprise de taxis, et n'a, de par la loi, pas le droit d'engager des chauffeurs de taxi à son service ; elle ne dispose d'aucune information concernant le revenu des chauffeurs qui lui sont abonnés, et la destination des courses qu'elle est amenée à leur transmettre ne lui est pas connue.

b. Par ailleurs, quand bien même les chauffeurs de taxi sont tenus de délivrer une quittance pour toutes les courses et d'en conserver une copie (art. 34 al. 4 aLTaxis), il n'en demeure pas moins que les montants concernés ne sont pas déterminables. Dès lors que, conformément à ses obligations légales, le chauffeur de taxi établit une quittance pour chaque course, sur laquelle figurent toutes les mentions légales indispensables, aucun motif sérieux commanderait que l'on attende du chauffeur de taxi (indépendant) qu'il distingue encore les différentes courses qu'il effectue, par des modèles de quittance différents, où figurerait par exemple sur les unes son numéro d'appel privé, et sur les autres le numéro de la centrale d'ordres de courses ou de l'entreprise, en fonction de l'origine de la course (ordre de course par la centrale, prise en charge en station, clientèle privée,…) alors que l'intégralité de son activité consiste dans l'exercice d'un service public, réglementé comme tel, par le législateur cantonal. Si ce système prévoit qu'outre le prix de la course, l'adresse et le numéro de téléphone de la centrale d'ordre de courses à laquelle les chauffeurs sont abonnés et le numéro d'immatriculation du véhicule doivent clairement être indiqués sur la quittance, c'est notamment pour permettre au client de s'adresser facilement à un interlocuteur en cas de nécessité, voire pour des réclamations. Or, le système légal est ainsi conçu pour assurer un service public de qualité, plutôt que pour illustrer une dépendance du chauffeur de taxi à une centrale. En effet, la référence à cette centrale ne concerne pas uniquement les courses commandées auprès de la centrale, mais également celles obtenues par les chauffeurs notamment dans le cas de prise en charge aux stations, ou par hélage sur la voie publique, sinon aussi par rapport à leur clientèle personnelle.

30.    Enfin, on relèvera encore que l’AFC a estimé, sous l’angle de la TVA, que les chauffeurs affiliés à la recourante étaient des personnes indépendantes (courrier du 7 juin 2018). Si cette administration n'a certes pas précisé si sa détermination se fondait sur le CA existant au moment des faits pertinents dans la présente cause ou sur les documents contractuels établis par la recourante après l’entrée en vigueur, le 1er juillet 2017, de la LTVTC, il n’en demeure pas moins qu’il paraît fort probable que le statut d’indépendant valait également au regard de l’ancien CA, et de l'aLTaxis.

Certes, et la jurisprudence l'a relevé dans certaines décisions, la position des autorités fiscales en la matière n'est pas déterminante. Elle n'en demeure pas moins un indice à prendre en compte dans l'examen de l'ensemble des circonstances. Cet élément permet aussi de prendre la mesure de l'imbroglio administratif dans lequel se retrouveraient les recourants, si l'on devait suivre la thèse de l'intimée.

31.    Il résulte donc de ce qui précède, qu'après examen de l'ensemble des circonstances particulières du cas, et des critères examinés pour déterminer si l'activité des recourants doit être qualifiée de dépendante ou d'indépendante au sens de l'AVS, la chambre de céans estime que si ces critères, pris individuellement, ne sont, selon la jurisprudence, pas en eux-mêmes déterminants, l'ensemble permet néanmoins de conclure qu'en l'occurrence l'activité des recourants doit être qualifiée d'indépendante à l'égard de C______. Les éléments examinés sont en effet suffisants pour retenir que les deux chauffeurs recourants traitaient sur un pied d’égalité avec la centrale, comme le feraient deux entreprises qui entretiennent des liens commerciaux.

32.    Les recours, bien fondés, seront ainsi admis et les décisions litigieuses annulées.

33.    Représentés par un mandataire, les recourants, qui obtiennent gain de cause, ont droit à une indemnité à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA ; art. 89 H de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]). L'indemnité allouée à chacun des recourants, qui sont représentés dans le même contexte par le même conseil, est ainsi pondérée comme suit: CHF 1'500.- pour M. A______; CHF 2'500.- pour M. B______ et CHF 4'000.- pour C______ (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 699/04 du 23 janvier 2006 consid. 2.3 et les références citées).

34.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

conformément à l’art. 133 al. 2 LOJ

À la forme :

1.        Déclare les recours recevables.

Au fond :

2.        Les admet et annule les décisions sur opposition de l’intimée du 10 avril 2017, les causes étant retournées à l'intimée pour nouvelles décisions dans le sens des considérants.

3.      Condamne l’intimée à verser aux recourants les indemnités suivantes à titre de dépens:

-          en faveur de M. A______ CHF 1'500.-;

-          en faveur de M. B______ CHF 2'500.-;

-          en faveur de C______ SA CHF 4'000.-.

4.      Dit que la procédure est gratuite.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

La présidente

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le